seconde guerre mondiale

Publié le 3 Mai 2013

Le dernier cavalier.

Thierry Rousseau, président de l’amicale du 1er RHP a indiqué il y a peu la disparition de l’adjudant-chef Rivier, dans sa 101ème année, qui était l’un des derniers cavaliers de l’armée française à avoir fait la guerre à cheval !

 

L’adjudant-chef Alphonse Rivier était né le 26 septembre 1912. Il avait été au régiment à partir de 1931 et avait fait sa carrière au 1er régiment de hussards et l’avait terminée au 2ème régiment de hussards à Orléans.

 

En 1940, le 1er régiment de hussards et le 8ème régiment de chasseurs faisaient partie de la 1ère Brigade de cavalerie à cheval. Le 1er avait pour mission, pendant la Seconde Guerre mondiale, la couverture d’un corps d’armée. Il participa à la bataille des Ardennes françaises et des Ardennes belges.

 

Du 14 au 25 mai 1940, au cours des derniers combats sur le canal des Ardennes, le Mont Dieu, Stonne et Tanay, la 1ère brigade de cavalerie brisa l’armée allemande et obtint une citation à l’ordre de l’Armée accordée par le général Weygand le 22 novembre 1940 ainsi rédigée : «Régiment aux magnifiques traditions qui, sous le commandement du chef d’escadron Crapon, a fait preuve des plus belles qualités militaires en assurant, du 9 au 23 juin 1940, malgré un ennemi mordant, disposant de moyens puissants, la couverture d’un corps d’armée. En dépit d’effectifs réduits, a contre-attaqué avec plein succès les 9 et 10 juin, faisant de nombreux prisonniers et s’emparant d’un important matériel. A su, sans défaillance, bien qu’ayant subi de lourdes pertes, en imposer à l’ennemi grâce à son moral élevé et son esprit de sacrifice. Cette citation comporte l’attribution de la Croix de guerre avec palme ».

 

Après 1945, les Allemands avouèrent que la 1ère brigade de cavalerie leur avait mis 10 000 hommes hors de combat (prisonniers, blessés ou tués). D’ailleurs, ils l’appelaient «Les Diables Rouges» (die roten Teufel en Allemand).

 

L’adjudant-chef Alphonse Rivier a été rappelé à Dieu le 24 avril 2013, dans sa 101ème année. Depuis des années, il vivait en maison de retraite, à Saint-Hilaire-Saint-Florent, non loin de Saumur.

 

Son fils, Alain, fait hussard d’honneur à Tarbes en 1981, a reçu pour mission de déposer les bottes, la cravache et les étriers de son père au musée des Hussards de Tarbes.

 

Décorations de l’adjudant-chef Alphonse Rivier :

 

- Médaille militaire (décret du 25 octobre 1950).

- Médaille de reconnaissance de la Nation (Guerre 1939-1945).

- Croix du combattant.

- Médaille commémorative (Combats du 14 au 25 mai 1940) Mont Dieu - Tannay - Stonne.

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Publié le 3 Décembre 2012

Entrée du cimetière de Ploaré (Bretagne), où se trouve la tombe de Corentin Celton

(Copyright : Landru Cimetière).

 

 

Corentin Celton nait en Bretagne, dans le Finistère, à Ploaré, le 18 juillet 1901. Au début des années 1920, il se rend sur Paris pour y chercher du travail. Il se fait recruter par l’Assistance publique, qui le place comme garçon de salle, dans un service de chirurgie de l’hôpital Saint-Antoine.

 

En 1925, il adhère à la Section Française de l’Internationale Communiste. Militant zélé, il se fait rapidement remarquer. En 1934, il prend un poste à l’hôpital des Petits-Ménages, à Issy-les-Moulineaux. Le directeur de l’établissement lui confie des tâches de travail de bureau, au service de la consultation. L’année suivante, il est placé en congé syndical, à sa demande. Il gravit un à un les échelons du syndicat CGT (Confédération générale du travail), Section des Services Publics, et après avoir représenté la région parisienne pendant deux années, il est nommé secrétaire suppléant de la Fédération CGT des Services Publics. Parallèlement, il est secrétaire du syndicat des Municipaux de Paris et membre de la Commission administrative de la Bourse du Travail de Paris.

 

Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, il est mobilisé en tant qu’infirmier. Par son action, son mérite, il se voit attribuer la Croix de Guerre. Mais l’Armée française est anéantie rapidement. Démobilisé, Corentin Celton retrouve son emploi à l’hôpital des Petits-Ménages.

 

En septembre 1940, l’Assistance publique le relève de ses fonctions au titre de « militant communiste » ; son parti étant alors interdit depuis le Pacte Germano-soviétique de l’année précédente. Corentin Celton s’engage alors dans la Résistance et travaille aux liaisons entre le syndicat légal de la Santé et des syndicalistes qui, comme lui, sont dans la clandestinité. Dénoncé par le directeur de l’Assistance publique, il est arrêté, le 10 avril 1942, et transféré à la prison de la Santé. Il porte sur lui de faux papiers au nom de Pierre Le Meur.

 

Jugé en 1943, il est condamné à trois années de prison, qu’il doit effectuer à la prison de Clairvaux. Peu de temps après, alors que les premiers meurtres de soldats et responsables allemands dans Paris sont l’œuvre de militants communistes, Corentin Celton est transféré à la prison de Fresnes. Interrogé, torturé, il est à nouveau jugé. La sentence tombe le 20 décembre 1943 : la mort ! Il est fusillé au Mont Valérien le 29 décembre 1943.

 

En février 1945, l’hôpital des Petits-Ménages est débaptisé et prend le nom de Corentin Celton. Plus tard, c’est au nom de la station de métropolitain qui le dessert de s’appeler également Corentin Celton.

 

En 2002, après avoir transformé la place devant l’hôpital, le conseil municipal d’Issy-les-Moulineaux vote une délibération qui nomme Corentin Celton le parvis et tout le quartier environnant.

 

Peu avant de mourir, Corentin Celton écrit ces quelques mots qui figurent sur l’une des plaques de sa pierre tombale : « J’ai lutté pour un monde meilleur, et cela restera ma fierté. Il ne me coûte pas de mourir puisque j’ai la certitude que la France vivra ».

 

 

Celton Plaque-reduc

 

 Tombe de Corentin Celton (détail).

 

 

 

Sources :

 

·         - Encyclopédie Larousse.

·         - www.issy.com

·         - http://lysianealezard.elunet.fr

·         - Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, par Claude Pennetier et Jean Maitron, Les Editions ouvrières, 1984.

·         -  Encyclopédie Wikipédia.

·         - Clichés d’Henri Chapalain.

 

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Publié le 16 Septembre 2012

Magdeburg ruinen

 

1945 : Magdebourg en ruines.

 

 

Mars 2012, Issy-les-Moulineaux : nous rencontrons Monsieur Wolfgang Cotta.

 

 

Magdebourg.

 

« Je suis né en 1928 à Magdebourg, qui fut une cité de premier plan du temps du Saint-Empire Romain Germanique et haut lieu du protestantisme. Son université était d’ailleurs particulièrement réputée. Magdebourg, cité de l’Elbe, se situe aux confins des massifs de l’Allemagne centrale et de la grande plaine germano-polonaise ».

 

La ville de Magdebourg est également connue pour avoir présenté, par l’intermédiaire de son bourgmestre en 1654, Otto von Guericke, une expérience pour montrer la force de la pression atmosphérique. L’homme de science avait fait assembler deux demi-sphères en métal puis il avait fait le vide à l’intérieur. Pour réaliser sa démonstration, il avait fait attacher des chevaux de trait à chaque demi-sphère. Les animaux eurent beau déployer toute leur force, ils n’arrivèrent pas à séparer en deux la sphère ! Celles et ceux qui ont un ouvert une encyclopédie à la page de Magdebourg ont forcément lu cette anecdote.

 

 

« Mon père, originaire des Sudètes, s’était installé dans cette ville, comme photographe artistique. Là où il avait rencontré ma mère. Notre grand appartement, dans un immeuble du centre de la ville, en face de la cathédrale début gothique, était aussi l’atelier de mon père. Ses clients étaient surtout les acteurs et chanteurs des théâtres et de l’opéra de Magdebourg.

