seconde guerre mondiale

Publié le 9 Avril 2010

Victor Cresson

 

DEFENSEUR DES OUVRIERS, MILITANT COMMUNISTE.

 

Victor Cresson naît le 14 janvier 1884 à Gentelles dans la Somme, à quelques kilomètres au sud-est d’Amiens. Il est issu d’une famille modeste du nord de la France. Ses parents sont tisserands, spécialisés dans la bonneterie. Venu chercher du travail en Région parisienne, il entre comme ajusteur aux usines Salmson à Boulogne-Billancourt. À partir de 1924, il travaille dans une succursale du constructeur Peugeot à Issy-les-Moulineaux. Par la suite, il devient blanchisseur à son compte. En tant que travailleur indépendant, il a ainsi davantage de temps pour son activité militante et ne peut être licencié en raison de ses idées politiques.

 

En effet, Victor Cresson anime la cellule locale du Parti communiste. Alors qu’il est membre du Parti socialiste avant la guerre de 1914, il rejoint le Parti communiste dès sa formation en 1920. En 1935, lors des élections municipales à Issy-les-Moulineaux, il prend la tête de la liste du Parti communiste. Après le premier tour du 5 mai, les différentes composantes de la gauche, les communistes, les socialistes, ainsi que les radicaux constituent une nouvelle liste « antifasciste »composée de vingt communistes, huit socialistes et deux radicaux. Au soir du deuxième tour, le 12 mai 1935, c’est cette liste, ce Front commun, qui remporte les élections municipales. Au cours de la séance du 19 mai 1935, l’assemblée municipale composée des nouveaux conseillers municipaux, élit Victor Cresson maire d’Issy-les-Moulineaux. Son premier adjoint est Fernand Maillet.

 

En sa qualité de nouveau maire d’Issy-les-Moulineaux, Victor Cresson s’intéresse avant tout à la population ouvrière de la ville. Durant les grèves de mai-juin 1936, lors de l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Front populaire dirigé par Léon Blum, la municipalité isséenne apporte son soutien aux ouvriers. Un système d’aide communale est ainsi mis en place pour aider les chômeurs, des bons d’achats financés par la municipalité étant distribués aux ménages les plus en difficulté face à la crise économique des années 1930.

 

À partir de 1936, Victor Cresson apporte également une aide matérielle aux républicains espagnols au moment de la guerre civile. Des colis alimentaires sont expédiés pour venir en aide aux populations. C’est dans ce contexte que le 25 janvier 1939 se tient une séance exceptionnelle du conseil municipal, entièrement consacrée à la situation dans la péninsule ibérique, suite à la prise de Barcelone par les troupes du général Franco.

 

L’action de Victor Cresson au niveau de la commune favorise en outre un large développement des infrastructures, avec notamment la viabilisation de quartiers insalubres soumis à des inondations régulières. C’est ainsi qu’un important réseau d’égouts permettant la récupération des eaux usées est mis en place dans l’île Saint-Germain.

 

Symboliquement, la salle des fêtes d’Issy-les-Moulineaux, construite en 1932, prend le nom de Maison du Peuple en 1935. Des congrès ouvriers et des réunions politiques y sont dès lors organisés. Par ailleurs, les noms des rues attribués sous le mandat de Victor Cresson font référence à des personnages politiques de l’époque. C’est ainsi qu’est inaugurée, par exemple, la nouvelle place Paul Vaillant Couturier, journaliste à L’Humanité, décédé en 1937.

 

Enfin, fidèle à l’idéologie du Parti communiste, Victor Cresson souhaite l’ouverture de centres sportifs. On assiste alors à la création d’un premier stade à Issy-les-Moulineaux et d’une piscine municipale, directement installée sur les rives de la Seine. De même, c’est sous son mandat qu’un premier parc communal, le parc Henri Barbusse, est inauguré à Issy-les-Moulineaux. Une colonie de vacances voit aussi le jour, la municipalité ayant fait l’acquisition d’une résidence en Vendée afin qu’un grand nombre d’enfants puisse profiter de vacances à la mer.

 

Le parcours de Victor Cresson pendant la Seconde Guerre mondiale
 

La France et ses Alliés déclarent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, après l’invasion allemande de la Pologne le 1er septembre. Suite au pacte germano-soviétique du 23 août 1939, le Parti communiste est dissout par un décret du 26 septembre 1939. De ce fait, Victor Cresson est suspendu de ses fonctions de premier édile de la ville d’Issy-les-Moulineaux le 4 octobre 1939.

 

Dès le début de la guerre, Victor Cresson entre dans la Résistance en distribuant des tracts communistes. Lui et Maillet sont alors arrêtés et envoyés en séjour surveillé en décembre 1939 au camp de Baillet en Seine-et-Oise, puis à l’île d’Yeu. Par la suite, ils sont transférés en zone Sud, dans le Cantal, dans des camps situés à Riom-ès-Montagnes, puis à Saint-Augeaut, d’où ils s’évadent en septembre 1940.

 

De retour à Issy-les-Moulineaux, Victor Cresson est de nouveau arrêté avec Fernand Maillet en octobre 1940. Après cette seconde arrestation, Victor Cresson est envoyé à Aincourt en Seine-et-Oise. Il est alors jugé par la XIIe Chambre correctionnelle du département de la Seine pour infraction au décret du 26 septembre 1939 et est condamné à dix mois de prison.

Il est emprisonné successivement à la prison de Fontevrault, à la centrale de Clairvaux, puis à la prison de la Santé à Paris. En mai 1941, il est interné avec Maillet au camp de Châteubriant-Choisel, en Loire-Inférieure. Là, ils voient, ce fameux mercredi 22 octobre 1941, vingt sept militants communistes, parmi lesquels Jean-Pierre Timbaud et Guy Môquet, passer par les armes dans la clairière de la Sablière.

 

Après la fermeture du camp de Châteaubriant, Victor Cresson est transféré au camp de Voves dans l’Eure-et-Loir. Avec quarante-et-un autres détenus, il est alors envoyé au Fort de Romainville en Région parisienne pour servir d’otage : ceux-ci peuvent être fusillés à tout moment au Mont-Valérien lors de représailles allemandes.

 

Mais ils quittent le fort pour la gare de l’Est à Paris le 25 octobre 1943 et sont envoyés en Allemagne dans un train de voyageurs, par le convoi n°238 qui comprend vingt-huit Français. Après avoir rejoint la gare de Sarrebruck quelques jours plus tard, ils sont conduits au camp de Neue-Bremm, un camp de transit pour de nombreux déportés français. Trois semaines après avoir quitté la France, le 12 novembre 1943, Victor Cresson arrive au camp de concentration de Mauthausen, où sont détenus de nombreux déportés politiques. Le 14 novembre 1943, après avoir passé une nuit dans une prison de Munich, Victor Cresson reçoit le matricule 39 461 et est contraint de porter le « triangle rouge » des détenus politiques.

 

En outre, comme d’autres membres de son convoi, Victor Cresson est considéré comme Nacht und Nebel, ce que l’on peut traduire par « Nuit et Brouillard » : les déportés ayant ce statut étant condamnés par les nazis disparaître à court terme, sans laisser de trace. Il s’agit bien souvent des détenus politiques, communistes la plupart du temps. Les « NN » relèvent en fait d’une juridiction spéciale qui les isole totalement du monde extérieur.

