Publié le 28 Novembre 2020

Le dernier des Compagnons.

Avec la disparition de Daniel Cordier, Hubert Germain est maintenant le dernier Compagnon de la Libération vivant.

 

Biographie.

Fils d'un officier général issu des troupes coloniales, Hubert Germain est né le 6 août 1920 à Paris. Il débute ses études secondaires à la mission laïque franco-arabe de Damas (1930-1932) et les poursuit au lycée Albert Sarraut à Hanoi puis au lycée Saint-Louis à Paris. Bachelier, il prépare le concours de l'Ecole navale au lycée Michel Montaigne de Bordeaux au moment de la déclaration de guerre de septembre 1939.

Mais, dès juin 1940, écartant le concours, il cherche les moyens de continuer la lutte en pensant gagner le Maroc. Après une discussion à l'Etat-major général, replié à Bordeaux, avec un officier général ami de son père, Hubert Germain apprend que l'Afrique du Nord ne rentrera pas dans la guerre. Il prend alors la décision personnelle de continuer le combat. Des troupes polonaises s'embarquant pour l'Angleterre à Saint-Jean-de-Luz, il parvient, avec trois camarades, à se joindre à elles et à monter à bord de l'Arandora Star, qui appareille pour la Grande-Bretagne le 24 juin 1940.

Engagé dès l'origine dans les Forces françaises libres, il est affecté sur le cuirassé Courbet où il suit les cours d'élève officier de marine. Alors qu'il étudie pendant la journée entre les alertes, Hubert Germain participe la nuit à la défense antiaérienne contre les raids allemands. Au printemps 1941, il est affecté à l'Etat-major du général Legentilhomme, commandant en Palestine la 1ère Division légère française libre destinée à intervenir au Levant. Après la campagne de Syrie à laquelle il participe, il est envoyé comme élève à l'école d'officiers de Damas en septembre 1941 ; il en sort aspirant pour être affecté au 2e Bureau de l'Etat-major de la 1ère Brigade française libre du général Koening. En février 1942, il rejoint les rangs du 2e Bataillon à la 13e demi-brigade de la Légion étrangère (13e DBLE) à laquelle il restera toute sa vie très attaché.

Hubert Germain participe dès lors à la campagne de Libye au sein de la 1ère Brigade. Chef de section antichars, il se distingue dans les combats de Bir-Hakeim du 27 mai au 11 juin 1942 et est cité à l'ordre de l'armée pour avoir « montré de très belles qualités de chef » et avoir été « pour ses hommes un exemple constant de calme et de courage ». Il est promu sous-lieutenant en septembre 1942. Il prend part ensuite aux combats de la 1ère Division française libre (1ère DFL) à l'Himeimat (El Alamein) en Egypte en octobre 1942 puis en Tunisie jusqu'en mai 1943.

En Italie, le 24 mai 1944, devant Pontecorvo, alors qu'il commande une section anti-chars en appui du 1er BLE, le lieutenant Germain est blessé en dirigeant le tir des mitrailleuses lourdes de sa section pour continuer à appuyer le bataillon qui attaque le long du Liri. Evacué sur Naples, il est décoré de la Croix de la Libération par le général de Gaulle en Italie fin juin 1944. Il participe au débarquement de Provence en août 1944 et à la libération de Toulon, de la vallée du Rhône et de Lyon. Il prend part ensuite aux campagnes des Vosges, d'Alsace et termine la guerre dans le sud des Alpes, au massif de l'Authion. Appelé comme aide de camp auprès du général Koenig commandant les forces françaises d'occupation en Allemagne, le lieutenant Hubert Germain est démobilisé en 1946.

Attaché de direction dans une entreprise de produits chimiques, il est élu maire de Saint-Chéron (Essonne) en 1953, mandat qu'il conserve jusqu'en 1965. Chargé de mission au cabinet de Pierre Messmer, ministre des Armées, de 1960 à 1962 puis, de nouveau, en 1967 et 1968. Elu député de Paris en 1962, il sera réélu en 1968 puis en mars 1973. Président de l'amicale parlementaire "Présence et Action du Gaullisme" (1969-1972) Hubert Germain est vice-président du groupe UDR à l'Assemblée nationale (1971-1972).

De 1972 à 1974 Hubert Germain est ministre des PTT puis ministre chargé des relations avec le Parlement (mars-mai 1974). Il est également Président de la société française de télédistribution de 1975 à 1982. Hubert Germain est membre du Conseil de l'Ordre de la Libération depuis décembre 2010. Par décret du 25 novembre 2020, il est nommé chancelier d'honneur de l'Ordre de la Libération.

Décorations.

 

  • Grand Croix de la Légion d'Honneur.
  • Compagnon de la Libération - décret du 20 novembre 1944.
  • Croix de Guerre 39/45 avec palmes.
  • Médaille de la Résistance avec rosette.
  • Membre de l'Ordre de l'Empire britannique.
  • Grand Croix de l'Ordre de Malte.
  • Titulaire de plusieurs décorations étrangères.

 

Publication.