 

Pendant ma prime enfance, je n’étais absolument pas conscient de la situation, dans laquelle se trouvait l’Allemagne, sous la dictature d’Adolf Hitler ».

 

 

Le parti nazi au pouvoir.

 

Fondé au début des années 1920, le parti national-socialiste (« Nationalsozialismus » en Allemand), fort de 1.500.000 membres, fait campagne aux élections législatives de 1933 sur les thèmes de la sécurité, de l’indépendance du pays face à l’internationalisme (l’Allemagne a un « espace vital » à faire respecter) et le soutien aux classes paysannes et moyennes (le pays est toujours en crise économique) par un accroissement de la protection économique et sociale et l’assistance aux prix agricoles.

 

Les résultats sont sans appel : les partis de gauche (communistes et sociaux-démocrates) comptent 201 députés, ceux du centre et le parti bavarois, 92 députés. Quant au Parti national du peuple allemand, il envoie 52 de ses représentants au Reichstag. Le grand vainqueur est le parti national-socialiste avec 288 élus.

 

« Deux événements me sont restés en mémoire : j’avais 5 ou 6 ans, je sentais chez mes parents une certaine peur et angoisse. Ma sœur, 5 ans plus âgée que moi, me raconta bien plus tard qu’il fallait à cette époque prouver depuis deux générations son ascendance aryenne, ce que mon père ne pouvait pas, parce que son père (ou son grand-père je ne sais plus) était juif. Pour s’en sortir, il prétendit que les papiers de naissance de ses parents avaient disparu dans l’incendie de l’église de son petit village en Bohême.

 

Le deuxième événement fut la déclaration de la guerre en 1939. Je n’avais jamais vu mon père dans un tel désespoir. Il savait ce que voulait dire la guerre, car il l’avait vécu en tant que soldat autrichien pendant 1914-1918.

 

A partir de cette date, le parcours de ma vie, comme adolescent pendant les 6 ans de la guerre, et comme jeune adulte pendant les premières années après-guerre peut, peut-être, donner une certaine image de ce temps de la destruction de l’Allemagne, pas seulement matérielle, et de sa résurrection.

 

Je vivais les premières années de la guerre tout à fait normalement, inscrit dans un lycée humaniste de longue tradition (grec et latin), avec des professeurs âgés de grande érudition (tous les jeunes professeurs étaient mobilisés) ou le culte de National-socialisme était absent. Et comme tous les jeunes allemands âgés de 10 ans, je fus intégré dans la Jungvolk ».

 

 

 

De Deutsche Jungvolk à Hitlerjugend.

 

Le mouvement des Jeunesses hitlériennes est créé en 1922, sous le nom de Jungsturm Adolf Hitler. Obligatoire pour les jeunes enfants allemands, garçons et filles, il est organisé en classes d’âges :

 

  • Les Pimpf sont les plus jeunes. Ils sont admis à partir l’âge de six ans.
  • Les Deutsche Jungvolk regroupent les garçons de 10 à 14 ans.
  • Les Jungmädelbund gèrent les filles des mêmes âges.
  • Les Hitlerjungend sont les jeunes garçons de 14 à 18 ans, quand les Bund Deutscher Mädel sont les jeunes filles des mêmes âges.

 

Les jeunes gens sont encadrés par des adultes, bien entendu membres du Parti national-socialiste. Ils exigent une obéissance absolue et enseignent la doctrine nazie. Au sein des sections régionales, des concours sont organisés afin de sélectionner ceux des élèves pourront servir dans la Schutzstaffel (la SS « escadron de protection ») et ceux qui pourront se tourner vers la relève politique du parti nazi.

 

« J’avais un bel uniforme, et tous les mercredis et les samedis après-midi, nous faisions des exercices collectifs. Je commandais un petit groupe de camarades, et comme j’étais sportif, cela me convenait bien. Il y avait la guerre, qu’on vivait à travers les images des informations dans les cinémas, qui claironnaient les victoires de notre armée en Pologne et en France. Je sentais peut-être une problématique quand je me rappelle les violentes discussions entre mon père et son beau-père, antisémite et national-socialiste fanatique, qui dirigeait une agence d’assurances du groupe Albignia à Magdebourg. Je vois encore chez lui, entassés, les exemplaires du journal SS Der Stürmer, dont le sous-titre était Les juifs sont notre malheur. »

 

 

L’année 1943.

 

« Arrive 1943 : les bombardements avaient déjà bien commencé. Au début de cette année, ma mère mourut subitement d’une attaque cérébrale. Elle disparut en une journée, sans que mon père, ni notre médecin de famille, ne puissent faire quelque chose. Déjà, les urgences n’existaient plus, et la vie normale, quotidienne, avait changé en profondeur.

 

C’est effectivement le moment où ma vie changea et où je perdis mon insouciance. Je me servis de la mort de ma mère comme prétexte, pour ne pas être intégré – j’avais maintenant 14 ans – dans la Hitlerjungend.

 

A la fin de 1943, lors d’un grave bombardement, notre immeuble fut détruit. Quelques mois après, mon père, âgé de 56 ans, fut encore une fois mobilisé. Je me trouvai seul avec ma grand-mère maternelle dans une maison que mon père avait fait construire avant la guerre à la périphérie du centre de la ville ».

 

 

Magdebourg anéantie.

 

« A la fin de l’année 1944, à l’âge de 16 ans, je fus interné dans une caserne pour préparer mon intégration comme soldat dans l’armée. Un peu après, la caserne fut bombardée. C’était le 16 janvier 1945. Magdebourg fut pratiquement rasée par ce bombardement, qui détruisit 90 % de la ville, faisant plus de 7.000 morts en quelques heures. Notre maison fut anéantie lors de cet événement.

 

 

La vie était maintenant complètement désorganisée. Occasion pour moi de m’enfuir. Je quittai mon uniforme et, sans papiers, je partis en train, en Poméranie près de la mer Baltique, en me cachant dans les couloirs de gares, pour éviter les contrôles. C’est là que nous avions des amis qui tenaient une laiterie ; une condition qui me permettait de survivre sans carte d’alimentation. Mais les Russes arrivaient, provoquant la complète dissolution de tout ordre. Les pires horreurs – dont finalement certaines étaient vraies – étaient alors colportées sur l’Armée Rouge. Cette anarchie me permit, je ne sais plus comment, de revenir à Magdebourg quelques semaines avant la fin de la guerre.

 

En ce printemps 1945, la ville fut d’abord occupée par les Américains et les Anglais. Mon père revint après sa libération d’un camp anglais de prisonniers de guerre. Nous vivions alors dans une petite maison à la limite de la ville ».

 

 

Domination soviétique.

 

« Mais la ville de Magdebourg était située, selon les conditions du Traité de Yalta, dans la zone attribuée aux Soviétiques ; zone qui deviendrait plus tard l’Allemagne de l’Est. Alors, les Alliés partirent et laissèrent les Russes prendre possession de la cité.

 

C’était assez étonnant comment la vie quotidienne, normale, s’installa peu à peu quelques mois après la guerre. L’école recommença en septembre 1945, avec une nouvelle langue vivante : le Russe ! Quant à la ville, administrée par d’anciens communistes allemands, elle se transforma en une sorte de nouvelle dictature. Dans les rues, des haut-parleurs lançaient des slogans à la gloire des Soviétiques et du parti communiste ; partout aux murs étaient attachées des banderoles rouges de propagande. Un jour, sortant de l’école avec mes amis, je marchai exprès sur l’une d’entre-elles, tombées à terre. Comme une sorte de réflexe contestataire, pas vraiment réfléchi. Quelqu’un se jeta sur moi : rixe ! Je me trouvai en prison, seul dans une cellule, avec de l’eau ruisselant sur les murs.

 

En ce temps, ce genre de comportement suffisait pour disparaître. Je me souviens d’un jeune garçon qui avait distribué clandestinement des tracts anti-communistes. Il fut arrêté comme moi, mais l’on n’entendit plus jamais parler de lui… Dans mon cas, mon père, connaissait un antifasciste notoire et qui avait des contacts avec l’administration. C’est lui qui me sauva ! Maintenant, je n’avais qu’une idée en tête : quitter au plus vite cette Allemagne de l’Est ».

