Publié le 21 Janvier 2012

 

J. Merchant - 4

 Air Force Academy, Colorado, 1972.

 

Officier au sein de l’USAF.

Après avoir accompli ma formation d'officier en 1964, je fus envoyé à Denver dans l’Etat du Colorado, à l'école d'intelligence de l'Air Force Academy (le « West Point » de l'armée de l'air). Durant six mois, j'appris le métier. Nous avions accès à toutes sortes d'informations classifiées, y compris des photos satellites et des U2 des bases soviétiques, qu’ils aient été à Cuba ou au Vietnam. On me forma à l'intelligence photo aérienne et pendant six mois, je suivis de très près et jour après jour ce qui se passait dans le monde. Nous avions appris beaucoup de choses, même jusqu'à préparer une attaque par bombe d'une cible ennemie. Lorsque je terminai cette formation, je fus envoyé à la Reconnaissance Technical Squadron en Californie du sud. Quant à mes camarades de formation, ils furent mutés à droite et à gauche à des postes d'Intelligence humaine ou électronique.

Ma première mission en tant qu'officier était celle de Chef du Centre d'intelligence de cible (Chief of the Target Intelligence Center), un lieu regroupant des cartes classées secrètes indiquant des lieux à bombarder, et produites par cette organisation.

J'avais, durant cette époque, un petit peu de temps libre, alors je m’inscris dans un programme de Master à l'Université de Californie à Riverside, et obtins peu de temps après mon Master en science politique/relations internationales. C'était aussi à cette époque que naquit notre deuxième fille, Stéphanie. Peu de temps après sa naissance, je reçus les ordres de partir au Vietnam, en septembre 1966. Je fus placé pendant un an à Saigon où j'étais nommé Assistant Branch Chief of Escape and Evasion. J'avais trois soldats sous mes ordres et ils étaient censés obtenir des informations sur le terrain, la géographie, etc. afin qu'on produise ensuite des carnets pour les pilotes au cas où ils seraient abattus et en fuite après s'être éjectés de leurs avions. Les carnets leur indiquaient des endroits "sûrs" et quelles routes prendre pour éviter d'être capturés ou tués par les Vietnamiens du nord, les Bodois du Viêt-Cong.

Mon autre travail consistait à éditer et publier un journal hebdomadaire de 50 pages environ de tous les événements liés aux activités aériennes et d'intelligence, à travers tout l'Asie du sud-est. Des quantités d'informations classifiées arrivaient sur mon bureau tous les jours. Je les triais, les éditais, ajoutais des photos ; puis publiait le journal et le distribuait ensuite à toutes les unités militaires américaines du monde. Le journal avait comme nom WAIS (Weekly Air Intelligence Survey), et était classifié Secret NOFORN.

Pendant mon séjour au Vietnam, mes possibilités pour voyager étaient très limitées étant donné l'information à laquelle j'avais accès. Je ne pouvais voyager que par avion (et pas par hélicoptère). En somme, j'étais plus ou mois astreint à rester à Saigon. Cependant, je fus à une seule reprise détaché de ces restrictions, et on m'envoya en Thaïlande pour y rédiger un texte classifié. Ainsi, je pus passer deux jours à Bangkok et profiter de cette ville. Ce fut merveilleux car Saigon était vraiment une ville en zone de combat avec une atmosphère de tension extrême. Après ces deux journées, on me dépêcha dans le nord de la Thaïlande sur la base de Korat où étaient stationnés les Wild Weasels (http://www.wildweasels.org/) pour y passer quelques jours. Les Wild Weasels étaient ceux qui volaient au-dessus du nord du Vietnam à la recherche des radars Fan Song qui contrôlaient les missiles SAMS (missiles terre-air). Leur travail, incroyable, consistait à s'offrir en tant que cible aux SAMS, pour ensuite bombarder le radar Fan Song dans le but de détruire l’ensemble du site. C'était une mission très périlleuse et mon rôle était de passer un peu de temps avec eux et écrire leur histoire pour le WAIS. Peu de temps après, je fus renvoyé aux Etats-Unis, et à nouveau affecté à la base de March. Je reçus la médaille de bronze pour ma mission au Vietnam.

