seconde guerre mondiale

Publié le 10 Mars 2008

Décembre 2007. Nous rencontrons le Commander Alexander Tesich, dans son bureau de Président de l’association « Veterans of Foreign Wars of the United States » de la Maison du Combattant, rue du général Leclerc à Issy-les-Moulineaux. 

L’un des chapitres les plus sombres et les plus complexes de la Seconde Guerre mondiale s’est déroulé dans les Balkans, à partir de 1941. 

A cette époque, la situation dans cette partie de l’Europe, et plus particulièrement en Yougoslavie, est confuse. Pour tenter d’en comprendre les tenants et les aboutissants, il convient de revenir un quart de siècle en arrière. 

A la fin de la Première Guerre mondiale, sur les cendres de l’Empire Austro-hongrois, et sous l’impulsion de l’énergique roi des Serbes, Pierre 1er, un Royaume commun des Serbes, Croates et Slovènes est constitué. Cette création correspond aux résultats des conférences préparatrices du Pacte de Saint-Germain-en-Laye de 1919 : récupération par la Serbie des territoires non promis à l’Italie (Pacte de Londres de 1915), et qui rassemblent les populations croates et slovènes. Fondation d’un royaume avec stricte égalité entre tous les peuples le composant.  

Mais dès cette création, des tensions apparaissent, d’un côté, entre les Croates et les Slovènes, à majorité catholique, défenseurs d’une approche fédéraliste d’inspiration allemande, et d’un autre côté les Serbes, orthodoxes, et favorables à un centralisme jacobin, d’inspiration française. 

Néanmoins, l’union est réussie. Malade, Pierre 1er passe le flambeau à son fils, le roi Alexandre 1er. Dans un premier temps, le monarque cherche à apaiser les nationalismes et les tendances séparatistes ; puis, au début des années 1930, cette politique, consensuelle, dérive vers un dirigisme de plus en plus accentué. En 1934, le roi Alexandre 1er est assassiné, au cours d’un voyage à Marseille, par un extrémiste macédonien (la majeure partie de la Macédoine est intégrée à la Serbie). Pierre II, fils d’Alexandre 1er, âgé seulement de 11 ans, monte sur le trône, sous la régence du prince Paul, cousin du roi. Les régimes dictatoriaux qui voient le jour au cours de ces années-là, en Europe, favorisent l’émergence de partis nationalistes. Le prince Paul finit par céder aux pressions intérieures de son royaume, à l’influence de l’Allemagne et de l’Italie, et signe, le 25 mars 1941, le Traité Tripartite, pensant soustraire son pays à la guerre. Pourtant cette décision affaiblit en Serbie la popularité du prince. Le général Simovic réalise un coup d’Etat, exile le prince Paul et donne un pouvoir absolu au roi pro-allié Pierre II. C’en est trop pour Adolf Hitler qui, prétextant un refus des Serbes d’accorder un corridor à la Wehrmacht pour envahir la Grèce, attaque Belgrade. 

Le Commander Tesich : « Il faut bien imaginer des Croates accueillant les soldats allemands avec des fleurs et nous – notre armée n’ayant pas tenu plus de deux semaines – nous étions abasourdis d’une défaite aussi lourde, aussi rapide. Après la première attaque de l’aviation allemande, il y eut un parachutage sur le palais royal à Belgrade. La panique était totale. En fait, il s’agissait de poupées de grande taille dans le but de faire diversion. Ensuite, les Stukas multiplièrent les bombardements». 

Dès lors, en Croatie, fidèle à ses inspirations ultranationalistes, un Etat indépendant est créé, dirigé par les Oustachis, avec à sa tête Ante Pavelic. En Serbie, la vie politique est bouleversée : après le départ du roi Pierre II pour Londres, et pour avoir la paix et faire régner l’ordre, les Allemands demandent au général Milan Nedic de former des gardes-frontières, pour que les Croates ne rentrent pas en Serbie (ce qu’ils ont fait en Bosnie, massacrant les ressortissants serbes). Peu à peu, un gouvernement autour de Nedic se forme. Et trois groupes de résistance s’organisent : les divisions de l’Armée serbe qui n’ont pas encore déposé les armes, fidèles au roi Pierre II et regroupés autour du général Draza Mihajlovic. L’armée de Mihajlovic – donc le premier groupe – collabore, plutôt secrètement, avec le gouvernement de Nedic. Deuxième groupe : les soldats de Dimitrije Ljotic, ultranationalistes, alliés des Allemands et qui vont combattre aussi bien la Garde nationale serbe de Nedic que les soutiens de Pierre II. Enfin, troisième groupe, les communistes, ayant parfois appuyé les Allemands au moment du pacte Germano-soviétique, sous la direction de Josip Broz Tito, Croate, et qui vont, ensuite, lutter contre ces mêmes Allemands et les autres groupes serbes. La Yougoslavie  de 1941, c’est à la fois une invasion par les pays de l’Axe et une guerre civile. 

« J’avais 14 ans, reprend le Commander Tesich. Je n’avais peur de rien. Et j’ai, moi aussi, pris les armes pour défendre mon pays contre les Allemands. Les atrocités commises par les SS et la Wehrmacht ont été fort nombreuses. L’une des plus célèbres – et macabres – demeure sans conteste l’affaire de Kragujevac : après une attaque de Serbes contre eux, 6.000 enfants de cette ville ont été  enfermés dans les écoles puis fusillés. Il y a peu encore, un panneau interdisait l’entrée de la cité à tous les ressortissants allemands. Pratiquement, en ce temps-là, on ne savait plus qui soutenait qui. Tout le monde était soupçonnable. Nous combattions les hommes de Ljotic, les Allemands, les communistes, qui voulaient une Yougoslavie républicaine pour notre pays quand nous préférions le rétablissement du royaume. » 

Au début de cette guerre civile, les Alliés jouent la carte de Mihajlovic. De Gaulle en particulier, qui a été compagnon du Serbe à Saint-Cyr et l’a décoré, à Londres, de la Croix de Guerre pour des faits de résistance à l’Allemagne Nazie. Mais après les conférences de Téhéran en 1943 puis Yalta en 1945, et grâce à l’appui logistique de l’Armée rouge, les Partisans communistes de Tito bénéficient, à leur tour, du soutien des Alliés, au premier titre desquels il convient de citer les Anglais. 

« Dès le début de 1944, notre sort est joué. Grâce aux armes fournies par l’Union soviétique, les Partisans libèrent des villes et des régions de l’emprise nazie. De fait, ils obtiennent le soutien des populations civiles. Mais ces femmes et ces hommes avaient-ils le choix ? Ensuite, les soldats de Ljotic apprennent que nous collaborons avec ceux de Nedic. Nous sommes dénoncés à la Wehrmacht. Les hommes de Nedic, qui jusque-là nous livraient des armes allemandes, nous envoient des armes françaises et hollandaises (à la demande des Allemands). Nos munitions serbes et allemandes ne pouvant fonctionner, nous voilà condamnés. Partout nous reculons. Nous finissons par nous réfugier en Slovénie et en Italie. De là, comme beaucoup des mes camarades, je m’expatrie pour les Etats-Unis (d’autres partent pour l’Australie ou le Canada), où je suis rapidement recruté pour travailler dans une usine du New-Jersey. Puis je m’engage dans l’Armée américaine (US Air Force). Je complète ma formation pendant quelques temps puis suis muté sur la base d’Orly où je resterai aviateur pendant 3 ans et 33 jours ! ». 

