Victor Cresson, par Thomas Nuk.

Publié le 9 Avril 2010

Victor Cresson

 

DEFENSEUR DES OUVRIERS, MILITANT COMMUNISTE.

 

Victor Cresson naît le 14 janvier 1884 à Gentelles dans la Somme, à quelques kilomètres au sud-est d’Amiens. Il est issu d’une famille modeste du nord de la France. Ses parents sont tisserands, spécialisés dans la bonneterie. Venu chercher du travail en Région parisienne, il entre comme ajusteur aux usines Salmson à Boulogne-Billancourt. À partir de 1924, il travaille dans une succursale du constructeur Peugeot à Issy-les-Moulineaux. Par la suite, il devient blanchisseur à son compte. En tant que travailleur indépendant, il a ainsi davantage de temps pour son activité militante et ne peut être licencié en raison de ses idées politiques.

 

En effet, Victor Cresson anime la cellule locale du Parti communiste. Alors qu’il est membre du Parti socialiste avant la guerre de 1914, il rejoint le Parti communiste dès sa formation en 1920. En 1935, lors des élections municipales à Issy-les-Moulineaux, il prend la tête de la liste du Parti communiste. Après le premier tour du 5 mai, les différentes composantes de la gauche, les communistes, les socialistes, ainsi que les radicaux constituent une nouvelle liste « antifasciste »composée de vingt communistes, huit socialistes et deux radicaux. Au soir du deuxième tour, le 12 mai 1935, c’est cette liste, ce Front commun, qui remporte les élections municipales. Au cours de la séance du 19 mai 1935, l’assemblée municipale composée des nouveaux conseillers municipaux, élit Victor Cresson maire d’Issy-les-Moulineaux. Son premier adjoint est Fernand Maillet.

 

En sa qualité de nouveau maire d’Issy-les-Moulineaux, Victor Cresson s’intéresse avant tout à la population ouvrière de la ville. Durant les grèves de mai-juin 1936, lors de l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Front populaire dirigé par Léon Blum, la municipalité isséenne apporte son soutien aux ouvriers. Un système d’aide communale est ainsi mis en place pour aider les chômeurs, des bons d’achats financés par la municipalité étant distribués aux ménages les plus en difficulté face à la crise économique des années 1930.

 

À partir de 1936, Victor Cresson apporte également une aide matérielle aux républicains espagnols au moment de la guerre civile. Des colis alimentaires sont expédiés pour venir en aide aux populations. C’est dans ce contexte que le 25 janvier 1939 se tient une séance exceptionnelle du conseil municipal, entièrement consacrée à la situation dans la péninsule ibérique, suite à la prise de Barcelone par les troupes du général Franco.

 

L’action de Victor Cresson au niveau de la commune favorise en outre un large développement des infrastructures, avec notamment la viabilisation de quartiers insalubres soumis à des inondations régulières. C’est ainsi qu’un important réseau d’égouts permettant la récupération des eaux usées est mis en place dans l’île Saint-Germain.

 

Symboliquement, la salle des fêtes d’Issy-les-Moulineaux, construite en 1932, prend le nom de Maison du Peuple en 1935. Des congrès ouvriers et des réunions politiques y sont dès lors organisés. Par ailleurs, les noms des rues attribués sous le mandat de Victor Cresson font référence à des personnages politiques de l’époque. C’est ainsi qu’est inaugurée, par exemple, la nouvelle place Paul Vaillant Couturier, journaliste à L’Humanité, décédé en 1937.

 

Enfin, fidèle à l’idéologie du Parti communiste, Victor Cresson souhaite l’ouverture de centres sportifs. On assiste alors à la création d’un premier stade à Issy-les-Moulineaux et d’une piscine municipale, directement installée sur les rives de la Seine. De même, c’est sous son mandat qu’un premier parc communal, le parc Henri Barbusse, est inauguré à Issy-les-Moulineaux. Une colonie de vacances voit aussi le jour, la municipalité ayant fait l’acquisition d’une résidence en Vendée afin qu’un grand nombre d’enfants puisse profiter de vacances à la mer.

 

Le parcours de Victor Cresson pendant la Seconde Guerre mondiale
 

La France et ses Alliés déclarent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, après l’invasion allemande de la Pologne le 1er septembre. Suite au pacte germano-soviétique du 23 août 1939, le Parti communiste est dissout par un décret du 26 septembre 1939. De ce fait, Victor Cresson est suspendu de ses fonctions de premier édile de la ville d’Issy-les-Moulineaux le 4 octobre 1939.

 

Dès le début de la guerre, Victor Cresson entre dans la Résistance en distribuant des tracts communistes. Lui et Maillet sont alors arrêtés et envoyés en séjour surveillé en décembre 1939 au camp de Baillet en Seine-et-Oise, puis à l’île d’Yeu. Par la suite, ils sont transférés en zone Sud, dans le Cantal, dans des camps situés à Riom-ès-Montagnes, puis à Saint-Augeaut, d’où ils s’évadent en septembre 1940.