 

 

A Berlin.

 

« En juillet 1947, j’obtins mon baccalauréat. Je partis pour Berlin-Ouest, ce qui était encore possible à cette époque, bien avant le mur, pour m’inscrire à l’Ecole des Beaux-arts, située dans le secteur américain, pour faire des études d’architecture. Ces toutes premières années d’après-guerre, à Berlin, furent des années de miracle : tout était alors possible ! Tout était à faire dans cette ville détruite. Personne n’avait d’argent. Et depuis, jamais, je n’ai ressenti et vécu une telle ambiance de joie collective. Nous avions survécu à l’anéantissement. Nous nous trouvions à « l’heure Zéro » ! Je découvris l’art moderne, proscrit sous les Nazis, décrit comme un « art dégénéré ».

 

En peinture, nous vîmes l’expressionisme des années 1920 ; d’ailleurs, quelques artistes étaient professeurs chez nous, aux Beaux-arts. En matière de littérature, ce fut la découverte de Kafka, d’Hemingway et de tant d’autres. Et le dimanche matin était bien souvent réservé aux concerts du philarmonique de Berlin, sous la direction de Furtwängler.

 

 

Nous sortions aussi au théâtre et nous nous régalions des Mouches de Sartre ou de La Guerre de Troie n’aura pas lieu de Giraudoux. Et toutes ces distractions et joies culturelles ne coûtaient pratiquement rien pour les étudiants. Enfin, nous découvrîmes le cinéma américain avec les comédies musicales de Fred Astaire et les films de Rita Hayworth, sublime. Le soir, j’écoutais avec ma petite radio, émerveillé, les émissions de l’AFN (American Forces Network) : Glenn Miller, Benny Goodman, Frank Sinatra, Billy Holiday, Ella Fitzgerald. Après les horreurs de la guerre, nous nous trouvions dans un autre monde : un monde de rêve.

 

A la fin de l’année 1948, les Soviétiques installèrent le « blocus » en coupant la seule route, un corridor d’environ 200 km, traversant l’Allemagne de l’Est, et qui reliait à Berlin les secteurs américain, anglais et français avec l’Allemagne de l’Ouest. Le but étant que les Alliés abandonnent la ville. Comme bien souvent, le contraire se produisit : les Américains organisèrent un pont aérien. Nous voyions un flot ininterrompu de gros avions de transport, venant de l’Ouest, assurer le ravitaillement en aliments, souvent transformés en farine, des médicaments. Enfin, tout ce qui peut servir à la survie d’une ville de plus d’un million d’habitants.

 

 

Cette attitude d’affronter les menaces se manifestera plus fort encore, quand, lors de la construction du Mur, en 1960, le président Kennedy, en visite officielle, déclara devant la population de Berlin : « Ich bin ein Berliner ! » (je suis un Berlinois).

 

Nous nous trouvâmes encore une fois dans une ambiance de guerre : personne ne pouvait sortir de la ville, et chacun avait besoin de l’autre. Qui plus est, l’hiver fut très rigoureux et nous manquâmes cruellement de charbon. Les quotas d’électricité étaient très simples : deux heures le matin et deux heures le soir. Après huit mois, les Soviétiques abandonnèrent et la vie normale se réinstalla".

 

 

Partir.

 

« Mais Berlin de l’Ouest restait un îlot, entouré par l’Allemagne de l’Est. C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles j’envisageais, après mon diplôme d’architecte, de partir, pas nécessairement pour quitter mon pays, mais pour découvrir le monde : Londres, Paris, New York… Aucune importance !

 

Ce fut Paris, ou j’avais une adresse d’un cabinet d’architecture grâce à un ami anglais. Ainsi, j’arrivai comme Allemand, seulement quelques années après la guerre, à Paris, et je fus accueilli avec une étonnante gentillesse, accompagnée d’intérêt pour moi. Je fus rapidement intégré dans ce cabinet. Six mois après, je commençais à parler le français à peu près correctement. On me confia – et je décrochai – des projets intéressants : hôpitaux, habitations, pavillons, où mon instruction à la base du « Bauhaus », peu connue à cette époque à Paris, me permettait de m’exprimer et d’être reconnu.

 

Une fois installé comme architecte indépendant, la question de retourner en Allemagne ne se posa plus. Je vivais avec ma femme allemande, qui m’avait suivi depuis Berlin, dans un cadre cosmopolite : une condition qui offre une capitale comme Paris. Je gardai mon identité allemande, basée sur la confrontation des deux cercles de culture : germanique et français. Mes clients, essentiellement des étrangers, me confiaient des ambassades, des sièges sociaux de sociétés, des hôtels.

 

 

Le passage dans ma vieille maison de Bourgogne de quelques membres de ma famille, et les enfants, avec leurs propres enfants, des mes anciens amis de Berlin, me permet aujourd’hui de garder le contact avec mon pays natal et de parler ma langue maternelle, devenue de plus en plus importante pour moi. Ils sont toujours accueillis avec chaleur dans ce petit village, d’à peine 100 habitants de familles d’agriculteurs. Ils vivent avec plaisir, pendant leurs passages, l’ambiance de la France profonde.

 

Voilà mon parcours à travers les événements du XXème siècle, et qui sont maintenant déjà devenus l’Histoire, mais sont aussi et surtout à la base de notre nouveau monde européen ».

 

Berlin Mur bild

 

Construction du Mur de Berlin en 1960.

 

Sources :

·         Entretiens – Mars – Mai 2012.

·         Université de Magdebourg – www.uni-magdeburg.de

·         Ville de Magdebourg – www.magdeburg.de

·         R.J. Evans, Le Troisième Reich, Flammarion.

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Publié le 8 Avril 2012

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Jacques Vignaud, au collège Henri Matisse d’Issy-les-Moulineaux. Conférence sur la Résistance.

 

Il y a quatre années, le Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux rencontrait Jacques Vignaud, qui avait alors raconté son engagement dans la Résistance à l’âge de 17 ans : « Ces adolescents qui prirent tous les risques pour sauver la France ».

Voici une suite de ce récit.

 

Anarchiste républicain.

 

« Je ne fus démobilisé qu’en janvier 1946. Après la poche de Royan – La Rochelle, je fus envoyé sur celle de Lorient. Des armées entières étaient parties pour délivrer le territoire national, et poursuivre la lutte en Allemagne. Pour notre unité, il s’agissait de participer à la gestion des zones de résistance de l’ennemi. Si à Royan, j’étais un fantassin du 93ème RI., à Lorient, on me plaça un camion Bedford tout neuf dans les mains, avec interdiction de prendre à bord des passagers.

 

Je passais donc au milieu de pauvres familles qui rentraient chez elles. Pauvres familles qui s’en revenaient d’un exode parfois de plusieurs années afin de retrouver la terre de leurs aïeux. Une fois, je n’y tins plus et je remplis mon Bedford de passagers. Bien sûr, la police militaire me prit en flagrant délit. Ainsi, après avoir connu la prison en tant que Résistant, je la connus en tant que militaire désobéissant à un ordre que je considérais comme stupide.

 

Cette insoumission était bien dans mon caractère. J’ai toujours été une sorte d’anarchiste. Républicain certes, mais récalcitrant à toute la connerie humaine ! Bref, cela me valut 8 jours d’arrêt de rigueur. Mais j’étais le seul prisonnier à Lorient qui recevait des visites d’habitants de la ville, des paniers plein d’huîtres à mon intention !

 

Déjà quelques temps plus tôt, j’avais agit de la sorte. Les Allemands étaient à la recherche de jeunes gars pour aider les entreprises françaises à construire le Mur de l’Atlantique. J’étais alors garçon de recettes sur les Fêtes foraines. Je fus embarqué de force pour travailler aux ouvrages fameux. Je ne peux pas dire que j’en faisais lourd… Un jour, alors que le chantier était la cible de bombardements « d’avions forteresses » de l’US Air Force, je descendis sous les hangars de protection. Là, un sous-marin allemand était accosté. Ils évacuaient des blessés. Je reportai ce que j’avais vu à quelques camarades le lendemain. Puis je pris l’habitude de les informer régulièrement. On pouvait compter sur mon engagement et ma fidélité à la cause qu’ils défendaient.