Etabli d’abord dans la clandestinité à Jajce, en novembre 1943, l’Etat communiste de Yougoslavie, avec Tito pour Président, devient officiel en septembre 1944 avec la libération de Belgrade. 

Nedic se sauve en Italie. Le 1er janvier 1946, il est livré aux Yougoslaves par les Anglais et est immédiatement incarcéré. Le 5 février 1946, les journaux rapportent que Milan Nedic, profitant d’un moment d’inattention de ses gardes, se suicide en se jetant par la fenêtre de la pièce où il est interrogé. 

Quant à Mihajlovic, il trouve refuge en Bosnie-Herzégovine. Il y est arrêté le 12 mars 1946 et bientôt jugé pour « trahison et crimes de guerre ». Coupable au regard du pouvoir communiste, il est fusillé le 17 juillet 1946. Le général de Gaulle refusera toute sa vie d’avoir des contacts développés avec la Yougoslavie de Josip Broz Tito.

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Publié le 3 Février 2008


 

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Jacques Vignaud (en haut – 2ème à partir dr.) et ses camarades du 93ème R.I.


Novembre 2007, rue Foucher Leppeltier à Issy-les-Moulineaux. Nous rencontrons Jacques Vignaud, directeur commercial à la retraite (monde de l’édition). Sous le regard apaisant de statues de Bouddha – Madame Vignaud est d’origine thaïlandaise – Jacques Vignaud entreprend le récit de son engagement de 1944.

« Je pense souvent à ce mot de Maurice Druon : « Ce sont cent mille jeunes pouilleux qui, en se levant spontanément, ont sauvé l’honneur de la France ». J’avais à peine 18 ans en 1944 et pour moi l’engagement était évident. Mais comment faire ? En fait, tout s’est déroulé le plus naturellement possible. Un après-midi d’août 1944, alors que nous nous baignions dans un petit village de ma Vendée natale – à Pilorge – deux des plus âgés de notre bande d’adolescents nous disent qu’ils ne rentreront pas chez eux le soir. Ils nous demandent de les suivre et de prendre le maquis. C’est l’enthousiasme général. Le temps d’écrire un mot à nos parents, et avec notre sac de plage pour tout bagage, nous quittons le village, laissant le plus jeune garçon chargé de distribuer nos mots d’adieux !

 

Nous partons pour la forêt de Mervent, en Vendée. L’attente est interminable. Tout à coup, nous voyons un camion se rapprocher. Nos aînés nous demandent la plus grande discrétion. Certains ont peur : « Et si c’était un piège ? ». Le camion est proche maintenant. Il s’arrête. Une bâche se soulève. Et apparaissent des parachutistes en uniforme, casqués et solidement armés. Nous apprenons qu’ils font parties des fameux SAS britanniques. Nous sommes conquis ! Pour nous, qui ne connaissions que les uniformes de la Wehrmacht, la SS et les Gardes Mobiles de Réserve – à la solde de Vichy – l’apparition relève du merveilleux. Notre liberté commence.

 

Nous sommes transportés dans un manoir, proche de la commune de la Chapelle aux Lys. Les parachutistes nous habillent, expliquent le retrait des troupes allemandes dans les ports de l’Atlantique, forteresses puissamment armées. Il s’agit de créer des actions de sabotage et d’embuscade afin d’harceler les regroupements des unités ennemies.

 

Mes premières missions sont assez simples. A vélo, je dois reconnaître les environs et rechercher des lieux d’approvisionnement en carburant. Les repérages faits, les réquisitions peuvent commencer.
Quelques jours plus tard, une section régionale des Gardes Mobiles de Réserve obtient son ralliement à notre unité de Français Libres. La situation est cocasse : ceux pour qui nous étions encore des « terroristes » peu de temps avant, viennent nous congratuler et nous féliciter de notre engagement. Les effectifs sont tels que plusieurs groupes sont formés. En récompense de m’être vanté d’avoir déjà conduit un camion, j’obtiens le volant d’un Citroën 11 CV ! Sur la route, avec les conseils d’anciens, j’achève mon « école de conduite ».

Notre groupe se dirige vers Marans (Charente-Maritime). Là, nous intégrons le 93ème régiment d’Infanterie – le régiment des Vendéens – et prenons position. L’une des caractéristiques de l’armée est bien la discipline. Mais pour nous, qui débordons de vitalité, pas question d’attendre. Avec un de mes camarades, nous quittons notre poste et nous dirigeons dans le no man’s land. A quelques kilomètres, les forces allemandes ont placé des unités chargées de protéger le repli vers ce qui devient la « poche » de La Rochelle. Nous marchons depuis un moment, quand nous tombons sur deux soldats de la Wehrmacht. Nous les mettons en joue. Ils n’opposent aucune résistance, lèvent les bras et hurlent qu’ils sont autrichiens, qu’ils n’ont rien à voir, avec « cet Hitler ». Nous qui pensions recevoir des félicitations à notre retour, prenons une engueulade sévère de notre commandant de poste, pour avoir pris des initiatives sans ordres précis.

 

Nous sommes mutés dans l’unité du lieutenant Gayard, qui dirige la 2ème compagnie du 93ème R.I. Le chef de poste, l’adjudant Denis, nous donne l’ordre aussitôt d’attaquer des éléments avancés, proches de notre campement de la ferme dite La Prée. Nous sommes quatre, et, en nous dissimulant d’arbre en arbre, nous progressons jusqu’à ce que nous parvenions en vue des ennemis. A ce moment-là, je mets mon fusil-mitrailleur en position de tir, et le pourvoyeur prépare les chargeurs pour son alimentation. Nous sommes tous les quatre allongés sur le sol, bien dissimulés dans l’herbe, aux pieds de grands arbres. Lors de la visée, j’aperçois distinctement les uniformes de la Wehrmacht autour du poste. L’adjudant donne l’ordre : « Feu » ! Je tire et je vide en rafales plusieurs chargeurs, jusqu’à ce que nous constations que le canon du fusil mitrailleur est devenu rouge ! Dès le début de notre attaque, les Allemands se sont couchés. Mais ils se ressaisissent et nous devons nous replier sous les rafales de leurs mitrailleuses.

 

Fort de ce fait d’armes, le soldat Baugé et moi-même, obtenons une permission d’une journée que nous passons dans la petite ville de Marans. Juste le temps nécessaire pour que les Allemands attaquent notre ferme… Nos camarades ont pu s’enfuir sans pertes. Alors, avec Baugé, nous nous installons dans une nouvelle ferme, assez proche, au lieu-dit Saint-Léonard. Là, grâce aux animaux d’élevage et la gentillesse des paysans, nous pouvons voir venir.

 

Le 15 janvier 1945, par un froid sibérien, les Allemands attaquent tous nos postes. Il s’agit pour eux de se procurer du ravitaillement. Nos forces se battent avec courage. Les pertes sont nombreuses. Toutes les fermes sont prises d’assaut. Avec Baugé, nous devons, une fois de plus, reculer face à un ennemi bien plus puissant que nos mitraillettes légères. Dans notre retraite, nous croisons des compagnons d’infortune. C’est à cinq, que, pour échapper aux balles ennemies, nous décidons de traverser le canal de Marans à la Rochelle, en empruntant la passerelle d’une petite retenue d’eau. Sous les tirs intenses, nous devons descendre dans le marais. Les tirs continuent. Alors, nous brisons la glace et nous nous enfonçons dans l’eau profonde. Persuadés que le froid nous emportera, les Allemands se replient. Leur approvisionnement est bien plus important que cinq pauvres jeunes gars.