  • Espérer pour la France. Les mémoires d’un Compagnon de la Libération, Les Belles Lettres, Paris, 2020

 

 

Sources :

 

Site de l’Ordre de la Libération – https://www.ordredelaliberation.fr/fr

 

Le dernier des Compagnons.

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Publié le 12 Novembre 2020

Hommage de la Nation à Maurice Genevoix et à « Ceux de 14 ».

Discours de M. Emmanuel Macron, président de la République.

 

Il y a cent ans, depuis la citadelle de Verdun, le cercueil d’un soldat inconnu gagnait la dalle sacrée de l’Arc de Triomphe. Sa flamme, gardée par une poignée de braves, ne s’est jamais éteinte.

Un siècle plus tard, jour pour jour, celui qui a redonné vie et chair aux combattants de la Grande Guerre entre au Panthéon. Sa flamme ne s’éteindra pas.

Le lieutenant Maurice Genevoix entre ici avec tous « ceux de 14 ». L’écrivain Maurice Genevoix entre ici avec toutes les figures qui habitent les 1 000 pages de son chef-d'œuvre. Tout un peuple dressé face à l’épreuve et aux tourments. Ils sont là.

Avec Maurice Genevoix entre au Panthéon un destin républicain, une existence française.

Son enfance fut bercée par la Loire, scandée par le clocher de son village, rythmée par le travail. Depuis Châteauneuf-sur-Loire, il conçut un amour charnel et profond pour notre terre et se fraya un chemin de mérite jusqu’au banc de l’Ecole normale supérieure à Paris. Il y noua des amitiés solides dont celle de Paul Dupuy, son guide, celui qui avait décelé son génie et l’encouragea à écrire.

Mais à l’été 1914, comme des millions d’autres, l’histoire le rattrapa. A ce jeune homme de 23 ans qui voulait devenir professeur, la Grande Guerre allait assigner un autre destin. Commander une section d’un régiment d’infanterie, le 106e. Combattre. Voir ses amis mourir. Tenir. Être blessé et devoir quitter ses frères. Finalement écrire.

Écrire avec toute la tendresse dont un homme est capable. Écrire pour donner un nom, une voix à ces inconnus, morts en héros. Maurice Genevoix allait être l’écrivain de la guerre et de la mort sur les rives de la Meuse, puis l’écrivain de la nature et de la liberté des méandres de la Loire. Auréolé d’une œuvre immense, couronné d’un prix Goncourt, consacré Secrétaire perpétuel de l’Académie française, il n’en resta pas moins fidèle à ses chers poilus des tranchées. Il leur offrit l’immortalité des mots. La mort avait séparé Maurice Genevoix et ses camarades.

Longtemps, sa famille, ses proches, nombre de ses lecteurs ont œuvré pour qu’ils se retrouvent ainsi. Certains entre-temps sont tombés sur d’autres champs d’horreur en l’espérant. La République, aujourd’hui, les réunit tous. Pour l'éternité. Ils sont là.

Ceux de 14 furent d'abord les combattants de la joie et de l'innocence. A l'été, les hommes, capotes bleues et pantalons rouges, partent à la guerre. Ils marchent dans la campagne française pour rejoindre le front. Ils chantent parfois, rient souvent, se découvrent. Les jambes et le cœur encore légers. Ils ont l'espoir de revenir vite, victorieux, vivants. Mais ils découvrent bientôt l'horreur. Dès septembre 1914, à la Vaux-Marie, le vacarme terrible. Partout, des obus qui explosent. Des hommes qui meurent en ne ressemblant plus à des hommes. Des chevaux mutilés qui agonisent sur le flanc des chemins. La campagne ravagée, la terre mille fois éventrée. Les cris au loin. Les champs de boue semés de cadavres.

Dans le chaos, malgré tout, des moments sauvent du désespoir. La vie résiste. Les vrais repas, si rares. Les lettres reçues. Les rires, les discussions. La chouette de l'église des Éparges. Le café qui réchauffe le corps. L'ivresse qui soutient les forces. Ces instants suspendus où Genevoix et Porchon, l'ami venu lui aussi de la Loire, délirent de bonheur parce qu'un soir, enfin, ils dorment dans un vrai lit.

Surtout, il y a la fraternité qui unit ces hommes. Ils ne se connaissaient pas, mais se découvrent dans les tranchées un même amour de la patrie, un même goût de la liberté. Ils endurent l'horreur coude à coude, épaule contre épaule. Avec le même courage. Avec les mêmes peurs. D'où qu'ils viennent. Il n'y a plus là de distinction sociale, de différence. Face au chaos, juste des camarades. Alors, quand vient chaque soir le moment où « il faut que les vivants se retrouvent et se comptent », ils resserrent encore les rangs pour partager tout ce qu'il leur reste : « la chaleur de leur corps misérable ». Ensemble, ils s'accrochent à quelques arpents de terre pris un jour et qui seront peut-être repris le lendemain. Absurdité de ces mois où les offensives sont lancées sur des morceaux de colline que l'on venait de perdre, où la tranchée bientôt se mêle aux entrailles de la terre, où le sol de France que l'on reconquiert mètre par mètre est le linceul des frères d'armes qui l'avaient perdu.

