Publié le 30 Mars 2013

 

 

Soldats du 4ème zouaves.

 

 Le 4ème zouaves.

 

La dénomination de zouave vient du berbère zwava, qui est le nom d’une tribu kabyle. Entièrement composés de métropolitains, les régiments de zouaves se couvrent de gloire partout où ils combattent. Leur réputation commence avec l’arrivée des Français en Algérie en 1830 : les Kabyles fournissaient des soldats aux Turcs sous la régence d’Alger ; avec la domination de la France, ils fourniront le Royaume puis la République. Ces unités sont également remarquables par l’exigence ultime de leur discipline ; d’où l’expression « faire le zouave » : un zouave est capable de tout faire, sur un simple commandement.

 

En 1914, le 4ème zouaves (RZ) est fort de sept bataillons. Alors que les 1er et 2ème bataillons sont en pleine campagne au Maroc, et que le 5ème bataillon est cantonné à Rosny-sous-Bois, près de Paris, les 3ème, 4ème et 6ème bataillons sont stationnés dans leurs quartiers et Bizerte et de Tunis.

 

Prosper Honoré Verpillat nait le 29 juillet 1874 à Paris. La capitale se remet peu à peu du siège de l’armée prussienne de 1870-1871. D’ailleurs, les travaux d’une nouvelle enceinte fortifiée sont votés par le gouvernement. Il grandit dans le culte de la revanche vis-à-vis de cet empire allemand qui a mis à genoux la France glorieuse et éternelle. Ses parents, qui se sont installés à Issy-les-Moulineaux, se sacrifient pour que le jeune garçon puisse passer des concours et tenter les grandes écoles. A l’âge de 20 ans, Verpillat entre à l’Ecole militaire de Saint-Cyr. Il choisit, comme un grand nombre de ses camarades, l’Armée d’Afrique, qui a le double avantage d’offrir de l’aventure aux jeunes gens galvanisés par les articles de l’hebdomadaire L’Illustration, et des conditions financières et d’avancement plus avantageuses.

 

La déclaration de guerre.

 

Un zouave a raconté a posteriori la mobilisation du 4èm en Tunisie et la sa guerre de 14-18: « Le 1er août 1914, à 17 heures, les quartiers de Tunis et de Bizerte furent consignés. L’ordre de mobilisation venait d’être affiché. On le communiqua aux troupes et les zouaves déjà prêts à sortir en ville débouclèrent leur ceinturon avec le plus grand calme, raccrochèrent leur baïonnette et remirent leur bourgeron comme un soir ordinaire de piquet. Dès le 4 septembre, toutes les dispositions ayant été prises, les inspections faites, le 3ème bataillon s’embarque à Bizerte et le 4ème à Tunis. En exécution du plan de mobilisation, ils rejoignent en France, au fort de Rosny-sous-Bois, les 5ème et 11ème bataillons pour former le 4ème régiment de zouaves sous le commandement du colonel Pichon. Salué par les camarades qui demeurent en Tunisie, acclamés avec enthousiasme, ils reçoivent à leur départ des marques répétées de confiance de la Colonie, déjà fière de leur passé et de leur belle attitude.

 

Les bataillons sont transportés à Alger en chemin de fer, et c’est à Alger que l’on doit prendre la mer. Le 9, le départ d’Alger sera plus solennel encore. La présence d’une composée de trois cuirassiers fera plus imposante la levée d’ancre et les honneurs rendus au Drapeau sur la place du Gouvernement. Le 10 et le 11, c’est la pleine mer. On vogue tous feux éteints. Au matin du 12, la côte de France est abordée à Sète. Les zouaves débarquent, s’égaillent dans la ville, où ils sont fêtés, comblés et entourés jusqu’au soir. C’est par le train qu’ils rejoignent Rosny. Les journées des 14 et 15 sont passées à recevoir les réservistes, déjà organisés, équipés et répartis au fort de Rosny. Le 16 au matin, le 4ème régiment de marche de zouaves se trouve réuni dans la gare de Bercy, après avoir fait à pied, au milieu des acclamations, le trajet de Romainville-Bercy.

 

La musique joue, le drapeau flotte, les fleurs voltigent, panachent les selles des chevaux, les fusils des hommes. Paris croit à la promptitude de la victoire et les zouaves rayonnants sous le rouge des chéchias, campés dans la blancheur de leurs sarouels, répondent avec crânerie aux vœux de la foule ».

 

A Tarciennes.