 

Déjà très affaibli par ses quatre longues années de captivité dans les prisons et camps français, Victor Cresson doit affronter l’hiver autrichien à son arrivée dans ce camp. Très vite sa santé se détériore. Il est victime de la sous-alimentation et des mauvais traitements. Il passe les deux derniers mois de sa vie dans des conditions terribles, enfermé au « Revier », sorte de prison-infirmerie du camp tout à fait particulière, si l’on considère qu’au sous-sol de ce même bâtiment sont installés des fours crématoires. Durant le régime hitlérien, 180 000 personnes sont déportées au camp de Mauthausen et 154 000 personnes y trouvent la mort. Sur les 12 500 déportés français au camp de Mauthausen, 10 000 y meurent. Le 12 février 1944, Victor Cresson décède d’épuisement à l’intérieur du camp central.

 

La ville d’Issy-les-Moulineaux a rendu hommage à son ancien maire, mort en déportation. Une avenue centrale porte désormais le nom de Victor Cresson. Au n°33 de cette rue, une plaque commémorative a été apposée sur la façade de l’immeuble où il vécut lorsqu’il était maire de la commune. Et Victor Cresson a reçu le titre de « Mort pour la France » par décision du ministre des Anciens Combattants, François Mitterrand, en date du 8 juillet 1947.

 

Thomas Nuk – Historien – Membre du Souvenir Français.

 

 

Sources :

Bulletin municipal d’Issy-les-Moulineaux, avril 1945 et février 1946

Registre des délibérations du conseil municipal d’Issy-les-Moulineaux, durant le mandat de Victor Cresson.

Archives de la préfecture de police de Paris. Dossier des internés communistes BA 23 74.

Informations fournies par la Fondation de la mémoire de la déportation.

Informations fournies par l’Amicale nationale des déportés, familles et amis de Mauthausen et ses kommandos.

Entretien avec M. André Grillot, président d’honneur de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé, qui fut l’un des compagnons de captivité de Victor Cresson.

Agulhon Maurice, Girard Louis, Robert Jean-Louis, Serman William et alii, Les maires en France du Consulat à nos jours, Paris, Publication de la Sorbonne, 1986, 462 p.

Maitron Jean et Pennetier Claude, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, 4ème partie: 1914-1939, De la Première Guerre mondiale à la Seconde Guerre mondiale, Paris, Les édition ouvrières, 1981. Article « Victor Cresson ».

 

 

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Publié le 26 Mars 2010

Azadian-Victimes civiles 1942-2

Les bombardements aériens du dernier conflit mondial avaient pour but la destruction des installations industrielles et des voies de communication. Ainsi, les usines de Renault de Billancourt, celles de Citroën du quai de Javel et la cartoucherie Gevelot d’Issy-les-Moulineaux furent souvent été prises pour cibles, par les Allemands en 1940 et par les Alliés de 1942 à 1944, en raison de leur participation à l’effort de guerre ennemi.

 

Ces bombardements effectués à haute altitude, le plus souvent de nuit afin d’échapper à la chasse et à la défense antiaérienne, firent d’innombrables victimes dans la population civile, compte tenu de largages imprécis en milieu urbain. Issy-les-Moulineaux y perdit beaucoup des siens. Voici leurs noms, suivis de leurs âges :

 

Bombardement du 3 juin 1940 :

 

  • - Monsieur Georges Ablin ; Madame Andrieux, née Dimanche, 38 ans ; Madame Andrieux, née Chazaud, 73 ans ; Monsieur Charles Adrien, 48 ans ; Madame Boulant, née Vassort, 31 ans ; Monsieur Théodore Buchmeyer ; Madame Bouchaudon, née Audet, 36 ans ; Monsieur Jean Bousquet, 47 ans ; Monsieur Pierre Berard, 84 ans ; Monsieur Ferdinand Charbonnier, 58 ans ; Monsieur Alfredo Cugini, 32 ans ; Monsieur Léo Decon, 19 ans ; Monsieur Maurice Godard, 43 ans ; Monsieur Michel Fossati, 41 ans ; Madame Lauquin, née Haigman, 45 ans ; Monsieur Léon Lemarchand, 50 ans ; Monsieur Camille Mion, 34 ans ; Madame Perrève, née Rigornet, 41 ans ; Monsieur Louis Nicolini, 39 ans ; Madame Nathalie Rall, 22 ans ; Monsieur Raymond Seutin, 52 ans ; Monsieur Angèle Tavecchi, 34 ans ; Monsieur André Thomas, 50 ans ; Monsieur Jean-Henri Trefleze, 66 ans ; Monsieur Paul Vilain, 43 ans.

 

Bombardement du 3 mars 1942 :

 

Le bombardement du 3 mars 1942 fut encore plus terrible, en cela par le fait d’avoir décimé des familles entières :

 

  • - la famille Azadian : Sochakis, 41 ans ; Jean, 10 ans ; Madeleine, 10 ans ; Gazar, 13 ans.
  • - la famille Jouanin : Germaine, née Bruère, 33 ans ; Anne, née Bruère, 32 ans ; Daniel, 9 ans ; Monique, 4 ans ; Pierre, 10 mois…
  • - la famille Boizeau : Madame, née Lecoquer, 43 ans ; Marcel, 17 ans.
  • - la famille Lemaire : Georges, 41 ans ; Madame, née Hantsan, 43 ans.
  • - Félix, 14 ans et Vanda, 12 ans, Roszewicz.
  • - Jean, 55 ans, et Nicolas Berns, 57 ans.
  • - Christiane Lequien, 9 ans ; Varougean Soubaralian, 19 ans ; Jacqueline Gandon, 13 ans ; Monsieur Raymond Thirion, 42 ans ; Madame Suzanne Fonck, née Mansard, 31 ans ; Madame Somellini, née Klepper, 35 ans ; Mademoiselle Julienne Bougamont, 59 ans ; Jean-Pierre Folgringer, 8 ans ; Monsieur Georges Lunel, 23 ans ; Monsieur Ernest Salvan, 35 ans.

 

Bombardement du 30 mai 1942 :

 

  • - Madame Roche, née Marchand, 23 ans et son fils Pierre, 6 ans. 

Bombardement du 4 avril 1943 :

 

  • - Monsieur Louis Olivier, 32 ans ; Monsieur Hector Hlusik, 49 ans ; Madame Renaudin, née Splitz, 32 ans ; Monsieur Jean Delanoe, 48 ans. 

 

Bombardement du 14 juillet 1943 :

 

  • - Marcel Persechino, 14 ans et Salvatore, 20 ans.
  • - Eliszalde Gomez, 29 ans. 

Bombardement du 24 août 1943 :

 

  • - Monsieur Paul Khaleef, 43 ans et Monsieur Guiseppe Bucci, 54 ans. 

Bombardement du 3 septembre 1943 :

 

  • - Madame Sevestre, née Gambil, 59 ans ; Monsieur Paul Rigoudy, 41ans ; Lucien Samson, 17 ans ; Christian Burguet, 5 ans. 

Bombardement du 15 septembre 1943 :

 

- Madame Bonnet, née Berlan Landrin, 23 ans ; Jeannine Metais, 17 ans ; Madame Leau, née Benon, 58 ans.


Bombardement du 24 juin 1944 :

 

  • - Monsieur Emile Faucher, 56 ans.

 

 

Bombardement du 25 juillet 1944 :

 

  • - Léon-Pierre Monnet, 28 ans.

