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Publié le 8 Août 2016

Les écrivains d'Indochine - 1 - Les romanciers.

Alain Quella-Villéger, dans Indochine, un rêve d’Asie, publié par Omnibus en 2010, a recueilli de nombreux textes écrits par des écrivains français établis ou ayant séjourné en Indochine. Dans sa préface, il a écrit ceci : « L’Indochine est un mythe. Au-delà des nostalgies coloniales de certains et des images pour cartes postales façon sampans et baie d’Along des autres, l’Indochine tient une place particulière dans les rêves d’Asie des Occidentaux, français en l’occurrence – une place tardivement prise, à la différence de l’Orient arabe, de la Chine, voire du Japon – mais la place d’une perle, au premier rang de l’Empire. Or, une abondante littérature de fiction accompagna cette histoire franco-indochinoise, à la fois miroir, porte-voix et envers du décor. L’histoire de cette mise en valeur de ce « nouveau monde » asiatique entraîna dans son sillage une riche escorte littéraire, une mythologie même, toute épopée ayant ses héros et ses héros de papier ».

 

Il ne convient pas dans ces articles de rapporter in-extenso les auteurs français ayant « fait » la littérature indochinoise. Il s’agit d’en présenter quelques-uns, parmi les plus connus. Œuvre simpliste de vulgarisation, mais bien nécessaire… L’idée du Souvenir français d’Issy consiste à présenter des auteurs en les classant selon les critères suivants : les romanciers, les journalistes, les militaires. L’idée originale n’est pas de nous mais du Souvenir Français de Chine et d’Asie – avec lequel notre Comité est jumelé – grâce à une présentation minutieuse de Monsieur Michel Nivelle, sous la direction de notre ami, Délégué général du Souvenir Français pour l’Asie et la Chine : Monsieur  Claude R. Jaeck.

 

 

1 – Les romanciers.

 

Henri Mouhot.

Alexandre Henri Mouhot (Montbéliard, 1826 – Luang-Prabang, 1861) est un naturaliste, explorateur et écrivain français de l'Asie du Sud-Est. On lui doit notamment d'avoir fait découvrir à l'Europe les vestiges de l'architecture khmère.

Né le 25 mai 1826 en Franche-Comté dans une famille protestante, Alexandre Mouhot étudie au collège Cuvier de sa ville natale, Montbéliard, puis à l'âge de 18 ans, il part enseigner le français à l'école militaire de Saint-Pétersbourg. Poussé par le goût du voyage et de l'art naissant de la photographie (le daguerréotype), il visite l'Italie et l'Allemagne, puis l'Angleterre, où il épouse Anna Park, une descendante (vraisemblablement la petite-fille) de l'explorateur Mungo Park, avant de s'établir en 1856 dans l'île de Jersey.

 

Durant cette période il affine ses connaissances en Sciences naturelles et tout spécialement en ornithologie et en conchyliologie. Après la lecture d'ouvrages sur les expéditions, notamment The Kingdom and People of Siam: with a narrative of a mission to that country in 1855 de Sir John Bowring (1857), il décide de partir à la découverte du Siam, du Cambodge et du Laos. De Londres, il embarque sur un navire de commerce, à voiles, pour Bangkok le 27 avril 1858 avec son chien Tine-Tine. Le voyage dure quatre mois. Il devient alors l'ami des rois du Cambodge Ang Duong, qui régna jusqu'en 1860, puis Norodom ; et durant l'hiver 1859-60, il explore et fait redécouvrir aux yeux des Occidentaux, le site d'Angkor, ancienne capitale de l'empire khmer.

 

À l'été 1860, Henri Mouhot repart de Bangkok vers le Laos, jusqu'à Luang Prabang où il meurt de la fièvre jaune le 10 novembre 1861.

 

Albert de Pouvourville.

Né à Nancy en 1861, Albert Puyou de Pouvourville est l’un des figures majeures de la littérature indochinoise. Son Annam sanglant (1897) est l’un des chefs d’œuvre de l’asiatisme littéraire. Son œuvre ne connut pourtant jamais l’audience que méritent les qualités de son écriture. Esprit curieux, volontiers fier et tête brûlée, il entame une carrière militaire (Ecole de Saint-Cyr, 1880), démissionne (1887), s’engage la même année comme simple soldat dans la Légion étrangère, ce qui le conduit au Tonkin (1887). Rapatrié pour raisons de santé, il repart en Indochine dans la province de Son-Tay, mais doit à nouveau rentrer en métropole, victime d’anémie. Il fait sans doute un troisième séjour au Tonkin, avant de démissionner à nouveau. Il se lance dans des études taoïstes et fréquente les milieux occultistes, fume l’opium, critique la politique coloniale, entretient une correspondance abondante avec Pierre Louÿs, Claude Farrère, Pierre Mille. En 1890, il publie De l’autre côté du mur, puis le Maître des sentences (1909) et Rimes d’Asie (1912). « Dans le jardin des gloires françaises, la fleur tonkinoise plantée par nos soins plus amoureux qu’habiles, se sera flétrie, au vent utilitaire de l’économie politique ». Il meurt en 1939.

 

Georges Groslier.

Georges Groslier nait en 1887 au Cambodge. Tôt, ses parents lui font découvrir le site archéologique d’Angkor. L’éblouissement que lui procure cette découverte des joyaux de la culture et de l’art khmer détermine alors le cours de son existence. Il rentre en France où il multiplie les publications et les conférences destinées à faire connaître la culture khmère. Ces activités lui valent de se voir confier en 1913 et 1914 une mission au Cambodge par le ministère de l’Instruction publique et la Société asiatique. En 1917, il est mobilisé, et appelé par le Gouverneur général, Albert Sarraut, qui lui confie la mission de revitaliser les traditions artistiques des peuples indochinois.

 

Sur les fondations de l’Ecole des Arts décoratifs ouverte en 1912, au sein de la Manufacture royale du Palais elle-même créée par le roi Sisowath en 1907, il organise l’Ecole des arts cambodgiens, véritable lieu de transmission du savoir-faire des anciens « maîtres » vers les apprentis artisans du pays. La réussite de cette école qui développe sa propre coopérative de production d’artisanat khmer contribue à la notoriété de Georges Groslier désormais connu comme le rénovateur des arts cambodgiens. Devenu Directeur des Arts cambodgiens puis Inspecteur général des Arts en Indochine, il est le créateur, l’organisation et le premier conservateur du Musée Albert Sarraut à Phnom Penh (aujourd’hui Musée national du Cambodge), modèle d’architecture khmère traditionnelle. Retraité à partir de 1942, il se maintient au Cambodge et s’engage dans la résistance contre l’occupant japonais en tant qu’opérateur radio. Il est capturé, emprisonné et meurt sous la torture à 58 ans.

 

Il a laissé une quantité impressionnante d’articles, d’études et d’analyse sur les arts asiatiques, de même que de nombreux romans dont C’est une idylle, au Mercure de France, en 1929.

 

Georges-André Cuel.

Voilà un romancier et cinéaste, né en 1889 et mort en 1946, dont l’œuvre est restée dans la mémoire des spécialistes mais dont la vie demeure assez mystérieuse. Pour ainsi dire, on ne la connait pas… On lui doit de nombreux romans : Barocco en 1924, El Guemouna, le marchand de sable en 1930, Tamara, L’homme fragile… et de nombreux films autant comme auteur que dialoguiste : La femme perdue, Tamara la complaisante, Roi de Camargue, Pas de coup dur pour Johnny…

 

Jean Marquet.

Jean Marquet est un écrivain français né en 1883 et mort en 1954 à Nice. Il a travaillé et habité de nombreuses années en Indochine française, a appris les dialectes locaux à son arrivée, et s’est réellement intégré par imprégnation ce qui lui a permis de produire une œuvre riche sur la vie et les mœurs locales. La grande particularité de son œuvre est que le romancier ne se met pas à la place de l’Européen étranger mais à celle du paysan indochinois. Il a écrit de nombreuses œuvres pédagogiques et historiques.

 

Claude Farrère.

Claude Farrère (1876-1957), de son vrai nom Frédéric-Charles Bargone, est un essayiste, historien, romancier, officier de marine. Fils d’un colonel d’infanterie coloniale, il entre en 1894 à l’École navale. Affecté à l’artillerie d’assaut pendant la Première Guerre mondiale, il est capitaine quand est signée la paix ; il démissionne en 1919 pour se consacrer à sa seconde passion : les lettres.

Il avait publié, dès avant la guerre, plusieurs romans (Fumée d’opium, L’Homme qui assassina, Mlle Dax, jeune fille, La Bataille, Les Petites Alliées, Thomas l’Agnelet) dont l’un, Les Civilisés, lui avait obtenu le prix Goncourt en 1905. Durant l’entre-deux-guerres, il poursuit cette œuvre, puisant à la double source du réalisme et de ses souvenirs d’officier de marine en Extrême-Orient. On lui doit également une Histoire de la Marine française (1934). N’étant pas démuni de bravoure, il s’illustre le 6 mai 1932 en s’interposant entre le président Doumer et son assassin, ce qui lui vaut deux balles dans le bras. En 1933, il s’engage au sein du Comité français pour la protection des intellectuels juifs persécutés. Après deux échecs, il est élu à l’Académie française le 28 mars 1935, par 15 voix au second tour, au fauteuil de Louis Barthou, arrachant son fauteuil à Paul Claudel.

 

Claude Farrère a été président de l’Association des écrivains combattants. Il a donné son nom à une distinction littéraire délivrée par cette association, le prix Claude-Farrère, créé en 1959 pour "un roman d'imagination et n'ayant obtenu antérieurement aucun grand prix littéraire".

 

Albert Garenne.

Né à Moulins-Engilbert dans la Nièvre en 1873 et mort en 1958, Albert Garenne a vécut plusieurs vies… Après avoir vécu ses 8 premières années à Moulins-Engilbert, ses parents s'établissent à Autun en 1880. Il s'enrôle à l'âge de 18 ans dans l'infanterie coloniale et reçoit sa formation militaire à Saint-Maixent l'Ecole, dans les Deux-Sèvres. De là, il est envoyé à Madagascar comme sous-lieutenant de marine où il s'illustre par de brillantes prestations dans un contexte malgache troublé, ce qui lui vaut de porter très jeune le grade de Chevalier de la Légion d'Honneur et de recevoir du général Gallieni une importante concession à Fort Dauphin. Après la dévastation de cette concession lors d'une révolte, il reprend du service dans l'armée où il participe à plusieurs expéditions en Afrique et en Indochine. Il participe à la Première guerre mondiale et en ressort avec le grade de colonel. En 1918, il est nommé commandant supérieur des troupes du Pacifique et du bataillon de Nouvelle-Calédonie avec mission de mâter l'insurrection Canaque. A Nouméa, en 1919, il écrit déjà deux poèmes : Révoltes et Deux petits sonnet d'hier mais doute de lui-même comme écrivain suite à un échec à l'Académie Française avec la parution de La Forêt Tragique en 1918.

 

Retraité, le colonel Garenne s'adonne à la littérature en s'inspirant de ses expériences malgaches, africaine, calédonienne et indochinoise. Il écrit des poèmes, Cris, Chansons et Le vieux Claude suivi de L'Urne de cristal. Outre La Forêt Tragique, roman finalement couronné par l'Académie Française, il publie La Captive Nue (1925), A Nouméa, ou l'amour qui mène au bagne et Idylle Canaque, passions et drames coloniaux (1933), Le Refuge ou la haine d'un Sorcier jaune (1936, réédité en 1953), ouvrage également couronné par l'Académie Française, toutes œuvres fortement teintées d'une observation très fine des sociétés exotiques de l'époque, celles qu'il a côtoyées et, bien-sûr, de la pensée coloniale prévalant à l'époque au début du 20ème siècle.

 

René Jouglet.