 

Au départ, sous la direction du colonel Pichon, unité de la 38ème division d’infanterie, le 4ème zouaves comprend : le 3ème bataillon du commandant Ballivet, le 4ème avec le commandant Daugan ; le 5ème avec le commandant Bézu et le 11ème avec le commandant Eychenne.

 

Le régiment reçoit son baptême du feu à l’occasion de la bataille de Charleroi. Cette bataille réside dans la rencontre entre la IIème armée allemande, du général von Bülow, qui progresse à travers la Belgique, face à la Vème armée française du général Lanrezac, qui tente justement d’éviter l’encerclement par l’ouest de l’ensemble des armées alliées.

 

Le 23 août 1914, situé dans le village de Tarciennes, le 4ème s’apprête à livrer le combat : « L’ordre de se porter en avant arriva à minuit et l’on partit à 2 heures. On dépassa l’artillerie en position d’attente. Les quatre bataillons marchaient de formation largement ouverte. On allait voir l’ennemi, se mesurer, et certainement le vaincre ». Mais le régiment est vite débordé à la fois par la puissance de l’artillerie ennemie et par des troupes, beaucoup plus nombreuses, qui les contournent par la gauche. Avec leurs uniformes rouges, bleus et blancs, les zouaves font des cibles parfaites pour les grenadiers prussiens : ce n’est plus la guerre mais un tir de fête foraine !

 

Il n’y a qu’une solution possible : retraiter, et si possible en bon ordre pour permettre à la Vème armée de Lanzerac de se reformer. Le 5 septembre, le régiment se trouve à quelques kilomètres de Provins, dans le sud du département de la Seine-et-Marne. Des centaines de kilomètres ont été parcourus en une dizaine de jours, « pas un instant les zouaves n’avaient cru la partie perdue. Soutenus par leurs officiers qui se dépensèrent brillamment au cours de la retraite, ils se laissaient dire que le recul préparait l’attaque et les chefs qui leur parlaient ainsi avaient leur confiance ».

 

Reprise de l’offensive.

 

Il n’est pas possible pour l’Armée française de reculer plus loin (« Vous n’irez pas plus loin » est-il écrit sur bon nombre de monuments de la Première bataille de la Marne). Au matin du 7 septembre 1914, le 4ème repart en avant et refait les étapes dans l’autre sens. Il participe au mouvement général de reconquête initiée par le général Joffre et bien aidé dans son œuvre par le général Gallieni qui envoie plus de 6.000 hommes depuis Paris à quatre (ou plus) dans des taxis !

 

Le terrain perdu quelques jours auparavant est repris sans trop d’effort : alors tous ces morts pour rien ? En fait, les Allemands n’ont pas respecté l’ordre initial qui consistait à fondre sur Paris, et il leur manque 120.000 hommes restés en Belgique pour prendre la place forte d’Anvers. Le 13, ils se replient finalement sur la ligne qu’ils avaient préparée avant l’offensive et ils y installent des casemates et des abris imprenables.

 

« La bataille s’engage. Elle est dure. Le 14 au soir, la division se trouve en flèche par rapport aux autres éléments de l’armée. Il faut attendre. Le 15, l’ennemi affirme sa résolution d’arrêt par un violent tir d’artillerie. Le 16, notre mouvement continue. Tandis que la 38ème division se porte sur Craonne, la 12ème compagnie du 4ème zouaves avance sur Ailles, le 11ème bataillon va aider les Anglais à Cerny et le commandant Daugan reçoit l’ordre d’attaquer Vauclerc avec son bataillon, la 9ème compagnie et des éléments du 12ème d’infanterie. La lutte se stabilise autour de la ferme d’Hurtebise. Lutte terrible : nous attaquons et nous sommes attaqués. Nos fantassins sont mis à rude épreuve. Ils en ressortent aguerris, grandis, plus confiants en eux-mêmes et dans leurs chefs, dont trois – le capitaine Rajer, le capitaine Gavory, le sous-lieutenant Parison – trouvèrent là une mort héroïque ».

 

Repli sur l’Yser.

 

A l’issue de la bataille de la Marne, les belligérants tentent de se contourner par le flanc. C’est ce qui restera dans l’histoire sous le nom de « Course à la mer » : partant de la Champagne et de la Picardie, les Alliés et les Allemands vont tenter à plusieurs reprises de percer les lignes afin de se prendre à revers. Toutes les tentatives resteront des échecs et cette course prendra fin à la mer du Nord. La bataille de l’Yser est l’une de ces tentatives.