 

 

Victimes non combattantes, elles ne sont pas représentées par des associations, ne sont pas commémorées. Victimes déclarées "Morts pour la France"… qui les a bien oubliées. Sous l’impulsion de la municipalité d’Issy-les-Moulineaux, le Comité du Souvenir Français est à l’œuvre pour la réfection de stèles des « victimes civiles ».

 

 

Thierry Gandolfo,

Conservateur du cimetière d’Issy-les-Moulineaux

Membre du Souvenir Français

 

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Publié le 31 Janvier 2010

"Ce fut une décision odieuse", par Thierry Gandolfo*.

Au cœur du cimetière d’Issy-les-Moulineaux se trouve la tombe d’un jeune marin : André Fougerat, mécanicien à bord du Bretagne, mort à l’âge de 22 ans, le 3 juillet 1940, lors de la tragédie de Mers El-Kébir.
 

Les circonstances.

  « Ce fut une décision odieuse, la plus inhumaine, la plus pénible de toutes celles que je n’aie jamais eu à partager » a écrit Winston Churchill, alors Premier ministre anglais.

 En rade de Mers El-Kébir près d’Oran, ce matin du 3 juillet 1940 doit commencer le désarmement de l’escadre de Méditerranée sous les ordres de l’amiral Darlan. Il s’agit des navires de lignes Dunkerque et Strasbourg, Provence et Bretagne, du porte d'hydravions Commandant Teste, ainsi que six contre-torpilleurs.

 L’amiral Gensoul, commandant cette partie de la flotte française, a prit pour navire amiral le croiseur de bataille Dunkerque. Ce désarmement réjouit les marins qui voient la fin de la captivé pour leurs camarades. A 6h25, après le survol de la rade par un hydravion britannique, le Foxhound, destroyer anglais, demande l’autorisation d’entrer en rade. Alors, on devine à l’horizon l’escadre qu’il précède, composée du porte-avion Ark Royal, des cuirassés Resolution et Valiant, du croiseur de bataille Hood (qui sera coulé par le cuirassé géant  Bismarck  le 26 mai 1941) ainsi qu’une douzaine d’escorteurs.

 Gensoul déclare : « Pas d’Anglais dans le port, cela pourrait être mal pris par la commission d’armistice » et refuse de recevoir le capitaine Holland de la Royal Navy. Celui-ci, par son entêtement, réussi à faire passer l’ultimatum de son supérieur, l’amiral Sommerville, qui comprend quatre possibilités :

 -          Continuer le combat au coté des anglais.

-          Appareiller vers des ports britanniques avec équipages réduits.

-          Conduite de la flotte aux Antilles avec équipages réduits et sous escorte pour y être désarmés.

-          Sabordage dans un délai de six heures.

 Après la capitulation de la France, le sort de sa flotte pose un problème crucial : si les Allemands s’en emparaient, ils pourraient combler les trous laissés par la campagne de Norvège. L’amirauté britannique n’a nullement l’intention de leur faire ce cadeau,  nonobstant les garanties données par les français. L’amiral Darlan, aux ordres du Gouvernement de Vichy, ayant donné aux commandants des navires le message suivant : « Quelques soient les ordres reçus ne jamais abandonner à l’ennemi un bâtiment intact ». Et Sommerville de conclure : « Si vous refusez une offre équitable j’ai ordre de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour empêcher vos navires de tomber entres des mains allemandes ou italiennes ».

 Gensoul essaie de temporiser et répond qu’en aucun cas il ne livrerait la flotte aux Allemands.

 A 9h55, le Dunkerque ordonne les dispositions de combat. Les avions britanniques mouillent des mines dans la passe, on repousse l’ultimatum de trois heures. 17h30 marque la fin de cet ultimatum. L’angoisse commence : « Ils ne tireront pas ! ».

 17h55, quatre salves sont tirées par les anglais : « Ils ont osé, ordre d’appareiller, ouvrez le feu » ordonne Gensoul. Le combat est violent mais bref : « J’ai ouvert le feu à 17h54, et je l’ai stoppé à 18h04 » déclare Sommerville dans son rapport.

 Le Strasbourg parvient à manœuvrer et s’enfuir vers Toulon (où il se s’abordera en 1942). Avec lui s’échappe le porte-avion Commandant Teste, cinq destroyer et les six croiseurs d’Alger. Le Bretagne, touché de plein fouet, s’embrase et coule, emportant avec lui 1.012 marins. Les avions torpilleurs de l’Ark Royal achèvent le Dunkerque, resté à quai ; le Provence est mit hors de combat, le Terre Neuve et l’aviso Rigault de Genouilly, ainsi que le remorqueur L’Esterel qui avait guidé le Foxhound dans la passe, sont coulés.

 L’opération britannique baptisé « Opération catapulte » a causé la mort de 1.300 marins, en a blessé 350 en seulement dix obus tirés au but à une distance de 13000 m avec une redoutable efficacité et de torpilles larguées par les Sworld Fish de l’Ark Royal.

 Gensoul regagne Vichy, Darlan le décore et le cite : « Ayant reçu un ultimatum odieux, a refusé d’y souscrire et a répondu à la force par la force ». Les marins français retirent alors les décorations britanniques qu’ils ont reçus lors de la première partie du conflit et celles qu’ils ont reçu pendant la Grande guerre.

  Les conséquences.

 Le capitaine Holland écœuré par cette lutte fratricide demande dès le 7 juillet 1940 à être relevé de son commandement, et se retrouve simple soldat.

 Charles de Gaulle indique : « Pas un français qui n’ai apprit avec douleurs et colères que des navires français avaient coulés par des nos alliés. Cette décision n’est pas le résultat d’un glorieux combat »

 Et Mers El-Kébir n’est qu’un élément de « l’Opération catapulte » dirigée contre la Marine française. Dans les ports anglais de Portsmouth, Plymouth, etc..., les équipages des bâtiments au mouillage sont arrêtés et internés dans des camps préparés d’avance et traités en prisonniers de guerre. Peu de marins rejoignent les Forces Navales Françaises Libres (FNFL). L’essentiel est rapatrié sur la base navale de Casablanca. La flotte de Méditerranée orientale est arraisonnée à Alexandrie par l’amiral Cunningham.

 Quant à l’amiral Sommerville, il continue son opération à Casablanca. Mais, en septembre 1940, en compagnie de marins de la FNFL, il est mit en déroute devant Dakar, resté loyal au Gouvernement de Vichy. Cette situation ne durera qu’un temps. Déjà en août 1940, le général Leclerc est reçu en libérateur en Afrique Equatoriale Française ; le Sénégal, partie intégrante de l’Afrique Occidentale Française, se ralliera en novembre 1942 à la France Libre.

 

*Thierry Gandolfo est ancien sous-officier du 32ème régiment d’artillerie, conservateur du cimetière d’Issy-les-Moulineaux et membre du bureau du Comité du Souvenir Français de cette commune.

 

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Publié le 1 Novembre 2009

Photographie extraite du livre d’Adam Rayski sur le Stand de Tir.

 

 

 

 

Samedi 12 septembre 2009, allée des Citeaux à Issy-les-Moulineaux. Reçu chez Mr et Mme Dubot, Marcel Lecomte, isséen (« Je suis né au 20 rue Hoche, à la maison, comme cela se faisait à l’époque. On était en 1934 »), ancien du bâtiment, combattant en Algérie, nous raconte sa Seconde Guerre mondiale et la Libération.

 

« Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de la conquête allemande. J’entendais surtout mes parents dirent que c’était grave, pas drôle et qu’il fallait faire avec. Mais j’ai bien encore en mémoire les événements extraordinaires. Par exemple, boulevard Voltaire. C’est là qu’eurent lieu les premiers bombardements.