René Jouglet est un écrivain français né en 1884 et mort à Montrouge en 1961. Au début des années 1930, il effectue de nombreux voyages en Asie, qui vont construire son œuvre littéraire, au sein de laquelle il convient de citer : Les Roses de la Vie en 1912 ; Frères en 1927 ; Voyage à la république des piles, en 1928 ; Dans le soleil des jonques en 1935 ; Soleil levant en 1936 ; Les Paysans en 1951 et 52 ; le Mal du Siècle en 1960.

 

Jean D’esme.

Né à Shanghai en 1894, Jean d’Esménard, petit-neveu de poète et fils d’un fonctionnaire des douanes d’Indochine originaire de la Réunion, fait ses études à Paris et entre en 1914 à la section indochinoise de l’Ecole coloniale. Mais la guerre 14-18 puis le mariage l’orientent plutôt vers le journalisme et les voyages. Il devient Jean d’Esme et fait une brillante carrière dans de grands journaux parisiens : Je sais tout ; le Matin ; L’Intransigeant.

 

Dans une œuvre marquée par l’épopée coloniale, par des biographies de grands coloniaux ou militaires, par le reportage aussi, ses voyages en Afrique lui inspirent des romans : le Soleil d’Ethiopie ; L’Homme des sables ; Au Dragon d’Annam ; les Dieux rouges… Jean d’Esme rend son âme à Dieu en 1966.

 

Alfred Droin.

Né à Troyes en 1878, d’une famille de boulangers, il entre à 18 ans dans l’infanterie de marine, et met son lyrisme au service de la gloire tricolore : Amours divines et terrestres (1901). Son séjour indochinois de huit années auprès du gouverneur Klobukowski, qui lui permet de visiter le Cambodge, le Siam, le Tonkin, donne naissance à la Jonque victorieuse puis à Rimes tonkinoises. Plus tard, il publie la Tête de Thi-Ba puis Thi-Ba, fille d’Annam. Il meurt en 1967.

 

Marguerite Duras.

Née à : Gia Dinh (Saigon) en Indochine française, le 4 avril 1914 et décédée à Paris, le 3 mars 1996. Marguerite Duras (Marguerite Donnadieu) reste en Indochine jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Après des études de mathématiques, sciences politiques, et une licence de droit, elle est secrétaire au Ministère des Colonies, de 1935 à 1941. Pendant la guerre, elle entre dans la Résistance. En 1945, elle s'inscrit au Parti communiste dont elle est exclue dix ans plus tard. Elle publie son premier roman, Les Impudents, en 1943. C'est le début d'une œuvre de fiction importante avec des romans comme : Un Barrage contre le Pacifique, Le Marin de Gibraltar, Moderato cantabile, Le Ravissement de Lol V. Stein, Le Vice-Consul, L'Amante anglaise. Le roman "L'Amant" obtient le Prix Goncourt en 1984 et apporte la célébrité à Marguerite Duras. Jean-Jacques Annaud en fait un film, quelque temps plus tard. Elle publie ensuite un témoignage, La Douleur, puis Les Yeux bleus, cheveux noirs, Emily L., La Vie matérielle, La Pluie d'été. Après avoir été scénariste et dialoguiste pour le cinéma (Hiroshima, mon amour), Marguerite Duras va réaliser ses propres films (Nathalie Granger, Le Camion). Elle se consacre aussi au théâtre, notamment avec les pièces : Les Viaducs de la Seine-et-Oise, Des Journées entières dans les arbres, Le Square, La Musica, L'Amante anglaise (Prix Ibsen 1970).

 

Jean Hougron.

Né de parents bretons (en 1923), fils de cheminot, il suit dans son enfance les mutations de son père : Cherbourg, Paray-le-Monial, et Dreux où il arrive en 1936 et où il enseignera plus tard l’anglais et les sciences. Il fait un stage d’un an dans une maison d’import-export à Marseille qui l’envoie en Indochine en juin 1947. Là-bas, il se fait chauffeur de camion et parcourt le Laos, le Cambodge, la Chine du sud et la Thaïlande. Tour à tour planteur de tabac, ramasseur de benjoin ou de corne molle de cerf, marchand de bière, il en profite également pour apprendre le laotien et le chinois. En 1949, il rentre à Saigon, et devient journaliste à Radio France-Asie, jusqu’en 1951, date de son retour en France. Parmi ses ouvrages, on peut citer : la Nuit indochinoise, Tu récolteras la tempête, Je reviendrai à Kandara et Mort en fraude, adapté au cinéma en 1957. Jean Hougron meurt en 2001 à Paris.

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 26 Mars 2016

Le commandant Jean Cornuault.
Le commandant Jean Cornuault.

Jean Cornuault s’est éteint le 9 janvier 2016 au Vietnam, dans cette contrée qu’il adorait, dont il continuait à étudier la langue qu’il trouvait merveilleuse. Un pays où il était « mort » une première fois, 65 ans auparavant…

Peu savent son parcours dans les FFI, dès l’âge de 17 ans et sa participation, décrite dans les notices, à la libération de Saumur et de la poche de Saint-Nazaire (1). On retient surtout son histoire indélébile avec les terres et la culture indochinoises où il effectue son premier séjour dès 1946 et déjà dans les troupes aéroportées.

Après son intégration à l’ESMIA à Coëtquidan en 1947 (promotion "Nouveau bahut"), il rejoint de nouveau l’Indochine à l’été 1949 et une affectation de chef de section à la 3e compagnie du 1er BEP, lequel s’est établi à Hải Phòng quelques mois plus tôt. Cornuault, décrit par Pierre Sergent comme le « plus jeune officier bataillon », c’était « le cauchemar de son capitaine. Saint-Etienne, en pleine opération, se demandait souvent où se trouvait le chef de la 2e section, qui semait ses légionnaires derrière lui, comme le Petit Poucet. Mais ses hommes l’adorait, tant il avait de charme. Ils le suivaient partout, et c’était immanquablement chez les Viets » (2).

De cet officier facétieux, Sergent raconte encore : « Cornuault coupa enfin les gaz. Le repas pouvait commencer. (…) Cet animal de Cornuault n’avait-il pas inventé d’arriver en motocyclette dans la salle à manger de Gia Lam. Il faut préciser qu’il avait le plus grand mal à rouler en voiture, aucune assurance ne voulant consentir à couvrir les risques qu’il prenait. Il semblait inconscient, même à tous ces hommes qui l’étaient déjà passablement » (3).

Jean Cornuault, devenu le « juge-para »,selon l’expression du ministre de la Justice Jean Lecanuet, était l’un des fondateurs d’un groupe informel, dont la seule évocation du nom pouvait susciter la jalousie : « les Paras du Palais ». C’est là que je l’ai connu, au début des années 2000. Un regard curieux et enjôleur, une tenue toujours impeccable, le cheveu très court et le sourcil taillé. Une vivacité physique et d’esprit qui nous bluffait. Fondateur du groupe, Jean en était aussi le pilier et le héros.

Un héros taiseux, modeste, qui n’aimait pas beaucoup parler de lui. Mangeant peu, ne buvant pas, il était néanmoins satisfait de trouver des « jeunes » pour leur conter ses voyages au Vietnam et aussi parler le Russe avec notre unique adhérente, parachutiste confirmée, qui avait naguère occupé un poste à Kiev.

Il faut dire que Jean avait terminé sa carrière militaire à Moscou, comme attaché militaire de l’Ambassade de France. Il en avait profité pour perfectionner son Russe et achever sa licence en droit.

Aussi, quand quelques années plus tard, devenu juge d’instruction – et par le hasard d’un échange de permanence impromptu avec un de ses collègues – il est dépêché sur les lieux du crash du Tupolev 144, en plein meeting du salon du Bourget, il peut difficilement dissimuler sa gêne devant les « autorités soviétiques » qui s’agacent de sa présence. Amusé, Jean nous racontait : « J’aurai pu tenter de leur expliquer que c’était par un pur hasard que, seul magistrat instructeur parlant russe et ancien officier en poste à Moscou, je me retrouvais chargé de cette affaire. Mais à quoi bon ? Ils ne m’auraient jamais cru ! ».

Tous, nous connaissions le récit de ce que Jean avait enduré en Indochine, et qui appartient à l’Histoire. La sanglante bataille de la RC 4 en octobre 1950, ses deux blessures sur le Na Kheo au sud de Dong Khé, le désastre de la cuvette de Coc Xa (Louis Stien parlera d’holocauste (4)), où tous les commandants de compagnie sont tués (Jean retournera à Coc Xa à une ou deux reprises). C’est la fin du BEP, la grande marche pour les survivants, puis quatre longues années de détention au camp n°1, ponctuées de nombreux déplacement et de brimades en tout genre.

Avec son camarade Louis Stien, notamment, il tentera de s’évader en mai 1951, dans des conditions qu’on imagine impossibles, mais toujours avec la même audace. Stien raconte ainsi que Cornuault, placé en tête du groupe d’évasion et tombant en pleine nuit nez à nez avec une compagnie viet sur l’étroite piste, décide de « bluffer », les bodois qu’ils croisent en remontant toute la file côte à côte…

Dans un des rares témoignages qu’il a laissé – resté anonyme et modestement signé d’« un des lieutenants du 1er BEP » – Jean raconte un épisode sa détention (5). Repris après son évasion, il est mis « aux buffles » où il est attaché jour et nuit. Une nuit, il est réveillé par des hommes armés : « Je suis sorti de la maison, tenu en laisse, deux ou trois pistolets-mitrailleurs dans le dos. J’ai conservé dans ma mémoire le souvenir de la ligne de collines visible dans l’obscurité et celui, aussi précis, de mes pensées, réduites à une seule : cette fois, ça y est. J’étais parfaitement calme et détendu, attendant la rafale. Ce jour-là j’ai vu la Mort et depuis je "fais du rab". (C’est assez dire que dans la suite de ma carrière, décorations, avancement et opinions des diverses hiérarchies sur mon compte ne m’ont jamais beaucoup préoccupé). La rafale n’est pas venue. Il s’agissait en fait d’un interrogatoire par le chef de camp sur la préparation et le déroulement de mon évasion, interrogatoire qu’il avait fait précéder d’une petite mise en scène destinée sans doute à me mettre en condition… ».

Bien plus tard, alors qu’il procède à une audition dans son cabinet d’instruction, le « Juge-para » balaie d’un revers de la main les menaces de mort que lui adresse… Jacques Mesrine. Tout en l’invitant à passer à l’action, il lui oppose calmement « Vous savez, j’ai déjà vu la mort et depuis je "fais du rab" ». Le respect prévaudra désormais dans leurs rapports.

Ce n’est que récemment que Jean Cornuault avait entrepris d’écrire sur sa vie. Ses mémoires, intitulés « Du sabre à la toge. Itinéraires d’un parachutiste » étaient parus en mars 2015 chez Indo Éditions. Un livre à lire, sans aucun doute.

Philippe Rignault, lieutenant de réserve (1er RHP), avocat au barreau de Paris et membre des "Paras du Palais".

  1. Officier de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945 (obtenue comme « SAS »), croix de guerre des T.O.E. (Indochine), croix de la valeur militaire (Algérie), 7 citations, médaille des évadés, 2 blessures de ‪guerre, il s’était notamment illustré au Na-Kéo, durant la bataille de la RC4 comme chef de section au 1er BEP. Fait prisonnier quelques jours plus tard, il avait subi 4 ans de captivité au camp n°1 (octobre 1950-septembre 1954). Il avait enchaîné avec la guerre d’‪Algérie où il fut un soldat digne d’éloges. De retour d’Algérie, il avait été chef de bataillon au 9e RCP.
  2. Pierre Sergent, Je ne regrette rien, Fayard - 1972, p. 54
  3. Ibid., p. 57
  4. Louis Stien, Les soldats oubliés, Albin Michel, 1993
  5. http://www.indochine-souvenir.com/recits/tem07_campn1.pdf


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NDLR : avant d’écrire ses mémoires, Jean Cornuault avait à plusieurs reprises évoqué quelques événements de sa vie. En voici deux :

Premiers pas derrière le Rideau de Bambou

Le 17 septembre 1950; à l'âge de 23 ans, je servais à la Légion Etrangère en qualité de lieutenant chef de section au Premier Bataillon Etranger de Parachutistes (1er B.E.P.). Ce jour-là nous avons sauté à That Khê, sur la RC4, dans le cadre de ce qui devait devenir le premier désastre de l'histoire de la Guerre d'Indochine, à savoir l'évacuation du poste de Cao Bang.