 

Tout naturellement, ils me demandèrent quelques mois plus tard de rejoindre le maquis. J’avais 17 ans ».

 

Reporter au Time Life.

 

« Je fus donc démobilisé en janvier 1946. On nous avait donné des papiers pour nous rendre dans des bureaux de recrutement. A Paris, nous reçûmes des enveloppes, au sein desquelles se trouvaient des propositions d’emploi. Nous étions en sortie de guerre, heureux d’être des miraculés. Et tout était possible. J’ouvris. Deux propositions s’y trouvaient : l’une pour Fortune et l’autre pour Time Life. Je rencontrai le directeur de ce journal à Paris. Il me dit : « Si tu sais conduire une jeep, alors je t’engage. Prends cet appareil photo. Prends des photos. Tout ce que tu veux. J’ai besoin que l’on voit Paris après la guerre. Débrouille-toi et bonne chance ! ».

 

J’habitais chez une personne de ma famille à Bezons. Je passais mes journées à travailler, à faire ce que j’appelais pompeusement mes reportages. On m’avait aussi confié le tri de la presse pour préparer des revues pour le correspondant du journal à Paris : Sherry Mc Gan. Enfin, je passais des courriers à un Américain en charge de l’application du Plan Marshall pour la France.

 

A partir du mois de décembre 1946, l’Assemblée nationale fonctionna à nouveau. Vincent Auriol en était le président. Je devais me rendre au Palais Bourbon afin de remettre une invitation à l’’un des ténors de la politique de l’époque, un héros de l’entourage du général de Gaulle : Maurice Schumann. J’avais 20 ans et je rencontrais un personnage important. Je dois confesser que ce n’était pas la première fois que j’étais dans cette situation.

 

Environ deux années plus tôt, alors maquisard, on m’avait demandé d’aller chez l’écrivain Georges Simenon qui s’était installé peu loin de notre campement. Là-aussi, j’étais pétrifié de peur à l’idée de rencontrer un grand homme. Je m’y rendis en voiture à cheval afin de récupérer de l’essence. Je sais tout ce qui a été dit, écrit sur Simenon pendant la Seconde Guerre mondiale : l’engagement de son frère dans la Waffen-SS de Wallonie, son antisémitisme … Etait-il un collaborateur ? Je n’en sais rien. Ce que je peux dire par contre, c’est qu’il m’accueillit – et d’autres maquisard plus tard avec moi – de manière charmante. Il nous fit des chèques pour nous permettre d’acheter des provisions et tout ce dont nous avions besoin. Il nous couvrit de nourriture, de bouteilles…

 

Ainsi, je me trouvai face à Schumann. Nous discutâmes un moment – en fait il me posa des questions et je tentai de répondre – puis me rendit mon invitation marquée de son accord. Mais plus de soixante-cinq années après, je n’ai pas oublié une seule seconde de cette visite. Je vois encore son regard. Deux petits yeux derrières des lunettes à gros foyers de myope. C’était quand même un événement».

 

Au hasard de rencontres.

 

« Au hasard d’une rencontre puis d’une amitié, un chef d’entreprise me confia un poste au sein d’une unité industrielle dans la chimie. Je devins coloriste et travaillai dans ce métier pendant près de 10 ans, alors qu’au départ je n’avais bien entendu aucune formation.

 

Dans le même temps, je me passionnai pour mon activité bénévole au sein des Auberges de Jeunesse. Je gravis tous les échelons pour atteindre le poste de secrétaire général national. C’est d’ailleurs au cours d’une réunion internationale en Suède que je découvris celle qui allait devenir mon épouse. Une jeune femme thaïlandaise qui représentait les Auberges de tout le sud-est asiatique.

 

Je repris pendant près de trois ans mon travail de journaliste et je devins l’un des correspondants de la revue Selection du Reader Digest entre 1963 à 1966. Enfin, et jusqu’en 1992, je travaillai chez Linguaphone France ou je fus le chef des ventes nationales. Tout en conservant des activités annexes, bien sûr. Au cours de ces dernières années, entre le militantisme politique, l’engagement au conservatoire d’Issy-les-Moulineaux ou dans l’administration du collège Henri Matisse, je n’ai jamais cessé en fait d’être en activité. Cela conserve !».

 

 

Entretiens réalisés en janvier 2012, à la brasserie Les Colonnes, à Issy-les-Moulineaux.

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Publié le 4 Juillet 2011

debarquement normandie

 

 

Fête de l’indépendance.

 

Le 4 juillet marque la fête nationale des Etats-Unis. Il s’agit de l’ « Independance Day » qui commémore la Déclaration d’indépendance des colonies britanniques d’Amérique en 1776. Depuis cette période, où le royaume de France avait envoyé une armée de 15.000 hommes, qui œuvra considérablement pour la victoire finale des Américains, les deux pays sont alliés.

 La Première Guerre mondiale apporta une preuve éclatante de cette alliance, et le débarquement du 6 juin 1944 la conforta encore une fois. Ce jour-là, près de 175.000 soldats américains, canadiens, anglais, polonais et les Français du commandant Kieffer débarquèrent sur les plages de Normandie.

 

Etre à Omaha Beach.

 

Angelo Marsella est né le 28 mars 1925 dans la ville de Philadelphie, en Pennsylvanie (USA). A l'âge de 18 ans en 1943, il décide de s'engager dans la Marine.

 

« Après avoir reçu mon diplôme de la base d'entraînement de Bainbridge, j'ai reçu l'ordre de me présenter à l'Amphibious Naval Base située à Solomons dans le Maryland, pour y suivre de nouveaux entraînements maritimes. Par la suite, j'ai été envoyé à bord d'une embarcation de débarquement pouvant transporter plusieurs chars (NB : des LST – Landing Ship Tank). Il s’agissait du 281.

 

Basé dans différents ports du Sud de l'Angleterre, le 281 fut engagé dans de nombreux exercices de débarquement préparant l'invasion par les côtes françaises. A la fin mai 1944, le 281 avait terminé sa période d'exercices. Nous avions alors reçu un grand nombre de personnels militaires supplémentaires et parmi eux se trouvaient : le Lieutenant Mitchell Jamieson (artiste peintre de la Navy), 2 médecins de la Navy, 25 assistants pharmaciens, des plongeurs-démineurs, et des soldats avec leur équipement. Le Lieutenant Jamieson a organisé des simulations de transport de blessés dans les quartiers de l'équipage.

 

Le 2 juin 1944, le 281 jeta l'ancre dans la Dart River en compagnie d'autres L.S.T., où nous avions attendu le signal d'invasion. Nous savions que l'invasion débuterait le 5 juin. Puis nous fîmes route en dehors du port de Dartmouth, avec 2 destroyers américains, 2 vedettes de sauvetage américaines et d'autres L.S.T. Puis nous furent mis au courant du retardement de 24 heures de l'invasion et nous fîmes des cercles dans la Manche

 

Le 6 juin 1944, vers 3 heures du matin, le 281 atteignit la zone prévue ; nous étions à environ 6 miles des côtes Normandes. A 3 heures 30, l'équipe de plongeurs-démineurs descendit le long de la coque du L.S.T. au moyen des filets. Leur travail était de localiser et de déplacer les obstacles submergés. Du fait de la présence de ces plongeurs-démineurs sur le bord du 281, 4 autres L.S.T prirent la tête du convoi, derrière les dragueurs de mines qui dégageaient une voie pour les bâtiments de l'invasion. En dehors de la voie dégagée par les dragueurs, la mer était infestée de mines allemandes

 

La nuit du 6 juin, nous n'étions pas ancrés très loin de la côte normande et heureusement pour nous, un navire Britannique nous prévint que nous avions perdu notre ancre, que nous dérivions vers un champ de mines et qu'il nous fallait trouver un nouvel endroit où ancrer.

 

Une fois les plongeurs-démineurs partis, nous reçûmes l'ordre de nous diriger vers Utah Beach. L'activité à bord du 281 devenait soudain de plus en plus importante, tout comme notre peur. Mon poste de combat se situait à l'avant bâbord, à la mitrailleuse de 20 millimètres. Je pouvais voir les balles traçantes et entendre les tirs d'armes automatiques tout autour de nous.