 

Au moment de la Libération, mes parents ont fait comme tout le monde. Ils ont suivi la foule. Pendant près de quatre années, les rumeurs les plus folles avaient circulé sur certains endroits, certaines demeures. Que pouvait bien-t-il se passer dans ces immeubles, dans ces lieux occupés par les Allemands, par la Gestapo, et dont des bruits atroces venaient aux oreilles du voisinage ? C’était le cas du Stand de Tir où nous entrâmes à la fin du mois d’août 1944 (Ndlr : se reporter aux articles écrits à ce sujet et publiés sur ce site en septembre 2008). Je me souviens parfaitement avoir accompagné sagement mes parents. En ce temps-là, il était impensable pour nous de désobéir ou de courir partout. J’étais donc derrière eux. Je les écoutais parler avec d’autres adultes. Leur première impression fut une grande surprise. Beaucoup racontaient qu’ils avaient entendu des tirs, mais sans soupçonner ce que ces murs pouvaient cacher. Une pièce comportait des poteaux. A mi-hauteur, ils étaient criblés d’impacts de balles. Pire. Au sommet étaient encore cloués les bandeaux que devaient servir à couvrir les yeux des suppliciés. Au fond, un mur d’amiante avec des traces de mains, enfoncées assez profondément. L’une d’elles était placée très haut. Totalement inatteignable pour moi. Comment avait-elle pu être à une telle hauteur ?

 

Une autre pièce. Le mur du fond était pour partie fait de carreaux de verre. Sur le côté, il y avait une installation. On aurait dit les fours d’une boulangerie. Autour de moi, certains disaient que des gars avaient certainement été gazés dans cette pièce et que les fours auraient pu servir à faire disparaître les corps. D’autres racontaient que les cercueils de bois blanc étaient destinés aux soldats allemands ayant refusé de fusiller des Français. Quelle pouvait bien être la vérité dans tous ces propos ?

 

Au global, la visite dura une heure. Deux heures peut-être. Mais j’en sortis bouleversé. J’ai longtemps pensé à ce moment et longtemps imaginé ce qu’il avait pu s’y passer. Pour l’heure, il fallait aller à la soupe populaire. Et ce n’était pas facile. Les villes de Paris et d’Issy étaient libérées. Mais ça et là, des partisans étaient restés planqués et tiraient sur la foule… ».

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Publié le 9 Octobre 2009


Bombardiers Glenn-Martin 167 de l’Armée de l’Air française.

 

 

 

Le général de brigade aérienne (2S) Jean-Claude ICHAC, président honoraire du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux évoque pour nous une personnalité hors de commun, et très peu connue, même au sein de l’Armée de l’Air.

 

« Dans les années cinquante, flânant sur les quais de la Seine, j’ai trouvé chez un bouquiniste un livre un peu abîmé, édité chez Fasquelle en 1944, dont le titre énigmatique me frappa : « Disparus dans le ciel ».

 

Autre détail surprenant, l’auteur de ce livre de guerre était une femme. Si je viens aujourd’hui vous en parler, c’est d’une part qu’il y a malheureusement peu de chance que vous le trouviez, soixante-cinq ans après sa parution, et d’autre part parce que cette femme, infirmière-pilote à l’aube de la deuxième guerre mondiale, aurait bien mérité la médaille de vermeil avec bélière laurée de notre association, le Souvenir Français, et voici pourquoi :

 

Germaine L’Herbier-Montagnon. Un nom que sans doute peu d’entre vous connaissent. Et pourtant cette infirmière-pilote a représenté, entre 1940 et 1942, le seul espoir puis l’apaisement pour des centaines de familles. Fondatrice de la « Mission de Recherche des morts et disparus de l’Armée de l’Air », elle a parcouru, avec son équipe, en deux ans, plus de 70.000 kilomètres, retrouvant 290 avions français et 240 anglais abattus dans le ciel de France ou de Belgique entre le 10 mai et le 20 juin 1940. Grâce à elle, 431 aviateurs français ont été identifiés et ont reçu une sépulture digne de leur sacrifice, après avoir été arrachés aux débris de leur appareil ou retrouvés dans une tombe anonyme.

 

Dans les conditions éprouvantes et difficiles de la France occupée, faisant la synthèse des ordres d’opérations, des journaux de marche des unités, des indications souvent contradictoire des témoins, équipages en vol, troupes au sol ou habitants, elle a su grâce à des détails parfois infimes retrouver, puis identifier ces disparus. Mais sa connaissance des matériels était particulière, comme en témoigne l’anecdote qu’elle rapporte :

 

« Etant sur la base d’Aulnat, avec un pilote de mes amis, voyant décoller l’appareil de notre ministre de l’Air, je demandais innocemment :

 

-    Qu’est-ce que c’est que ce zinc ?

-    Comment ? Mais c’est un Glenn-martin, voyons. Et c’est vous qui demandez cela ? Vous qui avez identifié plus de cinq cents avions abattus !

-     Oui, mais moi je les connais surtout pulvérisés, brûlés, en pièces détachées… Les axes, les boulons, les cylindres, les entoilages de volets, les armatures brisées n’ont plus de secret pour moi. Mettez ensemble les débris d’un Bréguet, d’un Morane et d’un Glenn- Martin, je saurai trier ce qui appartient à chacun. Mais un Glenn-Martin volant dans le ciel, je n’en avais jamais vu… »

 

En effet, des Glenn-martin et des Curtiss, des Amiot et des Potez, des Dewoitine et des Morane, des Bloch et des Breguet, combien en avait-elle retrouvé et identifié, au fond des bois ou au milieu des champs ? Comme par exemple ce Bréguet 691 :

 

« Le Sous-lieutenant Georges Chemineau et le Sergent Claude Guichon, de la 54ème Escadre, avaient disparu le 16 mai 1940, sur Bréguet 691 n°20 dans la région de Montcornet. Des aviateurs, participant à la même mission, avaient vu l’appareil s’écraser en flammes, à droite d’une route qu’ils supposaient être la nationale 46. Mais, après bien des démarches, je ne trouvai effectivement que les tombes du  Sous-lieutenant Alfred Devalez, chef de bord, et du Sergent-chef radio Maurice Buisson, tués le 16 mai 1940, sur LéO 45 n°54, groupe 1/12, à Raillimont, aux confins de l’Aisne et des Ardennes. Je dus revenir bien souvent dans la région, avant de découvrir les tombes de l’équipage du Bréguet 691 n°20, écrasé contre un petit bois, à droite du I.C.14 (*) de Chaumont-Porcien à Rocquigny. »

 

Si par chance vous trouvez un jour ce livre, n’hésitez pas. Il vous en apprendra beaucoup sur les pages glorieuses de notre Armée de l’Air en 1940, et sur le magnifique travail de Germaine L’Herbier-Montagnon et de son équipe. Car, comme l’écrivait le Général Chambe dans sa préface : « C’est un livre dont on doit lire les pages debout. »

 

Merci, Madame. »

 

 

GBA (2S) Jean-Claude Ichac

 

 

 

 

 (*) I.C. : Chemin d’Intérêt Communal.                                                                   

 

 

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Publié le 3 Septembre 2009

Le 3 septembre 1939, à 15h, la France se déclare en guerre contre l’Allemagne. Trois heures plus tôt, la Grande-Bretagne, dans le cadre de son alliance avec notre pays, a fait de même. Deux jours auparavant, sans déclaration de guerre, et après tant et tant de provocations et de coups de force, les chars de l’Allemagne nazie sont entrés en Pologne. Ainsi commence le Second conflit mondial qui s’achèvera cinq ans plus tard, par l’armistice du 8 mai 1945 et la capitulation japonaise quatre mois plus tard. Entre temps, 50 millions de personnes auront perdu la vie et l’inimaginable se sera produit : la shoah.