A March, je ne repris pas mon emploi d’origine, car je fus nommé Officier de Communication pour le général de la base. C'était un travail extraordinaire, et je fus exposé à davantage d'informations et de sources classifiées. Nous étions en 1967-68 et je communiquai au général, mon supérieur, des éléments à propos de la « révolution en France et de la disparition du général de Gaulle ». Nous savions qu'il était en Allemagne avec les forces militaires. Ce fut aussi l'époque de la révolution Tchécoslovaque contre l'Union soviétique qui écrasa si brutalement le soulèvement. Ce qui était le plus intéressant pour moi fut mon accès à toutes les photos des satellites et des avions, toute l'intelligence, et tous les rapports et analyses de la CIA (Central Intelligence Agency). Mon travail consistait à transmettre l'ensemble des ces informations au général.

 

A la United Air Force Academy.

Ma mission à la March Air Force Base se termina à la fin de 1968, date à laquelle je fus sélectionné pour enseigner à l'United States Air Force Academy au Colorado. J'étais donc professeur assistant d'Histoire, et je me spécialisai dans l'Histoire européenne. Cela ne m’empêcha pas d’enseigner deux autres cours : « Histoire des révolutions" et "La Guerre froide". C'était un moment difficile car on attendait de nous non seulement un service d'enseignement complet mais la prise en charge de nombreuses autres responsabilités. En conséquence, je devins l'Officier exécutif et personnel du Département des 33 professeurs et 5 secrétaires. Mes tâches consistaient à gérer le département au quotidien et partir à la recherche de nouveaux enseignants. Je m’inscris aussi dans l'Ecole doctorale de l'Université de Denver en vue d'obtenir mon doctorat, et j'y allais donc plusieurs fois par semaine pour assister aux séminaires (à une heure de voiture de l'Air Force Academy). Ce fut difficile, mais « rentable » si je puis écrire, car je décrochai mon doctorat. Ma recherche et ma thèse portaient sur Napoléon Bonaparte : « Evolution et opérations de l'administration napoléonienne : Nice 1792-1810 ».

Suite à cela, on me proposa un poste d'enseignant à Cranwall (haut lieu de l’enseignement de la Royal Air Force en Angleterre), et un poste d'Officier des affaires militaires/politiques au quartier général du SHAPE, mais ma femme ne souhaitait ni l'un ni l'autre, alors nous nous contentâmes d'un poste à Sacramento en Californie, à la McClellan Air Force Base. Ce n'était pas très « folichon » comme mission. Sauf à une seule fois : c’était en 1973. Les Soviets menaçaient de s'immiscer au Moyen-Orient et les Etats-Unis mirent toutes les forces armées en alerte. Mon commandant, qui avait lancé plusieurs fois ses avions sur de nombreuses missions, ne connaissait pas les enjeux. Moi seul étais au courant, mais je ne pouvais communiquer ce que je savais qu'au général, même pas à mon propre commandant.

 

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McClellan Air Force Base, Sacramento, Californie.

 

 

Professeur à l’Université de Californie.

 

 

La seule chose positive qui est sortie de cette mission à McClellan Air Force Base c'est qu'elle me confirma dans mon désir de prendre ma retraite de l'armée de l'air.

 

Par la suite, je travaillai tout d'abord pendant sept ans comme fonctionnaire public pour l'Etat de Californie. Je fus ensuite sollicité par l'Université de Californie à Sacramento où on me demanda de prendre un poste de professeur. J'acceptai bien volontiers, et après vingt-et-un ans d'enseignement je pris ma retraite définitive.

 

Mes deux filles, Jennifer et Stéphanie ont bien grandi. Elles sont devenues de véritables francophiles. La plus jeune, Stéphanie, est professeur de français dans un lycée en Californie et a deux enfants, Philippe et Christian. L'aînée, Jennifer, est professeur à l'Université Paris II, avec également deux enfants, Simon et Justine. Ma deuxième femme, Sylnovie, et moi-même avons acheté un appartement à La Rochelle en 2000, et nous y allons tous les ans. Je m’y sens bien. Comme une sorte de retour à mes racines. Je peux aujourd’hui dire que je connais la signification profonde de l'expression l’amour du clocher.

 

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La Rochelle, France, 2011.

 

 

 

NDLR :

Ces articles sur Jack Merchant sont dus également à Jennifer Merchant-Weil – isséenne – que nous remercions vivement pour son aide précieuse et pour la traduction. Professeur d’anglais appliqué aux sciences politiques et administratives à la faculté de Paris Panthéon-Assas, Madame Merchant-Weil est l’épouse de François Weil, directeur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

 

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Publié le 15 Janvier 2012

 

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March Air Force Base, Californie, 1966.