 

Le 281 approchait de plus en plus de la plage d’Utah Beach. C’est là que j'ai vu de nombreux corps de soldats américains flotter dans l'eau, ainsi que plusieurs épaves. Ce fut une terrible chose pour moi d'être le témoin d'une telle scène. Cela m'a beaucoup perturbé, et aujourd'hui encore, je peux toujours voir ces soldats flottant dans l'eau. A ce moment précis, j'étais en état de choc. Je me sentais concerné par la mort de ces hommes. Je me souviens avoir dit à mon compagnon de bord : mais qui va leur venir en aide ? Puis je me suis souvenu que les deux vedettes d'assistance qui nous accompagnaient avaient la responsabilité de récupérer ces soldats, qu'ils soient morts ou vivants.

 

Au loin, je vis deux éclairs monter dans le ciel, et sur ma gauche, le navire de guerre U.S.S. Nevada ouvrir le feu en direction de la côte ennemie avec ses canons de 400 millimètres. A ce moment, nous étions très proche de Utah Beach, mais nous reçûmes l'ordre du Bataillon de plage de ne pas accoster directement sur le sable, mais de débarquer notre transport en mer. Durant les premières heures, nous débarquâmes les hommes et le matériel que nous avions transporté depuis l'Angleterre. Avec la présence de nombreuses vagues, la tâche n'était pas facile. Ce débarquement causa beaucoup de dégâts à notre navire et un certain nombre des hommes d'équipage fut légèrement blessé.

 

Une fois la cargaison en hommes et en matériel débarquée, le 281 se transforma en un navire hôpital auxiliaire. Les premiers blessés que nous avions embarqués provenaient du dragueur Osprey. Il avait heurté une mine. L'U.S.S. Correy, l'un de nos navires d'escorte, avait également touché une mine. Les survivants de ces deux bâtiments étaient sévèrement brûlés. Je me souviens que certains des soldats que nous avions embarqués étaient très gravement touchés. Je peux décrire un de ces soldats, qui avait été touché de manière très violente à la tête.

 

Les navires de guerre tiraient toujours en direction de la plage. Au-dessus de nos têtes, une importante quantité d'avions alliés volait en direction du rivage ennemi. L'équipe médicale et les membres d'équipage du 281 firent de leur mieux pour que les blessés aient un voyage confortable jusqu'en Angleterre.

 

Le 9 juin, le 281 quitta à nouveau le port de Southampton avec à son bord un transport complet de soldats américains équipés. Une fois notre L.S.T. au sec, je marchai sur la plage avec quelques uns de mes camarades et j'y vis plus de corps et d'épaves que sur Utah. Nous en parlâmes avec des soldats américains présents sur la plage. Ils m'assurèrent qu'ils s'occuperaient des corps des soldats tués. Nous leur avions également parlé des corps de soldats allemands morts que nous avions vus dans le secteur de la plage. Ils nous répondirent qu'ils seraient juste recouverts de terre par des bulldozers.

 

Globalement, durant cette période, le 281 a effectué 5 voyages pour acheminer des renforts en hommes et en matériel. Beaucoup de choses se sont passées le Jour J, mais voilà ce dont je me souviens. »

 

 

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Publié le 7 Mai 2011

L’Opération Dynamo (copyright Daily Mail).

L’Opération Dynamo (copyright Daily Mail).

 

Le nom donné à l’opération qui a pour but l’évacuation du corps expéditionnaire britannique ainsi qu’une partie des troupes françaises encerclées dans le réduit de Dunkerque par les troupes allemandes, vient du quartier général de l’amiral Ramsay, installé dans les galeries d’un château de Douvres. Il abritait un générateur électrique pendant la Première Guerre mondiale, d’où son nom de Dynamo Room. Le 20 mai 1940, en ce lieu, une première réunion doit prévoir le rapatriement de plus de 338.000 hommes.

 

Après la rupture du front de Sedan, ces troupes se trouvent très vite encerclées et dans l’impossibilité de contenir la poussée Allemande. Il aura fallu 11 jours aux Panzers pour parcourir les 400 km qui séparent le Luxembourg à la Manche. L’avancée Allemande a pour but d’attaquer les trois grands ports du Nord de la France : Calais, Boulogne-sur-Mer et Dunkerque.

 

Mais les troupes de Guderian doivent faire face à une résistance acharnée de la part des Français, bien épaulés par l’aviation Anglaise. Malgré cela, Boulogne-sur-Mer, encerclée par deux divisions de Panzers, capitule en l’espace de trois jours, permettant aux Allemands de faire prisonnier près de 5.000 soldats, Français et Anglais, dont deux généraux. Le 24 mai, Calais est encerclée, et en dépit d’une résistance que Guderian qualifie « d’héroïque et digne des plus grands éloges », le général anglais Nicholson est contraint de se rendre. La citadelle tombe aux mains des Nazis en seulement deux jours. Avec ces deux pertes, les alliés se retrouvent obligés de se retrancher à Dunkerque, que Guderian indique comme « seul lien possible entre l’armée assiégée est le monde extérieur ».

 

L’Opération Dynamo qui conditionne sa réussite à utiliser ces trois ports, semble compromise. Le général Sir Douglas Brownrigg est chargé d’organiser l’évacuation des unités qui pourraient gêner le repli des soldats du front. Il leur donne ordre de se déplacer sur le canal de la Lys pour y établir une tête de pont. Puis un périmètre de défense, qui s’étend de Furnes via Nieuport à l’est, dirigé par les Anglais, et de Gravelines via Bergues, en suivant le cours des canaux à l’ouest, contrôlé par les Français, est solidement organisé autour de Dunkerque.

 

Le 28 mai, la Belgique capitule, la 4ème et la 3ème division abandonnent le secteur de Lille pour aller renforcer la défense de Dunkerque. Le 29 mai, les Français et les Anglais atteignent les canaux. Ils ont alors un mince espoir de pouvoir rallier l’Angleterre. Arriver sur place n’est pas de tout repos ; l’endroit est dangereux, l’accès parfois impossible : réservoirs à pétrole, entrepôts, hangars, installations des quais, tout brûle !

 

Hitler ordonne à Guderian de stopper l’avancée sur Dunkerque, ce qui permet l’embarquement sur tout ce que les alliés avaient à disposition. Le problème principal étant d’avoir suffisamment de navires pour pouvoir évacuer un maximum de personnes en un minimum de temps, et sous condition que l’ennemi n’intervienne que modérément. Les difficultés des côtes françaises interdisent l’emploi de gros navires. Plus de 200 destroyers sont alors mis en service. Cela est possible du côté français, moins chez les Anglais qui doivent faire face à des pertes alors que d’autres bateaux sont encore en missions. Mais la flotte anglaise peut compter aussi sur des ferries boat et des péniches automotrices. Près de 40 caboteurs hollandais qui s’étaient enfuis après la chute des Pays-Bas ou d’autres vaisseaux de guerre, permettent l’évacuation supplémentaire de 2.500 soldats en une nuit. Il faut ajouter le rôle non négligeable de canots et de baleinières. Plus tard, six destroyers, accompagnés de paquebots de la Manche et de la mer d’Irlande évacuent 900 personnes par voyage. Elles sont entassées sur et sous le pont.

 

Les troupes subissent de lourdes pertes. Ainsi, le cargo Douaisien heurte une mine magnétique. Il transporte près de 1.000 hommes ; le destroyer Wakeful est torpillé.

 

A Dunkerque, la situation n’est pas fameuse, le port est bloqué par des navires endommagés et l’évacuation doit se poursuivre sur les plages. Cela entraîne la décision de retirer de Dunkerque les 15 destroyers disponibles. De plus, la ville est sujette à une certaine anarchie : le désespoir pousse les soldats à l’ivrognerie, certains pillent les boutiques et les entrepôts, événements peu glorieux souvent passés sous silence.