 

Retrouvez les personnages et les lieux de la Seconde Guerre mondiale dans l’album éponyme.



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Publié le 14 Août 2009

 

 

 

 

(Drapeau de la République du Vercors)

 

Le colonel Richard Marillier a été résistant, membre de la section Chabal au maquis du Vercors, capitaine au 44ème R.I. puis chef de commando (V48 puis L133) pendant la guerre d’Algérie. Richard Marillier a été très présent dans le monde du cyclisme : Directeur Technique National du cyclisme français de 1970 à 1981, Directeur Adjoint Délégué du Tour de France de 1981 à 1990 (à ce titre, il venait chaque année présenter le parcours de l’épreuve et les équipes participantes au PACI d’Issy-les-Moulineaux), Président de la Ligue du Cyclisme Professionnel et membre du Comité Directeur de l’Union Cycliste Internationale de 1989 à 1992. Le colonel Richard Marillier est commandeur de la Légion d’honneur.

 

Août 2009, nous avons rendez-vous chez le colonel aux Assarts, hameau de la petite commune de Vitry-Lâché dans le Nivernais.

 

***

 

Souvenir Français (SF) : mon colonel, il est une histoire qui se sait peu, c’est la présence en 1944, au sein du maquis du Vercors d’une section américaine.

 

Richard Marillier (RM) : il ne s’agissait pas d’une section mais d’un groupe : « Operational Group », comme ils disaient. C’était une troupe tout à fait spéciale, peu nombreuse. Ils étaient environ une centaine et étaient articulés en détachements de 14 hommes, plus un chef. Pour celui qui nous intéresse, il s’agit de la mission Justine, commandée par le lieutenant Hoppers, assisté du lieutenant Chester-Mayer. Ce groupe disposait d’un interprète qui s’appelait Delmar Carvert, ancien légionnaire du 1er REC (Régiment Etranger de Cavalerie), mais il y avait également deux GI’s ayant la double nationalité canadienne et américaine et qui parlaient parfaitement le français : le premier s’appelait John Picard et le second, Paul Laflamme. Il avait un coupe-coupe, et il me répondait avec son accent québécois : « C’est pour couper les branches ». Je me souviens également d'Howard Flake. Lui, il ne parlait pas un mot de Français. Par contre, il n'arrêtait pas de nous "bassiner" avec St Louis Blues qu'il chantonnait sans arrêt !  Ce groupe a été parachuté dans la nuit du 28 au 29 juin 1944, sur le terrain de parachutage baptisé « Taille Crayon » – cela ne s’invente pas – de Vassieux-en-Vercors.

 

A l’époque, ce qui nous a le plus surpris, c’est que nous ne les avons pas entendus arriver, alors qu’ils étaient déjà dans la cour de notre ferme. C’était la première fois qu’on voyait des gars avec des chaussures en caoutchouc (rangers) et non pas avec des chaussures à clous ou des bottes. Il y avait une autre chose qui nous surprenait : leur équipement ! Avec notamment, le drapeau américain sur le quart supérieur de la manche et leur armement : ils avaient en effet – et ils étaient les seuls de l’Armée américaine à le posséder – un fusil Marlin qui avait la particularité de tirer soit au coup par coup soit par rafale.

 

SF : quelle était leur mission ?

 

RM : ils étaient venus pour plusieurs raisons. La première était d’abord de nous aider à nous familiariser avec l’armement américain. N’oublions pas, que les rares parachutages en armes étaient essentiellement composés d’engins anglais. C’est ainsi que nous avons découvert cet espèce de tuyau de poêle baptisé « bazooka » et dont on se demandait bien à quoi il pouvait servir. La deuxième mission consistait à nous aider à perfectionner notre valeur combattante en effectuant avec eux des exercices de toutes sortes : des embuscades, des marches d’approche… La troisième mission, tout aussi importante, résidait pour eux dans l’établissement d’un contact radio avec Londres et Alger et transmettre les renseignements sur les activités de l’Armée allemande et notamment sur les avions de la base de Chabeuil.

 

SF : ces missions ont-elles été réalisées ?

 

RM : oui. Mais dans certains cas, cela n’a servit à rien. Par exemple, le lieutenant Hoppers n’a jamais réussi à faire bombarder le terrain d’aviation de Chabeuil en dépit de ses réclamations. Mais la mission la plus spectaculaire du commando américain a probablement été l’embuscade du col de La Croix-Haute, où grâce à leur action, notamment basée sur l’emploi du bazooka, le convoi allemand a été mis en très sérieuse difficulté.

 

SF : après les missions, quand et comment sont-ils partis ?

 

RM : ils ont d’abord participé aux combats de Vassieux, les 21, 22 et 23 juillet 1944. Ils n’ont pas perdu d’hommes. Ensuite, ils ont fait comme les autres : ils se sont évanouis dans la nature et ils sont restés 15 jours sans ravitaillement. Ils ont réussi à sortir du Vercors et à rejoindre les maquis de Chartreuse, à l’exception du lieutenant Chester-Mayer, qui avait eu la malencontreuse idée de faire une crise d’appendicite et qui a du être opéré d’urgence par le docteur Fisher, qui était l’un des médecins du maquis. Etant à l’hôpital au moment de l’invasion allemande, il s’est retrouvé blessé dans la grotte de la Luire, qui comme on le sait a été découverte par les Allemands, lesquels ont achevé tous les blessés. Le lieutenant Chester-Mayer étant en uniforme américain, a été épargné, considéré comme prisonnier de guerre et expédier dans un camp.

 

SF : que sont-ils devenus après ?

 

RM : ils sont restés quelques temps au repos à Grenoble. Cela m’a permis de passer une soirée mémorable avec trois d’entre eux. Ensuite, ils ont été réexpédiés à Naples d’où ils étaient partis en vue de préparer une nouvelle mission. Ils ont été parachutés sur la frontière de Chine – je n’ai jamais su pourquoi – à l’exception de Delmar Carvert, renversé par une voiture anglaise, qui naturellement roulait à gauche. Il s’est retrouvé à l’hôpital avec une fracture de la cheville.

 

SF : les avez-vous revus ?

 

RM : oui, bien sûr. Ainsi, le 8 mai 2005, j’ai eu l’honneur de remettre la légion d’Honneur à Delmar Carvert à l’occasion d’une cérémonie à Vassieux-en-Vercors. Ce jour-là, les autorités ont parachuté 14 types habillés en GI’s dans les tenues identiques à celles de 1944, depuis un DC3, là aussi de l’époque, et qui plus est avec des parachutes identiques à ceux de 1944 !

 

SF : le Souvenir Français vous remercie mon colonel.

 

RM : c’est naturel de vous aider. C’est moi qui vous remercie de ce que vous faites pour le Devoir de mémoire.




 

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Publié le 6 Juin 2009

 

 

Formation.

 

 

 

Roger Derry nait dans le département de l’Orne. Très jeune, il devient un militant de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne. Au cours de sa formation religieuse, il étudie dans divers établissements dont le Séminaire Saint-Sulpice d’Issy-les-Moulineaux. Prêtre en 1930, il devient directeur du Bon Conseil, après en avoir été un membre actif pendant de nombreuses années.