 

De retour à Issy-les-Moulineaux, Victor Cresson est de nouveau arrêté avec Fernand Maillet en octobre 1940. Après cette seconde arrestation, Victor Cresson est envoyé à Aincourt en Seine-et-Oise. Il est alors jugé par la XIIe Chambre correctionnelle du département de la Seine pour infraction au décret du 26 septembre 1939 et est condamné à dix mois de prison.

Il est emprisonné successivement à la prison de Fontevrault, à la centrale de Clairvaux, puis à la prison de la Santé à Paris. En mai 1941, il est interné avec Maillet au camp de Châteubriant-Choisel, en Loire-Inférieure. Là, ils voient, ce fameux mercredi 22 octobre 1941, vingt sept militants communistes, parmi lesquels Jean-Pierre Timbaud et Guy Môquet, passer par les armes dans la clairière de la Sablière.

 

Après la fermeture du camp de Châteaubriant, Victor Cresson est transféré au camp de Voves dans l’Eure-et-Loir. Avec quarante-et-un autres détenus, il est alors envoyé au Fort de Romainville en Région parisienne pour servir d’otage : ceux-ci peuvent être fusillés à tout moment au Mont-Valérien lors de représailles allemandes.

 

Mais ils quittent le fort pour la gare de l’Est à Paris le 25 octobre 1943 et sont envoyés en Allemagne dans un train de voyageurs, par le convoi n°238 qui comprend vingt-huit Français. Après avoir rejoint la gare de Sarrebruck quelques jours plus tard, ils sont conduits au camp de Neue-Bremm, un camp de transit pour de nombreux déportés français. Trois semaines après avoir quitté la France, le 12 novembre 1943, Victor Cresson arrive au camp de concentration de Mauthausen, où sont détenus de nombreux déportés politiques. Le 14 novembre 1943, après avoir passé une nuit dans une prison de Munich, Victor Cresson reçoit le matricule 39 461 et est contraint de porter le « triangle rouge » des détenus politiques.

 

En outre, comme d’autres membres de son convoi, Victor Cresson est considéré comme Nacht und Nebel, ce que l’on peut traduire par « Nuit et Brouillard » : les déportés ayant ce statut étant condamnés par les nazis disparaître à court terme, sans laisser de trace. Il s’agit bien souvent des détenus politiques, communistes la plupart du temps. Les « NN » relèvent en fait d’une juridiction spéciale qui les isole totalement du monde extérieur.

 

Déjà très affaibli par ses quatre longues années de captivité dans les prisons et camps français, Victor Cresson doit affronter l’hiver autrichien à son arrivée dans ce camp. Très vite sa santé se détériore. Il est victime de la sous-alimentation et des mauvais traitements. Il passe les deux derniers mois de sa vie dans des conditions terribles, enfermé au « Revier », sorte de prison-infirmerie du camp tout à fait particulière, si l’on considère qu’au sous-sol de ce même bâtiment sont installés des fours crématoires. Durant le régime hitlérien, 180 000 personnes sont déportées au camp de Mauthausen et 154 000 personnes y trouvent la mort. Sur les 12 500 déportés français au camp de Mauthausen, 10 000 y meurent. Le 12 février 1944, Victor Cresson décède d’épuisement à l’intérieur du camp central.

 

La ville d’Issy-les-Moulineaux a rendu hommage à son ancien maire, mort en déportation. Une avenue centrale porte désormais le nom de Victor Cresson. Au n°33 de cette rue, une plaque commémorative a été apposée sur la façade de l’immeuble où il vécut lorsqu’il était maire de la commune. Et Victor Cresson a reçu le titre de « Mort pour la France » par décision du ministre des Anciens Combattants, François Mitterrand, en date du 8 juillet 1947.

 

Thomas Nuk – Historien – Membre du Souvenir Français.

 

 

Sources :

Bulletin municipal d’Issy-les-Moulineaux, avril 1945 et février 1946

Registre des délibérations du conseil municipal d’Issy-les-Moulineaux, durant le mandat de Victor Cresson.

Archives de la préfecture de police de Paris. Dossier des internés communistes BA 23 74.

Informations fournies par la Fondation de la mémoire de la déportation.

Informations fournies par l’Amicale nationale des déportés, familles et amis de Mauthausen et ses kommandos.

Entretien avec M. André Grillot, président d’honneur de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé, qui fut l’un des compagnons de captivité de Victor Cresson.

Agulhon Maurice, Girard Louis, Robert Jean-Louis, Serman William et alii, Les maires en France du Consulat à nos jours, Paris, Publication de la Sorbonne, 1986, 462 p.

Maitron Jean et Pennetier Claude, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, 4ème partie: 1914-1939, De la Première Guerre mondiale à la Seconde Guerre mondiale, Paris, Les édition ouvrières, 1981. Article « Victor Cresson ».