 

L’Opération Dynamo, doit donc se terminer sur les plages, mais du fait des bombardements, l’évacuation se fait dorénavant de nuit. Le 1er juin, une attaque allemande brise la ligne de Bergues et les Anglais doivent se replier immédiatement sur les plages, pour une évacuation de 64.429 hommes. L’opération prend fin la nuit suivante. Le Shiraki est le dernier destroyer à quitter la plage, laissant 40000 hommes sur place qui sont fait prisonniers. Au total, l’Opération Dynamo permet l’évacuation de 338.226 hommes, dont environ 120.000 Français.

 

Dans le cimetière d’Issy-les-Moulineaux, déposée sur une sépulture de famille, une plaque honore la mémoire d’un Isséen qui perdit la vie dans ces tragiques événements. Il s’agit de : Fernand Héricher ; 26 ans - Mort en mer, le 4 juin 1940.

 

 

 

 

Giovanni Gandolfo.

 

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Publié le 25 Avril 2011

B-17 Flying Fortress

Bombardiers Boeing B17 “forteresses volantes ».

 

 

Nous vous invitons à vous rendre sur le site www.souvenir-francais-92.org afin d’y lire le témoignage de Monsieur Jacques Dubois, adjoint au maire honoraire de cette commune. Il raconte comment il a vécu entre 1940 et 1944 au cœur de Boulogne sous les bombardements des Allemands puis des Alliés. Le texte est en première page et il s’intitule « Un petit boulonnais dans la guerre » (pour recevoir directement les articles du site de notre Délégation des Hauts-de-Seine, vous pouvez vous inscrire à la newsletter du site).

 

Par ailleurs, le général de brigade Jean-Claude Ichac, président honoraire de notre comité, nous invite à visionner sur le site www.britishpathe.com (ou via www.google.fr) cette vidéo : « fortresses raid renault works in paris ». Il s’agit d’un extrait du site Vous aurez ainsi le témoignage du bombardé et de celui qui lâche la bombe.

 

Vous y trouverez également d’autres vidéos sur le même thème et toutes aussi impressionnantes.

 

 

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Publié le 17 Janvier 2011

Yves Mahé

Yves Mahé

En avril 1942, trente pilotes et des membres du personnel technique, basés en Syrie, sont recrutés par les Forces Aériennes Françaises Libres dans le but de combattre aux côtés de l’Armée rouge, l’ennemi nazi. Alors que le général Petit, nommé par Charles de Gaulle, prépare l’arrivée sur Moscou, les pilotes et les mécaniciens s’installent au Liban, à Rayack, pour former ce qui deviendra l’une des escadrilles aériennes françaises les plus célèbres : Normandie-Niemen. Quelques mois plus tard, ils débarquent en Union Soviétique et commencent leur entraînement sur la base d’Ivanovo, à 250 km au nord de Moscou.

 

L’escadrille qui sera successivement commandée par les commandants Tulasne, Pouyade et Delfino comptera dans ses rangs de nombreux Compagnons de la Libération et des héros de l’Union soviétique. Le cimetière d’Issy-les-Moulineaux a reçu les sépultures de deux de ces héros.

 

 

Yves Mahé.

 

Le lieutenant-colonel Yves Mahé nait en 1919 à Nantes. Titulaire d’un brevet de pilote civil, il s’engage en octobre 1939 pour la durée de la guerre et est nommé à la base d’Istres. Il y obtient son brevet de pilote militaire.

 

Refusant l’armistice de 1940, se trouvant alors sur la base d’Oran, il réussit, après plusieurs échecs, à rejoindre Gibraltar à bord d’un appareil « Caudron-Simoun ». Là, il se rallie à la France Libre, et accoste en Angleterre à bord du cargo l’Anadyr. A Londres, il retrouve son frère aîné, Jean Mahé, pilote lui-aussi (et les deux frères seront faits Compagnons de la Libération). Après une année de formation, Yves Mahé est affecté à la Royal Air force comme pilote de chasse. Il est nommé dans un groupe, en tant que chef de patrouille, au 253 Fighter Squadron, à la défense de l’île et à des missions de protection de convois maritimes. En avril 1942, il abat coup sur coup un Heinkel 111 puis un Junkers 88 au dessus de York.

 

Volontaire pour le groupe de chasse Normandie-Niemen, il parvient en URSS pour combattre sur le front de l’Est aux cotés des Soviétiques. Alors, il prend part à toutes les opérations du groupe jusqu’au 7 mai 1943 ou il est abattu par la défense anti-aérienne  ennemie dans la région de Smolensk.

 

Fait prisonnier, Yves Mahé est enfermé au camp de Smolensk, d’où il s’évade le 28 mai 1943. Reprit le 10 juin suivant, il se retrouve interné au camp de Lodz, en Pologne, où il tente en vain de s’échapper. Evacué en juillet 1944 devant l’avance de l’Armée rouge, il est emmené au camp de Mühlberg-sur-Ebre. Le lieutenant Mahé est condamné à mort par le tribunal de la Luftwaffe, pour tentatives répétées d’évasion. En apprenant le verdict, il fausse compagnie à ses gardiens, mais ne parvient pas à franchir les clôtures du camp. S’ensuit une histoire incroyable : il survit à l’intérieur de l’enceinte en clandestin pendant près de neuf mois, grâce à la complicité d’autres prisonniers. Le 25 avril 1945, Mühlberg-sur-Ebre est libéré. Yves Mahé rejoint sa patrie au mois d’août 1945. Il retrouve alors sa place au sein du groupe Normandie-Niemen.

 

Promu capitaine, Yves Mahé reçoit des affectations successives, toujours au sein du « NN », comme l’appellent les initiés, et est nommé en 1949 commandant en second de l’escadrille puis sert en Extrême Orient avant de prendre le commandement de l’unité en 1952. Par la suite, il est versé à la 10ème escadre en tant que commandant en second, puis en 1956 devient commandant de la 5ème escadre.

 

Le 29 mars 1962, le lieutenant-colonel Yves Mahé meurt en service aérien commandé à Boussu-en-Fagne, en Belgique.

 

Officier de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération, croix de Guerre avec six citations, médaillé de la Résistance, de la Coloniale et de l’Aéronautique, Yves Mahé était aussi titulaire de l’Ordre de la Victoire soviétique et croix de Guerre Tchécoslovaque.

 

 

Albert Mirlesse.

 

 

 Albert Mirlesse

 

 Albert Mirlesse.

 

Albert Mirlesse nait à Suresnes le 12 décembre 1914, dans une famille juive originaire de Moscou, qui a fuit la Russie en 1905. Après une scolarité à l’Ecole alsacienne et au lycée Saint-Louis, il devient militant pacifiste du comité Franco-Allemand d’Otto Abetz. Mais il découvre l’antisémitisme nazi, s’en détourne, et se rapproche de l’Armée française. Il poursuit ses études et est nommé ingénieur au ministère de l’Air, inventant notamment des systèmes de dégivrage pour les avions.

 

Le 18 juin 1940, il répond à l’appel du général de Gaulle, et le rejoint en Angleterre. Il est alors est nommé chef du deuxième bureau des FAFL (Forces Aériennes Françaises Libres). Sa connaissance du russe le fait associer à l’envoi d’un groupe d’aviateur en URSS, et sa renommée le désigne comme le père du GC3 Normandie-Niemen.

 

C’est avec rigueur qu’il met au point la structure et les conditions d’engagement du groupe, jusqu’au choix des uniformes et signes distinctifs, de même que le modèle d’avion, le Yak-3.