 

Le Bon Conseil, situé rue Albert de Lapparent à Paris, est un lieu fondé en 1894 par l’abbé Esquerré et qui poursuit aujourd’hui encore ses trois missions initiales : intégration de groupes et de mouvements catholiques tels que des scouts, des guides, des petits chanteurs ; développement personnel et collectif grâce aux activités sportives ; développement culturel des élèves grâce à l’action de l’Association culturelle.

 

 

La résistance.

 

Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l’abbé Roger Derry devient aumônier de la 6ème D.I.N.A. et de la 40ème Division d’Infanterie. Croix de Guerre avec palmes, après les combats de la campagne de France, il revient à Paris après l’armistice du 17 juin 1940. Ce jour-là le maréchal Pétain s’exprime à la radio : « Je fais à la France le don de ma personne. (…). C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat ». L’abbé Roger Derry entre alors courageusement en résistance.

 

Son engagement est malheureusement de courte durée. Dénoncé, il est arrêté le 9 octobre 1941. Après moult interrogatoires, dont on peut bien imaginer les circonstances, l’abbé Derry est déporté, condamné à mort à Düsseldorf le 1er septembre 1943 et exécuté avec une grande sauvagerie : il est décapité à Cologne le 15 octobre 1943.

 

 

 

La dernière lettre.

 

(Extrait des archives du Bon Conseil).

 

L’abbé Derry écrit à Monseigneur Chevrot, curé de Saint-François Xavier.

 

« Mon Cher Monsieur le Curé,

Je suis à quelques jours, peut-être à quelques heures de ma mort. Dieu est bien bon qui me donne une grande paix et cette joie de l'esprit dont parle l'auteur de l'Imitation. Il n'y a rien pour la nature : le corps est brisé, le cœur est meurtri, mais l'âme est dans les hauteurs. Je ne cesse de remercier le bon Dieu qui, dans son immense bonté, m'a redonné tant de ferveur. J'aurais pu mourir, sinon dans le péché, du moins dans la tiédeur que la trop grande activité extérieure risquait d'entraîner. Or, la paille des cachots, le jeûne le plus rigoureux, les humiliations et les misères de toutes sortes, la solitude, tout ce que Dieu dans sa Providence a permis pour mon bien, joint à la prière et à l'oraison continuelle, m'ont conduit sur des sommets où il fait beau et bon. Ma vie depuis deux ans n'a été qu'une messe continue et ce sera bientôt après l'immolation du Calvaire, la communion la plus intime et l'action de grâces éternelles. (…).

 

Comme Dieu est bon ! Car ma confiance est plus grande que la crainte que je pourrais concevoir à cause de mes péchés. Je demande cependant vos prières et des messes pour toutes celles que je n'aurai pas dites (c'est surtout cela qui fut ma grosse souffrance et qui est aussi l'objet de mes craintes).

 

Je vous demande pardon de n'avoir pas été ce que j'aurais dû être, comme je demande pardon à tous ceux à qui involontairement j'aurais pu faire de la peine ou causer quelque tort. Je n'ai toujours voulu que le bien : si je me suis trompé dans les moyens, je me rattraperai bientôt en me donnant pour tous.

 

Quels regrets de ne pouvoir plus me livrer à l'apostolat, et de savoir que ma vie est terminée ici-bas. Le bon Dieu l'avait-il marquée si courte ? Mes responsabilités ne sont-elles pas très grandes d'avoir réduit ma vie qu'il voulait pour lui seul plus longue ? ... Mais je dépasse et j'abandonne ces craintes pour me jeter le plus complètement possible en Dieu.

 

J'offre ma vie pour toutes les grandes causes que j'aurais voulu mieux servir, pour Dieu, pour l'Église, pour la France, pour ma chère paroisse Saint François-Xavier, où je suis si souvent par la pensée, pour mon cher Bon-Conseil, pour tous ceux que j'aime.

 

Puisse ma mort être ma messe la mieux célébrée, la plus généreusement et la plus joyeusement offerte. Je vais bientôt, Cher Monsieur le Curé, voir Celui que, malgré tout, j'ai tant aimé. Je vais enfin l'aimer comme j'aurais voulu l'aimer toute ma vie, et j'espère, de là-haut, faire plus de bien que je n'en ai fait ici-bas ...

 

J'aurais encore tant de choses à vous dire. Mon cœur est plein à déborder et je suis obligé de terminer. (Si vous saviez dans quelles conditions je griffonne ce mot !... les bottes !...) Je pense à tous, je n'oublie personne. Je prie pour tous. J'ai tant aimé ! Mais il me semble que j'aime bien mieux encore et bientôt, de là-haut, comme je vous aiderai !

 

Comme Dieu est bon de me faire finir sur la paille d'un cachot, dans le dénuement le plus absolu, mais que j'aime, dans l'extrême pauvreté et l'obéissance. Comme la prière et l'oraison sont faciles. Mon bréviaire que j'ai pu dire presque toujours a été ma grande consolation, ma nourriture quotidienne avec l'Imitation de Jésus-Christ. Je n'avais jamais autant goûté les Psaumes.

 

Je demande encore pardon à tous ceux que j'aurai pu contrister. Priez beaucoup pour moi ! Demandez à mes chers confrères la charité de messes. Et puis, à bientôt, au ciel !... où je suis déjà par la pensée et le désir. Je me permets de vous embrasser très filialement. Je vous redis toute mon affection et puis devinez tout ce que je ne dis pas mais dont mon cœur est plein.

 

Dieu soit béni et vive la France !

 

ROGER

Le 2 Septembre 1943 »

 

 

 

 

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Publié le 22 Janvier 2009

Général de corps aérien Roland Glavany.

Général de corps aérien Roland Glavany.

Le 1er Bataillon de Choc et la libération de la Corse

 

« Nos amis les anciens combattants corses ayant pris justement ombrage de voir partout oublier que leur île avait été le premier département français libéré, décidèrent que le 65ème anniversaire de cette libération prendrait un éclat particulier.

 Et c’est ainsi qu’ancien sous-lieutenant du 1er Bataillon de Choc, qui fut aux premières loges dans ces affaires, je fus associé aux cérémonies de Ghisonaccia et de Patrimonio où je reçus un accueil inoubliable les 23 et 24 septembre 2008.

 En deux allocutions, j’essayai de rappeler le contexte historique des printemps – été 1943. En mai 1943, la campagne de Tunisie était terminée : il n’y avait plus un Allemand en Afrique, et l’Armée d’Afrique réarmée par nos alliés américains reprenait sa place au combat. Le général de Gaulle, chef incontesté de la France Libre, quittait Londres pour s’établir à Alger où il laissa un temps au général Giraud la conduite des affaires militaires. Les Alliés, en juillet 1943, Patton à l’ouest et Montgomery à l’est, débarquèrent en Sicile, qui fut conquise en un mois. Lorsque Montgomery fit franchir à ses troupes le détroit de Messine pour prendre pied en Calabre, nos ennemis italiens commencèrent à se poser quelques questions et demandèrent l’armistice. Or, ils occupaient la Corse. Une résistance ardente et armée s’était organisée dans l’île. Ses chefs proclamèrent alors l’insurrection générale. L’affaire n’était pas simple car si les Italiens s’étaient auto-neutralisés, il y avait dans le sud-est de l’île des unités allemandes dont la menace n’était pas vaine.