 

Nous devons nous sauver. Et vite, car en plus l’un de mes camarades a reçu une balle dans le pied. Pour cela, nous faisons deux groupes : deux vont partir avec le blessé et se rendre aux ennemis ; avec Baugé, nous décidons de poursuivre notre retraite. Nous devons traverser à nouveau un canal. La glace, qui semblait épaisse, cède en plusieurs endroits. Nous voilà trempés jusqu’aux os. Il est très clair que nous ne pouvons, sans risque grave, rester des heures dans cette situation. Nous nous dirigeons vers une maison isolée. Après avoir brisé un volet, nous accédons aux chambres du premier étage et nous empruntons des serviettes et quelques vêtements. Enfin, nous allons pouvoir dormir…

 

Mais dès notre réveil, nous entendons distinctement des voix qui semblent être toutes proches. En examinant plus attentivement, nous découvrons avec horreur qu’un poste de garde composé de plusieurs soldats allemands s’est installé dans la nuit. L’un d’eux s’approche. C’est certain : il va découvrir les vêtements boueux que nous avons laissé dans la cuisine. Nous allons être pris. De fait : les soldats pénètrent dans la maison. Nous entendons leur progression. Se battre ne servirait à rien, nos armes ont été perdues pendant la traversée du canal. Alors, levant les bras bien haut, il ne nous reste plus d’à nous rendre.

 

Les Allemands nous emmènent jusqu’à Marans ; de là, nous montons dans un train blindé en direction de La Rochelle. Comme des centaines de nos compatriotes, nous voilà prisonniers dans la caserne Renaudin. Dès l’instant où je rentre dans la cellule, ma conviction est faite : me sortir d’ici au plus vite. Certains des nôtres préfèrent ne pas bouger, la victoire finale étant proche. Ils n’ont pas torts. Pour autant, pas question de se laisser faire.

 

La caserne Renaudin est presque entièrement désaffectée ; seul notre étage – le premier – est occupé. Nous nous apercevons qu’un véritable dédale de couloirs compose le bâtiment. L’un d’eux donne sur le mur de notre cellule. Il suffirait de percer ce mur – qui semble bien avoir été ajouté – pour sortir. Nous utilisons les toilettes pour évacuer les gravats. Tout le monde s’y met : les soixante-trois prisonniers de notre grande cellule vont tour à tour nous aider – nous sommes une dizaine bien décidés à nous faire la belle – à faire disparaître les preuves de nos travaux. Du côté allemand, l’encadrement officier et sous-officier, conscient de l’infériorité du moral de ses troupes, tente de compenser cette faiblesse par des manifestations d’autoritarisme excessives et spectaculaires, pour impressionner. Nous recevons à n’importe quel moment du jour et de la nuit des visites. Parfois, ils sont imbibés de cognac et de pineau… « J’ai donné l’ordre de tirer sur les prisonniers qui tenteront de s’évader et vous serez fusillés ! ». Mais l’espoir a changé de camp.

 

La date de l’évasion est fixée au 12 février 1945. En fin d’après-midi, alors que la nuit commence à tomber, nous passons par le trou que nous avons creusé ; nous descendons en bas de l’escalier et parvenons, sans trop de soucis, jusque dans la cour. Il nous faut maintenant la franchir et parvenir de l’autre côté, vers les fameuses toilettes. Ça ne sent pas bon, mais jamais cette odeur ne nous a paru si opportune. Le mur d’enceinte s’offre à nous. Nous devons, pour l’escalader et descendre de l’autre côté, attendre que le faisceau du projecteur et que le gardien avec son chien soient loin. Au moment opportun, nous sautons à l’extérieur. Pour autant, rien n’est encore joué. Il faut maintenant traverser la ville et nous rendre à notre point de rencontre : une maison dont un gardien nous a donné la clé, cachée dans une boule de pain. Dans une rue de La Rochelle, nous croisons une patrouille allemande. La chance est avec nous. Il ne s’agit que de « pépés » débonnaires, qui n’ont certainement pas envie de se créer des problèmes. Nous nous rendons dans la maison afin d’y passer la nuit. Au petit jour, des Résistants viennent nous chercher ; nous montons sur un bateau pour être exfiltrés vers l’île d’Aix. Puis ce sera Fouras et Rochefort.

 

C’en est terminé de notre guerre. Bientôt les Allemands se rendent en masse. Notre joie est indescriptible. Pourtant. Ombres funestes. Je pense à tous nos camarades qui n’ont pas eu notre chance, qui se sont battus et ont été tués, qui se sont fait prendre, alors que la liberté s’offrait à eux. Ainsi, je pense particulièrement Paul Couzinet, Joseph Martin et Paul Rolland, qui ont été arrêtés alors qu’ils étaient au rez-de-chaussée de la caserne et que les premières évasions venaient d’être découvertes. Ils ont été lâchement abattus par la soldatesque ennemie et c’est un crime impardonnable. Nos combats sont demeurés au second plan, inconnus. Mais cela n’est ni tout à juste ni tout à fait bon. Le Devoir de Mémoire est indispensable si l’on veut que nos jeunes disposent encore aujourd’hui du patrimoine national que nous avons contribué à reconquérir. »

 

 

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Publié le 6 Janvier 2008

Octobre 2007, rue Foucher Leppeltier à Issy-les-Moulineaux. Nous rencontrons Jacques Vignaud, directeur commercial dans le monde de l’édition,  à la retraite. Il nous raconte l’épopée de son ami du 93ème régiment d’Infanterie, Alain de Gaillard, engagé comme lui en 1944.


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Jacques Vignaud (en bas à dr. au bout) et ses camarades du 93ème R.I.

 

« Il faut replacer cette histoire dans le contexte de l’époque. Le débarquement du 6 juin 1944 a eu lieu en Normandie et celui de Provence le 15 août. De chaque côté, les troupes alliées ont pour objectif la libération de notre territoire et, bien entendu, celle de l’Allemagne. Les troupes de la Wehrmacht se trouvant dans le Sud Ouest réalisent que, si elles ne se replient pas rapidement, elles risquent d’être prises dans une nasse. Elles deviennent par ailleurs très utiles pour attaquer le flanc droit des Alliés dans leur mouvement Normandie – Ile-de-France – Est du pays.

 

Pour ces raisons, plusieurs bataillons de parachutistes SAS anglais et français sont posés en Bretagne et dans la Maine et Loire, afin d’harceler les arrières ennemis. Vers le 20 août 1944, des sticks de huit parachutistes français SAS du 4ème RCP, du colonel Bourgouin, se battent en commandos autonomes dans les Deux-Sèvres. Parallèlement à ces actions, il y a dans la région de nombreux jeunes qui ne rêvent que d’en découdre avec l’Allemagne nazie. C’est le cas d’un groupe d’étudiants auquel appartiennent Alain de Gaillard et son frère.