 

Dans la revue Espoir, en 1994, Albert Mirlesse a raconté cette mise en place : « À mon arrivée à Moscou, d'autres embûches m'attendaient. Le général Petit, qui s'était trouvé complètement isolé sans connaître la langue, avait demandé aux autorités soviétiques, l'assistance d'une secrétaire interprète. Celle-ci fut immédiatement mise à sa disposition... avec la bénédiction du KGB ! C'est ainsi que le chiffre du Général avait disparu et il m'a fallu le remplacer et le sauvegarder. Plus tard, en l'absence du général Petit, connaissant moi-même la langue, j'ai renvoyé notre interprète, qui revint huit jours après complètement éplorée, car, dit-elle « elle ne savait plus rien ». Devant un tel aveu, nous sommes convenus de prendre le thé une fois par semaine pour lui permettre de garder sa place de « liaison » avec le KGB, tout en faisant passer les messages qui nous convenaient. Auprès du Haut-commandement soviétique, la liaison était bonne. Néanmoins, il fallait procéder à une mise au point rigoureuse de la structure et des conditions d'engagement du Groupe Normandie. Il convenait de définir les uniformes, les signes distinctifs des avions, ainsi que d'établir le modèle des cartes d'identité que porteraient les pilotes pour pouvoir circuler librement sur le front. Pour ce qui est des avions, j'ai été amené à choisir le « yack » que nous offraient les Soviétiques, et ceci, malgré les protestations véhémentes des ambassadeurs américains et britanniques. Les nez de ces avions furent peints aux couleurs françaises. Les Allemands, d'ailleurs, ne s'y trompaient pas. On les entendait distinctement donner l'alerte par radio « Achtung Franzôsen ! ». Pour la carte d'identité, son libellé fut très laborieux, et nous sommes arrivés à la formule suivante : « Armée de la France combattante. Groupe de chasse Normandie-Niemen, combattant aux côtés de l'Armée rouge. »

 

Après la Seconde Guerre mondiale, Albert Mirlesse poursuit une carrière dans l’aéronautique civile. Il décède le 12 janvier 1999 à Genève.

 

 

 

 

 

Thierry Gandolfo.

 

Membre du bureau du Souvenir Français à Issy-les-Moulineaux.

Conservateur du cimetière municipal.

Ancien sous-officier du 32ème RA.

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Publié le 9 Novembre 2010

C. Rignault

 

Né le 13 juillet 1926 à Marigny-sur-Yonne, dans la Nièvre, monté à Orgeval, en Région parisienne, après la Seconde Guerre mondiale (« Il s’agissait de travailler pour survivre ») marié à Marie-Thérèse, père de sept enfants, d’une dizaine de petits-enfants, et presque autant d’arrières petits-enfants, Clément Rignault a exercé la profession d’arboriculteur-maraîcher pendant près d’un demi-siècle dans les Yvelines. Passionné par l’Histoire de France, la politique, pater familias, Clément Rignault est avant tout gaulliste : « Jusqu’à mon dernier souffle ! » ajoute-t-il.

 

 

L’Appel du 18 juin 1940.

 

« Nous étions le 16 juin 1940. Et cette date reste gravée dans mon cœur comme un déchirement. Du haut de mes quatorze ans, je vis défiler des chars, des camions, des side-cars. Ils portaient tous la grande croix noire de la Wehrmacht. Les soldats passaient sur la nationale, entre Corbigny et Clamecy (nord est de la Nièvre). D’autres s’arrêtèrent devant la petite épicerie de la belle-famille de mon frère Edmond, située au cœur du village de Marigny.

 

Le surlendemain, 18 juin, vers 19h00 ou 19h30 (quelques jours plus tard, nous eûmes droit à l’heure allemande), alors que nous étions assis sur un muret à l’ombre d’un tilleul, nous recevions notre premier choc de sursaut patriotique. Il y avait là mon père, Léonard, quelques voisins, Monsieur Beau, réfugié parisien. Les hommes, des anciens de la Grande guerre, discutaient des événements : « Mais qu’attend Pétain pour demander l’armistice ? ».

 

Au loin, nous entendions le bruit du passage d’une division motorisée. C’en était bien fini. Un anéantissement. Nous étions vaincus. Le journal Paris Centre avait beau écrire que le général Weygand arrêterait l’ennemi sur la Loire et le Morvan, nous n’y croyions pas. Nous avions appris que les troupes allemandes étaient déjà sur Moulins dans l’Allier.

 

Monsieur Beau avait apporté avec lui trois postes de radio, dernier modèle avec les ondes courtes et les grandes ondes. On l’entendait tourner les boutons à la recherche d’informations. C’est un bruit qu’un bon nombre de personnes qui a aujourd’hui plus de quatre-vingt ans reconnaîtrait entre mille. Tout à coup, il se mit à crier : « Taisez-vous, un général français nous parle ». Je me précipitai vers le poste : « Moi, général de Gaulle… ». Un espoir.

 

Ce discours, je l’entendis et le réentendis plusieurs fois quelques temps plus tard. Légèrement modifié. Mais ce jour-là, voilà les commentaires qu’il nous inspira : on ne savait même pas qu’il avait été nommé secrétaire d’Etat à la Défense !

 

Monsieur Beau ajouta : « Il fait comme ce général polonais, commandant l’aviation, qui a réussi à rejoindre l’Angleterre après l’effondrement de son pays. Il a appelé tous ses compatriotes aviateurs à le rejoindre en exil ».

 

Nous n’étions pas des politiciens. Encore moins des stratèges militaires. Comme une majorité de Français, nous avions été élevés dans la haine du « boche » et celle d’Hitler. Pendant plusieurs semaines, alors que Pétain avait annoncé à la radio : « C’est le cœur serré que je vous dis qu’il faut cesser le combat », nous crûmes à un accord entre lui et le général de Gaulle.

 

Mais nous avions bel et bien perdu.

 

Par la suite, j’écoutai très souvent Radio-Londres chez des amis grâce au troisième poste apporté par Monsieur Beau. Mon frère aîné, Edmond, était prisonnier. Plus tard, mon autre frère, Joseph, et mon beau-frère me racontèrent leur retraite, peu glorieuse.

 

C’est sans doute la raison qui, quatre ans plus tard, m’a poussé à entrer au maquis du Loup (région de Clamecy) et à signer un engagement pour la durée de la guerre. Ce maquis, avec d’autres, formèrent en 1944 le 1er régiment du Morvan et par la suite le 4ème RI, réserve de la 3ème DIA. Je n’ai pas la prétention d’avoir été un héros. Loin s’en faut. Sauver l’honneur. Je me souviens encore de ma belle-sœur, Lucie, des larmes dans les yeux, me voyant partir et me jetant une petite couverture sur les épaules : « Au moins, peut-être n’auras-tu pas froid » ! Elle fit partie de ces milliers d’anonymes qui rendirent des services, comme passer de la nourriture ou des messages, aidée de son seul courage et de sa bicyclette, alors qu’elle avait deux enfants en bas âge.

 

Par la suite, j’ai continué ma guerre dans le Jura. L’armistice du 8 mai 1945 fut annoncé. Nous étions à la frontière franco-suisse. A Bad Bergzabern, j’eus l’insigne honneur de présenter les armes avec l’ensemble de mon régiment sur le passage de la voiture qui transportait le général de Gaulle, lors de son premier voyage en Allemagne. Autour de moi, certains disaient qu’il s’agissait d’une berline d’Adolf Hitler, prise à Berchtesgaden.

 

En décembre 1945, j’étais libéré des mes obligations militaires à Dijon.

 

 

Le retour.

 

 

« Et le général de Gaulle ne m’a ainsi dire jamais quitté. Je suivis les actes de son gouvernement, son retrait, la constitution du RPF et tant d’autres choses encore.

 

Son retour au pouvoir en 1958 faisait, dans l’esprit de beaucoup de gens, espérer un miracle : la fin de la guerre d’Algérie, de bons salaires, le retour de la France au rang de grandes nations. Naturellement, de la gauche à la droite de l’échiquier politique, les intérêts particuliers se sont manifestés contre sa politique : il voyageait trop, le Concorde était trop cher, la décolonisation, la constitution de la Vème République, la relative séparation des pouvoirs législatif et exécutif…

 

Et pourtant. Quand on y pense aujourd’hui : le gaullisme, c’était d’abord redonner à la France son rang diplomatique, le refus d’être une nation de second rôle, ne pas accepter d’être le vassal des Etats-Unis d’Amérique, la politique de la « chaise vide » à l’OTAN. C’était tout cela et plus encore : c’était la grandeur.

 

Et son idée d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural : il ne l’avait pas envisagée réalisable en quelques années, car il connaissait les antagonismes entre européens, leur histoire, les régimes, les religions, les différences de niveaux de vie entre ces populations. Mais que l’idée était judicieuse et en avance pour son temps. Je le revois sautant sur sa chaise lors d’une émission de télévision : « l’Europe, l’Europe, l’Europe… », voulant dire qu’elle ne se ferait pas en un jour.