Je ne dirai rien sur l’histoire des combats, maintes fois décrite dans de nombreux ouvrages. En ce qui me concerne, deux fois blessé le 3 octobre sur le Na Khéo près de Dong Khé, j’ai participé ensuite aux combats de Côc Xa qui virent L’anéantissement du 1er B.E.P. A partir du 7 octobre, après la dispersion des unités, j’ai marché dans la jungle sans soins et sans nourriture jusqu’à That Khé que j’ai atteint le 12 au soir pour voir ce poste français occupé par les Vietminh. Il avait été évacué le 10. Je me suis caché dans des buissons avec l'intention de repartir le lendemain matin. Sans doute aperçu par des paysans, j'ai été capturé par des bodois (nom des soldats en vietnamien), peu après le lever du jour.

Les bodois m’ont emmené courtoisement vers une petite maison de paysan où se trouvait leur officier. J’avais mes vêtements déchirés et un essaim de mouches avait élu domicile sur ma cuisse droite blessée. J’ai été accueilli par un jeune homme de mon âge qui m’a dit dans un français sans accent : « tu as un grade, toi ? » Je lui ai répondu que j’étais lieutenant chef de section. Il m’a dit : « moi aussi. Il y a longtemps que tu n’as pas « bouffé ? » Sur ma réponse affirmative il m’a dit : « viens, tu vas bouffer avec nous ». Nous nous sommes assis tous les deux sur le lit bas de l’unique pièce de cette masure et ses hommes nous ont servi un menu que je n’ai jamais oublié, du riz et une soupe de potiron. Nous avons parlé métier. Ensuite nous nous sommes séparés, lui poursuivant la guerre et moi franchissant le rideau de bambou pour quatre ans de captivité. Quand je raconte cette rencontre et son atmosphère cordiale, je dis toujours que si ce jeune officier vietminh avait été un camarade de promotion rencontré par hasard lors d’une opération, notre relation n’aurait pas été différente. Nous avions le même âge, la même langue, le même grade et la même fonction. Seule l’Histoire nous séparait…et nous dépassait... A l’infirmerie, sise dans l’école du village, où mon hôte m’avait fait conduire après le repas, j’ai retrouvé quelques officiers blessés dont le lieutenant Faulques, grièvement atteint, et qui devait être rapatrié sanitaire par avion quelques jours plus tard. Pendant ce séjour nous avons eu de nombreuses visites d’officiers vietminh, manifestement heureux de parler français. Tous sortaient des établissements d’enseignement français.

Je me souviens de l’un deux, sympathique médecin, qui m’a dit qu’un jour, dans une réunion d’étudiants, une jeune Française de ses condisciples lui avait donné un coup d’éventail. On connaît l’importance des coups d’éventail dans l’Histoire. Cette anecdote illustre ce que tous évoquaient, à savoir le peu de considération avec laquelle ils étaient traités dans leur propre pays par ce qu’il faut bien appeler le Colonisateur, notamment par une grande partie des « petits blancs », lesquels ne parlaient qu’avec mépris des « Nhacs », abréviation de nhà qué, paysan, mot devenu depuis péjoratif et injurieux au Viet Nam. En outre peu de postes de responsabilité étaient réservés aux intellectuels locaux. Tous ces officiers d’unités combattantes étaient des nationalistes, déclarant se battre contre le régime colonial mais ne cachant pas leur sympathie pour la France, sa langue et sa culture. Aucun n’a jamais fait référence dans ses propos à l’idéologie communiste.

Ce n’est qu’en arrivant au camp n° 1, nom du camp ou étaient détenus les officiers prisonniers, que j’ai découvert les références au Communisme à travers le vocabulaire utilisé par nos geôliers. Choisis sans doute dans la précipitation, nos premiers chefs de camp étaient manifestement des rustauds peu préparés à cette fonction. Il faut noter toutefois qu’aucun pays en temps de guerre n’affecte ses meilleurs officiers à ces postes…

Ce camp n’était pas un « camp » au sens propre. Nous étions logés par petits groupes d’une dizaine dans les maisons de villages perdus dans le nord-est du pays en cohabitant avec les propriétaires et leur famille. Nos conditions d’existence étaient misérables, pieds nus, vêtus légèrement de tenues de paysan en toile. La nourriture se composait uniquement de riz et d’un bouillon clairet. Ceci est une autre histoire. Ces quatre ans de captivté ont été parfaitement décrits par mon camarade ce combat, de captivité et d'évasion, Louis Stien, dans son livre « Les soldats oubliés » publié aux Editions Albin Michel.

Expérience inoubliable

J'ai vécu au Camp N° 1, nom donné par le Commandement Vietminh au camp d'Officiers prisonniers, du 13 octobre 1950 au début septembre 1954, fin de la guerre d'Indochine pour la France, soit près de quatre ans.

Pendant cette période, début mai 1951, j’ai fait avec deux camarades une tentative d’évasion. Cette évasion a été racontée par l’un d’eux, Louis Stien, dans son livre « Les soldats oubliés », Editions Albin Michel. Repris après quelques jours et ramenés au camp soigneusement ficelés par notre escorte, nous avons été séparés et enfermés chacun dans des étables obscures situées sous des maisons, toutes sur pilotis dans cette région. Après une semaine, attachés jour et nuit, nous n’avons plus été attachés que la nuit. L’obscurité empêchait toute chasse aux poux qui proliféraient impunément dans nos vêtements. Pour compléter le tableau les buffles, les porcs et les canards se déplaçaient, eux librement, dans l’étable boueuse. Notre nourriture se composait uniquement d’un peu de riz et de sel.

C’est là que se place cette expérience inoubliable, moment de ma vie qui a eu une importance capitale dans le regard que j’ai porté par la suite sur l’existence. Pendant la semaine au cours de laquelle j'étais isolé et attaché jour et nuit, j’ai été réveillé une nuit par quelques hommes armés, à la mine sombre, qui m’ont dit : « Partir chef de camp ». Il est à préciser qu’à l’époque, des prisonniers évadés n’ont jamais été revus et ont été simplement « liquidés ». Je suis sorti de la maison, tenu en laisse, deux ou trois pistolets-mitrailleurs dans le dos. J’ai conservé dans ma mémoire le souvenir de la ligne de collines visible dans l’obscurité et celui, aussi précis, de mes pensées, réduites à une seule : « cette fois, ça y est ». J’étais parfaitement calme et détendu, attendant la rafale. Ce jour là j’ai vu la Mort et depuis je « fais du rab ». (C’est assez dire que dans la suite de ma carrière, décorations, avancement et opinions des diverses hiérarchies sur mon compte ne m’ont jamais beaucoup préoccupé). La rafale n’est pas venue. Il s’agissait en fait d’un interrogatoire par le chef de camp sur la préparation et le déroulement de mon évasion, interrogatoire qu’il avait fait précéder d’une petite mise en scène destinée sans doute à me mettre en condition….

Environ une heure plus tard j'ai été ramené dans mon étable... Quelques jours après cet épisode, j'ai retrouvé mes deux camarades d'évasion. Nos conditions de vie se sont améliorées. En effet, nous n'étions plus attachés que la nuit... Quand nous avons eu la possibilité de chasser nos poux, je me souviens de la première chasse : 250 têtes... Cette intéressante aventure humaine a duré quatre mois, à l'issue desquels nous avons rejoint nos camarades de captivité et repris ce qu'il faut bien appeler, par comparaison, une vie normale...

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 29 Novembre 2015

La chapelle de That-Khé est sauvée !

Le 27 août 2014, nous relayions sur ce site l’appel pour sauver la chapelle de That-Khé de la ruine. Souvenez-vous, cette chapelle avait abrité de nombreux soldats français du CEFEO durant la terrible bataille de la RC4.

Aujourd’hui, comme vous pouvez le constater sur cette photographie, la chapelle a été restaurée et est sauvée. Grâce à de nombreuses associations, dont l’ANAPI, le Souvenir Français d’Asie, et surtout l’action énergique de Bernard Tissier et de Thierry Servot-Viguier.

Une plaque figure à l’entrée de cette chapelle :

« Nous tenons à remercier sincèrement les organisations, les associations, de leur soutien pour la restauration de la chapelle de That Khé, notamment :

  • La congrégation d’évangélisation des puples ;
  • L’évêque de Lang-Son et Cao-Bang ;
  • Vietnam-Espérance, l’ANAPI et leurs amis ;
  • Les mécénats nationaux et internationaux ».

Bravo à Bernard Tissier, Thierry Servot-Viguier et Amédée Thévenet d’avoir œuvré pour répondre à l’attente de tous les anciens d'Indochine.

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 8 Décembre 2014

Le colonel Trinquier.
Le colonel Trinquier.

Le 1er février 1947, est créé à Tarbes le 5e Bataillon parachutiste d’Infanterie coloniale (5e BPIC). Le commandant Dupuis, ancien de Ponchardier, en est le patron. Il a pour mission de mettre sur pied un détachement de sept cents hommes aptes à embarquer pour l’Extrême-Orient le 15 octobre.

Le 1er octobre 1947, est formée en IIIe Région militaire de Bretagne la Demi-brigade coloniale de commandos parachutistes à Vannes-Meucon (DBCCP). Le patron en est le colonel Massu. C’est de cette base que seront formés tous les paras des nombreux BCCP (Bataillons coloniaux de commandos parachutistes) pour leur envoi en Extrême-Orient, mis à part le 2e BCCP dont les hommes ont précédemment été brevetés à Pau-Idron.

Le 2e BCCP (2e Bataillon colonial de commandos parachutistes) débarque à Saigon, en Cochinchine, avec son nouveau patron le commandant Dupuis, le 15 novembre 1947.

Le 14 février 1948, opération Véga. En trois groupements terrestres, les troupes démarrent à 7 h 30. Vers 9 h 30, deux compagnies du 2e BCCP sont larguées sur Giong Dinh et Giong Mat Cat. Un accident très rare se produit alors juste après le saut du commandant Trinquier et l’ouverture de sa voilure : la rupture de la « static line » (cable fixé à l’intérieur de l’avion auquel sont fixés les mousquetons de chaque parachute, en permettant l’ouverture automatique). Le capitaine Boby, le capitaine Deguffroy, le lieutenant Icard et quatre parachutistes s’écrasent au sol.

Un autre événement dramatique survient le 1er mars suivant. Un convoi de 69 véhicules, dont 53 civils, effectuant deux fois par semaine le trajet Saigon-Dalat, tombent dans une embuscade au poste de la Lagna. Les pertes sont lourdes : cent cinq tués dont vingt-cinq militaires parmi lesquels le lieutenant-colonel de Sairigné, une soixantaine de blessés et cent cinquante otages.

Le parachutiste Charles Henri Andrieux, Isséen, a vécu cette période, jusqu’à sa blessure le 17 juin 1949, au 2e BCCP. Les opérations en cascades, les réactions aux attaques et embuscades de l’ennemi ont été le lot presque quotidien pour lui et ses camarades parachutistes. Des blessures et encore de nombreux éclats dans sa chair…

En 2014, il déambule dans les rues d’Issy, il a “ le train d’atterrissage rouillé ”, comme il raconte avec humour. Et comme dit dans le même quartier Mme le Général Valérie André, également parachutiste : il faut faire fonctionner les articulations.

Vaste programme… !

Alain Bétry.

Sources :

Paras en Indochine 1944-1954 de Jean-Pierre Pissardy SPL 1982.