Dans la région de Cerisay (Deux-Sèvres), les étudiants sont placés en contact avec le Stick du sergent-chef Héricourt. La rapide instruction permet aux nouveaux arrivants de participer à des coups de mains. Le 24 août, le groupe part pour l’Absie, dans le même département, pour combattre une colonne allemande venue en représailles à une attaque de Francs Tireurs Partisans, qui s’en sont pris à un convoi de la Croix Rouge. L’accrochage est violent. Avec son équipement léger, le Stick ne peut qu’intervenir en embuscade et selon la tactique du harcèlement. Au cours des combats, Alain de Gaillard voit son frère tomber à ses côtés, mortellement blessé. 

Le retour au camp (le Château de Lys) se fait dans une ambiance tendue. Le coup a réussit. Mais voilà : que dire, comment annoncer la terrible nouvelle aux parents ? Pour autant, le combat doit continuer. L’idéal de Liberté guide tous ces jeunes qui veulent prouver à leurs aînés ce dont ils sont capables. Le groupe reste au camp quelques jours puis les parachutistes partent. Ils sont affectés à la bataille d’Arnheim, en Hollande. De leurs côtés, les étudiants sont enrôlés dans le 93ème régiment d’Infanterie – le régiment des Vendéens – avec pour objectif la prise de la poche de La Rochelle, où des divisions allemandes se replient. 

Je pense souvent à mon ami Alain de Gaillard, son frère et tous ces adolescents, dont j’étais, qui ont pris tous les risques pour libérer la France. »

 

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Publié le 14 Décembre 2007

4 – De Sivas à Issy : à Issy-les-Moulineaux

 

« Nous sommes arrivés rue Madame, aux Epinettes, en 1943 » reprend Marie-Antoinette. « Nous logions au numéro 7. Peu de temps après notre installation, notre fille, Arlette est née. J’allais chercher du lait en boîte à la Croix Rouge, avenue de Verdun, en face de l’annexe de l’hôpital psychiatrique. Mon lait maternel n’était pas bon. Cela était dû à une terrible peur que nous avions connue, Georges et moi, à Meudon, alors que j’étais enceinte. Nous étions chez mon beau-frère. Tout à coup, nous avons entendu une déflagration terrible. Une bombe venait de tomber dans un jardin, juste dans notre dos ». 

Georges Mouchmoulian : « La vie était difficile. Une fois que j’ai été rétabli, j’ai repris mon métier de garçon coiffeur. Je n’ai pas tenu longtemps. Je travaillais à Boulogne et pour couper les cheveux, il faut avoir les bras en l’air. Ma blessure à l’épaule me faisait mal. Je ne pouvais plus bouger le bras comme avant la guerre. Alors, j’ai arrêté. Au moment de notre installation rue Madame, nous avons ouvert un atelier – dans notre salon – de culottier. Un métier qui ne doit plus exister. Nous recevions des patrons de métiers particuliers, de militaires, la Garde républicaine par exemple, et, pendant que je découpais et je cousais à la machine, Marie-Antoinette assurait les finitions, à la main. Nous faisions de la qualité, du sur-mesure ». 

Marie-Antoinette Mouchmoulian : « Les privations ont été réelles. Il fallait faire des heures de queue pour avoir un légume, du beurre, du pain. Heureusement, dans notre quartier, il y avait encore des vergers ; et puis, Clamart était réputé pour ses petits pois ! Bien entendu, on faisait tout à pied. Une fois par semaine, nous allions au Goûter des Mères, pour bien manger et surtout nourrir correctement Arlette. Avec tout cela, nous avions en plus parfois des bombardements. Je ne saurais dire si les bombes étaient allemandes ou anglaises, en tout cas, une fois, il en est tombé une dans le cimetière, juste à côté de notre immeuble ». 

Le 26 août 1944, des soldats français entrent dans Issy-les-Moulineaux. C’est la Libération. Rapidement, ils sont suivis d’Américains et de Canadiens.



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L’arrivée des Alliés devant l’hôpital de Percy.

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Les Alliés, en août 1944, devant Percy.

 

« Et là, indique Marie-Antoinette, juché sur une jeep, un beau gars s’avance vers nous. Nous sommes placés devant l’hôpital Percy. Je l’ai déjà remarqué. Voilà près de cinq minutes qu’il tend un papier aux habitants qui se sont amassés le long du convoi militaire. Il s’approche de nous. Il regarde Arlette. Puis lève les yeux vers moi. Dans un français approximatif, il me dit : « Je suis votre neveu. Ma mère m’avait donné votre adresse quand j’ai quitté l’Amérique ». 

Cette sœur aînée que Georges Mouchmoulian avait vu disparaître alors qu’il n’était encore qu’un enfant de Sivas.

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La famille Mouchmoulian en 1944, avec le neveu des Amériques.

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Publié le 11 Décembre 2007

3 – De Sivas à Issy : la Seconde Guerre mondiale

 

Le 3 septembre 1939 marque l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne nazie. Dans son ensemble la presse prend des accents guerriers ; dans son journal, le comte Ciano, gendre de Mussolini et ministre des Affaires étrangères de l’Italie fasciste note : « la France entre en guerre, sans enthousiasme et pleine d’incertitude ». Georges Mouchmoulian est soldat au 39ème régiment d’Infanterie. Comme ses camarades, et toute l’Armée française, pendant quelques mois, il va vivre une « Drôle de guerre », attendant l’invasion allemande. 
Marie-Antoinette Delancker, qui deviendra Madame Mouchmoulian en 1942, dit : « Georges était un garçon charmant. Bien sûr, lui Parisien et moi du Pas-de-Calais, nous ne nous étions jamais rencontré. Mais je tricotais pour les soldats. C’est tombé sur lui. Nous nous sommes écrits. Ensuite, j’ai accepté de devenir sa Marraine de guerre. Un jour de 1939, il est venu dans notre ferme de Carvin, à côté de Lens. Il jouait tout son temps avec les enfants. Avec sa petite taille et son air méditerranéen, on l’appelait le Négus ! ».
Mai 1940 : après avoir écrasé la Pologne, Hitler transmet ses ordres afin de préparer l’offensive à l’ouest. Le 10 mai, les Allemands lance l’offensive « Gelb ». Le Groupe d’armée de Leeb se dirige vers les frontières allemandes opposées à la ligne Maginot ; le Groupe d’armée de Rundstedt lance son offensive en direction des Ardennes ; le troisième et dernier Groupe d’armée, celui de von Bock, traverse la Belgique et les Pays-Bas. Il s’agit d’attirer les forces britanniques et françaises dans le Nord. 

 

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Carte de l’offensive allemande de 1940.

 

 

Avec des chars surpuissants et les bombardements en piqué de la Luftwaffe, l’avancée est foudroyante. Le principe de la Blitzkrieg ou « guerre éclair » est appliqué. Rapidement, les lignes belges, françaises et britanniques sont enfoncées. Des unités se battent – souvent se sacrifient – pour retarder la progression des armées du Reich.
Le 1er Groupe d’armée français, composé du Corps expéditionnaire britannique du général Lord Gort et de la 7ème Armée française du général Giraud prévoit de contre-attaquer sur la ligne de la Dyle et de la Meuse, au-dessus de Namur, au cœur de la Belgique. De fait, le 39ème R.I. fait partie des unités françaises qui vont au devant des forces allemandes. La bataille est lancée dans une certaine confusion et les pertes deviennent rapidement importantes.
Georges Mouchmoulian : « Je combattais. Je faisais simplement ce que mon adjudant me disait. Il fallait aller de l’avant. Et puis, j’ai été blessé. Des éclats d’obus : à l’épaule gauche, aux jambes, aux pieds. Un choc d’une très grande force. Je me suis effondré, inconscient. Par la suite, je ne sais pas bien comment, j’ai été transféré à Namur, dans l’hôpital militaire ; puis à Paris, au Val de Grâce. En tout, sept mois d’hôpital. Sept mois bloqué sur un lit, à attendre et souffrir ».
Quelques temps plus tard, à l’occasion d’un Conseil de Révision, l’administration de l’Etat français déclare Georges Mouchmoulian inapte à reprendre les armes. Il est démobilisé.