 Un des chefs militaires de la Résistance, le commandant Colonna d’Istria, put faire appel au général Giraud pour demander son appui. Celui-ci se tourna forcément vers le commandement allié en Méditerranée, lequel, en pleine organisation de la libération de l’Italie, lui fit comprendre qu’il fallait qu’il se débrouillât seul. Ce qu’il fit.

 Le général Giraud avait immédiatement « sous la main » le déjà célèbre sous-marin Casabianca du glorieux commandant l’Herminier, les contre-torpilleurs Fantasque et Terrible, en fait des croiseurs, légers, très rapides, et pour l’Armée de Terre, le Bataillon de Choc, unité spéciale de volontaires, formée à Staoueli, près d’’Alger, en mai 1943 aux ordres du commandant Gambiez. Et c’est ainsi que, dans la nuit du 12 au 13 septembre 1943, pour le Casabianca, du 13 au 14 pour le Fantasque et le Terrible, débarquèrent à Ajaccio les trois compagnies à quatre sections du Choc, en but à l’enthousiasme de la population.

 Dans les dix jours suivants, arrivèrent les éléments du 1er R.T.M. (tirailleurs marocains), du 2ème G.T.M. (tabors marocains), du 4ème R.S.M. (spahis). Deux groupes de chasse français équipés de Spitfire opérèrent à partir de Campo del Oro près d’Ajaccio».

  Situation de la Corse en septembre 1943

 « Quelle était la situation de l’île en ce début de septembre 1943 ? La neutralité italienne était acquise. Les Allemands avaient été contenus dans le sud-est par les patriotes corses. En fait, la préoccupation réelle du commandement allemand était de faire passer en Italie via Bastia une division retirée de Sardaigne. Avec notre armement léger (mitraillettes, FM24-29, grenades), nous étions forcément destinés aux combats-commandos de nuit, aux attaques surprises et aux embuscades le long de la route Bonifacio – Bastia tandis que les troupes marocaines avec leur armement réglementaire pouvaient mener la dernière bataille pour Bastia. Ainsi donc, les douze sections du Choc se déployèrent en éventail du nord au sud avec l’appui inestimable des guides corses et le renfort d’une 4ème compagnie corse de volontaires, immédiatement constituée, ce qu’aucun autre département français libéré ne réussit à faire. Les quatre compagnies du Choc furent dispersées : la mienne, la 3ème, celle du capitaine Manjot, envoya ses 1ère et 2ème sections au nord dans le secteur Ile Rousse – Saint-Florent ; la 3ème section, celle que je dirigeais, dans le secteur de Vescovato, en « chasse libre » ; la 4ème, celle de l’aspirant J.P. Michelin, au sud-est, vers Conca. Nos actions furent nombreuses et il faudrait des pages et des pages pour raconter les actions conduites en 15 jours par tout notre Bataillon ».

  A Ghisonaccia

 

« A Ghisonaccia, le 23 septembre, au cours de la magnifique cérémonie organisée par le maire, Monsieur Guidici, et parlant devant vingt drapeaux, les enfants des écoles, et mes camarades anciens de la 4ème compagnie, j’ai pu évoquer deux faits d’armes qui me tenaient à cœur :

 

  • Les deux attaques couronnées de succès conduites par le lieutenant Lamy dans le secteur de Prunelli, parce que, nommé capitaine, Léon Lamy fut « mon capitaine » et qu’il tomba au champ d’Honneur exactement un an plus tard à la chapelle de Ronchamp, à côté de mon ami Yves de Bernon.
  • Ce qu’on a appelé la Bataille de Conca, le 22 septembre, parce que Jean-Pierre Michelin, jeune aspirant évadé de France pour prendre sa place au combat, y trouva la mort à la tête de sa section. Il était le premier aspirant tombé sur la terre de France pour la Libération.

 

Dévoilant la belle plaque commémorative qui porte les noms de sept de nos camarades tombés dans la région de Ghisonaccia, j’y trouvai les patronymes de Lorenzi de la compagnie Corse et de Le Coz de la 3ème compagnie. Un Corse à côté d’un Breton. Au cours de la réception qui suivit, j’ai pu, au nom de tous les anciens, adresser mes remerciements les plus chaleureux à Monsieur Guidicci ».

  A Patrimonio

 « Le lendemain, à Patrimonio, près de Saint-Florent, j’étais reçu par Monsieur Maestracci, maire de la localité, qui avait tenu à honorer la mémoire de l’adjudant-chef Richard de Préaudet, de notre Bataillon, qui était tombé en ces lieux le 24 septembre 1943.

 Reprenant les termes de ma précédente allocution, j’ajoutai quelques mots sur la formation de notre Bataillon de Choc. La plupart des officiers, de réserve ou d’active, étaient des évadés de France, avec quelques personnalités exceptionnelles. Les soldats (ou chasseurs) venaient des appelés d’Afrique du Nord, des chantiers de jeunesse. Mais l’épine dorsale ne pouvait être formée que de sous-officiers anciens de l’Armée d’Afrique. Les noms de nos adjudants-chefs me sont encore en mémoire : Saunier, Blanchard, Huet, Préaudet, et Crespin. L’adjudant-chef Marceau Crespin qu’on avait jugé opportun d’adjoindre au sous-lieutenant de 21 ans que j’étais alors, et qui est resté un de mes meilleurs amis. Quant à Richard de Préaudet, il venait du 1er Régiment Etranger de cavalerie et était devenu l’appui indispensable du chef de la 2ème section de la 3ème compagnie du Choc, celle-là même qu’on avait envoyée vers le nord et qui arrivait vers l’est et Saint-Florent, venant de Casta.

 Dans la nuit du 23 au 24 septembre 1943, le capitaine Manjot décida l’attaque par trois équipes d’un poste allemand situé au carrefour de Patrimonio. Préaudet commandait une des trois équipes en pointe de l’attaque mais se trouva en face d’un ennemi alerté et sous le feu de deux mitrailleuses. Il ne pouvait que faire décrocher sa troupe et restant le dernier, fut mortellement blessé. Les Allemands enfouirent son corps.

 Ainsi tombèrent, presqu’en même temps, au sud et au nord de l’île, l’aspirant Michelin et l’adjudant-chef de Préaudet, premiers morts du Bataillon, premiers tombés pour la libération de la France. La cérémonie même de Patrimonio, le 24 septembre 2008, fut particulièrement émouvante sur cette plateforme en demi-cercle qui dominait le bourg, parce que le dévoilement de la plaque commémorative s’accompagna de chants religieux, d’une chorale de haute qualité, parce qu’un détachement du 2ème Régiment Etranger de parachutistes rendait les honneurs, parce que les trois enfants de Richard de Préaudet qui n’avaient pas ou si peu connu leur père étaient là, qui ne cachaient pas leur émotion en serrant les mains de tous les légionnaires. Là aussi, j’ai pu dire à Monsieur Maestracci combien nous lui étions reconnaissants de garder dans la pierre un tel souvenir.

 Le 4 octobre 1943, les combats cessèrent. Nous défilâmes à Ajaccio devant le général Giraud. Je serrai à Sartène la main du général de Gaulle. Tout ceci se passait il y a 65 ans. Mais c’était le début d’une longue route qui allait mener le Bataillon de Choc à l’Ile d’Elbe, sous les ordres de Gambiez ; au débarquement de Provence à Toulon sous les ordres d’Heriard-Debreuil ; à Belfort, Colmar, l’Allemagne, l’Autriche, sous les ordres de Lefort ; au début de l’Indochine sous les ordres de Clauzon.

