La Coloniale et le Régiment mixte du Cambodge.

Publié le 10 Septembre 2009

Naître à Ploudalmézeau.

 

Ploudalmézeau est un village de la côte nord du département du Finistère. Face à l’île Carn, baignée par la mer d’Iroise, entourée d’abers – discrets estuaires ouverts grâce à de petites rivières – la commune est fière de son histoire multimillénaire, de ses marins, de ses légendes. C’est qu’ici, comme dans toute la Bretagne, on ne plaisante pas avec le Rocher du Serpent, le Seigneur aux oreilles de cheval ou encore le Roc’h An Diaoul – Rocher du Diable. Le pays est beau, magique, attachant. La Compagnie des Indes Orientales est proche ; l’épopée des corsaires encore dans les mémoires. Au-delà de cette mer, souvent déchaînée, tout n’est que paysages lointains, aventures incroyables, conquêtes à mener, territoires à découvrir.

 

C’est en ces lieux que Jean-Louis Eozenou naît, au cœur de l’été 1921, le 26 juillet exactement. Peut-être rêve-t-il, lui aussi, d’Orient et d’aventures ? Quoi qu’il en soit, il s’engage dans un bureau de recrutement du département de la Seine dans la « Coloniale » et débarque en Indochine en 1946.

 

Les troupes coloniales.

 

 

Au commencement, c’est-à-dire sous le cardinal Richelieu, il y a les « Compagnies ordinaires de la mer » : des troupes, dépendantes du Ministère de la Marine, chargées de protéger les navires, de combattre lors des abordages. Puis, des missions d’occupation et de « pacification » leur sont confiées dans des territoires qui deviennent des colonies. De « Marine », ces compagnies se transforment peut à peu en unités terrestres.

 

A la fin du XIXème siècle, plusieurs régiments sont créés. Rapidement un distinguo est fait entre les Troupes d’Afrique (tirailleurs sénégalais, algériens, marocains, zouaves, chasseurs d’Afrique…) et les autres troupes coloniales (tirailleurs annamites, malgaches…). Mais les bases sont les mêmes : les soldats sont recrutés localement (forcés dans certaines régions) et les effectifs sont complétés par de jeunes gens de la Métropole. Cette constitution permet une vraie intégration au cœur des pays concernés, ne serait-ce que pour des questions de langues, de connaissance du terrain et des coutumes. Les officiers sont généralement européens ; il n’en pas de même des sous-officiers : les archives et documents abondent et montrent souvent des brigadiers, caporaux, sergents (…) issus des populations locales.

 

En 1900 ces troupes, qui forment une armée au même titre que l’Armée de Terre ou la Marine, passent sous l’autorité du Ministère de la Guerre. Alors, ces soldats, qui se faisaient appelés « Marsouins » ou encore « Bigors » deviennent la Troupe coloniale, donc des « coloniaux ». De nouvelles unités sont conçues tels les Goum ou les Spahis marocains, ou encore des régiments mixtes (qui portent bien leur nom) pour les territoires colonisés. Il devient évident que pour des troubles extérieurs à la nation, ces troupes sont envoyées en priorité. C’est ainsi le cas des Zouaves dans le cadre de la révolte des Boxers en Chine, en 1901.

 

Bien entendu, pendant la Première puis la Seconde Guerre mondiale, les troupes coloniales sont employées, souvent en première ligne. Pour autant, il ne faut pas imaginer que cela fut systématiquement le cas. Beaucoup d’exagérations ayant été proférées… De même, des régiments coloniaux contribuent à la reconquête du territoire national, principalement avec le général Leclerc (Régiment de Marche du Tchad, 1er et 3ème Régiment d’artillerie coloniale). Selon la formule consacrée, les soldats s’engagent pour la « durée de la guerre » et suivent Leclerc en Indochine en 1945, dans le cadre du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) dont les effectifs sont d’environ 115.000 hommes entre 1946 et 1949, avec plus de 30 % d’homme d’origine indochinoise.

 

 

Les troupes coloniales en Indochine.

 

En Indochine, sont engagés les régiments suivants :

 