Le premier bataillon de bérets rouges du colonel Trinquier

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 27 Août 2014

 

Chapelle That Khe 3

La Chapelle de That Khê… aujourd’hui.

 

En décembre 2013, le Comité du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux avait publié l’article du colonel Jean-Luc Martin sur la difficulté du Devoir de Mémoire sur les lieux où se déroula la bataille de la RC4. Il attirait également notre attention sur l’état actuel de la Chapelle de That Khé, où furent déposés les corps de nombreux de nos compatriotes, morts au cours de ces jours sanglants pour notre armée.

 Cet article avait été auparavant publié sur le site du Souvenir Français d’Asie, dirigé remarquablement par Monsieur Claude R. Jaeck, ainsi que sur le site de l’association ANAPI.

 L’association Vietnam Espérance, sous la direction de Thierry Servot-Viguier cherche des financements pour restaurer ce lieu. Vous pouvez contacter l’association dont les coordonnées sont les suivantes :

 

  • Vietnam Espérance – 19, rue Jeanne d’Arc 69000 LYON
  • Email : vietnam-esperance@neuf.fr
  • Thierry Servot-Viguier – 2 bât B Chemin Vert 69160 TASSIN LA DEMI-LUNE
  • Chèque à l’ordre l’association.

 

Extrait de l’article du Colonel (er) Jean Luc Martin :

 « Force est donc de constater que le seul témoin encore visible de cette période sombre est la chapelle de That Khê qui elle, en revanche, a su résister au passage du temps… mais aussi à l’action des hommes comme l’attestent les multiples impacts qui constellent les murs extérieurs de cet édifice, stigmates de la guerre sino-vietnamienne de 1979… Me gardant bien de refaire l’historique du drame de la RC 4 que chacun d’entre nous connaît, je souhaiterais quand même rappeler qu’à l’issue du repli français avorté de Cao Bang, marqué par l’anéantissement des colonnes Lepage et Charton, nombre de nos soldats blessés ont été provisoirement hébergés en ce lieu, transformé pour la circonstance en infirmerie de fortune… avant de partir pour l’oubli derrière le rideau de bambou… Que l’on ait ou pas l’âme religieuse, il n’en demeure pas moins que pénétrer dans ce bâtiment revient à faire un saut dans le passé car tout ou presque y est resté dans l’état d’autrefois… Que ce soient l’autel, les bancs des fidèles, les gravures aux murs… tout ou presque est d’époque… un peu comme si le temps s’était arrêté en ce lieu où beaucoup de nos soldats se sont éteints ou ont agonisé en attendant une hypothétique évacuation aérienne vers Hanoï…

 Compte tenu de l’impossibilité d’élever un monument à la mémoire de tous ceux, comme l’a écrit le docteur Serge Desbois , « dont la vie s’est arrêtée, un jour de l’automne 1950, sur les bords de la Route coloniale n° 4 », pourquoi ne pas saisir dans ces conditions l’opportunité de réhabiliter cette chapelle, véritable « cheval de Troie » du devoir de mémoire… Un projet de réhabilitation existe actuellement, relayé notamment par monsieur Thierry Servot-Viguier que l’on peut consulter sur internet ».

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 4 Mai 2014

 

 Fréjus 2014 040

  Le mémorial de Fréjus.

 Le mémorial.

 

En 1986, la ville de Fréjus se propose d'accueillir le « Mémorial des guerres en Indochine » sur le site de l'ancien camp militaire Gallieni, où avaient notamment séjourné des tirailleurs indochinois pendant la Grande guerre (au sein du Centre de Transit des Troupes Indigènes Coloniales), et où figurait déjà un premier monument commémoratif des guerres d'Indochine élevé en 1983.

 Après acceptation, le mémorial est inauguré le 16 février 1993 par Monsieur François Mitterrand, président de la République française. Œuvre de l'architecte Bernard Desmoulin, implanté sur un terrain de 23.403 m2, le mémorial comprend tout d’abord un premier monument, placé sur une esplanade, qui permet les prises d’armes et les commémorations. En contrebas, s'inscrivant dans une circulation périphérique de 110 m de diamètre, le mémorial, en forme de cercle, reprend le thème du périple et symbolise à la fois l'enceinte militaire héritière du cercle spirituel des tribus.

 Des rangs d’alvéoles ont reçu les ossements des 17.188 militaires identifiés et rapatriés depuis le Vietnam entre les mois d'octobre 1986 et d'octobre 1987. S’y ajoutent 62 corps de militaires provenant de la nécropole de la ville de Lyunes où ils avaient été inhumés antérieurement à 1975. Les corps reposant dans la nécropole de Fréjus sont ceux de militaires « Morts pour la France » décédés soit entre 1940 et 1945, soit, majoritairement, entre 1946 et 1954.

 Par ailleurs, dans la crypte du mémorial, les restes mortels des 3.152 victimes inconnues reposent dans un ossuaire.

 À titre exceptionnel – les cimetières nationaux étant légalement réservés aux seuls militaires « Morts pour la France » en temps de guerre – 3.515 civils, dont 25 non identifiés, ont également été inhumés sur le site, dans un columbarium édifié sous la partie nord-ouest de la circulation périphérique. En outre, un mur du souvenir a été érigé sur lequel sont gravés les noms de près de 34 000 morts des guerres d'Indochine dont les corps ne reposent pas à Fréjus.

 Enfin, un jardin du souvenir permet à celles et ceux qui en font la demande, de recevoir leurs cendres. C’est là que l’urne contenant les cendres du général Bigeard a été placée le 20 novembre 2012.

 Le mémorial est contigu à une pagode bouddhiste, la pagode bouddhique de Hông Hien, qui se trouvait elle-aussi à l’époque au sein du camp Gallieni. Sous l’impulsion du colonel Lame et du capitaine Delayen, sa construction fut décidée en 1917, avec une main d’œuvre fournie par les tirailleurs indochinois présents dans le camp.

 Tombée en désuétude après la Seconde Guerre mondiale, la pagode fut remise à neuf par des réfugiés vietnamiens après 1954. Aujourd’hui encore faisant partie des traditions des troupes de marine, la pagode est l’un des hauts lieux de culte bouddhique en France et en Europe.

 

Le 8 juin.

 

Fréjus 2014 050 

 Giacomo Signoroni (au centre, sans béret) et des camarades légionnaires, tous anciens d’Indochine.

 

Instituée par le décret n° 2005-547 du 26 mai 2005, le 8 juin est une journée d'hommage qui correspond au jour du transfert à la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette, de la dépouille du Soldat Inconnu d'Indochine, le 8 juin 1980.

 Le 8 juin 2005, pour la première fois, partout en France, fut célébrée la journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Indochine. Au cours de la cérémonie officielle célébrée dans la Cour d'Honneur des Invalides, Madame Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, prononça le discours suivant :

 « Il y a 51 ans, les armes se taisaient en Indochine.

 Ce silence clôturait un siècle d'épopée française en Extrême-Orient. Il mettait un terme douloureux à une guerre de huit ans commencée au lendemain de la cruelle occupation japonaise.

 Loin de leurs foyers, sur des terrains inhospitaliers, face à un adversaire insaisissable, valeureux et sans cesse mieux armé, les combattants du corps expéditionnaire français ont lutté inlassablement, avec une foi, une ardeur, un courage et un dévouement qui forcent l'admiration et imposent le respect. Leur sacrifice fut immense. Leur tribut fut celui de la souffrance, du sang, et de la mort. De 1945 à 1954, près de 100 000 soldats de l'Union française sont tombés en Indochine. Plus de 76 000 ont été blessés. 40 000 ont été fait prisonniers. Parmi eux, 30 000 ne sont jamais revenus. L'éclat de leur bravoure, le panache de leur engagement ne rencontreront trop souvent, en métropole, que l'indifférence ou l'hostilité de leurs concitoyens. Tous ces combattants ont lutté, ont souffert, sont morts, avec, sans doute, le sentiment amer de l'abandon, la blessure ultime de l'ingratitude.

 Ne les oublions pas.

 Parachutistes, légionnaires, coloniaux, tirailleurs, métropolitains, gendarmes, marins, aviateurs, médecins et infirmières : ils venaient de France, d'Europe, d'Afrique du Nord ou d'Afrique noire. Leurs frères d'armes vietnamiens se battaient pour leur terre, pour leur liberté, par fidélité. Ils étaient jeunes. Ils sont morts au détour d'une piste, dans la boue d'une rizière, dans un camp de prisonniers.

 Aujourd'hui, pour la première fois, la Nation rend officiellement un hommage solennel à nos combattants d'Indochine.

 La France n'oublie pas.

 À cette occasion, nous nous recueillons devant la dépouille d'un de ces combattants. Il est tombé là-bas, il y a plus de 50 ans, quelque part au bord de la Nam Youn, dans la plaine de Diên Biên Phù, ultime théâtre de ce drame dont la grandeur nous dépasse. À travers lui, c'est à l'ensemble de ses camarades que nous rendons hommage. Que les combats de nos soldats en Indochine puissent rester gravés à jamais dans la mémoire du peuple français. Leurs actions héroïques étaient l'aboutissement d'une certaine conception du monde, dont les principes ont pour nom liberté, justice et démocratie.

 Aujourd'hui, dans ces pays, après de longues années de nouvelles souffrances, la guerre appartient désormais à l'Histoire. De nouvelles pages de paix, de coopération et d'amitié ont été écrites et s'écriront encore. Dans un monde incertain, où la paix n'est jamais acquise, que le souvenir des exploits de nos combattants, que la force des valeurs qu'ils ont illustrées, nous aident à rester debout, en hommes libres, vigilants et déterminés.

 Honneur aux combattants d'Indochine ! ».

 

Commémoration du 26 avril 2014.

 

 

 Fréjus 2014 012

Giacomo et Vincenza Signoroni.

 

Nous pouvons peut-être reprocher au Gouvernement d’avoir modifié la date de la commémoration des combats et des morts en Indochine pour 2014 en raison d’agendas surchargés. Initialement prévue le 8 juin, celle-ci a été avancée au 29 avril, car les célébrations du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie (6 juin) se dérouleront sur plusieurs jours. Mais, nous ne pouvons pas reprocher à ce même gouvernement d’avoir occulté les 60 ans de la bataille de Diên Biên Phù et de la fin de la guerre en Indochine.

 Ainsi, le samedi 26 avril 2014, à l’initiative du ministère de la Défense et du secrétariat d’Etat à la Mémoire et aux Anciens combattants, un avion de la République était affrété depuis Paris pour emmener les anciens d’Indochine, et leurs accompagnants, au Mémorial de Fréjus.

 Plusieurs associations avaient donc prévenu leurs adhérents : le Souvenir Français, l’ANAI (Association Nationale des Amis de l’Indochine), l’Union Nationale des Parachutistes, les associations nationales et locales de la Légion étrangère, les associations des anciens de la Coloniale, ceux des Supplétifs indochinois, ceux de Diên Biên Phù…

 Pour le Comité d’Issy-les-Moulineaux du Souvenir, j’eus l’insigne honneur d’accompagner notre héros de l’Indochine, 13 fois cités, l’ancien adjudant-chef de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère, Giacomo Signoroni et son épouse Vincenza.

 Des grandes figures des dernières guerres étaient également présentes : Fred Moore, chancelier de l’Ordre de la Libération, le colonel Luciani, le capitaine Bonelli, le lieutenant Gusic, le sergent Heinrich Bauer, le général Chabanne, colonel Boissinot…

 La journée commença par un accueil aux Invalides suivi du transport dans les cars du Ministère de la Défense jusqu’au pavillon d’Honneur de Roissy, où nous attendaient des représentants de l’armée de l’Air et un Airbus A310 de la République française. Décollage pour Hyères-Toulon – avec un déjeuner à bord – puis transport en cars, escortés par les motards de la Police nationale jusqu’à Fréjus. Arriva le secrétaire d’Etat, en charge de la Mémoire et des Anciens combattants, Kader Arif, qui prononça un discours remarquable vis-à-vis des anciens d’Indochine, qui ne furent pas toujours récompensés – c’est le moins qu’on puisse dire – du sang versé pour la République.