 

Le 15 octobre 1914, après avoir perdu Anvers, les restes de l’Armée belge se réfugient sur Gand. Mais la situation devient vite intenable face à des ennemis beaucoup plus forts. Un ordre est donné : « Le ligne de l’Yser constitue notre dernière ligne de défense en Belgique et sa conservation est nécessaire pour le développement du plan général des opérations. Cette ligne sera donc tenue à tout prix ». La 38ème DI fait partie du dispositif. Au 4ème RZ : « Ces jours monotones et tristes d’octobre sont marqués cependant par une détente de trois jours à Révillon. On a aussi appris à compter avec un ennemi terrible : la boue ! Les hommes savent maintenant l’énergie qu’il faut déployer pour lutter contre la pluie, qui envahie les tranchées, les transforme en cloaques, en ruisseaux et en marécages glacés. L’arrivée des effets de drap, en permettant de remplacer la tenue de toile en guenilles a bien apporté quelques conforts mais les larges culottes rouges, qui s’alourdissent d’eau et de vase, restent peu pratiques ».

 

Des bataillons du 4ème sont maintenant portés sur Ypres pour retrouver des divisions d’infanterie et des troupes coloniales. Les combats contre les troupes du Reich reprennent. Intervient là un épisode resté dans les mémoires comme « la mort héroïque d’Assas » : alors qu’une colonne allemande se porte à l’attaque d’un pont défendu par les troupes françaises, elle pousse au-devant d’elle quelques prisonniers. Ce sont des zouaves. Les soldats cessent le tir : il n’est pas question de mettre en joue des camarades qui se replient. Mais les zouaves se mettent à hurler : « Mais tirez donc, nom de Dieu, ce sont les Boches qui arrivent ! ». La fusillade reprend. Des zouaves se sont sacrifiés pour que reste intacte le pont et leur honneur…

 

Au 4ème RZ : « Les zouaves, sous la conduite habile de leur chef, répondent avec le plus grand empressement à tous les appels et combattent avec la plus grande bravoure. Le 11 novembre, après un bombardement d’une violence inouïe, les colonnes allemandes culbutent la première ligne anglaise. La 15ème compagnie qui était en première ligne est submergée. Le capitaine Chevrier rassemble la trentaine d’hommes qui lui restent et défend le terrain pied à pied. La situation est encore une fois critique. Le commandant Bonnery, appuyé par le capitaine Verpillat ordonne une contre-attaque : les compagnies Helbert, Grambouland et les débris de la compagnie Chevrier s’élancent à la baïonnette avec une énergie telle que l’ennemi, non seulement est arrêté, mais recule jusqu’à son front de départ. Les Boches n’ont pas passé cette fois encore. Le zouave Paquet, le capitaine Verpillat, l’adjudant Arsant, le caporal Spkiling se font remarquer entre tous. Ils se battent comme des lions. Le premier n’hésite pas à faire des prisonniers. Après la mort de son capitaine, l’adjudant, quoique blessé, garde avec énergie le commandement de sa section et le caporal reste le seul gradé dans la sienne ».

 

Dans le Journal de Marche du 4ème zouaves, la mort du capitaine Verpillat ne fait qu’une ligne…

 

Par la suite, le 4ème participe aux batailles d’Ypres, de Verdun (Douaumont, la Côte 304, Louvement, les Chambrettes), de l’Aisne en 1917 et d’Orvillers-Sorel l’année suivante. En quatre années de guerre, le 4ème zouaves va perdre près de 10.000 hommes de rang, sous-officiers et officiers.

 

Verpillat Prosper

 

 

Sources :

 

-         Journal de Marche du 4ème zouaves.

-         Historique du 4ème zouaves, anonyme, numérisé par Jérôme Charraud.

-         Encyclopédie Universalis, dictionnaire Larousse, encyclopédie Wikipédia.

-          André Castelot et Alain Decaux : Histoire de la France et des Français, Larousse.

-         Service historique de la Défense – Site « Mémoire des hommes » du ministère de la Défense.

-         Les troupes coloniales dans la Grande Guerre – L’Armée d’Afrique, par Léon Rodier.

-         L’Armée d’Afrique, Historama, n° 10, 1970.

-         Histoire de l’Armée française en Afrique, par Anthony Clayton, Ed. Albin Michel, 1994.

-         L’Armée d’Afrique, 1830-1962, par Robert Huré, 1830-1962, ED. Lavauzelle, 1977.

 

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