– Régiments ou bataillons d’infanterie coloniale : 1er, 2ème, 5ème, 6ème, 9ème, 11ème, 16ème, 21ème, 22ème, 23ème, 43ème.
– Le Régiment d’infanterie coloniale du Maroc.
– Le Régiment de marche du Tchad.
– Bataillons de tirailleurs sénégalais : 13ème, 24ème, 26ème, 27ème, 28ème, 29ème, 30ème, 31ème, 32ème, 104ème.
– Bataillons de marche d’Afrique occidentale française : 1er et 3ème.
– Le 2ème Bataillon de marche d’Afrique centrale française.
– Bataillons de marche d’Extrême-Orient : 1er, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème.
– le Bataillon de marche indochinois.
– Les 1er et 4ème Régiment de tirailleurs tonkinois.
– Le Bataillon annamite.
– Le Bataillon des forces côtières du Tonkin.
– Les 1er et 2ème Bataillons muongs.
– Les 1er, 2ème, 3ème Bataillons thaïs.
– Bataillons de chasseurs laotiens : 1er, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème.
– Le Régiment mixte du Cambodge.
– Bataillons coloniaux de commandos parachutistes : 1er, 2ème, 3ème, 5ème, 6ème, 7ème, 10ème.
– Bataillons de parachutistes coloniaux : 1er, 2ème, 3ème, 5ème, 6ème, 7ème, 8ème, 9ème.
– Les 4ème, 10ème et 41ème Régiments d’artillerie coloniale.
– Le Régiment d’artillerie coloniale du Maroc.
– Le Groupement d’artillerie coloniale de l’Afrique occidentale française.
– Le Groupement d’artillerie coloniale de montagne du Levant.
– Le Régiment blindé colonial d’Extrime-Orient.
– Les 61ème, 71ème, et 72ème Bataillons de Génie coloniaux.
– Les 71ème et 72ème Compagnies coloniales de transmissions.
– Des compagnies coloniales de réparation automobile, de réparation du matériel, d’ouvriers du service du matériel.
– Le Groupement de commandos mixtes aéroportés.

 

 

Le Régiment mixte du Cambodge.

 

A son arrivée en Indochine, Jean-Louis Eozenou signe son engagement au sein du Régiment de marche du Cambodge, nouvellement créé. Appelé en 1947, Régiment mixte du Cambodge, cette unité est chargée du maintien de l’ordre dans une partie du pays, face aux événements qui secouent la Cochinchine voisine.

 

Jean-Louis Eozenou côtoie deux grandes figures militaires françaises, compagnons de la Libération et grands officiers de la Légion d’Honneur : Aimé Teisseire, qui en 1946, alors qu’il est commandant de compagnie, reçoit trois citations et est promu officier de la Légion d’Honneur pour services exceptionnels et, en 1947, Raymond Appert, qui est désigné commandant du régiment.


 

 

 

Les combats au Cambdoge entre 1946 et 1953.

 

 

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le pays, colonie française, est occupé par les Japonais, qui y encouragent le nationalisme, mais laisse le Gouvernement de Vichy, collaborateur, gérer l’administration centrale. Le Gouverneur général de l’Indochine, l’amiral Jean Decoux, décide de placer à la tête du Cambodge Norodom Sihanouk, prince âgé de 19 ans, dont il pense que la jeunesse en fera un allié sûr et docile.

 

En mars 1945, les Japonais réalisent un coup de force en Indochine et enferment – ou exécutent – responsables politiques et militaires français. Norodom Sihanouk en profite pour proclamer l’indépendance de son pays, appuyé en cela par l’armée du Soleil levant. Mais l’espoir de liberté se transforme rapidement en confusion quand les Cambodgiens réclament le départ des Japonais. S’y ajoute le mouvement communiste qui embrase toute la péninsule. Le général Leclerc, à la tête du CEFEO, rétabli l’ordre en prenant la capitale cambodgienne, Phnom-Penh, à la fin de l’année 1945. Norodom Sihanouk manœuvre intelligemment en se plaçant au cœur de l’échiquier politique et indiquant qu’il est à la fois le meilleur allié de la France et celui qui peut régler les conflits internes aux différentes factions cambodgiennes.

 

En 1947, la France créé, copiant le modèle du Commonwealth, l’Union française, nouveau nom de son empire colonial. Le Laos, le Cambodge, la Cochinchine, l’Annam et le Tonkin y adhèrent. 1949 apparaît comme un tournant : la France est de plus en plus prise par la guerre au Tonkin. En Chine, le pays vient de basculer sous la coupe de Mao Zedong. Le Vietminh se voit subitement, et de manière considérable, aidé par ces nouveaux alliés. De ce fait, les partisans communistes peuvent fomenter des mouvements insurrectionnels aussi bien au Laos qu’en Cochinchine ou au Cambodge. Et ils installent dans ces pays des bases arrières qui permettent l’approvisionnement des troupes massées dans le nord, c’est-à-dire au Tonkin. C’est au cours de l’un de ces accrochages que Jean-Louis Eozenou perd la vie, tué par balle, le 8 juin 1949, à Phu My Kandol.

 

De son côté, Norodom Sihanouk continue sa politique habile : en octobre 1953, le Cambodge est proclamé Etat indépendant.  Quant aux Troupes coloniales, après l’indépendance de l’ensemble des territoires de l’Indochine, et des autres colonies, elles reprennent le nom originel de Troupes de Marine et deviennent une arme de l’Armée de Terre.


Norodom Sihanouk
(1922 - 2012)

 

Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

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