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Publié le 7 Décembre 2007

2 – De Sivas à Issy : l’orphelinat puis l’arrivée à Marseille

 

 

 

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Marseille en 1920 (© L’Internaute)

 

Entre 1914 et 1916, plusieurs millions d’Arméniens sont déportés d’Asie Mineure vers des camps situés, majoritairement, sur le territoire actuel de la Syrie. Plusieurs centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants meurent de faim, de soif, ou sont tout simplement exterminés (les estimations actuelles vont de 500.000 personnes à près de 1,5 millions). Il est nécessaire d’indiquer qu’en 1919, certains tortionnaires (Talaat, Cemal et Enver) sont condamnés par contumace (tribunaux ottomans), pour : « extermination d’un peuple entier constituant une communauté distincte ». 

Georges Mouchmoulian : « Ma mère a profité du chaos de la fin de la guerre, de la présence des troupes grecques, pour nous envoyer en Amérique. Tout était près. Nous devions faire un passage par la Grèce et ensuite prendre le bateau. Oui, mais voilà, nos papiers, placés consciencieusement par nos soins dans nos baluchons, n’y étaient plus quand nous les avons cherchés. Quelqu’un de mal intentionné avait dû nous les dérober, certainement pour les vendre. Au lieu d’arriver à New York, et j’ai bien conscience que nous étions des privilégiés, nous avons atterri dans un orphelinat grec, proche de Corfou. Et quand je dis nous, c’était les garçons (nous étions sept enfants). Mes deux dernières sœurs, l’aînée était déjà installée en Amérique, se sont vues refoulées de l’orphelinat. C’était horrible. Pendant près de trois ans, elles ont vécu à côté de nous, dans le maquis, sur le port, et nous sortions, quand nous pouvions, pour leur donner une partie de nos repas. Elles ont vécu de cela, et de mendicité, pendant tout ce temps-là. Il n’y a pas longtemps encore, quand la plus jeune de mes sœurs était encore en vie, elle ne pouvait s’empêcher de pleurer en évoquant ces années. 

Quant à ma mère… Persuadée, dans un premier temps, que nous avions réussit, elle était pleine d’espoir. Elle avait quitté la Turquie et s’était installée à Marseille. Et puis, bien entendu, elle a su. S’en sont suivis des mois et des mois de recherche. » 

Marseille a toujours été une fenêtre française ouverte sur la Méditerranée. Cela est vrai depuis les temps des Phéniciens. Dès la fin du 16ème siècle, il n’est pas rare de trouver des négociants arméniens venant de Smyrne, d’Alep ou encore d’Adana. Ils s’y sont installés ou vont et viennent entre le Moyen-Orient et les grandes foires occidentales, comme Lyon, Troyes ou Paris. 

Dès les premiers événements relatifs aux populations arméniennes, au milieu du 19ème siècle, des réfugiés politiques font le voyage de l’Empire ottoman vers la France. Puis des familles débarquent et s’installent à Marseille. Une diaspora s’organise. Des associations de défense et de solidarité se créent. Avec les massacres de 1894-1986, le flot d’arrivants grandit ; bientôt ce sont des centaines d’Arméniens qui s’établissent dans l’antique Massilia. La commune les accueille avec compréhension et place à la disposition des réfugiés les locaux désaffectés de l’hôpital de la Vieille-Charité, sur les hauteurs du Vieux-Port. 

De quelques centaines, les Arméniens passent à plusieurs milliers dès 1914. 

Georges Mouchmoulian : « Ma mère a enfin compris que nous n’étions pas en Amérique. Elle nous a cherché, a  demandé aux membres de la famille restés à Sivas de l'aider dans sa démarche. En vain. Puis, elle s’est appuyée sur des associations. Bien entendu, elle n’était pas la seule dans ce cas. Alors, grâce à de nombreux réseaux arméniens, à la compréhension de Grecs formidables, elle nous a retrouvés. Et cela a mis près de trois ans. Trois années dans cet orphelinat ; trois années, dans le dénuement le plus total pour mes deux sœurs.

 

Les autorités nous ont mis sur un bateau pour la France. Nous sommes arrivés à Marseille après quelques jours, ou semaines, je ne sais plus très bien – mais Dieu que le temps nous parut long. Comment décrire l’émotion qui nous a tous submergés quand nous avons foulé le sol de France ? Nous étions au début des années 1920, et enfin, la vie s’offrait à nous.

 

Nous sommes restés quelques mois à Marseille puis nous avons gagné Paris. Mes frères ont trouvé du travail et moi j’ai grandi. Je suis devenu garçon coiffeur. »

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Publié le 4 Décembre 2007

Octobre 2007. Rue Madame, nous rencontrons Marie-Antoinette et Georges Mouchmoulian. Voici leur histoire, en quatre parties :

 

1.      Massacres en Turquie.

2.      L’orphelinat puis l’arrivée à Marseille.

3.      La Seconde Guerre mondiale.

4.      A Issy-les-Moulineaux.

 

 

1 – De Sivas à Issy : massacres en Turquie

 

 

Sivas est une ville importante, placée sur le plateau Anatolien, à plus de 1.275 m d’altitude. Située dans la vallée du Kizilirmak, Sivas a une histoire riche, faite des dominations hittite, phrygienne, lydienne puis perse. La ville a ensuite fait partie du Royaume de Cappadoce. Important carrefour caravanier sur les routes Nord-Sud et Est-Ouest (Byzance – Arménie), Sivas a connu un développement considérable, sous les Seldjoukides, avant de tomber sous l’envahisseur mongol, l’impitoyable Tamerlan, en 1400.
Sous l’Empire ottoman, et jusqu’à la fin du 19ème siècle, Sivas va rester une capitale régionale. Comme dans toutes les cités turques, qu’elles soient en Cappadoce, en Anatolie, dans les Monts Taurus ou encore à Istanbul, de fortes communautés arméniennes vivent et commercent avec les Turcs.

Les populations se connaissent ; elles ne se mélangent pas toujours mais, des siècles de coexistence, ont tissé des relations relativement pacifiques. Pourtant, en 1896, puis en 1909, des massacres sont perpétrés contre les Arméniens. Ils sont, principalement, le fait d’un mouvement, le CUP (Comité Union et Progrès) et de ses membres, appelés Jeunes-Turcs. 

Ce mouvement répond à une aspiration nationaliste : depuis le milieu du 19ème siècle, l’Empire ottoman subit des revers tant militaires que politiques. La période de déclin est amorcée. Les Jeunes-Turcs veulent revenir à une constitution forte, un pouvoir nationaliste et apporter un renouveau à la société. Dans un premier temps, cette volonté nationaliste, globale, leur permet de s’associer à des partis réformistes d’autres peuples de l’empire : des Grecs, des Kurdes ou encore le Dashnak arménien. 