 

 

S’engager dans l’armée.

 

Notre histoire familiale a débuté par des voyages au long cours ! Mon ancêtre français, Jean Marchand, quitta La Rochelle au 17ème siècle pour s'installer dans la « Nouvelle France » au Canada. Puis, l’un de ses descendants quitta le Canada pour s'installer à Rutland, dans le Vermont aux Etats-Unis, là où mon propre père est né et a été élevé. C’est à cette époque que notre nom est changé en « Merchant » par une institutrice de l’école primaire car selon elle « Marchand » sonne trop « étranger ». Plus tard, mon père épousa une jeune irlandaise, Mary Elizabeth Whelan originaire de County, dans le Kilkenny. Je suis né en 1934 à Troy, état de New York. Depuis mon plus tendre souvenir, j'ai toujours voulu voyager, surtout en Europe, et plus particulièrement, en France.

 

A l’âge de 15 ans, j'abandonnai le lycée. A cette époque, les Etats-Unis étaient engagés dans la guerre de Corée, et tous mes camarades et moi-même ne rêvions que d'une chose : nous enrôler dans les forces armées et partir pour nous battre. Nous avions alors tout essayé – l'armée de terre, les "Marines", les forces navales, mais les effectifs étaient déjà au complet. On nous conseilla de nous présenter dans une nouvelle branche des forces armées, les forces aériennes (USAF pour United States Air Force). Nous suivîmes le conseil immédiatement, et nous fumes pris. Je n'avais que 16 ans à l'époque, et bien entendu je mentis sur mon âge – et cela fonctionna !

 

Pendant trois mois, se déroula la formation initiale. Elle avait lieu au nord de l'Etat de New York. Après une longue série d'examens et d'évaluations, on m'indiqua que j'étais mieux fait pour « l'Administration », et on m'envoya à l'Université A&M dans l'Etat d’Oklahoma pour apprendre à devenir secrétaire. Après l'obtention de mon diplôme en 1952, j'eus la chance d'être sélectionné pour partir à Wiesbaden en Allemagne au Quartier Général de l'USAF en Europe. Je fus affecté au Centre de la messagerie et mon travail servait à surveiller la machine à télé-impression qui recevait et envoyait toutes les correspondances classifiées (secrètes) et non-classifiées de et vers toutes nos bases militaires. Mon travail consistait à déterminer quelle agence avait besoin de telle ou telle information afin d'agir en concordance avec le message transmis. En conséquence, j'avais accès à des informations "top secret", ce qui limitait mes déplacements et mes voyages en Europe. Par exemple, je n'avais pas le droit d'aller à Berlin ou dans n'importe quel pays de l'Europe de l'est. La Guerre froide prenait de l'ampleur, et il était tout le temps question d'une éventuelle invasion des troupes de l’Armée Rouge. Je me souviens que j'avais aussi comme tâche de conduire un bus rempli d'Américains qui travaillaient au Quartier général, y compris le Vice-Commandant, le général Bradley (le vainqueur de la bataille de Normandie en 1944), à travers le Rhin vers des lieux plus sûrs à Mainz. C’était une mission de première importance à réussir en cas d’alerte. Dans un but d'entraînement, je recommençai l’exercice à plusieurs reprises. Nous étions vraiment sur le qui-vive à l’idée d’une invasion communiste. Cela n'arriva jamais. Cette mission et le lieu furent réellement intéressants pour le jeune célibataire que j'étais.

 

Mais célibataire, pas pour longtemps ! C’est également à Wiesbaden que je rencontrai ma future femme. Son père était citoyen français (d'origine italienne) et le responsable du Restaurant/Club des officier de l'USAF à Wiesbaden. Avec eux, je pus voyager à Paris et à Cannes. Après quatre ans, je fus envoyé à Albany dans l'Etat de Georgie aux Etats-Unis en tant que Clerc Principal (Chief Clerk) d'une branche de combat stratégique aérien. Malheureusement, ce n'était pas l'Europe. Aussi, dès que la première opportunité se présenta, je me portai volontaire. Ainsi fus-je muté à Paris…

 

A Paris.