Sur la crête des Eparges, au printemps 1915, les orages d'acier grondent sans cesse. Comme plus tard dans la Somme, au Chemin des Dames, à Verdun ou Vimy, des milliers d'hommes perdent leur jeunesse, leurs camarades, leur raison, souvent leur vie. Robert Porchon y tombe à 21 ans. Un peu plus tard, Genevoix, est frappé à son tour. Trois balles. Le brancard, l'infirmerie, la vie sauve. La guerre du lieutenant Genevoix est terminée.

Mais son œuvre commence. À ses camarades, Maurice Genevoix veut redonner des noms, des visages, des accents, offrir à ces héros ordinaires et à leur bravoure un tombeau de mémoire dans la langue française. Ceux de 14 est le chant de la volonté d'une Nation, de la force d'âme de tout un peuple. Le carnet de vie et de mort de l'indicible. L'histoire de femmes et d'hommes animés de courage. Du courage de ceux qui savent pourquoi ils se battent. Du courage français. Le même qui avait soulevé ceux de 1789, les Volontaires de l'an II, de toutes nos guerres.

Le courage de tous nos soldats. Celui-là même qui nous permit de bâtir quelques décennies plus tard, avec notre Europe, la paix que nous leur devions. Non pas une paix faite de lâchetés et de renoncements mais celle d'un dialogue constant, respectueux de nos histoires comme de nos différences, exigeant pour nos valeurs.

Ils entrent ici aujourd'hui, enfin. Le soldat inconnu et les livres d'or de tous nos villages devaient un temps converger sous cette nef. En ce jour, nous les rassemblons tous. A travers le sépulcre de Maurice Genevoix. A travers ses camarades, leurs noms, leur vie. Et en recréant ce lieu unique, le Panthéon, palimpseste de notre Nation. Par les œuvres d'Anselm Kiefer qui disent la mystique de ces errances nocturnes, les destins stellaires, les vies fauchées entre ciel et terre, les vestiges d'un quotidien où la langue de Genevoix apparaît en écho : vêtements, barbelés, bicyclettes, fleurs perdues dans la boue, épis de blés, livres. Histoire tangible, présente. Le courage réinventé dans la matière.

Par les chants dédiés à la lumière de Pascal Dusapin qui habitent l'espace de cette cathédrale laïque pour accompagner chacun. Harmonies mêlées, vagabondes, saisissant par un appel introuvable ce que l'amour de la Nation porte de transcendance. Souffle de chants qui tourne, descend, et nous enlace. Ponctué par ces noms qui passent, leurs noms, ici dits, qui reprennent leurs droits.

Ils sont là. Ceux de 14. Formant le cortège de braves qui entrent aujourd'hui au Panthéon. Voilà que se lèvent les camarades de Genevoix : Porchon, Butrel, Sicot, Pannechon et tant d'autres. Voilà Charles Péguy, Alain Fournier, Louis Aragon et Jean Giono, Joseph Kessel et Guillaume Apollinaire. Albert Roche, brave parmi les braves, qui parvint à tenir seul une tranchée face à l'ennemi. Marie Marvingt, qui voulait tant défendre son pays qu'elle se déguisa en homme pour combattre en première ligne. Maurice Maréchal qui, dans le vacarme du front, jouait de son violoncelle de fortune, fait de morceaux de portes et d'une caisse de munitions. Lazare Ponticelli, italien engagé dans la Légion étrangère, qui devint Français et fut le dernier de nos vétérans. Fernand Satouf, natif de Beyrouth, engagé volontaire dans le deuxième régiment de zouaves à Alger. Abdoulaye Yendiai, tirailleurs sénégalais. Tous ces poilus venus de toutes nos provinces, de tous nos villages. Soldats de l'Armée noire et des Troupes coloniales, venus des départements d'Algérie, des protectorats de Tunisie et du Maroc, des colonies françaises d'Afrique, d'Inde et d'Indochine, ainsi que de nos Outre mers, par-delà l'Atlantique, l'Océan Indien et le Pacifique.

Ils sont là, tous. « Ce qu'ils ont fait, écrit Genevoix, c’est plus qu'on ne pouvait demander à des hommes. Et ils l'ont fait ». Les voici qui arrivent par millions pour entrer sous ce dôme. Ecoutons la marche des morts de Notre-Dame-de-Lorette, de Verdun, du Vieil Armand et des Dardanelles. Tous se rassemblent et s’approchent. Hier frères d'armes, aujourd'hui compagnons d'éternité, ils s'avancent devant le temple des héros de notre Patrie. « Les gloires du passé ne sont vivantes que pour les pays vivants », prévenait Jaurès. De Ceux de 14 à Ceux d'aujourd'hui. Nous, Français, sommes bien vivants. Notre sol fut la terre de leur bataille.Leur amour de la liberté, le viatique qu'ils nous ont légué.

Leur sacrifice dit notre dette et nos devoirs. « Il y avait moi parmi vous » leur écrivit Genevoix. Il y avait nous parmi eux, déjà.

Vive la République !

Vive la France !

 

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