 S’en suivit des dépôts de gerbes par les autorités et les associations, aussi bien devant le mémorial, qu’au pied du Mur des Souvenirs ou encore auprès de la stèle où reposent les cendres du général Bigeard.

 Le retour fut chargé d’émotions et de souvenirs racontant des drames, des anecdotes à pleurer de rire, des faits d’armes éclatants, ou déroutants, mais tous emprunts d’une nostalgie et d’un mal indicible qu’on appelle le « mal jaune ».

 Ils sont nombreux, comme Bigeard, à avoir laissé là-bas : « la moitié de leur cœur et une grande part – sinon la plus belle – de leur vie »…

 

Fréjus 2014 072 

 

Un parachutiste devant la stèle du général Bigeard.

 

Retrouvez toutes les photographies (plus de 70 clichés) de cette journée du samedi 26 avril à Fréjus, dans l'album intitulé "2014-04-26, Fréjus".

 

CDT (RC) Frédéric RIGNAULT

 Président du Comité d’Issy

Délégué général adjoint des Hauts-de-Seine

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 26 Janvier 2014

Dien Bien Phu ECPAD

 

Soldats à Diên Biên Phù (copyright ECPAD).

 

Retour à la 13.

 Giacomo Signoroni revient en Indochine en 1951. Il rejoint sa formation d’origine, la 13e DBLE. L’unité est transportée dans le Tonkin où, là encore, elle s’illustre à de nombreuses reprises. En novembre 1953, l’Opération Castor est décidée. Il s’agit de réoccuper les bâtiments d’une ancienne garnison japonaise dans le village reculé de Diên Biên Phù, à l’ouest du Tonkin, proche de la frontière du Laos. Le but étant d’attirer en cet endroit un maximum de forces du Vietminh et de les battre. Définitivement. Il s’agit également de fermer la frontière avec le Laos pour éviter la contagion communiste. Les 1er et 3ème bataillons y sont envoyés.

 Giacomo Signoroni : « Je revois encore le lieutenant-colonel Gaucher. Il était le commandant de la 13. Il nous avait réuni et nous indiqua : « C’est simple. Je connais le terrain. Ici, j’ai foutu une branlée aux Japonais en 1940 ! »

 

Diên Biên Phù : la mission.

 L'assaut contre le camp retranché de Diên Biên Phù est déclenché le 13 mars 1954, contre le point d’appui (PA) Béatrice, alors sous le commandement du commandant Pégo. C’est une pluie d’obus qui s’abat sur le PA, et ce à l’étonnement général, à commencer par le commandant des forces françaises, le général de Castries. Le colonel d’artillerie Piroth, qui a juré qu’aucun obus ne serait tiré sur le camp, prend acte de son erreur et se suicide quelques jours plus tard à l’aide d’une grenade. En fait, les troupes du Vietminh ont mobilisé des dizaines de milliers d’hommes pour creuser des galeries un peu partout à l’intérieur des collines qui entourent le camp retranché. Elles y ont placé des canons, qu’elles peuvent, aussitôt le coup parti, rentrer dans leur cachette. Le commandement français devient fou ne sachant d’où viennent les coups.

 Quant au PA Béatrice, comme les autres PA d’ailleurs, ses constructions n’ont absolument pas été faites en prévision de bombardements. En quelques heures, les voilà pulvérisées…Les soldats français tombent comme des mouches. Pégo et Gaucher sont tués par un obus qui pénètrent dans leur abri.

 Giacomo Signoroni : « En qualité de Chef de la Section Pionniers, je fus convoqué par le lieutenant Bacq, commandant la C.C.B. (Compagnie de Commandement du Bataillon) du 1/13 DBLE (1er bataillon de la 13ème demi-brigade), le 14 mars 1954 vers 8 heures. Etaient présents : le chef de bataillon Brinon, commandant le 1/13 DBLE, le lieutenant de Chapotin, officier de transmission du 1/13 DBLE et le capitaine Stermann, médecin-chef du 1/13 DBLE.

 Une trêve venait d’être signée jusqu’à midi. Le lieutenant Bacq me donna des explications sur ma mission :

  •  Rassembler au complet sans armes.
  • Tenue de combat, casque lourd, toile de tente, couverture, bidon plein d’eau, le maximum de brancards, pelles de campagne.
  • Pas d’insigne de l’unité et du grade.

 

Mais les officiers revinrent sur ce dernier point devant ma ferme attitude à vouloir conserver les insignes de grade.

 Ma mission consistait en les éléments suivants :

  •  Me rendre sur le PA Béatrice – le camp retranché de Diên Biên Phù était entouré de PA aux noms de Gabrielle, Anne-Marie, Huguette, Dominique, Eliane, Claudine, Béatrice, Françoise et Isabelle – perdu la nuit du 13 au 14 mars 1954, après de durs combats.
  • Récupérer les blessés, les morts, reconnaître les corps et en particulier ceux des officiers.
  • Me rendre compte de la situation sur le PA Béatrice.

Deux Dodge 6x6 furent mis à ma disposition, plus une jeep pour l’équipe médicale, dirigée par le capitaine Stermann, assisté du caporal infirmier Sgarbazzini et deux infirmiers de son équipe médicale.

 

L’organigramme de ma section était ainsi composé :

  •  Moi-même, adjudant Signorini.
  • Sergent Trumper (qui fut tué le 17 mars 1954).
  • Caporal-chef Miguel Leiva.
  • Caporal Joss Mirko.
  • Les légionnaires : Gutierez, Pregati, Clément, Redina, Bosio, Blanc, Andreis, Nitch, Radwaski, et d’autres encore dont les noms m’échappent plus de cinquante ans après les faits. »

 

En direction du PA Béatrice.

 « A 9h, à bord de nos véhicules, nous démarrâmes en direction de l’antenne chirurgicale où nous retrouvâmes l’équipe médicale du capitaine Le Damany, médecin-chef de la 13 DBLE, ainsi que le Père Trinquant, aumônier de la demi-brigade. En tête du convoi se trouvaient les quatre véhicules de l’équipe médicale, battant pavillon de la Croix Rouge : la jeep du capitaine Le Damany, une ambulance, la jeep du capitaine Stermann et le véhicule du Père Trinquant. Suivaient mes deux Dodge plus un camion GMC pour les légionnaires.

 Le convoi prit la direction du PA Béatrice. Un kilomètre avant l’arrivée sur le PA, je remarquai deux emplacements de mines antichars, de chaque côté de la route, ainsi que plusieurs autres pour des armes automatiques, et en particulier des SKZ, placés à mi-hauteur sur les pentes qui surplombaient le chemin. De même, je vis des recoins de combats, destinés certainement à une compagnie pour une embuscade. Tous ces dispositifs ne pouvaient être là que pour nous empêcher de dégager Béatrice.

 A l’entrée du PA, la barrière était fermée. La chapelle était intacte. Par contre, le terrain tout autour était labouré par les obus et les mortiers. Notre convoi stoppa à la chapelle. Je fis mettre pied à terre et disposait les véhicules pour le retour. Ordre était donné aux chauffeurs de ne pas bouger, prêts à toute éventualité.

 Sur Béatrice même, régnait un silence pesant. Un silence de mort et de désolation. Les abris étaient démolis, les tranchées pleines de terre, à la suite des éclatements des obus ou des grenades. C’était évident : la lutte avait dû être dure et farouche. Mais, en dépit de ces images de dévastation, j’avais un sentiment étrange : il y avait une présence vivante autour de nous. Etait-elle amie, ennemie ? Nous partageâmes cette intuition. Aussi, disposais-je mes légionnaires en plusieurs équipes, et nous commençâmes la montée sur Béatrice. Nous progressions difficilement, fouillant avec minutie les abris à la recherche de survivants.

 Avec l’équipe du caporal-chef Leiva, je me rendis à l’abri du PC (poste de commandement) du commandant Pegot, situé au sommet du point d’appui. Le Père Trinquant me rejoignit. Le toit de l’abri était effondré ; les créneaux et l’entrée étaient bouchés par des éboulements. Il était impossible de constater si des corps se trouvaient sous les décombres. Je présumai que les restes du commandant Pegot, du capitaine Pardi étaient ensevelis, avec tous les occupants du PC. »

 

Face-à-face avec un officier Vietminh.

 « Je descendis vers la rivière appelée Nam Youm (il faut la traverser en quittant le PC du général de Castries, Béatrice étant une des collines les plus éloignées). Partout régnait ce même silence de mort. A mi-chemin, un officier Vietminh, dont j’avais remarqué la présence (certainement un commissaire politique) m’interpela et me signala que sur cette piste se trouvaient trois blessés, abandonnés, surpris comme les autres par l’attaque de nuit. Mais pour quelle raison auraient-ils été laissés là, alors que, visiblement, les Bodoïs avaient emporté les morts et les blessés du Corps Expéditionnaire ? Tout à ma mission, je remontai vers le sommet du PA et, face à la chapelle, nous trouvâmes un mort, à moitié enseveli sous les décombres. Je ne découvris pas son identité.

 Le même officier Vietminh m’interpela à nouveau et m’indiqua que tous les survivants officiers, sous-officiers et légionnaires avaient été conduits vers des camps de captivité, les blessés vers des infirmeries et des hôpitaux, et que les morts avaient été ensevelis dans les abris effondrés et dans les tranchées. A ma demande sur le sort des officiers, sa réponse fut la suivante : « Tous les prisonniers seront bien traités chez nous ». Puis, il me confia une bouteille de rhum en me disant : « Pour vos blessés ». Enfin, il me serra la main et me souhaita bonne chance.

 Plus de cinquante ans après, je me pose encore la question : comment cet officier ennemi a pu s’adresser à moi, alors que j’étais en mission, et entouré de trois officiers, portant bien visibles leurs galons ? Peut-être s’agissait-il encore une fois de cette philosophie vietnamienne dont on parlait tant.

 Vers 11h, un tir d’artillerie fut déclenché depuis les camps retranchés. Les obus de 155 visaient les collines entourant le camp retranché de Diên Biên Phù. Alors qu’un cessez-le-feu était en vigueur, pourquoi ce tir, sachant que des éléments français se trouvaient en ce moment même en zone Viet pour effectuer une mission humanitaire. Nous continuâmes rapidement nos recherches et nous récupérâmes les trois officiers dont avait parlé notre ennemi. Il s’agissait des lieutenants Pungier, Jego, et Carrière. Mais le temps de notre mission étant compté, nous dûmes rentrer à la base non sans avoir essuyé un nouveau tir d’artillerie à hauteur de l’antenne chirurgicale. Nous eûmes à déplorer un blessé léger.

 Et je rendis compte de ce que j’avais vu à l’officier des renseignements et retrouvai mon unité vers midi. Plus de cinquante-cinq après, je tiens à préciser une fois pour toutes et en particulier à ceux qui écrivent des bons livres, que les artisans de cette mission sont bien ceux cités et non d’autres. Il s’agissait bien de la 13ème DBLE et en particulier de la Section Pionniers ».

 

A Diên Biên Phù.

 « A Diên Biên Phù, nous avons tous fait notre travail en soldat. Je prends en exemple les légionnaires de la Compagnie de Commandement du Bataillon (CCB) du 1/13 DBLE, qui avec sa Section Pionniers fut à toutes les pointes des combats, soit comme section de choc, soit avec les M5 Extincteurs Spéciaux que les anciens connaissent très bien et qui étaient célèbres pour leur efficacité dans les préparations d’attaque ou pour enrayer les assauts ennemis.