Arrivés au gouvernement du sultan Abdülhamid II en 1908, les Jeunes-Turcs se trouvent confrontés rapidement à une société extrêmement complexe, découvrent les arcanes et querelles de pouvoir. L’anarchie gagne toutes les couches de la population. L’idée originelle est rapidement remplacée par un discours beaucoup plus xénophobe. Sous l’influence de son leader, Enver Pacha, l’Empire ottoman ne peut être que turc et la religion, musulmane.

Caricature du Sultan AbdulHamid II (© Wikipedia.org)

 

 

Georges Mouchmoulian : « Il y a toujours eu des problèmes entre les Turcs, les Arméniens et les autres peuples en Turquie. Les Kurdes par exemple. Nous vivions dans les mêmes villes, mais pas dans les mêmes quartiers. Certains métiers ne nous étaient pas autorisés, d’autres réservés. Surtout nous n’avions pas la même religion. Les premiers massacres ont commencé à la fin du 19ème siècle, et puis, il y eut Adana en 1909, où on releva plusieurs milliers de morts parmi mes compatriotes. » 

Les années suivantes ne vont être qu’une lente agonie de l’Empire ottoman. Après la perte des territoires grecs, de la Serbie, de la Roumanie (congrès de Berlin en 1878), l’empire voit partir ses possessions en Lybie, au profit de l’Italie. A l’Est, la situation n’est guère plus brillante. Depuis 1878, la Russie s’est emparée de territoires et des villes de Kars, Batoum et Ardahan en Anatolie orientale. Par idéal religieux, ou du fait des situations tendues avec les Turcs, des Arméniens se sont engagés dans l’Armée russe et ont participé à cette conquête.

En novembre 1914, l’Empire ottoman, qui a signé le 2 août un traité d’alliance avec l’Allemagne, entre en guerre aux côtés des empires centraux (IIe Reich et Empire austro-hongrois). 

Prenant prétexte de la désertion de soldats arméniens de l’Armée ottomane, de soulèvements dans des villes de l’Est, comme Van (alors que la population arménienne se barricadait justement pour se protéger des exactions des Jeunes-Turcs), Enver Pacha et Talaat Pacha décident d’appliquer, d’abord secrètement, le plan d’élimination des Arméniens (« Ermeni sorunu »), mis au point depuis plusieurs années. 

Dans la majeure partie des villes turques, le principe retenu est toujours le même : à la perquisition dans les maisons de notables arméniens, succède leur arrestation, des tortures pour avouer une quelconque cache d’armes, et leur exécution, en dehors de la ville. 

Georges Mouchmoulian : « Nous habitions un petit village à côté de Sivas. Il s’appelait Govdunm. En arménien, cela signifie le « village des vaches » ! Mon grand-père était une personnalité ; il avait été maire. Les Turcs cherchaient les familles arméniennes. Tous les hommes devaient être incorporés dans l’armée pour y exécuter les plus basses œuvres. Mon père avait refusé cela. Il décida de partir se réfugier dans une grotte. Il fut rapidement retrouvé par les Turcs, qui le massacrèrent. Et ce n’était pas fini. Mon grand-père était âgé. Il n’avait pas pu suivre son fils. Et quand bien même d’ailleurs… Il a été pris par les soldats. Il a été tué lui aussi. Ses assassins l’ont emmené et ils l’ont empalé sur sa canne. Jusqu’à ce le bout sorte par la gorge !  Quant à ma mère, mes frères et mes sœurs, nous en avons réchappé par miracle. Après, ma mère a contacté des personnes que nous connaissions aux Etats-Unis et elle y a envoyé ma sœur aînée. C’était vers 1916-1917». 

A la fin de la Première guerre mondiale, les armées turques sont défaites sur pratiquement tous les champs de bataille : elles reculent aussi bien en Palestine qu’en Irak. Les Grecs en profitent pour débarquer en Asie mineure et s’installer sur la côte ionienne. Le général Mustapha Kemal, Jeune-Turc, chef militaire de grand renom, qui s’est illustré entre autres aux Dardanelles en 1915 contre les contingents français et anglais, appelle au sursaut national et repousse les forces grecques. C’est la fin définitive de l’Empire ottoman et l’avènement de la Turquie nouvelle, sous la houlette du général.

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Publié le 8 Novembre 2007

Georgette Poussange et Lucette Pontet sont membres du comité d’Issy-les-Moulineaux de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes.

 
Georgette Poussange : 

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Dépôt de gerbe par Mme Poussange – à gauche – et Mr Fleury, président de l’UFAC d’Issy-les-Moulineaux, le 29 avril 2007 (Journée de la Déportation).


« En 1939, j’avais 13 ans, et nous habitions Malakoff. Après la déclaration de guerre, les alertes se sont multipliées. Nous étions dans un sentiment de panique. Nous descendions dans les abris – généralement les caves – pour un oui ou un non. De plus, les mairies avaient distribué des masques à gaz. Cela renforçait le sentiment de malaise et d’impuissance. De notre fragilité également. Tout à coup, nous pouvions disparaître.

 
Toujours à la mairie, on nous avait distribué des sortes de laissez-passer, ou bon d’évacuation, je ne sais plus. Tous ceux qui le pouvaient étaient poussés à quitter la ville. Alors, nous sommes montés dans un train, à destination de la ville de Le Blanc, dans l’Indre. Ma mère et ses quatre enfants. Et le spectacle qui nous était offert n’était guère réjouissant : nous voyions défiler les soldats français qui revenaient du front. Ils semblaient paniqués. Et des rumeurs annonçaient l’arrivée imminente des Allemands. Alors, nous suivions le troupeau…
 
L’accueil des populations de province ne fut pas toujours simple, c’est le moins qu’on puisse dire. En dépit de ces fameux « bons » que nous montrions dès notre arrivée dans une ville, il ne fallait pas se faire remarquer. Nous passions, en quelque sorte, pour des envahisseurs. Chaque soir, il fallait trouver où dormir, de quoi nourrir trois enfants en bas âge. J’aidais ma mère comme je pouvais.
 
Quand l’armistice a été prononcé, nous sommes rentrés à Malakoff puis nous avons habité les Hauts d’Issy. Là, nous reprîmes l’habitude de faire la queue afin d’avoir des tickets de rationnement pour tous les produits de la vie quotidienne : le pain, le savon (en pâte uniquement), les légumes, la viande ; le dentifrice, par exemple, avait disparu. Le beurre : on nous donnait des quantités infimes. Nous avions faim. Chaque élément prenait une importance considérable. Vous aviez oublié quelque chose : il fallait retourner faire la queue. Combien de fois me suis-je levée à 4h du matin pour patienter devant une boutique. Et souvent, pour ne rien avoir. On vivait au crochet de la mairie et des allocations familiales.
 
Ceux qui avaient les moyens prenaient leur voiture et allaient à la campagne. Puis, ils revenaient et vendaient ce qu’ils avaient négocié avec des agriculteurs, des commerçants, des amis ou la famille. Des bombardements, j’ai surtout conservé le souvenir de ceux du début de l’année 1942. Le ciel était rouge des flammes des usines Renault de l’île Seguin. Il y eut de nombreux morts. Je me souviens également des soldats allemands blessés. Nous voyions passer des convois en direction de l’hôpital Percy.»