 Sur cette route-là, 300 des nôtres sont tombés. POUR LA FRANCE ».

  Général Roland Glavany. Grand Croix de la Légion d’honneur.
 

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Publié le 10 Janvier 2009

 

Ch’timi portugais

 

 

« Je suis un Ch’timi portugais ! Né à Denain, dans le Nord, en 1926, mes parents s’étaient installés quelques années auparavant dans la région. Je suis entré dans la Résistance à l’âge de 17 ans, et pour moi cela était parfaitement naturel. Comme une tradition familiale. En effet, et cela se sait peu, mais pendant la Première Guerre mondiale, le Portugal avait envoyé un contingent pour aider les Alliés, sur le front de l’Ouest. Une des principales raisons de cet engagement consistait à combattre partout où cela était possible, l’ennemi allemand, qui avait des visées sur les possessions africaines du Portugal. Et d’obtenir un appui des Anglais.

 

Mon père était de ce contingent. Il participa, entre autres, à la bataille de la Lys, en avril 1918. En ces lieux, la seconde Division portugaise, sous le commandement du général Gomes da Costa, forte d’environ 20.000 hommes, résista avec acharnement à quatre divisions allemandes (50.000 hommes), laissant sur le terrain près de 300 officiers et 7.000 soldats, tués, blessés ou prisonniers. Le courage des Portugais força l’admiration de l’ensemble des Alliés. Mon père s’en sortit, comme par miracle. Sinon, je ne serais pas là !

 

Bref, en septembre 1944, le lieutenant Roger nous rassembla à Valenciennes et nous fit embarquer dans trois camions : direction la capitale ! A Saint-Germain-en-Laye, nous descendîmes au Quartier Gramont, lieu d’incorporation. Nous fîmes nos adieux à Roger, qui devenait l’adjoint du commandant Lanusse, en charge des nouvelles recrues. Inspection, instruction – rapide – et piqûres puis nous voilà au front ».

 

 

 

 

A la 2ème D.B.

 

« J’avais intégré le 2ème bataillon de la 8ème Compagnie, aussi appelée Escadron Vaugirard. Nous étions une unité du Régiment de Marche du Tchad (R.M.T.) – unité filleule de la ville d’Issy-les-Moulineaux – lui-même composant du Groupement Tactique du général de Langlade (G.T.L.), élément de la 2ème Division Blindée (D.B.) du général Philippe Leclerc de Hauteclocque. Notre commandant d’unité allait devenir célèbre : il s’agissait de Jacques Massu !

 

Mon baptême du feu, ce fut à Sélestat, en Alsace, au moment de Noël. J’étais posté dans une maison avec quelques camarades. L’un d’eux me cria : « Mickey ! » – car c’était ainsi que l’on m’appelait – « Fais gaffe, ils sont juste dans la ferme en face ! ». Un char arriva. Nous pensions être sauvés. Mais il roula sur une mine. Sous la force de l’explosion, l’engin s’immobilisa. Et les Allemands reprirent leur canarde de plus belle. Je peux dire que ce jour-là, nous primes une sacrée dérouillée. A notre poste, au matin, nous étions onze soldats. Le soir, nous nous retrouvâmes à deux survivants. Le lendemain, nous étions relevés et notre chef de groupe nous proposa de nous replier sur un quartier de la ville, plus en arrière, à l’abri des tirs ennemis.

 

Au milieu d’une foule de soldats, de matériels, de chars, de cris, mon camarade et moi, nous entrâmes dans un estaminet. La patronne nous accueillit avec gentillesse. Nous découvrîmes des gens adorables. Alors que bon nombre d’hommes de la région étaient « Malgré Nous », c’est-à-dire sous l’uniforme allemand et sur le front de l’Est, on nous offrit le couvert et le coucher. Un beau Noël pour deux pauvres jeunes gars loin de leurs parents, sans chéries. Des enfants…

 

Ce fut une joie presque aussi intense que notre entrée dans Strasbourg, un mois plus tôt. Je n’avais pas tenu le « Serment de Koufra » cher au général Leclerc, mais j’en étais de ceux qui avaient délivré la France. Au soir de ces combats dans Sélestat, je reçus la Croix de Guerre et fus cité à l’ordre du régiment. La suite fut tout aussi terrible pour le R.M.T. ».

 

La bataille de Kilstett

 

« Le maréchal allemand Von Rundstet avait déclenché une vaste offensive sur le front des Ardennes. Les Américains et notre 2ème D.B. se précipitèrent pour colmater cette brêche. Mais, dans le même temps, il ne fallait pas dégarnir l’Alsace. Leclerc avait dit : « La division tout entière doit passer en Alsace et se faire tuer sur place, jusqu’au dernier homme, pour sauver l’honneur de la France ».

 

A Kilstett, situé  à 15 km au nord de Strasbourg, le commandant Reyniès, qui avait fait l’Afrique, et qui était encerclé avec son bataillon dans la ville, hurla à la radio : « Faites vite ! Le hallouf (cochon) est dans le douar ». Notre 8ème Compagnie du R.M.T. fut envoyée sur place pour participer au dégagement. Nous avions face à nous deux bataillons du Régiment Marbach, composés d’élèves sous-officiers, de vrais fanatiques. Une seule chose comptait pour eux : assommer la ville sous les bombes et foncer sur Strasbourg pour reprendre ce symbole. Le général de Langlade envoya immédiatement à l’assaut les sous-groupements Gribius et Massu, dont je faisais toujours partie. Les combats furent incroyables de violence. Dès les premières minutes, nos pertes furent sérieuses. Je tirais comme je pouvais, appuyant les copains du mieux possible. Nous nous battîmes maison par maison, nettoyant notamment le quartier de la Sablière.

 

Et c’est là que je fus blessé. Tout autour de moi, ce n’étaient que morts et blessés. Mon chef gisait dans une mare de sang, due à une blessure en pleine poitrine. Pour ma part, j‘étais immobilisé, une balle dans le pied. On m’évacua sur l’hôpital de Sarrebourg et je reçus, après l’étoile de Bronze, celle d’Argent sur ma Croix de Guerre. Avec mes compagnons d’armes, je fus cité à l’ordre de la Division. Le général de Lattre de Tassigny cita à l’ordre du Corps d’Armée le G.T.L. de la 2ème D.B. : « Engagé le 22 janvier 1945 aux ordres du général de Langlade, en soutien de la 3ème D.I.A., est intervenu de façon décisive dans pour briser le dernier assaut allemand en direction de Strasbourg. Après une étape de nuit rendue difficile par la haute neige et le gel, un sous-groupement sous les ordres du chef d’escadron Gribius s’est porté « résolument » à l’attaque pour dégager un bataillon de Tirailleurs encerclé depuis la veille à Kilstett, par des forces supérieures. Par la soudaineté et la violence de son intervention, a complètement surpris l’ennemi, l’a mis en déroute, lui infligeant de lourdes pertes et faisant une centaine de prisonniers ».

 

Par la suite…

 

« Par la suite, remis, je poursuivis les combats en Allemagne, puis jusqu’à Berchtesgaden, le fameux « nid d’aigle » d’Adolf Hitler. Démobilisé en 1946, je rejoignis un de mes frères à Lyon qui me fit entrer dans le secteur de la restauration où j’exerçai pendant près de trente ans. Là, je me mariai et un fils naquit. Je terminai ma carrière dans le bâtiment, en tant que spécialiste de la remise en état ».
 

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