 La Section Mortiers de l’adjudant Adamait fut elle-aussi à la pointe des tous les combats. Pour sa part, elle agissait soit en tir d’appui et de barrage, soit en unité de combat, ce qu’elle fit à la fin après avoir détruit ses dernières pièces. Il faut également citer le travail remarquable de l’unité de transmission, avec les caporaux Guenzi et Piccinini, le sergent Ladrière et le sergent-chef Toussaint et tant d’autres encore. Quant au Service de santé avec Stermann, c’est bien simple, il était présent à chaque instant.

 Je tiens également à préciser que les derniers à passer la Nam Youm, le 8 mai 1954 – c’est-à-dire le lendemain de la reddition du chef du GONO (Groupement Opérationnel du Nord Ouest, le général de Castries) – furent les éléments de la CCB 1/13 aux ordres du capitaine Coutant, la Section Pionniers, la transmission, plus les survivants des trois compagnies du capitaine Capeiron, du lieutenant Viard, du lieutenant Bacq et du lieutenant de Chapotin. D’autres noms m’échappent. Ils passèrent vers 15h après avoir soutenu les assauts des Bodoïs sur Eliane 2.

 Après avoir tiré le dernier obus, la Section Mortiers détruisit l’unique pièce et prit part au combat comme unité fantassin. Le sergent Ladrière et le sergent-chef Toussaint en firent de même après la destruction des matériels de transmission. Les caporaux Guenzi et Piccinini assurèrent la liaison radio jusqu’au dernier moment avant la destruction de leur matériel.

 C’était la fin. Les Viet arrivaient de partout. Nous étions encerclés, prêt au sacrifice suprême. Piccinini et Guenzi brûlèrent le fanion de la compagnie. Ordre était donné de nous rendre. L’humiliation.»

 Pour ses actes de guerre et de bravoure, Giacomo Signoroni reçut la médaille militaire, sur le champ de bataille. La fin de l’aventure indochinoise est connue. Après le désastre militaire, et face à des dizaines de milliers de soldats ennemis, les troupes du Corps Expéditionnaire capitulent. S’ensuit une marche de près de 700 kilomètres, dans des conditions épouvantables, à travers la jungle pour rejoindre l’est du pays (Giacomo Signoroni est enfermé au Camp 73).

 Les pertes humaines à Diên Biên Phù sont d’environ 3.000 morts au combat ou disparus, plus de 4.400 blessés. Le 8 mai 1954, les hommes du général Giap font 10.948 prisonniers. Au moment de la restitution de ces mêmes prisonniers, en septembre 1954, 7.658 hommes manquent à l’appel…

 

L’Algérie.

 Au retour de l’Indochine, Giacomo Signoroni est muté dans un Régiment Etranger de Cavalerie. Entre 1954 et 1960, il combat les fellaghas à la frontière marocaine dans la région de Colomb-Béchar. Raccourci tragique de l’Histoire : c’est en ces lieux que disparut le 28 novembre 1947, le général Leclerc, qui avait été à le premier chef du Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient en 1945-46.

 Là, Giacomo Signoroni prend part à moult opérations dans les montagnes de l’Atlas Saharien. Puis il suit son unité à Saïda, dans l’arrière-pays oranais, non loin de Sidi-Bel-Abbès, patrie d’origine de la Légion. D’ailleurs, la perte de l’Algérie sera un traumatisme pour elle, comme pour de nombreuses unités. Même si la Légion perd dix fois moins d’hommes qu’en Indochine, de nombreux militaires pensent qu’ils ont été lâchés par le pouvoir politique, quand la victoire par les armes, elle, était acquise. Contrainte de quitter le pays, la Légion étrangère brûle en partant le pavillon chinois, pris en 1884 à Tuyen Quang, et qui ne devait pas quitter Sidi-Bel-Abbès. Elle emporte les reliques du Musée du Souvenir et exhume les cercueils du général Rollet (Père de la Légion), du prince Aage du Danemark et du légionnaire Heinz Zimmermann, dernier tué d’Algérie. Elle s’installera à Aubagne, dans le département des Bouches-du-Rhône.

 Mais Giacomo Signoroni n’est déjà plus concerné…

 En 1958, il se marie. De cette union, naissent une fille puis un garçon. Peu avant la naissance de son premier enfant, il quitte l’armée. Le retour en France a lieu en 1961. Giacomo Signoroni, officier de la Légion d’honneur, commence une nouvelle vie, une nouvelle carrière au sein de plusieurs entreprises de sécurité et des centres de surveillance.

 

 

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 10 Janvier 2014

 

rc4

Convoi sur la RC4 (copyright ECPAD).

 

L’engagement.

 Giacomo Signoroni est né en 1921 dans le petit village de Castagneto Po – connu depuis que sa native la plus célèbre, Carla bruni, est devenue Première dame de France – situé à quelques kilomètres de Turin, au cœur du Piémont. Les industries automobiles Fiat et l’agriculture, entres autres, assurent la prospérité de la région.

 « J’ai assisté à pas mal d’atrocités, indique Giacomo Signoroni, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les Italiens étaient les alliés des Allemands. Avec eux, cela pouvait aller. Tout a dégénéré quand les Américains sont arrivés et que la population s’est coupée en deux : il y avait d’un côté ceux qui voulaient se battre pour le Duce, de l’autre, ceux qui voulaient aider la libération du pays. Puis le Duce a été renversé et la liberté est revenue. Mais j’en avais trop vu. J’ai décidé d’émigrer en France, vers Nice et de m’installer. Après quelque temps, je me suis engagé dans la Légion étrangère ».

 

La 13ème DBLE.

 La 13ème Demi-brigade de la Légion étrangère (DBLE) est créée en 1940, à partir de volontaires du 1er régiment étranger d’infanterie et de troupe basées au Maroc. Elle est alors composée de 55 officiers, 210 sous-officiers et 1.984 caporaux et légionnaires. Destinée à combattre en Finlande contre les troupes de la Wehrmacht, elle est finalement envoyée en Norvège, à Narvik et se couvre de gloire pour son baptême du feu. Après l’armistice, son état-major est placé en Angleterre. Une partie des légionnaires reste dans ce pays et intègre les unités de la France Libre tandis que d’autres rejoignent l’Afrique du Nord. A partir de 1942, la 13ème  DBLE est de tous les combats pour la libération de la France : Bir-Hakeim, Tobrouk, l’Italie puis le débarquement de Provence et la course vers les Vosges et l’Alsace.

 A Nice, en avril 1945, le général de Gaulle embrasse le drapeau de l’unité, qu’il vient de décorer de la Croix de la Libération.

 Giacomo Signoroni intègre la 13e DBLE à ce moment-là (il prend le pseudonyme de Signorini) et part pour Bizerte en Tunisie. En son sein, il côtoie des hommes qui vont devenir des célébrités, comme le général Saint-Hillier (Grand Croix de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération), ou Pierre Messmer, qui un jour sera Premier ministre de la France. Quelquesmois plus tard, la Guerre d’Indochine est déclenchée.

 

La 13ème DBLE est envoyée en mars 1946 à Saigon. Sous le commandement du colonel Brunet de Sairigné, cette unité participe à tous les engagements en Cochinchine, au Cambodge et dans le centre du Vietnam, l’Annam. Les chiffres témoignent de l’âpreté des combats : entre 1946 et 1951, l’unité perd 80 officiers, 307 sous-officiers et 2.334 légionnaires.

 Giacomo Signoroni : « Le colonel Brunet de Sairigné était un très grand chef. Plus jeune colonel de l’armée française de l’époque, il nous emmena très loin et dans des conditions très difficiles. Il faisait partie de ses hommes qui n’ont pas besoin de secouer le cocotier pour se valoriser ! Il ne se passait pas une semaine sans que nous partions en patrouille pour débusquer des Viets. Nous avions déjà occupé la plaine des Joncs, au sud de Saigon, près de la ville de Mytho, dans l’estuaire du Mékong. Nous nous déplacions sans arrêt. Mais mon pire souvenir de cette époque reste bien ce 1er mars 1948. J’étais de poste. Le colonel était parti pour encadrer un convoi sur la route de Dalat. Je la connaissais bien cette route. Je m’étais fait allumer quelques semaines plus tôt par un déserteur : un communiste français ! Je l’ai su bien plus tard : c’était un gars de la cellule de Courbevoie. Pour le colonel, il y eut une embuscade au kilomètre 113 et ce fut un massacre. Le soir, nous étions au courant de la tragédie qui nous laissa sans voix. Il avait 35 ans et c’était un chef exceptionnel et certainement un des meilleurs qu’aie connu la Légion étrangère ».

 

 Brunet de Sairigne

Gabriel Brunet de Sairigné.

 

La compagnie para du 3e REI.

 L’une des lacunes de la Légion en Indochine est le manque d’une unité de parachutistes. Pour combler ce vide, le commandement décide le 1er avril 1948 la création d’une compagnie au sein du 3e régiment étranger d’infanterie. Mais pour la gestion au quotidien, l’unité dépend du 1er régiment de chasseurs parachutistes. Elle est stationnée pour sa formation à Hanoi.

 Formée de volontaires venus des unités de la Légion présentes en Indochine, elle a, à sa tête, un jeune lieutenant repéré pour ses qualités de meneur d’hommes : Paul Arnaud de Foïard. Il est aidé par les lieutenants Morin, Camus, Audoye, Salles et le sous-lieutenant Vion. Mais le commandement du lieutenant ne dure pas : malade, il est rapidement remplacé par le lieutenant Morin. Ce dernier s’appuie sur des sous-officiers : 1 adjudant, 11 sous-officiers (dont le sergent Signoroni), deux caporaux-chefs, 15 caporaux, 24 1e classes et 89 légionnaires.

 Les indications qui suivent sont pour la plupart issues du Journal de Marche et des Opérations de la compagnie. Le lieutenant Audoye l’avait fait dactylographié en plusieurs exemplaires mais en avait conservé l’original. Soixante quatre années après les faits, ses trois fils ont remis en mains propres au colonel commandant le 3e REI le document fameux.

 Retour à 1948 : l’entraînement ne tarde pas avec des tirs au fusil 36, au PM, des essais des lance-grenades de 50. Souvent, l’unité utilise le stand de tir de l’armée de l’air situé à l’aéroport militaire de Bach-Mai, près d’Hanoi. Le 22 avril, les légionnaires en sont déjà à leur 4e saut en parachute. Le lendemain, départ en patrouille pour investir le village de Duyen Duong.

 Le 30 avril, anniversaire de la bataille de Camerone, le Haut-commandement décide de consigner tous les légionnaires, de peur de débordements… funeste erreur ! « Les légionnaires sortirent quand même. Quitte à être tous punis ! Il est vrai que des bars furent démontés et quelques filles se souvinrent des beaux légionnaires ».

 La compagnie est placée sur la Route coloniale 4 (RC4). Le général (2S) Jacques Maillard, Chef de corps du 503ème Régiment de Chars de Combat entre 1986 et 1988, a écrit : « La RC4 n’avait de route que le nom. C’était une piste élargie (d’environ cinq mètres) et empierrée, tout juste suffisante pour permettre le passage des camions et des blindés légers qui l’empruntaient pour aller ravitailler Cao Bang, ainsi que les agglomérations et les postes intermédiaires. Cette route reliait des massifs rocheux, « les calcaires », par un itinéraire sinueux, parfois escarpé, passant par des cols élevés et des gorges profondes, et franchissant de nombreux ponts ou radiers. La saison des pluies (mai à septembre) était éprouvante. On ne pouvait pas trouver mieux pour tendre des embuscades aux convois. Le Vietminh installait ses bases de feu sur les points dominants, « les calcaires », et ses bases d’assaut près de la route, bien camouflées dans la végétation luxuriante. Sur plusieurs dizaines de kilomètres, c’était un véritable coupe-gorge. Les blindés sautaient sur les mines. Les camions étaient incendiés. Les blessés agonisaient. Les légionnaires (mais aussi les coloniaux, les tirailleurs indochinois et nord-africains, les goumiers et les sénégalais) mouraient dans des combats violents et inégaux ».