 

Lucette Pontet :



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A droite, Mme Pontet, porte-drapeau du comité local de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes.

 

 

 

 

 
« Pour ma part, j’habitais le quartier de la Ferme, en face de l’usine Chausson. Aujourd’hui, on aurait du mal à y croire, mais il y avait là une véritable ferme, avec des animaux de basse-cour, des vaches. On déplaçait souvent ces dernières d’ailleurs. On envoyait les pauvres bêtes à la campagne, se refaire une santé et brouter de la bonne herbe, et les nouvelles venues étaient nourries de foin. Une fois, l’une d’elles s’est échappée : je vois encore mon frère courir après dans les rues de la ville. C’était folklorique, tout de même. La ferme servait à fournir du lait pour les habitants des Moulineaux, et c’était aussi, avec ses pigeons et ses lapins, un commerce comme un autre. Je trouvais cela formidable.
 
A l’époque, j’étais une petite fille. Je me souviens avant tout des bombardements. Les usines Renault étaient souvent visées. Et nous avions une source d’informations hors pair : notre chien ! Avec mes parents, il suffisait de voir le chien inquiet, puis aboyer, et nous savions que quelques minutes plus tard, nous allions être bombardés. Ou du moins que des avions allaient nous survoler pour bombarder Boulogne ou Paris.
 
Il y a eu des bombardements allemands, et aussi anglais et américains. Je ne saurais pas dire lesquels ont fait le plus de morts. Mais souvent j’entendais mes parents évoquer le triste sort d’une maison, d’une rue (Auguste Gervais par exemple) ou encore d’un immeuble. Le bas de Meudon était particulièrement visé. Il y eut aussi le Pont de Sèvres, en 1944. Un dimanche, alors, que les parisiens allaient au champ de course de Longchamp. Ce fut un massacre.
 
Beaucoup de choses, certainement insignifiantes pour les adultes, m’ont marquées durant cette période. Ainsi, je me souviens des fenêtres qu’il fallait calfeutrer, des ampoules de couleur bleue qu’il fallait partout installer. Surtout, ne pas se faire remarquer et respecter le couvre-feu.
 
A l’école, j’allais chez les Sœurs (Ecole Jean-Pierre Timbaud). Nous chantions « Maréchal nous voilà ». Moi qui étais gauchère, je me suis souvent fait taper sur les doigts pour changer de main.
 
Les descentes de police étaient fréquentes. Une fois, boulevard Rodin, nous avons vu la Gestapo entrer dans un immeuble. Nous savions que des choses horribles allaient se passer.
 
Et puis la Libération est arrivée. On a d’abord vu de plus en plus de Résistants. Beaucoup portaient des brassards des F.F.I. Un bon nombre d’entre eux était certainement d’authentiques héros ; il y en eut aussi qu’on avait vu « discuter » peu de temps auparavant avec les Allemands. Ensuite, ce furent les soldats de la 2ème Division Blindée, de Gaulle, les Américains. Nous étions enfin libres ».

 

 

 

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Publié le 19 Octobre 2007

Bien connus des isséens, Jacqueline et Roger Foveau animent l’association Issy Loisirs Entraide, fondée en 1983, dont le but est l’organisation d’activités culturelles, sportives et sociales.

 

 

 

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Jacqueline Foveau :
 
« En 1940, j’avais huit ans. J’étais à Saint-Denis. Avec mes parents et mon frère, nous habitions près du square Pierre de Geyter (le musicien de l’Internationale), à côté de la basilique. A l’école, j’étais chez les Sœurs de la Compassion. La « Drôle de guerre », c’était pour nous un jeu mais aussi une angoisse. Il y avait tout le temps des alertes. Alors, il fallait descendre dans la cave, prendre au passage les masques à gaz que la mairie nous avait distribués. Et puis on attendait, sans vraiment savoir ce qui allait se passer. Du haut de mes huit ans, c’était pour moi une aventure. D’autant que pour avoir des informations, nous allions au cinéma. Nous étions dans l’irréalité.
 
Vient le mois de mai : les Allemands envahissent notre cher pays. Les nouvelles sont horribles. L’Armée française est partout bousculée, défaite. Mon père est très inquiet. A l’usine, on lui demande de continuer, autant que possible, à travailler comme si de rien n’était. Et les troupes du Reich arrivent dans Saint-Denis. Les soldats se placent partout en ville ; prennent position à la mairie, dans les usines. Ainsi, mon père, bien entendu sans le vouloir – et comment résister ? – travaille maintenant pour eux, car la production est directement envoyée de l’autre côté du Rhin.
 
Dans notre vie quotidienne, les bouleversements sont immédiats : tout est réquisitionné. On commence à manquer. Il faut attendre des heures pour avoir un morceau de viande, du pain. On nous distribue des tickets, mais cela ne suffit pas. Mon père échange des bons pour du tabac contre du lait, dont je me rappelle même la marque : Guigoz !
 
Et puis, à l’école, l’atmosphère change. Le temps de l’insouciance est vite passé pour faire place à une réalité pour le moins terrible. Une de mes camarades me dit comment son père a été arrêté et fusillé pour acte de résistance.
 
La rafle du Vel d’Hiv, en 1942, cela a été quelque chose d’inimaginable. Je connaissais bien l’endroit pour y être souvent allée avec mon papy. Il était un fan de vélo. A Saint-Denis comme dans Paris, nous voyons la police française et la Gestapo entrer dans les immeubles, rechercher des juifs. Un monde de fous.
 
Manquant de tout, persuadée que nous pouvons être arrêtés d’un moment à l’autre – c’est le temps du STO (Service du Travail Obligatoire) – nous décidons de partir dans le sud, en Zone libre, au Puy en Velay, où des amis ont une grande maison. Alors, nous laissons mon grand-père paternel pour veiller sur notre appartement et nous voilà, mon père, ma mère, mon frère, mes deux grands-mères, entassés dans notre voiture, sur les routes de France.
 
Peu avant la ligne de démarcation, un gars nous hèle : « Ne prenez pas cette route, elle est bouchée. Passez à droite, c’est à couvert ». Bien nous en a pris : moins d’un quart d’heure plus tard, nous entendons des avions qui foncent sur la route. Le bruit est épouvantable ; une sorte de sirène qui vous glace le sang. Des balles passent à quelques dizaines de mètres de nous. Des morts partout. Des gens que nous avions vus quelques instants plus tôt : ils étaient là. Par terre. Allongés dans des flaques de sang.
 
Nous nous installons au Puy ; quelques mois. On survit au jour le jour. Là aussi, beaucoup de gens manquent de tout. Si la vie n’est pas meilleure en Haute-Loire, autant rentrer. Nous optons pour Pontoise où nous connaissons des personnes. Avec mon frère, me voilà inscrite à une nouvelle école, au milieu d’enfants que je ne connais pas. Mon père retourne à Saint-Denis, voir ce qu’il est advenu du grand-père. Il va bien.
 