 

Encore une fois, les critiques furent nombreuses, dans cette situation difficile, et pourtant, la prospérité, l’indépendance, la liberté et la fierté d’être des Français, donnèrent à ces années le nom de « glorieuses ». Depuis la mort du général, peu d’hommes politiques, de gauche comme de droite, peuvent se vanter de n’avoir jamais fait référence à Charles de Gaulle, président de la République.

 

En 1968, au retour du général après sa visite à son vieux camarade Massu, j’étais sur les Champs-Elysées. A ma descente du métro, en bas de l’avenue de la Grande Armée, une voiture brûlait et des haut-parleurs diffusaient son discours. Un million de Français remonta l’avenue fameuse ce jour-là.

 

Deux ans plus tard, pour les obsèques du général, mes deux plus grands enfants émirent le souhait d’aller porter des roses et des œillets à l’Arc de Triomphe. Il y avait des mètres cubes de fleurs ! Des centaines de milliers de personnes étaient présentes. Une bousculade invraisemblable. Je pris peur de l’écrasement par la foule sur cette place qui porte aujourd’hui son nom.

 

Gaulliste j’ai été depuis la première heure, gaulliste je suis resté.

 

Il serait bon que nos jeunes Français de souche ancienne, ou désirant le devenir, s’inspirent des valeurs nationales léguées par le général de Gaulle. La France, vieille nation au passé chargé d’Histoire, de grands hommes politiques, savants, écrivains, chercheurs, soldats, saints et saintes, faisant rayonner la civilisation vers l’Universalité, est une nation phare. »

 

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Publié le 7 Mai 2010

Marchions vers la France

 

En cette veille du 65ème anniversaire de la capitulation allemande, le général de brigade aérienne (2S) Jean-Claude Ichac, ancien commandant de la Cité de l’Air « Capitaine Guynemer » et de la Base Aérienne 117 de Balard, revient sur un ouvrage publié en 1954 par son oncle, Pierre Ichac.

 

 

Souvenirs de l’Armée d’Afrique.

 

« Il y avait dans l'armée des Grecs un Athénien qui n'était ni général, ni officier, ni même militaire ». C'est par cette citation tirée de l'Anabase de Xénophon, écrite en 400 avant Jésus-Christ et racontant la fameuse « Retraite des Dix Mille », que Pierre Ichac (1) ouvrait, en 1954, ses carnets de souvenirs sous le titre : « Nous marchions vers la France »(2).

 

Mais contrairement à son illustre prédécesseur ce n'était pas une retraite, mais bien une offensive victorieuse qu'il avait accompagnée, des confins de Tunisie aux côtes de Provence et jusqu'aux Vosges, en passant par la Corse et l'Italie, aux côtés des Tabors marocains et des tirailleurs de la 3ème Division d'Infanterie Algérienne, avec comme seul armement son appareil photo et sa machine à écrire. Car, réformé compte tenu des séquelles d'un accident dans sa jeunesse, c'est comme correspondant de guerre qu'il était là. Et c'est à ce titre qu'il terminera la guerre, lui le civil qui n'aimait pas les décorations, avec la croix de guerre avec Etoile d'argent !

 

A lire ces souvenirs on se rend vite compte que c'est un journaliste qui parle, pour les lecteurs de « Vaincre » ou des dépêches de l'Agence France-Presse. Quand il commente un combat, il sait aussi bien décrire le matériel engagé que les réactions des hommes et les enseignements tactiques. Ecoutons-le évoquer la contre-offensive allemande du 18 janvier 1943, sur les Dorsales tunisiennes : «  Pour la première fois sur un champ de bataille d'Occident, voire sur aucun champ de bataille, les chars les plus puissants du monde, les Mark VI Tigre, que Stalingrad même semble ne pas avoir connus, viennent d'apparaître. ...le carrefour d'Oum el-Abouab, son arc romain qui se dresse, solitaire… C'est à son débouché oriental que… le 7ème Marocain a vu se ruer, transfigurés par le clair de lune, les premiers Tigre  de la 21ème Panzer. Les tirailleurs n'y résistent pas... Le 1er Bataillon est dispersé. Le deuxième... perd près de quatre cents hommes, en se désenclavant... ».

 

Mais la leçon a servi: « C'est l'expérience douloureusement acquise... qui joue désormais le rôle principal. Leur espoir d'endommager les chars n'est pas plus grand, mais ils manœuvrent mieux. Ils savent qu'ils ont un efficace moyen de défense: c'est la montagne, le djebel... Très vite, ils se révéleront des virtuoses de la montagne. Bientôt, on ne concevra plus les Français sans le djebel, ni le djebel sans les Français ».

 

Et de fait d'abord en Corse fin 1943 - « La Corse – commençaient à dire les anciens du Maroc – c'est le Riff, en quatre fois plus haut! » – puis en Italie, des Abruzzes au massif du Maio, qui bloque l'accès au Garigliano, en passant par le terrible Mont Cassino, c'est par les sentiers, par les cols, par les crêtes que tirailleurs et goumiers, avec leur armement, leur matériel, sur leurs mulets ou à dos d'hommes, avanceront, combattront et repousseront les troupes allemandes au delà de la ligne « Gustav », permettant aux alliés d'entrer dans Rome le 4 juin 1944 et prenant Sienne le 3 juillet (se reporter à la photographie illustrant ces propos). Puis, après le débarquement de Provence du 15 août et la progression à travers le massif des Maures, c'est encore « par les hauts » que les unités de la 3ème D.I.A. contourneront les barrages sur les routes, les forts enterrés et les casemates sur les pentes, avant de libérer Marseille.

 

Et Pierre Ichac était là, au PC du général de Monsabert, dit « Monsabre », le général à la Baraka, ou dans sa jeep, ou à pied, ou au-dessus, en place arrière du Piper d'observation, ou aux côtés du général de Lattre, sur l'ex-paquebot polonais Bathory s'approchant du golfe de Saint-Tropez, pour pouvoir rédiger le soir, à chaud, dans un bivouac de fortune, ses « papiers », partageant la vie de ces combattants, et tous leurs risques, comme il le rapporte avec humour lors de ce dialogue en Italie avec son chauffeur :

 

- Ils t'ont bien reçu au parc auto, les Tunisiens? Tu n'as pas eu d'ennuis, pas d'obus dans le ravin? Ça s'est bien passé?

- Très bien, Monsieur Ichac... les camarades m'ont offert le café... Mais sur la montagne, qu'est-ce qu'il est tombé!... Oh! Et puis aussi, y a eu un moment où c'était marrant, Monsieur Ichac. Je ne sais pas si vous l'avez vu? Les obus tombaient tout en haut, et y avait quatre types qui étaient pris dessous et qui couraient...

- Bougre d'idiot, criai-je, c'était moi! »

 

 

Un dernier mot. On a beaucoup évoqué, à l'occasion de la sortie en salle du film « Indigènes », l'oubli dans lequel serait tombé le souvenir des sacrifices des troupes venues d'Afrique du Nord. Pierre Ichac lui-même l'envisageait quand il écrivait, après la libération de Marseille sur laquelle se termine ce livre : « La première phase de la guerre – celle qui appartient en propre à l'Armée d'Afrique – sera finie... et oubliée des Français avant d'avoir été connue d'eux ».

 

Mais lui du moins avait, avec la publication de ses carnets, fait tout son possible pour que ce souvenir demeure, mettant en pratique notre belle devise qu'il aurait pu reprendre à son compte: « A nous le souvenir, à eux l'immortalité ».

 

 

GBA (2S) JC Ichac

 

 

 

NOTES

 

(1) Pierre Ichac (1901 – 1978), journaliste, cinéaste, photographe, ethnographe et homme de radio, était le frère aîné de Marcel Ichac (voir sur  le site du comité d'Issy les Moulineaux l'article du 10 juin 2009, « Deux films de Marcel Ichac »). Les membres de notre Délégation se souviendront que les deux frères passèrent, avant la Première Guerre mondiale, leur enfance à Rueil-Malmaison.

 

(2) Amiot Dumont, 1954.

 

 

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