 Le 30 septembre 1948, la 1e section et deux groupes de la 2 et de la 3 forment un groupe de mortiers pour escorter un convoi sur Bac-Kan. Il s’agit pour lui de relier Na Fac par le col des Vents. Le mois suivant la compagnie para s’installe à Lang Son et effectue un saut dont la mission consiste en la fouille de villages qui peuvent cacher des éléments rebelles.

 Noël 1948. La compagnie fête la fin de l’année avec un banquet qui rappelle à tous la métropole : andouille de vire, jambon de Bayonne, saucisson à l’ail, asperges d’Argenteuil. Une distribution de cadeaux est organisée à l’hôpital de Lanessan.

 Janvier 1949 : opérations à Lac Tho et Noac Koï, puis en commun avec le 1er RCP le mois suivant à Lac Dao. Le capitaine Pierre Segrétain, commandant le 1er bataillon étranger parachutiste (créé en juillet 1948), rend visite à la compagnie. Une autre fois, la compagnie est envoyée à Talung pour desserrer l’étau que les Bodoïs ont placé autour de la compagnie d’un certain capitaine du nom d’Hélie Denoix de Saint-Marc. Au printemps 1949, la compagnie est envoyée en opération à Lao Kay puis sur les pics de Coc-Xam.

 Giacomo Signoroni : « Il fallait tout le temps faire attention. Etre sur ses gardes. Un soir, alors que j’étais chef de poste, un légionnaire s’est endormi et 20 tirailleurs ont été égorgés dans leur sommeil par les Viets. Je peux vous dire que le lendemain, je mettais le même gars de garde, mais sans ses armes habituelles : il avait un sifflet, une grenade et un bambou. Et je lui ai dit : maintenant, on verra bien si tu vas t’endormir : si tu vois des Viets, le sifflet c’est  pour nous prévenir, la grenade pour les repousser et le bambou pour te battre ! »

 Mais le 31 mai 1949, par décision 220/FTEO/1/0 la compagnie parachutiste du 3e REI est dissoute à partir de minuit et son effectif est affecté au 1er BEP. Quelques jours plus tard, les sergents Signoroni et Morhange terminent leur séjour en Indochine. Ils prennent le train pour Hanoi avant d’embarquer sur le Pasteur pour la métropole.

 La RC4, qui n’a jamais été maîtrisée totalement depuis la fin du 19ème siècle, coûte trop cher, en vies humaines et en moyens. En Mai 1950, grâce à une attaque éclair, la Brigade 308 du Vietminh prend un poste situé sur cette RC4, entre Cao Bang et Lang Son : Dong Khé. Le 27 mai, le 3ème GCCP du commandant Decorse est parachuté et, aidé du 10ème Tabor marocain, reprend rapidement le poste. L’Armée française pense la situation stabilisée et décide finalement l’évacuation de Cao Bang pour le début du mois de septembre 1950.

 L’opération est confiée au colonel Constans qui commande le secteur depuis Lang Son. C’est-à-dire très loin de la zone même des opérations. Le succès de l’évacuation repose sur le recueil de la colonne de Cao Bang du colonel Charton (avec à sa suite de nombreux civils…) par la colonne du colonel Lepage, lui-même venant de Lang Son. Au même moment, le poste de Dong Khé est à nouveau attaqué, et pris, par les Bodoïs. Le plan de Giap, chef militaire du Vietminh fonctionne parfaitement : le colonel Lepage commence par porter secours aux légionnaires qui défendent Dong Khé. Puis, apprenant que la colonne Charton a quitté Cao bang, le colonel Lepage, alors qu’il est dans une position critique, décide de remplir sa mission initiale. Il lance ses hommes à travers la jungle afin de récupérer la colonne Charton. Dans le même temps, plutôt que de rebrousser chemin, la colonne Charton, lassée d’être harcelée par les Bodoïs, progressant avec une lenteur infinie sur des pistes déformées par les pluies, finit par abandonner ses matériels et équipements et applique l’ordre de défendre la colonne Lepage durement touchée par la guérilla.

 C’est une catastrophe. Sortant des routes, les hommes du CEFEO (Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient) sont massacrés par les troupes communistes vietnamiennes. Face à 5.000 soldats français se trouvent plus de 20.000 ennemis, qui connaissent parfaitement le terrain. Se sentant perdus, les officiers français donnent l’ordre de constituer de petites unités afin qu’elles puissent, par chance, s’exfiltrer des griffes du Vietminh. Seuls 12 officiers et 475 soldats parviennent à regagner That Khé, camp qui sera lui-même évacué quelques temps plus tard, dans des conditions tout aussi dantesques.

 Quant aux survivants des combats, encerclés, ils sont emmenés au Camp n°1, situé dans cette région du Haut-Tonkin.

 

 

 Giacomo Signoroni - 2

 

Giacomo Signoroni et Frédéric Rignault, president du SF d’Issy (Issy – 2013 – Copyright Alain Bétry).

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 20 Décembre 2013

 

Chapelle That Khe aujourd'hui

La Chapelle de That Khê… aujourd’hui.

 

S’il est bien une terre étrangère où le sang de nos compatriotes a coulé en abondance, chacun sait que c’est celle de l’ex Indochine où sont tombés près de 50.000 soldats et civils originaires de l’ensemble des pays de l’Union française…

 

Du poste isolé qui succombe à court de munitions ou de défenseurs dans un coin perdu de brousse, aux grandes batailles qui ont enseveli des bataillons entiers, les lieux susceptibles de voir s’élever des stèles perpétuant la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés pour remplir leur mission ne manquent pas…

 

Certes, le mémorial des guerres en Indochine de Fréjus a accueilli les dépouilles ayant pu être rapatriées, et une stèle a bien été élevée sur le site de Diên-Biên-Phû à l’initiative privée de l’ex légionnaire Rolf Rodel pour rappeler le souvenir de nos anciens… En revanche, s’agissant des victimes de l’embuscade du Groupement mobile 100 en juin 1954 dans la région d’Ankhé ou de celles des combats de septembre – octobre 1950 sur la Route coloniale n° 4, il n’existe malheureusement à ma connaissance au Vietnam, aucun monument ou stèle rappelant la mémoire de ceux qui ont disparu à l’occasion de ces deux catastrophes militaires, trop souvent méconnues du grand public.

 

Je n’aborderai pas ici le drame du GM 100 que je ne connais pas suffisamment, préférant me limiter à l’évocation de la RC 4 dont je viens de parcourir à mon tour à pied en compagnie de deux camarades, une partie du tracé, sans doute le plus connu, je veux parler de la portion That Khê – Dong Khê… et des environs de ces lieux. Pourquoi ce choix ? Tout simplement, parce qu’en dépit des modifications apportées au tracé de la route, malgré l’urbanisation de plus en plus marquée qui remodèle ces localités désormais entrées dans notre histoire, voire dans notre jargon militaire comme ce hameau de Coc Xa qui a donné naissance au néologisme « coxer »… le paysage, les noms, les pierres, les vieux arbres… sentent encore la poudre et « prennent aux tripes » celui qui se donne la peine de prendre un peu de temps pour méditer sur le passé…

 

Elever aujourd’hui un monument officiel sur la RC 4 à la mémoire de nos soldats constituerait assurément un projet particulièrement noble mais il me semble quelque peu irréalisable… du moins dans un proche avenir, ceci pour une raison fondamentale… Une tentative pour élever une stèle sur la RC 4 avait été bien initiée il y a quelques années mais je crois savoir que cette démarche, pourtant relayée jusqu’aux plus hautes instances du pouvoir, n’a jamais abouti ou en est encore au stade de « l’étude » pour des motifs bien évidemment davantage politiques que matériels…

 

En effet, au-delà des sourires de convenance, en dépit de l’ouverture aux visites guidées « à vocation historique » et malgré les libations communes autour du thème de « l’amitié des peuples »… cette route a été, est et restera… pour longtemps encore, un des symboles de la lutte contre le colonisateur français, aussi fort que la mise en place du drapeau Vietminh sur les demi-lunes du PC GONO de Dien-Biên-Phû… Il suffit à celui qui en douterait de comptabiliser le nombre de monuments et de cimetières élevés aux soldats Vietminh tombés lors de la bataille de la frontière de Chine, pour se convaincre que la RC 4 constitue l’acte fondateur de l’armée populaire du Vietnam. La RC 4 et Dien Bien Phû revêtent en effet pour l’armée vietnamienne la même importance que chez nous Bazeilles, Camerone, Sidi Brahim… pour la coloniale, la Légion étrangère, les chasseurs… à ceci près diraient les esprits chagrins que ce sont là des défaites …

 

Au risque de choquer le lecteur, je rajouterai presque que dans l’esprit des Vietnamiens, élever un monument à nos disparus et à tous ceux qui ont souffert sur cette « route morte » serait assimilable à l’édification d’un monument commémoratif à la gloire des soldats allemands… sur un de ces lieux de martyre que sont Tulle ou Oradour sur Glane… Alors que faire dans ces conditions ?

 

Soixante ans après le drame de la RC 4, les citadelles de Cao Bang et de That Khê sont aujourd’hui des emprises militaires vietnamiennes difficilement accessibles, la citadelle de Dong Khê, n’est plus qu’un amas de pierres dont émergent quelques constructions à la gloire des soldats vietnamiens tombés en 1950 ou plus récemment lors de la guerre sino-vietnamienne de 1979… Le pont Bascou, porte d’entrée au col de Loung Phaï a disparu… L’ancien nid d’aigle du capitaine Mattei sur Na Cham est désormais perdu sous la végétation et les constructions, les forts de Lang Son élevés lors de la conquête du Tonkin ne sont plus que des ruines…

 

Force est donc de constater que le seul témoin encore visible de cette période sombre est la chapelle de That Khê qui elle, en revanche, a su résister au passage du temps… mais aussi à l’action des hommes comme l’attestent les multiples impacts qui constellent les murs extérieurs de cet édifice, stigmates de la guerre sino-vietnamienne de 1979… Me gardant bien de refaire l’historique du drame de la RC 4 que chacun d’entre nous connaît, je souhaiterais quand même rappeler qu’à l’issue du repli français avorté de Cao Bang, marqué par l’anéantissement des colonnes Lepage et Charton, nombre de nos soldats blessés ont été provisoirement hébergés en ce lieu, transformé pour la circonstance en infirmerie de fortune… avant de partir pour l’oubli derrière le rideau de bambou… Que l’on ait ou pas l’âme religieuse, il n’en demeure pas moins que pénétrer dans ce bâtiment revient à faire un saut dans le passé car tout ou presque y est resté dans l’état d’autrefois… Que ce soient l’autel, les bancs des fidèles, les gravures aux murs… tout ou presque est d’époque… un peu comme si le temps s’était arrêté en ce lieu où beaucoup de nos soldats se sont éteints ou ont agonisé en attendant une hypothétique évacuation aérienne vers Hanoï…

 

Compte tenu de l’impossibilité d’élever un monument à la mémoire de tous ceux, comme l’a écrit le docteur Serge Desbois , « dont la vie s’est arrêtée, un jour de l’automne 1950, sur les bords de la Route coloniale n° 4 », pourquoi ne pas saisir dans ces conditions l’opportunité de réhabiliter cette chapelle, véritable « cheval de Troie » du devoir de mémoire… Un projet de réhabilitation existe actuellement, relayé notamment par monsieur Thierry Servot-Viguier que l’on peut consulter sur internet.

 

Aux dernières nouvelles, l’église vietnamienne, en l’occurrence l’évêché de Lang Son, serait d’accord pour réhabiliter ce lieu sous réserve d’un financement français mais le devis (30.000 euros) fourni par l’évêché semble excessif… En outre l’utilisation des crédits risque de manquer de transparence…

 

Sous réserve d’une diminution du montant et d’un contrôle des travaux, la réhabilitation de cette chapelle constituerait une bonne opportunité pour tourner la réticence vietnamienne à nous laisser commémorer notre passé militaire et le souvenir de ceux qui sont tombés sur la frontière de Chine… tout en leur laissant sauver les apparences… donnée essentielle s’il en est en Asie…

 

 

 

Colonel (er) Jean Luc Martin

 

Sources:

 

Ce texte du colonel Martin, a été publié avec l’aimable autorisation de la Délégation du Souvenir Français de Chine (nous remercions son Délégué général, notre ami Claude R. Jaeck).