Plus d’une année a passé. Les postes de radio nous donnent des informations. L’Armée allemande va de défaite en défaite. C’est le Débarquement ; un matin d’août 1944, je vois arriver des soldats français. C’est le délire. Nous pleurons de joie. Des gens sortent avec des drapeaux. Un jeune gars s’approche de moi. Nous sympathisons. Il me demande d’être sa marraine de guerre. Comment refuser ? Mon filleul, bien que plus âgé que moi, repart deux jours plus tard pour l’Est. Il a une guerre à continuer. Et nous restons amis. Nous le sommes toujours restés. Aujourd’hui, il a 83 ans, il habite le sud de la France et se porte merveilleusement bien.
 
C’est au tour des Américains d’entrer dans Saint-Denis. D’eux, je me souviens surtout m’être gavée de chocolat et de chewing-gums. Et puis, il y a des bas nylons. Quelle révolution ! J’ai conservé ma première paire plus d’un an.
 
Après la guerre, je suis entrée comme sténodactylo à la Société Générale d’Entreprise, rue du Faubourg Saint Honoré, en face de l’Elysée (j’y ai vu Vincent Auriol). C’est là que j’ai rencontré Roger, qui faisait un stage.»
 
Roger Foveau :
 
« Je suis un gars du Nord, un Ch’ti, né en 1929, à Saint-Saulve. Ma mère était gouvernante et mon père jardinier. Nous étions logés dans la maison de la famille Billiet, grande famille du Nord – Jules Billiet a été maire de Valenciennes de 1919 à 1925.  Cette famille avait neuf enfants ; et moi, j’étais enfant unique.
 
1939 : mon père est mobilisé. Je ne le reverrai plus pendant cinq ans. Dès les premiers combats, il a été fait prisonnier. Comment voulez-vous résister quand vous êtes cavalier et qu’on vous demande de charger face à des chars ennemis ? Pris, il part en Allemagne et restera dans une ferme jusqu’en 1945.
 
Les informations sont alarmantes. Les troupes du Reich arrivent. Il faut nous sauver au plus vite. Monsieur Billiet décide de rester dans la maison familiale ; ma mère, Madame Billiet, les enfants et moi prenons les voitures. Nous partons pour Brest, où nous devons être hébergés chez des amis. Et c’est dans cette ville que j’ai vu « mon » premier soldat allemand.
 
Finalement, nous rentrons à Valenciennes puis à Paris. Mr Billiet étant Président de la Bonneterie de France, dont le siège est à Paris, nous logeons dans l’immeuble du boulevard de Strasbourg. Les Billiet occupent le second étage, quant à ma mère et moi, nous nous installons au 3ème étage. Comme tous les enfants, je vais à l’école. Mon quotidien est difficile, nous manquons un peu. Mais je n’ai pas le souvenir d’avoir été réellement privé. J’étais chanceux.
 
Pour moi, la Seconde Guerre mondiale, ce sont surtout deux moments inoubliables. L’un est affreux : ce sont les femmes tondues puis fusillées devant la mairie du 10ème arrondissement. D’ailleurs, on peut encore voir les traces des balles.
 
Le second, c’est l’arrivée du général de Gaulle à l'Hôtel de Ville. Là où il a tenu ces paroles extraordinaires : « Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré, libéré par lui-même, libéré par son peuple, avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle. »
 
J’y étais ! Oh, bien entendu, je n’étais pas placé à côté du général. Mais dans la foule, tout proche, il y avait là un jeune gars et c’était moi !
 
Après la guerre, j’ai préparé un concours pour entrer à l’Ecole des travaux publics et j’en  suis sorti ingénieur en 1950. J’ai commencé par faire un stage dans l’Est (où je me suis occupé de l’application du plan Marshall) puis un second stage dans la fameuse Société Générale d’Entreprise (qui appartient aujourd’hui à Vinci). Et, j’ai rencontré la Jacqueline.
 
Nous nous sommes mariés, à Saint-Denis, dans la basilique, et nous avons eu trois enfants : Jean-Michel, Eric et le petit dernier, Patrick. »

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Publié le 11 Octobre 2007

Le Groupe Manouchian.

Le dimanche 29 août 2004, André Santini inaugurait, à Issy-les-Moulineaux, la place Groupe Manouchian, et prononçait un discours sur l’histoire de ces résistants. Henry Karayan, proche du Groupe Manouchian et Georges Duffau, fils de Joseph Epstein, responsable pour la Région Parisienne des Francs Tireurs et Partisans Français, prononcèrent également des discours.

 
Quelle est donc l’histoire du Groupe Manouchian ?
 
Missak Manouchian est né le 1er septembre 1906, dans le village d’Adyaman en Turquie, au sein d’une famille de paysans arméniens. Il a huit ans quand son père meurt, probablement tué par des militaires turcs. Puis sa mère disparaît à son tour, victime de maladie et de la famine qui touche la population arménienne à cette époque. Le jeune Missak est recueilli par une famille kurde puis par une institution chrétienne syrienne. Ce pays est alors sous protectorat français. L’arrivée en France, à Marseille, se déroule en 1925.
 
Missak apprend le métier de menuisier. Pour autant, il n’y accorde guère d’intérêt. Son plaisir est dans la fréquentation des bibliothèques et les cercles intellectuels arméniens. Il quitte rapidement le sud de la France pour se fixer à Paris. Il suit des cours de littérature, de philosophie et d’histoire. Dans le même temps, il fonde avec des amis deux revues littéraires : Tchank (Effort) et Machagouyt (Culture).
 
Proche des idées révolutionnaires, Missak Manouchian adhère et milite en 1934 au Parti communiste, participe aux « universités ouvrières » créées par les syndicats ouvriers (CGT) et s’enrôle dans le groupe arménien de la MOI (Main d’œuvre Immigrée). Groupe dont il prend le contrôle après la défaite française de 1940, tout en maintenant ses activités militantes, devenues illégales après l’interdiction du Parti communiste en France, faisant suite à la signature du pacte Germano-Soviétique (août 1939). Arrêté puis rapidement libéré (la police ne retient aucune charge contre lui), Missak Manouchian est versé avec son groupe, en 1943, dans la FTP-MOI, groupe de Francs-Tireurs Partisans (créé en 1941 par la direction du parti communiste français), dirigée par Boris Holban. En quelques mois, Manouchian est nommé commissaire technique des FTP-MOI. Il multiplie les actions contre l’ennemi nazi : attentats, sabotages, déraillements de train sont fréquents. Leur plus grand fait d’armes consiste en l’exécution, le 28 septembre 1943, du général SS Julius Ritter ; cet événement a un impact très important à Berlin et Heinrich Himmler donne l’ordre à son représentant en France, Karl Oberg, de réprimer les auteurs de l’acte.
 
A cette époque, le dirigeant pour la Région Parisienne des Francs-Tireurs Partisans est Joseph Epstein. Il donne rendez-vous à Missak Manouchian le 15 novembre 1943 à Evry Petit-Bourg (devenue Evry). Suivi depuis son domicile jusqu’au lieu de la rencontre (il semble que Missak Manouchian ait été vendu), les deux résistants sont arrêtés et torturés. Ils ne parleront pas. Les Brigades Spéciales des Renseignements Généraux, alliées de Berlin, finissent par démanteler l’ensemble du réseau. Après un simulacre de procès, vingt-deux membres du Groupe Manouchian, sont fusillés au Mont Valérien le 21 février 1944 (Joseph Epstein est exécuté le 11 avril 1944). En vain, la propagande allemande tente de faire passer les résistants pour des criminels, au moyen d’une affiche demeurée célèbre : l’Affiche Rouge.
Le Groupe Manouchian.

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