 

Paris en 1957 : nul besoin de porter l'uniforme. Je le remplaçai volontiers par des vêtements de ville. D’un côté, je gagnai plus d'argent et l'économie française était en pleine croissance : une vie fantastique, quoi ! Mais d'un autre côté, la révolte hongroise venait d'être brutalement réprimée par l'Union soviétique quelques mois auparavant. La Guerre froide battait son plein et les tensions étaient fortes entre les Etats-Unis et l'Union soviétique. En France, beaucoup de gens avaient peur de la CGT. Le syndicat pouvait changer radicalement la politique dans le pays. De plus, tous les jours aux actualités, on entendait parler des heurts et violences en Algérie. Nous étions, nous militaires américains, censé gardé un œil très attentif sur tous ces événements. Nos supérieurs nous rappelaient systématiquement la manière dont nous devions nous comporter afin de ne pas attirer l'attention sur nous. Cela n'empêcha pas de nombreux citoyens français de nous lancer des cris « US Go Home ! ». Je me souviens des nombreuses alertes, avec des phares puissants scrutant le ciel à la recherche d'avions hostiles prêts à lâcher des bombes à cause des événements en Algérie.

 

En 1958, le général de Gaulle arriva pour former un nouveau gouvernement car la guerre en Algérie risquait de provoquer une guerre civile sur le territoire français entre ceux qui souhaitaient l'indépendance de la colonie et les autres qui voulaient que l'Algérie demeure une partie de la France.

 

Malgré ces événements inquiétants, j'arrivai à mener une vie relativement normale. J'épousai la jeune femme française que je fréquentais en Allemagne, et notre premier enfant naquit à l’hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. C’était une fille, que nous prénommâmes Jennifer. Je commençai également à suivre des cours du soir à l'université.

 

 

A la California Institute of Technology.

 

Après trois ans à Paris, on me proposa une mission d'enseignement à la California Institute of Technology à Pasadena pour les étudiants en ROTC (Reserve Officers Training Corps). Il s'agissait des meilleurs étudiants et futurs ingénieurs et scientifiques du pays, et notre but était de convaincre le plus grand nombre de se vouer à une carrière au sein de l'armée de l'air. Nous n'avions jamais eu beaucoup d'étudiants, par conséquent j'avais pas mal de temps libre, et mon commandant me suggéra de poursuivre mes propres études afin d’obtenir un diplôme. Mission accomplie et deux ans plus tard, j'obtins mon diplôme d’Associate of Arts (l'équivalent de l'ancien DEUG français). A l'époque, l'armée de l'air dispensait des bourses d'étude. En cas de sélection, l'on pouvait poursuivre ses études jusqu'à l'obtention d'une licence et suivre ensuite une formation de trois mois pour devenir officier. Je fus pris, et grâce à mes expériences en Allemagne et en France, mon travail dans le renseignement, je fus sélectionné pour obtenir mon diplôme en relations internationales avec comme objectif de travailler plus tard dans le domaine de l'intelligence militaire.

 

 

NDLR :

Ces articles sur Jack Merchant sont dus également à Jennifer Merchant-Weil – isséenne – que nous remercions vivement pour son aide précieuse et pour la traduction. Professeur d’anglais appliqué aux sciences politiques et administratives à la faculté de Paris Panthéon-Assas, Madame Merchant-Weil est l’épouse de François Weil, directeur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

 

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Publié le 4 Janvier 2012

 

Tombés pour la France

 

 

Le Comité d'Issy-les-Moulineaux du Souvenir Français vous souhaite une très bonne année 2012 et vous présente tous ses meilleurs voeux. Et pour bien la commencer, nous vous proposons l'ouvrage édité par Le Publieur et écrit par la Délégation Générale des Hauts-de-Seine.

 

Il s'agit en 37 chapitres, comme autant de communes dans notre département, de raconter l'histoire des carrés militaires et les destins de certains des hommes et des femmes qui y sont enterrés. De la guerre franco-prussienne à la Grande guerre, en passant par  l'Indochine et l'Algérie, tous les conflits de l'époque moderne sont ainsi visités, et même revisités selon des anecdotes bien souvent mal connues.

 

Pour commander ce livre, il convient d'envoyer un chèque (ordre Souvenir Français) d'un montant de 28 euros (20 euros pour le livre et 8 euros pour les frais de port) au Souvenir Français d'Issy dont l'adresse est la suivante : Souvenir Français - Frédéric RIGNAULT - 10, avenue Bourgain 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX.

 

Merci !

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