Chapelle That Khe 2

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Publié le 23 Novembre 2013

  Saigon 1941 - Entrée des troupes japonaises

 

Saigon : les Japonais entrent dans la ville.

 

Ascendance prestigieuse.

 

Personnages importants de la société française en Indochine, les frères Schneider occupent une place de premier plan dans le monde de l’édition à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème. François-Henri nait en 1852. Ce dernier arrive de France en 1883 alors qu’il vient d’être promu au grade d’Agent de 1ère classe, Chef d’atelier de l’Imprimerie coloniale du Protectorat à Saigon. Deux années plus tard, il développe une imprimerie indépendante, mais reprend à son compte les travaux de son premier employeur. Moins de dix ans après son arrivée, François-Henri Schneider compte près de 160 employés au sein de sa société : l’Imprimerie de l’Extrême-Orient.

 

En 1892, il fait venir son frère, Ernest-Hyppolite – né en 1843 – pour lui confier la gestion d’une fabrique de papier qu’il vient d’ouvrir à Hanoi. François-Henri s’est en effet aperçu que l’on peut tirer un excellent papier à partir de bambous et, de fait, avec son frère, organise une véritable filière : de la production, à l’impression, en passant par la vente d’articles de papeterie. Bientôt, les frères Schneider siègent à la Chambre de Commerce et au Conseil municipal d’Hanoi. A contrario d’un bon nombre d’entrepreneurs coloniaux, François-Henri Schneider semble particulièrement apprécié de ses collaborateurs et de son milieu professionnel. En 1923 – soit deux années après sa mort – des Vietnamiens lettrés édifient une statue commémorative à sa mémoire, à Daï-Ich, au Tonkin.

 

Outre les bulletins de l’Ecole française d’Extrême-Orient d’archéologie, François-Henri Schneider édite des auteurs français d’Indochine, connus en leur temps, comme Pierre-Gabriel Vallot, Gustave Dumoutier ou encore Alfred Raquez et il imprime le Journal Officiel de l’Indochine. Parallèlement, il lance la Revue indochinoise et créé L’Avenir du Tonkin, premier quotidien à paraître en vietnamien à Hanoi. Proche des milieux politiques pro-français, François-Henri Schneider aide le journaliste et écrivain Henry Chavigny de la Chevrotière à publier ses œuvres et son journal, La Dépêche, qui deviendra le quotidien le plus lu de Cochinchine et de sa capitale, Saigon.

 

Henry Chavigny de la Chevrotière est également connu pour ses prises de position contre André Malraux. Le futur ministre de la Culture du général de Gaulle est à l’époque un voyageur et écrivain remarqué, mais aussi condamné : au retour d’un premier voyage en Indochine, il s’est fait prendre à la frontière ayant dans ses bagages près de huit cent kilos de statues et des bas-reliefs arrachés à Angkor. De plus, ses amitiés communistes en font une cible privilégiée pour la Chevrotière, qui lui-même mourra pour ses idées et ses convictions en 1952, assassiné par le Vietminh.

 

Alors qu’il est déjà avancé en âge, François-Henri Schneider épouse la jeune sœur d’Henry Chavigny de la Chevrotière. De cette union naissent quatre enfants, dont la mère de Jean-Pierre Jaillon, Denise Schneider.

 

Jean-Pierre Jaillon : «Je n’ai malheureusement connu ni connu mon grand-père, Monsieur Schneider, ni ma grand-mère, Henrilia Chavigny, décédée en 1914, l’unique sœur du journaliste, qui repose à La Thieu. Ma mère épousa à la fin des années 1930 Monsieur Robert Jaillon – originaire de Nancy – qui s’occupait d’une plantation de café aux Collines Rouges des hautes terres du Tonkin. Son travail l’amena à voyager dans toute la péninsule indochinoise, et avec ma mère nous le suivîmes ! La vie en Indochine à cette époque – et avec le regard d’un enfant – me paraissait paradisiaque. N’allez pas croire que nous étions englués dans une quelconque société française colonialiste refermée sur elle-même. Je passai mes journées à jouer avec de petits Annamites. Et comme d’habitude, les choses sont bien plus complexes qu’on ne veut bien l’admettre, surtout si l’on considère les événements d’Indochine avec une réflexion a posteriori. Ainsi, même dans les familles françaises, « blanches » pour être très clair, les débats faisaient rage entre les tenants d’une colonisation jusqu’au-boutiste et les partisans d’une émancipation, voire d’une liberté totale du peuple vietnamien. Et c’était sans compter les familles au sein desquelles parfois des hommes avaient épousé de jeunes femmes vietnamiennes.

 

 

Le coup de force des Japonais.

 

Présents depuis 1940, les Japonais n’ont que de faibles garnisons dans la péninsule. Ils se sont organisés avec les représentants locaux du Gouvernement de Vichy pour tirer les ficelles du pouvoir en maintenant un semblant d’autorité française. Les données changent en février 1945 quand en France, la victoire acquise, il est question de recouvrer la pleine et entière souveraineté sur les territoires coloniaux encore entre les mains de l’ennemi. Au premier jour de la fête du Têt, le 15 février 1945, le général de Gaulle déclare : « La France fera du développement politique, économique social et culturel de l’Union indochinoise l’un des buts principaux de son activité dans sa puissance renaissante et dans sa grandeur retrouvée ».

 

Le 9 mars 1945, les Japonais, qui se sont considérablement renforcés depuis quelques mois, attaquent toutes les garnisons françaises en Indochine. A Hanoi, Lang Son, Hué ou encore à Saigon, des milliers de Français sont passés par les armes – souvent décapités – qu’ils soient soldats, officiers ou civils. Qu’ils soient des hommes, des femmes ou des enfants. Des récits horribles, par dizaines, racontent ces journées terribles. Il y eut aussi des miracles comme celle de l’infirmier Cron qui survivra au coup de sabre qui lui entamé le cou et les cervicales mais sans totalement détaché la tête…

 

Jean-Pierre Jaillon : « En mars 1945, nous vécûmes des journées atroces au moment de l’occupation japonaise. L’envahisseur était présent depuis plusieurs années déjà, mais s’en tenait aux casernes, les ports et les aéroports où les soldats étaient somme toute assez discrets. La Gendarmerie japonaise était en face de notre maison à Saigon. D’étranges « infirmiers » venaient en « griller une » juste devant ma porte, entre deux drôles de soins qu’ils réservaient essentiellement aux Chinois d’Indochine. Il convient cependant d’ajouter qu’ils se dérangèrent quand le « comité d’assassinat » Binh Xuyen vint essayer de fracasser nos solides volets, à travers lesquels je pus observer d’ailleurs la première manifestation anti-française, ordonnée par le Vietminh. Des hordes de Vietnamiens passèrent dans la rue, avec des camions, bourrés à craquer d’ex-prisonniers du bagne de Poulo Condor. Ils hurlaient, brandissaient des armes. D’autres hommes en armes tentaient de ramener un semblant d’ordre. J’appris plus tard qu’ils avaient une mission pour le moins terrible : l’assassinat du Père Tricoire, de la cathédrale de Saigon ; épisode qui devait marquer le début de la Guerre d’Indochine.

 

Du jour au lendemain, nous vîmes de plus en plus de Japonais dans les rues. Les arrestations se multiplièrent. Quiconque cherchait à résister était abattu sur place, sans sommation, sans explication. Et nous avons découvert ce qui était pour nous insoupçonnable : globalement – encore une fois avec mon regard de jeune enfant – les Vietnamiens se comportaient bien avec les Français. Mais ce que nous pensions être une amitié certaine n’était que crainte. Du moment où les Japonais démontrèrent que nos soldats étaient facilement battables, nous vîmes dans leur attitude que cette amitié – cette crainte – avait disparu. Le temps de la « courbure d’échine », si je puis dire, était terminé. Les Japonais nous firent prisonniers pendant quelques jours.

 

Enfin, les premiers soldats français arrivèrent en provenance de métropole. Nous allions être libérés. Je me souviens parfaitement avoir été sauvé par des parachutistes. Et ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que je retrouvai certains de ces paras quelques quinze ans plus tard, alors que j’étais appelé du contingent en Algérie.

 

En septembre 1946 ; j’ai vu Henry Chavigny de la Chevrotière. Il était venu signer des papiers à la maison, et furieux de notre départ, son regard a croisé en une fraction de seconde le mien, dans une sorte d’interrogation mutuelle. Il était en tenue de cavalier, et son accoutrement était bien différent de ce que j’avais l’habitude de voir à la maison : nos domestiques, mais aussi des rescapés et prisonniers hollandais (dont je trouvais le premier caché dans un arbre), des soldats anglais, puis des Français, fraîchement débarqués et en transit pour se rendre sur le front, contre les « terroristes ».

 

En 1946 donc, nous avons pris le bateau à Saigon et nous nous sommes installés à Paris – rue de Saigon, comme un pied de nez de ma mère à sa famille restée là-bas – et j’ai terminé ma scolarité. Par la suite, j’ai fait carrière dans l’industrie pétrolière, aux achats chez Exxon-Mobil, et j’ai fondé une famille. Et je me suis installé à Coutances, dans le département de la Manche. Le climat est relativement doux et humide. Ce qui permet d’avoir une végétation luxuriante avec des palmiers et des plantes exotiques ! Et les côtes du Cotentin me rappellent celles de mon Vietnam natal…

 

Quant à mon grand-oncle, nous avons su son destin. Nous apprîmes son assassinat le 12 janvier 1951. Les restes d’Henry Chavigny de la Chevrotière furent rapatriés par la suite en France. Un fait est avéré : la très grande partie des Français qui sont morts en Indochine, qu’ils soient civils ou militaires – quand on a retrouvé les corps pour ces derniers – ne sont pas restés en Indochine ».

 

 

Le drame des sépultures françaises en Indochine.

 

Le 28 décembre 1993, le journaliste et écrivain Michel Tauriac a publié un remarquable article dans le journal Le Figaro sur la disparition des restes des Françaises et des Français inhumés en Indochine pendant la colonisation. Il est vrai que la République française, via le ministère des Affaires étrangères en collaboration avec les services de l’armée, avait procédé en 1986 et 1987, autant que possible, au rapatriement de ces enfants de l’ancien empire colonial.

 

Pour autant, dans plusieurs endroits du Vietnam, comme à Laï Thieu, à 25 km au nord de Saigon, des restes de milliers de Français ont été placés dans de petites urnes et laissées à l’abandon. Michel Tauriac : « Sont posées là, de chaque côté de ce couloir sans fenêtre ni éclairage, ces pauvres urnes d’argile au couvercle souvent entrebâillé, les unes sur une tablette de béton fixée au mur, les autres par terre. Certaines sont cassées et leur contenu, composé de cendres, d’ossements et de terre craque sous les semelles au milieu des tessons… Jetés au hasard, quelques menus bouquets de fleurs desséchées dans leur papier transparent, rappellent une cérémonie lointaine. »

 

  

Sources :

 

Entretiens avec Jean-Pierre Jaillon, 2010-2011.

Jacques de la Chevrotière : Les Chavigny de la Chevrotière en Nouvelle-France, à la Martinique.

Georges Fleury, La Guerre en Indochine, Perrin, 2000.

Recherches dans les archives des Bulletins de l’Ecole français d’Extrême-Orient d’archéologie.

Recherches biographiques André Malraux.

Recherches sur l’histoire de la presse française en Indochine.

Extraits du journal Le Figaro du 28 décembre 1993.

 

www.wikipedia.org/fr

www.myheritage.com

http://alain.j.schneider.free.fr/schneider_vietnam.htm

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine