seconde guerre mondiale

Publié le 24 Juin 2018

A la mémoire du colonel Paul Schimpff, de Vanves.

Du Premier au Second conflit mondial.

 

Paul Adolphe Schimpff nait le 7 avril 1892 à Conflins-en-Jarnisy, commune du canton de Jarny, dans la moitié nord du département de Meurthe-et-Moselle, à environ 70 kilomètres de Nancy, mais à seulement 25 kilomètres à l’ouest de Metz.

 

Voilà dix-neuf ans que la région est sous le contrôle de l’Empire allemand. Son père est Alsacien, mais n’a pas hésité un seul instant : entre la république française et l’Empire allemand, la famille restera française !

 

Incorporé en 1912, Paul Schimpff intègre en 1913 l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr (Promotion « De Montmirail »). Dès ses premiers jours de combat, en 1914, il est grièvement blessé. Ses supérieurs notent : « Sorti de l'école de Saint-Cyr depuis 15 jours, a conduit sa section à la baïonnette sur l'ennemi et a ainsi déterminé la reddition de 200 ennemis – A été grièvement blessé au cours de cette action ». Il reçoit pour cette action une citation. Au cours de la Première Guerre mondiale, il sera blessé une nouvelle fois et recevra une nouvelle citation. Il termine sa guerre comme engagé volontaire au sein du 1er bataillon de chasseurs à pied, alors en action sur le front de Champagne.

 

Militaire d’active, il est envoyé en poste au Maroc, puis est affecté en Rhénanie et dans la Ruhr occupée. En 1925, il est nommé au grade de chef de bataillon. Il quitte l’armée l’année suivante, pour entreprendre une carrière civile, principalement comme responsable financier de la Ligne de Défense contre les Chemins de Fer. En parallèle, Paul Schimpff continue activement à défendre les intérêts de ses anciens chasseurs. Par ailleurs, il est élu président d’une société de tir.

 

Depuis 1938, une mobilisation partielle est décrétée en France. Paul Schimpff est intégré au 69e bataillon de chasseurs à pied. En avril 1940, il fait partie de l’expédition à Narvik, en Norvège, où il participe à la victoire des alliés, qui sont alors français, anglais, norvégiens et polonais.

 

De retour en France, Paul Schimpff combat dans la Somme. La Wehrmacht le fait prisonnier. Il est libéré quelques mois plus tard, en janvier 1941, pour raisons de santé, du fait de son invalidité contractée lors de sa blessure de 1914.

 

La résistance.

 

Dès lors, il prend contact avec la Résistance française. En août 1942, il entre dans le mouvement Ceux de la Libération, sur les conseils de Raymond Jovignot, chasseur comme lui. Ce mouvement est l’un des huit grands réseaux qui va intégrer le Conseil National de la Résistance, dirigé par Jean Moulin. Le représentant de Ceux de la Libération est Roger Coquoin, qui sera tué en 1943. Paul Schimpf est alors chef du service Actions. Il prend le nom du colonel Lecor et enchaîne les missions.

 

Toute la région militaire de Paris est placée sous sa responsabilité. A la demande de Shimpff, Raymond Jovignot va étudier la possibilité de mettre au point des lance-flammes dont la fabrication devait être assuré par les Etablissements Philippe et Pain (Montrouge, dans les Hauts-de-Seine) et par les Etablissements Jovignot. Ce projet ne verra pas le jour. Paul Schimpff demande également à Henri Pergaud, son adjoint, de lui fournir les plans des réseaux ferrés avec les emplacements des tranchées et des signaux d’arrêt. Ils mettent alors au point un plan pour bloquer les transports militaires allemands.

Paul Schimpff dispose d’un bureau chez Kohn, administrateur de biens, au n°11 de l’avenue de l’Opéra, à Paris, où il réunit son Etat Major. Mais c’est là qu’il est arrêté le 28 avril 1943 par la Gestapo. Il parvient à s’évader de l’hôtel Cayré le soir même de son arrestation puis il envoie un rapport à Roger Coquoin, qui conduit le mouvement Ceux de la Libération depuis l’arrestation de Maurice Ripoche, dans lequel il explique la trahison dont il aurait été victime de la part de son secrétaire, agent passé à l’ennemi. De fait, l’arrestation de Schimpff entraîne un important coup de filet parmi les chefs des sections militaires de Paris.

En cavale, Paul Schimpff est finalement arrêté alors qu’il s’apprête à franchir la frontière espagnole le 20 septembre 1943. Transféré à Fresnes, il est déporté à Buchenwald en janvier 1944. A l’approche des Alliés, les SS commencent à vider le camp: ce seront les « marches de la mort » dont Paul Schimpff sera l’une des victimes: parti vers le 7 avril 1945 il parcourt à pied environ 350 km, jusqu’en Haute Bavière où une colonne de chars US le libère très affaibli le 23 avril 1945. Son compagnon de captivité est le colonel Doucet, chef historique du Ceux de la Libération.

De retour en France, le colonel Schimpff est accueilli le 2 mai 1945 au Val de Grâce où il décède d’épuisement et de fièvre typhoïde le 17 mai, non sans avoir eu le temps d’écrire au Ministre de la Guerre pour défendre les intérêts des familles de ses officiers morts en déportation.

 

Le colonel Schimpff était Officier de la Légion d'Honneur - Croix de Guerre 14-18 avec 4 citations et Croix de Guerre 39-40 avec 2 citations. Il était aussi titulaire de la Croix de Combattant Volontaire et de la Croix des Services Volontaires avec une Citation à l'Ordre du Corps d'Armée.

 

Le nom de Paul Schimpff figure sur le monument aux morts de Vanves.

 

La couverture.

 

La Résistance a parfois des conséquences inattendues. Dans son ouvrage Un juif improbable, le professeur et géopolitologue Monsieur Dominique Moïsi indique de Paul Schimpff, alors membre de la société d’administration de biens Kohn, a été de ceux qui ont « récupéré » puis liquidé grâce au Gouvernement de Vichy les avoirs de la société de son père, précipitant la faillite de celui-ci.

 

En fait, Paul Schimpff se servait de cette société pour cacher ses actions clandestines !

 

 

 

 

Sources

 

  • Encyclopédie Larousse, Wikipédia et Universalis.
  • Archives INA.
  • Site Internet du Ministère des Armées : Mémoire des Hommes.
  • Site Internet www.memorialgenweb.org
  • Site Internet www.memoresist.org
  • Extraits du livre de M. Dominique Moïsi, Un juif improbable, Flammarion, 2011.
  • Archives municipales.
  • Histoire de la France et des Français, d’André Castelot et d’Alain Decaux.
  • Le colonel Paul Schimpff, ce héros, par Jean-Marie Schimpff.

 

 

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Publié le 1 Mai 2018

Hélène et Victor Basch.

Biographie.

Victor Basch nait en Hongrie en 1863, au sein d’une famille juive. Il est le fils de Raphaël Basch et de Fanny Weissweiler. Une dizaine d’année plus tard, la famille s’installe à Paris. Le jeune Victor fait de brillantes études au lycée Condorcet, puis entre à la Sorbonne où il étudie l’Allemand et la philosophie. Il se marie le 7 novembre 1885, au temple de Pest (en face de la ville de Buda, en Hongrie) avec Ilona Fürth, qui deviendra Hélène Basch. Nommé professeur l’année suivante, les Basch – qui viennent d’obtenir la nationalité française – s’installent d’abord en Bretagne à Rennes où Victor vient de recevoir son affectation.

Ils vont vivre une  vingtaine d’années à Rennes, de 1887 à 1906. Victor Basch est professeur de philosophie. Le couple prend fait et cause pour le capitaine Dreyfus, l'affaire qui déchire la France. En 1898, Victor Basch participe à la fondation de la Ligue des droits de l'homme, avec Lucien Herr et Ludovic Trarieux. La Ligue a alors pour but de sensibiliser l'opinion publique à l'injustice faite à Dreyfus. Victor Basch en deviendra le quatrième président national, en 1926.

En première ligne lors de la révision du procès à Rennes, en 1899, les Basch reçoivent les partisans de Dreyfus chez eux, au Gros-Malon, militent, organisent... Reconnu sur les quais, place Pasteur, Victor Basch est pris à parti par un groupe d'anti-dreyfusards qui essayent de le jeter dans la Vilaine.

Le couple s'installe à Paris en 1913. Intellectuel engagé, socialiste anticonformiste, Victor Basch s'inquiète très tôt de la montée du nazisme en Allemagne. Il apporte son soutien aux Républicains espagnols, milite contre l'extrême-droite et joue un rôle moteur dans la création du Front populaire.

Inquiétés dès les débuts de l'occupation (son logement est pillé, Victor Basch perd ainsi nombre d'écrits entreposés dans l'appartement), ils fuient en zone libre, en 1940, et s'installent dans le quartier de Saint-Clair à Caluire-et-Cuire, exactement au 116, Grande-rue-Saint-Clair. Investi dans la défense des droits de l'Homme et dans la franc-maçonnerie, Victor Basch est recherché par Vichy.

En janvier 1944, la milice de Lyon, dirigée par Paul Touvier, repère Victor Basch à Caluire-et-Cuire. Le 10 janvier 1944, accompagné d'une dizaine de miliciens (en particulier Lécussan, le chef régional de la milice) et du Lieutenant Moritz de la Gestapo, il participe lui-même à l'arrestation de Victor Basch et de son épouse Hélène, âgée de 79 ans, qui refuse de le laisser. Lécussan racontera par la suite : « Moritz jugea Victor Basch trop âgé pour pouvoir l'arrêter, et nous décidâmes de l'exécuter » ; Lécussan, accompagné d'autres miliciens et de Moritz, conduira alors le couple à Neyron dans l'Ain où Victor et Hélène Basch seront abattus de plusieurs coups de feu, le soir même.

Lécussan reconnaîtra avoir abattu lui-même Victor Basch ; Gonnet se chargeant d'assassiner Hélène Basch de deux balles de pistolet. Sur le corps de Victor Basch, sera retrouvé un écriteau laissé par les miliciens sur lequel était inscrit : « Terreur contre terreur. Le juif paie toujours. Ce juif paye de sa vie l'assassinat d'un National. À bas De Gaulle-Giraud. Vive la France. » — Comité National Anti-Terroriste, région lyonnaise.

Victor et Hélène Basch sont inhumés à la Nécropole nationale de la Doua, à Villeurbanne.

 

Hommages posthumes.

Son nom a été donné à de nombreuses rues et écoles de France : En effet, il existe une place Victor-Basch à Lyon 7e, une rue Victor-Basch à Décines (69), à Villeurbanne (69) à Arcueil, à Montrouge, à Vanves, à Vincennes, à Thiais, à Charenton-le-Pont, à Noisy-le-Grand, à Sotteville-lès-Rouen, à Sainte-Geneviève-des-Bois, à Massy, à Saint-Étienne, à Jeumont, à Bourg-en-Bresse, à Taverny, à Rennes, à Dinan, à Vandœuvre-lès-Nancy, à Vannes, à Roanne, à Riom, au Blanc-Mesnil (93), à Saint-Cyr-l'École (78), à Cenon (33), à Hyères ainsi qu'à Saint-Dizier (52), à Nogent-sur-Marne (94), à Cavaillon (84), à Saint-Yzan-de-Soudiac (33), en Arles (13) et à Saint-Quentin (02).

A Vanves, l’avenue Victor et Hélène Basch est perpendiculaire à la rue René Coche et s’arrête à la rue Ernest Laval.

À Caluire-et-Cuire, dans le quartier Saint-Clair, où il fut arrêté avant son assassinat, une école porte son nom. Un mémorial, le mémorial Hélène-et-Victor-Basch est érigé à Neyron, à l'endroit où Victor Basch fut assassiné par la milice ; de plus, La place de la mairie de Neyron se nomme place Victor-Basch. Enfin, à proximité du mémorial, passe le viaduc Hélène-et-Victor-Basch de l'A46.

À Rennes où Victor Basch a été professeur de philosophie, de 1887 à 1906, un lycée a été baptisé lycée Victor-et-Hélène-Basch. De plus, deux amphithéâtres, un de l'Université Rennes 2 situé sur le campus de Villejean et un de l'université Rennes 1 sur le campus de Beaulieu portent son nom.

En 2010, le STIF décide de donner son nom à une station de la Ligne 2 du tramway d'Île-de-France située dans la commune de Colombes. Le 16 avril 2014 à l'initiative de la LDH (Ligue des Droits de l'Homme), une plaque commémorative a été inaugurée en l'honneur de Victor et Hélène Basch à Montrouge, à l'angle de la rue Victor-Basch et de la rue Carvès. Cette plaque rappelle que Victor Basch présida les Assises de la paix et de la liberté, au stade Buffalo à Montrouge, le 14 juillet 1935, événement fondateur du Front populaire.

 

Œuvres littéraires.

 

  • La Poétique de Schiller.
  • La Vie intelectuelle à l’étranger.
  • L’Aube : proses de guerre, Paris, Librairie Félix Alcan, 1918.
  • Les Origines de l’individualisme moderne.
  • Le Maître problème de l’esthétique, 1921.
  • Etudes d’esthétique dramatique, Librairie française.
  • Essai d’esthétique de Kant, 1936.

 

 

Sources :

  • Archives du Journal Ouest France.
  • Encyclopédie Larousse.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Site Internet du Musée de la Résistance.
  • Françoise Basch, Victor Basch ou La passion de la justice : de l’affaire Dreyfus au crime de la Milice, Plon, 1994.

 

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Publié le 3 Février 2018

8 mai 2009 : Robert Choffé, à droite, vient de recevoir la médaille militaire. A gauche, Christian Poujols, président de la 46e Section de l’UNC.

8 mai 2009 : Robert Choffé, à droite, vient de recevoir la médaille militaire. A gauche, Christian Poujols, président de la 46e Section de l’UNC.

Isséen depuis toujours, Robert Choffé est un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale.

Il a y quelques années, Robert Choffé nous déclarait : « Pour moi, l’engagement était naturel. De métier, j’étais mouleur – fondeur. En 1944, je rentre dans les FFI (Forces Françaises de l’Intérieur). On nous faisait coucher dans le sous-sol de l’école Paul Bert. En septembre 1944, nous sommes regroupés au Petit Séminaire d’Issy, et nous devenons des Francs Tireurs Partisans (FTP). Je signe, comme tous mes camarades, un engagement pour la « durée de la guerre ». Je suis alors affecté à l’Etat-major et je deviens orienteur au 32e régiment d’artillerie divisionnaire. Mon nouveau métier consiste à participer au déminage de zones et ensuite à calculer nos positions – nous faisons ce que nous appelons un cheminement calculé – dans le but de mettre en place des tripodes pour donner des coordonnées – longitudes et des latitudes – qui permettront à l’artillerie de maximiser ses tirs. De plus, je donnais des coups de main aux observateurs ; ces missions consistaient à s’infiltrer, de préférence la nuit, dans les lignes ennemies. C’est dans ce contexte, que nous avons débarqué sur l’île d’Oléron, dans le cadre de l’Opération Jupiter ».

Les îles de Ré et d’Oléron, comme toute la côte, sont rapidement occupées par les Allemands, dès 1940. La Wehrmacht bâtit ce qui deviendra le Mur de l’Atlantique : 1.000 blockhaus, 1.300 pièces d’artillerie, des mines partout, sur les plages, les chemins, les prairies environnantes et un rideau de barbelés réputé infranchissable. En 1944, alors que l’avance alliée est réelle, au-delà de la Normandie, Hitler donne l’ordre aux secteurs fortifiés de la côte de résister. Ainsi, et jusqu’à la fin de la guerre, subsisteront des poches de résistance allemande à Dunkerque, Lorient, Saint-Nazaire et tout le secteur de La Rochelle (englobant les îles et Royan). La Résistance française n’est pas inactive et fournit des renseignements qui seront capitaux aux troupes de l’Opération Jupiter d’avril 1945.

 

Robert Choffé : « Avant le débarquement, les artilleurs ont pilonné les fortifications allemandes des îles, grâce aux renseignements que mes camarades et moi donnions. D’ailleurs, nous avions vu juste parce, entre les canons et les ouvrages ennemis, il y avait plusieurs kilomètres, et nous avons mis dans le mille ! J’étais d’ailleurs meilleur pour cela que pour le combat : dans la barge qui nous emmenait sur Oléron, il y avait tellement de vagues que mon fusil est passé par-dessus bord ! ».

 

A la fin, en mai 1945, après des combats parfois d’une grande intensité, les négociateurs de l’Opération Jupiter, dont le capitaine de frégate Meyer, obtiennent la reddition des îles, comme de toute la « poche de Royan ».

 

Robert Choffé : « Avant même la fin de l’opération, en avril 1945, j’ai fait quelques temps de classe à Saint-Loup sur Thouré puis, au sein de la 1ère Armée, Rhin et Danube – chère à de Lattre de Tassigny – je suis envoyé en Allemagne pour participer au déminage et à la destruction des bunkers de la ligne Siegfried. Plus d’une fois nos gars ont laissé leur vie dans des champs de mines. Je me souviens en particulier de mon lieutenant, Bonnet, qui est mort alors qu’il transportait des explosifs et des bouteilles d’oxygène dans sa chenillette. Le feu a pris dans le moteur et l’explosion a été terrible. »

 

Le 24 avril 1945, le général d’armée de Lattre de Tassigny fait paraître l’Ordre du Jour n°8 : « En un mois de campagne vous avez traversé la Lauter, forcé la ligne Siegfried et pris pied sur la terre allemande ; puis, franchissant le Rhin de vive force, élargissant avec ténacité les têtes de pont de Spire et de Germersheim, vous avez écrasé la résistance d’un ennemie désespérément accroché à son sol et conquis d’une traite deux capitales, Karlsruhe et Stuttgart, le Pays de Bade et Wurtemberg ; enfin, débouchant sur le Danube, le traversant aussitôt, vous avez voulu, renouvelant la victoire de la Grande Armée, que flottent nos couleurs sur Ulm.

 

Combattants de la Première Armée Française, fidèles à l’appel de notre chef, le général de Gaulle, vous avez retrouvé la tradition de la Grandeur française, celle des soldats de Turenne, des Volontaires de la Révolution et des Grognards de Napoléon. »

 

Le 6 mai 1945, le brigadier Choffé, du 32e régiment d’artillerie de la 10e division d’infanterie de la Première Armée est cité à l’ordre du régiment : « Brigadier à l’équipe d’orientation du groupe, a participé au déminage de plusieurs positions de batterie avec un sang-froid et une compétence remarquable. A toujours été volontaire pour les missions les plus périlleuses en particulier à la pointe de Vallières et dans l’île d’Oléron. La présente citation donne droit au port de la Croix de Guerre avec Etoile de Bronze ».

 

Puis le 9 mai 1945, le général de Lattre de Tassigny fait publier l’Ordre du Jour n°9 : « Le jour de la Victoire est arrivé.

A Berlin, j’ai la fierté de signer au nom de la France, en votre nom, l’acte solennel de capitulation de l’Allemagne.

 

Dignes de la confiance de notre chef suprême, le général de Gaulle, Libérateur de notre pays, vous avez par vos efforts, votre ferveur, votre héroïsme, rendu à la Patrie son rang et sa grandeur.

 

Fraternellement unis aux soldats de la Résistance, côte à côte avec nos camarades alliés, vous avez taillé en pièces l’ennemi partout où vous l’avez rencontré.

 

Vos drapeaux flottent au cœur de l’Allemagne.

 

Vos Victoires marquent les étapes de la Résurrection française. De toute mon âme, je vous dis ma gratitude. Vous avez droit à la fierté de vous-mêmes comme à celle de vos exploits.

 

Gardons pieusement la mémoire de nos Morts. Généreux compagnons tombés au Champ d’Honneur, ils ont rejoint dans le sacrifice et la gloire, pour la Rédemption de la France, nos fusillés et nos martyrs.

 

Célébrons votre Victoire : Victoire de Mai, Victoire radieuse de printemps qui redonne à la France la Jeunesse, la Force et l’Espoir. SOLDATS VAINQUEURS, vos enfants apprendront la nouvelle épopée que vous doit la Patrie ».

 

Robert Choffé : « Après, j’ai fait l’Ecole des Sous-officiers, en Allemagne, jusqu’en septembre 1945. J’ai même participé sur les Champs Elysées au premier défilé de la Victoire. Puis, pour un certain nombre de raisons personnelles, et parce que j’avais déjà vu pas mal d’horreurs, j’ai quitté l’armée, je suis redevenu un civil et je suis entré chez Renault à Boulogne-Billancourt. Et j’ai oublié ce que j’avais fait ; je n’ai, par contre, j’avais effacé de ma mémoire les images des camarades, leur courage, et parfois leur vie sacrifiée ».

 

Robert Choffé est chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’honneur, Croix de Guerre 1939-45, titulaire de la médaille militaire, médaillé des combattants volontaires.

 

 

 

Sources :

 

  • Entretiens Robert Choffé, de 2008 à 2018.
  • Documents Archives personnelles de Robert Choffé.
  • Photographie Copyright Souvenir Français Issy-Vanves.

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Publié le 19 Novembre 2017

La discrète.

C’est par le plus grand des hasards – et grâce au Daily Telegraph ! – que l’on apprend le décès, à l’âge de 97 ans, de Jeannette Guyot (épouse Gaucher), survenu le 10 avril 2016.

Née le 26 février 1919 à Chalon-sur-Saône, Jeannette Guyot ne tarde pas à rejoindre les rangs de la Résistance alors que la moitié de la France est occupée par l’armée allemande.

Jusqu’en août 1941, Jeannette Guyot est ainsi membre du réseau Amarante, dirigé par Félix Svagrowsky et rattaché au BCRA (Bureau central de renseignements et d’action) de la France Libre. Grâce à un laissez-passer allemand (Ausweis), elle s’occupe alors de faire passer des agents en zone sud, administrée par le régime de Vichy.

Par la suite, Jeannette Guyot rencontre le colonel Rémy (Gilbert Renault), le chef du réseau Confrérie Notre-Dame, basé à Paris. Elle devient alors agent de liaison et, à ce titre, est chargée de transmettre des renseignements en zone sud, tout en continuant ses activités de passeur.

Seulement, en février 1942, elle finit par être arrêtée et emprisonnée pendant trois mois à Châlons-sur-Saône, puis à Autun. Malgré la dureté des interrogatoires, elle restera muette. Ne pouvant retenir aucune charge contre elle, les Allemands la remettent en liberté, après lui avoir toutefois retiré son Ausweis. Mais cela ne l’empêche nullement de reprendre ses activités au sein du réseau du colonel Rémy.

Mais ce dernier va connaître une déconvenue quelques mois plus tard, avec la trahison d’un certain Pierre Cartaud. Et Jeannette Guyot par se réfugier à Lyon. Là, elle rencontre Jacques Robert, qui est en train de créer le réseau Phratrie, qui, également rattaché au BCRA, aura pour mission de collecter du renseignement, se livrer à des actions de sabotage et à aider les aviateurs alliés abattus à regagner le Royaume-Uni.

Cependant, avec l’invasion de la zone sud par les troupes allemandes, en novembre 1942, l’étau de la Gestapo se resserre autour de Jeannette Guyot. Décision est donc prise de l’exfiltrer en Angleterre. Ce qui sera fait dans la nuit du 13 mai 1943, grâce à un avion Lysander de la Royal Air Force.

Arrivée à Londres, Jeannette Guyot retrouve le colonel Rémy et prend le pseudonyme de « Jeannette Gauthier ». Toujours affectée au BCRA, elle se voit confier des tâches administratives qui ne lui conviennent guère.

Après avoir fait des pieds et des mains pour retrouver le terrain, elle est affectée à l’école de Praewood House, près de St-Albans (à 40 km de Londres), où 120 volontaires doivent être formés aux techniques du renseignement militaire par des instructeurs l’Intelligence Service (IS) de l’Office of Stratégique Service (OSS), en vue du plan Sussex, dont l’enjeu était alors de collecter le maximum d’informations possibles sur l’ordre de bataille allemand afin de préparer le débarquement allié en Normandie.

Le 8 février 1944, Jeannette Guyot, promue lieutenant, est parachutée près de Loches avec le commandant Marcel Saubestre, le capitaine Georges Lassale et le radio Pierre Binet, dans le cadre de l’opération Calanque. Leur mission est alors de trouver des caches sûres pour les agents Sussex. Une tâche rendue compliquée par la Gestapo et ses moyens de détection des émissions radio.

À Paris, le lieutenant Guyot cache l’opérateur radio de son équipe au « Café de l’Electricité », située à Montmartre, à deux pas d’un bureau de la… Gestapo. « Je savais quel genre de travail elle venait faire et quand elle m’a demandé si j’étais prête à l’aider, j’ai répondu oui, sans la moindre hésitation », expliquera à la BBC, la propriétaire du bistro, qui sera rebaptisé « Café des Sussex » à la fin de la guerre.

Malgré les risques, Jeannette Guyot accomplit ainsi sa mission et envoie donc régulièrement des renseignements de la plus haute importance à Londres.

Après la libération de Paris, le 25 août 1944, sa mission prend fin. Et Jeannette Guyot retrouve un emploi de bureau à la nouvelle Direction générale des études et recherches (DGER). Malheureusement, elle apprend la déportation en Allemagne de ses parents. Son père n’en reviendra pas.

En juin 1945, Jeannette Guyot quitte le monde du renseignement et épouse Marcel Gauchet, un agent Sussex. Et, depuis, elle n’a apparemment jamais évoqué publiquement son action au sein de la France Libre… alors qu’elle était titulaire de la Légion d’Honneur, de la Croix de Guerre avec palmes, de British George Medal et qu’elle fut l’une des rares femmes à avoir reçu la Distinguished Service Cross américaine au titre de la Seconde Guerre Mondiale pour son « héroïsme extraordinaire lors d’opérations militaires. »

 

Ainsi, en France, une héroïne s'est éteinte dans le plus grand silence. 

 

 

Sources :

 

  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Site Internet Opex 360.
  • Site Internet de l’hebdomadaire Le Point.

 

 

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Publié le 24 Septembre 2017

Il y a 70 ans, disparaissait le général Leclerc.

Issy-les-Moulineaux et Vanves ne font pas exception. Comme un bon nombre de communes de la Région parisienne, ces deux cités ont des rues, places ou avenues qui portent le nom du célèbre général Leclerc, libérateur de Paris et d’une partie de la France. Il est vrai que ce nom est l’un des 10 premiers donnés en France.

Le 28 novembre prochain, cela fera 70 ans que le général disparaissait dans le sable algérien, lors du crash de l’avion à bord duquel il avait pris place. L’occasion de revenir sur un parcours glorieux, unique.

* * *

Philippe de Hauteclocque nait en Picardie, au château de Belloy, à Belloy-Saint-Léonard, le 22 novembre 1902. Adolescent pendant la Première Guerre mondiale, il voit les misères et aussi les joies de la Victoire de 1918. A l’âge de vingt ans, il décide de consacrer sa vie à son pays en choisissant la carrière des armes. Il faut dire que sa famille est de noblesse chevaleresque et que l’on sait ce que signifie être militaire.

Il entre à Saint-Cyr en 1922 et y reste deux années. En 1931, lors d’un exercice – il est alors instructeur de cavalerie – il se brise une jambe en tombant avec son cheval. Il devra marcher le reste de sa vie avec une canne. Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, avec le grade de capitaine, il subit le déferlement des chars d’assaut allemands, les fameux « Panzers ». Deux fois prisonnier, il s’évade les deux fois, alors que les armées du Reich occupent la France. Après l’Armistice, il rejoint le général de Gaulle à Londres en prenant « Leclerc » comme nom de guerre. Ce nom étant l’un des plus répandus dans sa Picardie natale. En 1945, il obtiendra que « Leclerc » soit ajouté à son patronyme afin que dans l’avenir lui et ses descendants s’appellent « Leclerc de Hauteclocque ».

Dès août 1940, le colonel Leclerc (il s’est attribué ce grade pour pouvoir discuter d’égal à égal avec des représentants militaires français gouverneurs en Afrique – grade confirmé par de Gaulle) rallie à la « France Libre » les colonies d’Afrique Equatoriale Française, lui donnant ainsi un territoire et une force militaire. Recevant le commandement du Tchad en décembre, il porte aussitôt ses efforts vers la Libye italienne.

Le 1er mars 1941, avec 400 hommes montés sur 60 véhicules et après une chevauchée de plus de 1500 kilomètres dans le désert, Leclerc s'empare de l'oasis de Koufra, symbole de la puissance italienne en Afrique. Le lendemain il fait jurer à ses compagnons "de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg". C'est le Serment de Koufra. Le général de Gaulle le fait Compagnon de la Libération et le nomme général.

L'année 1942, tournant de la guerre où les forces de l'axe Rome-Berlin commencent à essuyer des revers, est employée par le général Leclerc à reconnaître et conquérir le Fezzan, la partie occidentale de la Lybie. Après le débarquement allié au Maroc et en Algérie, la "Colonne Leclerc" fait jonction en janvier 1943 à Tripoli avec les forces britanniques emmenées par le général Montgomery.

Participant à l'éviction des Allemands et des Italiens de Tunisie, la colonne devenue la "Force L" puis la 2e Division Française Libre arrive à Tunis le 8 mai 1943. Au cours de toutes ces campagnes, Leclerc vit auprès de ses hommes couchant comme eux à même le sol, s'inquiétant à chaque instant de leur moral et de leur ravitaillement. Sa foi en la victoire finale, son sens du terrain et de la manœuvre, son omniprésence, l'ont fait adopter d'emblée par ses hommes qui lui apportent adhésion et dévouement sans faille.

Quand il reçoit, à l'été 1943, la mission de transformer la 2e Division Française Libre en 2e Division Blindée, le général Leclerc regroupe, à Témara sur la côte atlantique du Maroc, au fur et à mesure de leur arrivée, tous les éléments qui lui sont affectés : le noyau des Français Libres qui sont avec lui depuis près de trois ans, des unités déjà constituées de l'armée d'Afrique du Nord, des engagés et des appelés locaux, des Corses récemment libérés et les jeunes français évadés de France en passant par les Pyrénées et les geôles espagnoles. Il surmonte tous les problèmes, en particulier psychologiques, de la mise sur pied de cette grande unité en faisant apparaître, une fois de plus, son sens de l'humain et sa faculté innée de rassembler vers un but commun, des hommes d'origines et d'opinions très diverses. Le général Leclerc veut faire partager cette idée qui l'obsède : l'union de tous les Français est gage de succès.

Débarquée en Normandie en août 1944 en venant d'Angleterre, la 2e Division Blindée va participer, au sein de la Ill° Armée U.S. du général Patton, à la libération du territoire national. Elle est tellement marquée par la personnalité de son chef que très vite, elle est, pour les populations et les journalistes, la "Division Leclerc", voire même l'"Armée Leclerc".

Les étapes de la 2e D.B. se succèdent dans une charge fantastique. Alençon est libérée le 12 août et l'entrée de vive force dans Paris le 25 août, au milieu de la foule en liesse des Parisiens et des forces françaises de l'intérieur, les F.F.I., qui participent aux combats, permet au général de Gaulle de se faire acclamer en descendant les Champs Elysées.

Repartant vers l'Est, les hommes de Leclerc libèrent Vittel, anéantissent une Panzer brigade à Dompaire les 12 et 13 septembre et libèrent Baccarat le 31 octobre. Ils traversent les Vosges, âprement défendues et le 23 novembre 1944, Strasbourg est libérée.

Ils ont tenu le "Serment de Koufra".

Après de durs combats dans le Sud de l'Alsace, pendant plus de deux mois d'un hiver particulièrement rigoureux, la 2e D.B. participe, au sein de la 1ère Armée Française, à la libération de Colmar le 6 février 1945. Il n'y a plus d'Allemands en armes sur le sol français, à l'exception des poches de l'Atlantique où des éléments de la 2e D.B. vont libérer Royan en avril 1945.

Impatient d'entrer en Allemagne, le général Leclerc réussit à engager sa division en Bavière et s'empare de Berchtesgaden, le haut-lieu des nazis, trois jours avant la capitulation allemande.

En 1945, Leclerc, nommé général de corps d'armée est élevé à la plus haute dignité de la Légion d'Honneur (Grand Croix), reçoit le commandement du Corps Expéditionnaire Français en Extrême Orient, le C.E.F.E.O., dans les rangs duquel se sont engagés plusieurs milliers d'hommes de la 2e D.B. pour suivre leur général.

Dirigé vers l'Indochine, où près de 40 000 français subissent les avanies et les exactions des Japonais occupant le territoire, le Corps Expéditionnaire va en quelques mois restaurer la présence française. Auparavant le 2 septembre 1945, le général Leclerc avait signé au nom de la France, la capitulation japonaise, en baie de Tokyo, à côté du général américain Mac Arthur.

D'octobre 1945 à juillet 1946, Leclerc faisant montre d'un sens politique en avance sur son temps, préconise une solution pacifique au conflit franco-vietnamien. Malheureusement incompris, il est rappelé en France.

Et c'est en Afrique du Nord, pendant plus d'un an que le général Leclerc va mettre une fois de plus ses talents au service de la France en tant qu'inspecteur des Forces Armées. Qu'il s'adresse à des militaires, par exemple, en fin de manoeuvres, ou bien à des populations qui le reçoivent avec les chefs locaux à leur tête, il ne manque jamais l'occasion de répéter inlassablement sa confiance en la France revenue au niveau des grandes nations, sa confiance dans cette armée française qui reprend la place qu'elle n'aurait jamais dû perdre. Et partout il insuffle autour de lui cette foi en l'avenir qui ne l'a jamais quitté, en incitant chacun à faire consciencieusement ce qu'il doit à la place qu'il occupe.

Et le 28 novembre 1947, au cours du vol aérien qui l'amenait d'Oran à Colomb Béchar pour une inspection, son avion pris dans un vent de sable, s'écrase au sol et prend feu. Il n'y a pas de survivant. Le général Leclerc trouve la mort sur cette terre d'Afrique qui avait connu ses premières armes et qu'il avait traversée du Sud au Nord sur le chemin de la Victoire.

Dans sa biographie de 1997, le colonel Maurice Courdesses ajoute : « Il y a donc exactement cinquante ans que disparaissait le général Leclerc, le patriote convaincu, le chrétien pratiquant, le rassembleur charismatique, le soldat intrépide, le chef audacieux, le tacticien hors-pair, le fin politique ».

Cinq ans après sa disparition, le Parlement vote à l'unanimité la loi qui élève à la dignité de Maréchal de France le général d'armée Philippe Leclerc de Hauteclocque.

Le général de Gaulle lui a rendu hommage à plusieurs reprises, en particulier en ces termes : "L'épopée de Leclerc, c'est, pour toujours, une des plus belles pages de notre histoire".

 

Sources :

 

  • Musée du Général Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris - Musée Jean Moulin, Mairie de Paris).
  • Colonel Maurice Courdesses, Nov. 1997.
  • Encyclopédie Wikipedia.
  • Encyclopédie Britannica.
  • Mémorial de Dormans.
  • Musée de Caen.
  • Général Jean Compagnon, Leclerc, Maréchal de France, Flammarion, 1994.
  • Général Vézinet, Le général Leclerc, 1997, France Empire.
  • François Broche, Georges Caïtucoli, Jean-François Muracciole, Dictionnaire de la France Libre, Collection Bouquins, 2010.

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Publié le 17 Avril 2017

Paul Casta, de la 2e DB, mort pour la France.

Histoire de la 2e DB.

12 juillet 1940. Le capitaine de cavalerie Philippe de Hauteclocque, 38 ans, déjà deux fois évadé des mains allemandes, portant encore les traces d'une blessure à la tête reçue au combat, passe en Espagne. Son patriotisme, son honneur, la conception qu'il a de son métier font devoir à ce père de six jeunes enfants de rejoindre celui qui, de Londres, a lancé l'appel à poursuivre la lutte. Devant lui, c'est l'inconnu, l'aventure : il n'a jamais rencontré de Gaulle. Un mois plus tard, le 25 août, par une nuit d'encre, sous des trombes d'eau, devenu colonel Leclerc, il arrive en pirogue, avec une poignée d'hommes, à Douala, au Cameroun, en Afrique. Trempé mais vibrant de volonté, parlant au nom du général de Gaulle, il subjugue les Français qu'il rencontre, au premier rang desquels le capitaine Dio qui l'appuie de sa troupe et le ne quittera plus.

Après quelques semaines au cours desquelles l'Afrique française libre s'organise, réunissant le Gabon au Congo, à l'Oubangui, au Tchad et au Cameroun, Leclerc reçoit du général de Gaulle une nouvelle mission : prendre la tête des moyens militaires disponibles au Tchad et faire rentrer, avec eux, l'armée française dans la guerre. Alors commence l'épopée. Arrivé à Fort-Lamy le 2 décembre 1940, Leclerc parle dès le 3 d'aller attaquer Koufra, redoutable forteresse italienne perdue dans les sables, à quelque 2 000 kilomètres !

Au Tchad aussi les visages s'éclairent, mais les spécialistes hochent quand même la tête lorsque, le 25 janvier, les premiers éléments d'une colonne s'éloignent vers le nord-est, vers Koufra qui hante Leclerc. En tout, le Colonel n'emmène que deux cent cinquante hommes sur cent mauvais camions et il ne dispose que d'un canon.

Les débuts sont de fait fort difficiles : le climat, le terrain, l'absence de pistes, l'ennemi bien équipé offrent de gros obstacles. Malgré l'échec sanglant, le 30 janvier, de la patrouille britannique qui précédait la colonne, Leclerc maintient ses ordres : le 7 février, avec un élément léger, il va lui-même « tâter » la forteresse ; les 18 et 19, il livre à la Compagnie saharienne mobile italienne qui bat l'estrade sous les remparts, un combat décisif et, aussitôt, il met le siège devant la citadelle. Dix jours plus tard, le 1er mars 1941, contre toute attente et contre toute logique, grâce à la fougue, à l'imagination et au talent des hommes et du chef, la garnison ennemie capitule.

C'est le premier succès des armes de la France depuis l'été 1940. Sans attendre, le colonel Leclerc engage l'avenir : Ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs flotteront à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg. C'est le serment de Koufra, serment que tous ceux qui, désormais, se joindront à Leclerc se sentiront tenus d'accomplir.

Un an s'écoule ensuite, consacré à préparer l'opération qui permettra d'aller rejoindre les Britanniques au bord de la Méditerranée, au bout de 2 200 kilomètres de désert, vers le nord cette fois. Avant de donner le départ, il se décide à porter les étoiles de général que de Gaulle lui a données six mois plus tôt. Après des revers face au « Renard du Désert » (Rommel) à la tête de l’Africa Korps, la situation s’améliore du côté britannique. A l’automne 1942, il apparaît que la grande opération vers la mer va devenir possible. Entre-temps, les moyens se sont un peu étoffés : des hommes sont arrivés, venus du monde entier, anxieux de se joindre à ce jeune chef qui sait se battre et gagner ; des armements aussi, fournis par la France libre. Et c'est avec trois mille hommes cette fois, montés sur trois cent cinquante véhicules, non blindés certes mais corrects, appuyés de seize avions, que la colonne Leclerc s'élance vers le nord, peu avant Noël, au départ du Tibesti. Tous les postes italiens du Fezzan tombent les uns après les autres : Umm et Araneb le 4 janvier 1943, Gatroun et Brack le 6, Mourzouk le 8, Sebha (le chef-lieu) le 12, Midza le 22 ; le 24, nos avant-gardes rencontrent, dans Tripoli, celles de la VIIIe Armée de Montgomery : la mer est atteinte, cette Méditerranée qui borde aussi la France !

Commence alors la poursuite de l'ennemi qui reflue vers la Tunisie. Rapidement recomplétée en hommes, véhicules et équipements de toutes sortes, la colonne Leclerc devient la force L. Elle flanc-garde à l'ouest les gros de la VIIIe Armée, s'illustre en arrêtant le 10 mars, à Ksar Rhilane, une contre-attaque de Panzers, entre la première à Gabès le 29 mars et, le 20 mai, elle participe au défilé de la victoire dans Tunis libéré. Dès lors, il apparaît que la prochaine étape sera le continent, peut-être la France, ce que tout le monde espère. Mais, pour atteindre ce rêve, il va falloir que la maigre colonne sortie du désert se multiplie, s'équipe, s'instruise en vue des combats de tout autre dimension qu'elle espère. Cet amalgame, cette transformation, c'est au Maroc d'abord, près de Rabat, dans la forêt de Temara, puis, à partir de Pâques 1944, en Angleterre, dans de nombreux villages du Yorkshire, qu'ils s'accomplissent, vite, efficacement, au prix d'un travail acharné, sans pour autant que ni l'âme ni la foi qui avaient permis les succès antérieurs soient le moins du monde altérés.

Autour des vétérans d'origines déjà fort diverses - marsouins du Tchad, spahis d'Egypte, compagnies de chars reconstituées en Angleterre - se réunissent ainsi des régiments entiers d'Afrique du Nord demeurés jusque-là l'arme au pied, une unité de fusiliers-marins et une nuée de volontaires venus, seuls ou groupés, de tous les points du monde avec l'intense désir de se battre : jeunes gens et cadres de métropole, réchappés des prisons espagnoles ; corps-francs d'Afrique ; jeunes femmes arrivant des Etats-Unis avec leurs ambulances ; anciens guérilleros républicains espagnols, etc. Si beaucoup de choses peuvent les séparer, ils ont en commun d'être volontaires, d'aimer profondément la France, d'être jeunes et d'avoir de fiers caractères !

Vient le jour du débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944. La 2e DB est alors en Yorkshire, piaffant d'impatience, mais sûre que, bientôt, elle débarquera en France avec, bien sûr, Strasbourg comme point de mire. Mise à la disposition de la IIIe Armée américaine du général George S. Patton — quel plus fantastique entraîneur peut-elle espérer ? —, la 2e DB franchit la Manche dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1944. Débarquant à Utah Beach, au pied du Cotentin, elle est bien vite lancée, par la toute fraîche percée d'Avranches, dans le vaste mouvement qui permet de couper la retraite aux forces allemandes de Bretagne et de venir frapper sur le flanc sud de celles qui tentent de quitter la Normandie pour gagner la basse Seine. Les premiers combats de chars se livrent dans l'enthousiasme sous un ciel éclatant et la Division, poussant vers Argentan qui est son objectif, détruit dans les journées qui suivent, autour et dans la forêt d'Ecouves, ce qui reste de la grande unité ennemie. Ce brillant succès contribue à la libération de tout l'ouest de la France, il est pour tous la preuve que l'outil durement trempé au Maroc et en Angleterre est valable.

Malgré les hésitations, les réticences, les craintes du haut-commandement allié, Leclerc arrache l'ordre et, le 23 au matin, la 2e DB quitte Argentan en direction de la capitale. Le soir même, à Rambouillet, dans un brouhaha de veille de fête, Leclerc signe l'ordre d'opérations pour le lendemain : Mission : 1° s'emparer de Paris... De Gaulle, qui l'a rejoint, lui dit simplement : « Vous avez de la chance ! »

Le 24 août, en deux colonnes, la Division s'élance vers Paris. Par la vallée de Chevreuse, Jouy-en-Josas, Clamart, Massy, Wissous, Fresnes, le groupement Billotte fraye leur chemin à coups de canon. Les Allemands, solidement armés, se battent bien ; mais le soir, vers 20 heures, à la Croix-de-Berny, Leclerc sent qu'une occasion se présente : il saisit le capitaine Dronne au passage et il le lance, avec trois chars et trois sections sur half-tracks, vers le cœur de Paris. L'audace est payante : à 21 heures 22, Dronne arrive place de l'Hôtel de Ville, les cloches de la capitale sonnent à toute volée ; les Parisiens frémissent. Le lendemain 25, c'est le coup de grâce : la 2e DB entre dans la ville, s'empare du gouverneur allemand et réduit au silence tous les centres de résistance. Près d'une centaine des nôtres, souvent des Parisiens d'ailleurs, trouvent la mort dans ces opérations toujours sanglantes ; mais, dans les rues, quelle joie, quel soulagement ! Les groupes de résistance, qui se battaient depuis près de huit jours à un contre dix, soupirent et fêtent ces soldats français providentiels que Paris attendait depuis quatre ans sans trop y croire.

Après dix jours consacrés à remettre en état les quatre mille véhicules, à recompléter les rangs, à prendre un repos et une détente bien mérités aussi, le 8 septembre la Division reprend la route. Pas un homme ne manque au départ : qu'on y songe en pensant à ceux, nombreux, qui, absents depuis deux, trois ou quatre ans, auraient pu estimer pouvoir céder leur place à d'autres... La direction est l'est, bien sûr. La 2e DB retrouve sa place dans le dispositif américain avec le XVe Corps et, dès la Marne franchie, elle aborde l'ennemi, Il faut se battre, sévèrement, à Andelot, puis, entre Meuse et Moselle, à Contrexéville, Vittel, et surtout Dompaire où les sous-groupements Minjonnet et Massu rencontrent une Panzerbrigade toute fraîche, équipée de chars neufs, lancée en contre-attaque. En même temps, plus au nord, le mouvement en avant s'est poursuivi et, dans la matinée du 15, le sous-groupement La Horie franchit la Moselle à Châtel. Nos éléments y subissent une nouvelle contre-attaque, la déjouent de nouveau, s'avancent jusqu'à la Mortagne de Doncières à Moyen, passent la Meurthe de vive force le 22 dans la région de Flin et, finalement, s'arrêtent, sur ordre, dans la forêt de Mondon, au sud de Lunéville. Un répit est nécessaire pour que les Forces alliées se regroupent avant d'aborder les Vosges, pour que les ravitaillements suivent, pour qu'hommes et véhicules se reconstituent après une chevauchée de quinze jours riche en péripéties.

Pendant tout le mois d'octobre, donc, la 2e DB s'immobilise. Si elle cesse d'avancer, elle ne cesse pas de se battre contre un ennemi qui reste actif et qui harcèle nos postes.

Minutieusement montée, mettant en œuvre six sous-groupements dont chaque temps est réglé, l'attaque de Baccarat menée de main de maître réussit au moindre prix : elle sera plus tard comparée à un menuet du Grand Siècle. Puis, derrière le gros du XVe Corps américain qui se heurte à la ligne de défense que les Allemands ont pu réaliser au pied des Vosges, les escadrons de reconnaissance du 1er Régiment de marche des spahis marocains guettent la première percée : elle se produit les 15 et 16 novembre. Leclerc y engouffre aussitôt ses moyens et, dès lors, la course commence. Au nord, le groupement Dio vise Saverne en franchissant les Vosges, soit par le col de Saverne, soit par la Petite-Pierre. Au sud, le groupement de Langlade, profitant de la chute de Badonviller obtenue le 17 par le sous-groupement du lieutenant-colonel de La Horie — qui y trouve la mort —, passe la crête du Dabo ; le groupement V, du colonel de Guillebon le suivra et, en plaine, tout le monde convergera vers Strasbourg.

Trois ans et huit mois après Koufra, le serment est ainsi tenu. Retrouvant son vieux compagnon sous les dorures du Kaiserpalast encore soumis aux tirs de l'artillerie allemande, Leclerc peut lui dire : « Hein, mon vieux Dio ! On y est, cette fois ! Maintenant, on peut tous crever ! ».

La guerre pourtant n'est pas finie et l'Alsace, pendant plus de deux mois, va demeurer le champ d'action et le souci de la 2e DB. L’ennemi organise ce qui devient la « poche de Colmar ». L'hiver 1944-1945 est particulièrement rude, nos hommes, nos blindés peinent souvent dans la boue, dans la neige. Entre Noël et le 1er janvier, la contre-offensive allemande des Ardennes oblige le commandement allié à envoyer la 2e DB au nord des Vosges. Aussi est-ce avec beaucoup de rage que les nôtres, unissant leurs efforts à ceux des unités françaises venant du sud, portent leurs coups aux dernières résistances allemandes qui cernent encore Colmar. De sévères combats se livrent, sous un climat cruel, sur un terrain particulièrement difficile : ils culminent à Grussenheim où, le 28 janvier, s'illustre une fois de plus le 501e Régiment de chars de combat, où tombe aussi le lieutenant-colonel Putz, figure de proue du Régiment de marche du Tchad dont il commandait le 3e Bataillon.

Ces opérations achevées, Colmar libéré, le sol national n'était pourtant pas encore totalement débarrassé de toute présence ennemie. Des garnisons allemandes subsistaient sur nos côtes atlantiques, notamment à La Rochelle et à Royan. Pour les anéantir, le général de Gaulle choisit la 2e DB et, du 15 au 17 avril 1945, donnant la main aux vaillantes unités des Forces françaises de l'Intérieur qui ont tenu ce front depuis l'été 1944, nos chars et notre artillerie se donnent à fond près de l'estuaire de la Gironde.

Il n'est alors que temps de repartir vers l'est pour être présent aux dernières opérations de la guerre en Europe. Les premières colonnes, parties le 23 avril de Royan, franchissent le Danube le 29. Ainsi allons-nous pouvoir jouer notre rôle aux côtés des Alliés ; ainsi, le 4 mai au soir, est-ce l'avant-garde du Groupement V qui pénètre la première dans Berchtesgaden, qui met en fuite les derniers défenseurs de la demeure favorite du Führer, le Berghof. A ce moment, les derniers éléments de la 2e DB n'ont pas encore quitté la France, mais d'un bout à l'autre de la colonne, quelle fierté !

 

Paul Casta.

Paul Casta nait le 23 avril 1926 à Urbalacone, dans le département de Corse-du-Sud. Engagé volontaire le 10 septembre 1943 à Djidelli (secteur de Constantine), il rejoint le 2e RMT (Régiment de Marche du Tchad) et sa 5e compagnie. Le régiment dépend du sous-groupement du lieutenant-colonel Jacques Massu (Groupement Tactique Langlade). Après le transfert de la division en Angleterre, il débarque en France le 4 août 1944.

Il prend une part active aux combats qui se déroulent en Normandie. Nommé soldat de 1ère classe le 16 août, Paul Casta est cité à l’ordre de la Division le 20 août. Quatre jours plus tard, il combat au Pont de Sèvres. Il est de ceux qui ont reçu l’ordre d’une manœuvre de diversion ayant pour axe : Dampierre, Chevreux, Toussus-le-Noble, Jouy-en-Josas, bois de Meudon et Pont de Sèvres.

Au cours des combats du Pont du Sèvres, dans la nuit du 24 au 25 août 1944, alors que l’ennemi pénètre les positions de la section, Paul Casta est mortellement atteint. Il s’était lancé dans une contre-attaque à la grenade. Son décès est constaté à l’hôpital des Petits Ménages (Corentin Celton) à Issy. Il est inhumé dans un carré militaire du cimetière communal avec les honneurs militaires.

A titre posthume, Paul Casta sera cité à l’ordre de la Division, recevra la Médaille militaire et son nom sera inscrit au Livre d’Or de la 2e Division Blindée.

Cimetière d’Issy-les-Moulineaux. De gauche à droite, les sépultures des soldats Mohamed Ben Abdeslem, Jean Salis et Paul Casta.

Cimetière d’Issy-les-Moulineaux. De gauche à droite, les sépultures des soldats Mohamed Ben Abdeslem, Jean Salis et Paul Casta.

Sources :

  • Texte du général Philippe Duplay, La 2e DB de Doula à Berchtesgaden, Revue L’Espoir, n°107, 1996.
  • Biographie de Paul Casta par l’Amicale d’Antibes-Vence-Cannes de la 2e DB avec le concours de la Fondation de la France Libre.
  • Site du Ministère de la Défense pour la photographie de l’arrivée de la 2e DB dans Paris.

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Publié le 18 Février 2017

N'oubliez pas Bir-Hakeim.

André Salvat s’est éteint cette semaine. Il avait 96 ans. Il a été enterré à Perpignan, ville où il s’était retiré il y a quelques dizaines d’années. Il était l’un des 13 derniers Compagnons de la Libération. Et il était l’unique survivant de la bataille de Bir-Hakeim.

Il y a quelques années, j’avais rencontré Pierre Messmer. Il m’avait dit, me fixant de ses yeux d’un bleu acier : « Tout de même à Bir-Hakeim, on avait été sacrément gonflé ! ».

 

Enfance.

André Salvat est né le 16 mai 1920 à Prades, dans les Pyrénées-Orientales. Son père, grand mutilé de la Première Guerre mondiale, et sa mère, tiennent un petit commerce d’épicerie à Perpignan. Enfant de troupe dans une Ecole militaire préparatoire, André Salvat s’engage naturellement dans l’armée, en mai 1938, dès sa sortie de l’Ecole.

En juillet 1939, il est affecté au 24e régiment d’infanterie coloniale (RIC) à Tripoli, au Liban, alors sous mandat français.

 

La Seconde Guerre mondiale.

Le 27 juin 1940, dès que le général Mittelhauser dépose les armes en Syrie – aussi sous mandat français – André Salvat refuse l’armistice et passe en Palestine avec le capitaine Folliot, à l’aide de faux ordres de mission.

Rassemblée au camp de Moascar en Egypte, la Compagnie Folliot, équipée et armée par les Anglais, est rejointe par les 350 hommes du 3e bataillon du 24e RIC, emmenés par le capitaine Lorotte, en provenance de Chypre. Ils forment ensemble le 1er bataillon d’infanterie de Marine (1er BIM) dont la Compagnie Folliot devient la 1e Compagnie.

Cette compagnie participe à la première campagne de Libye contre les Italiens et est la toute première unité Free French (Français Libres) à reprendre le combat en septembre 1940. André Salvat, affecté à la Compagnie Folliot en qualité de sergent, participe aux batailles de cette campagne : Sidi-Barrani, Sollum, Bardia, Tobrouk, Benghazi, El Agueila. Au cours de celle-ci, sa section, sous les ordres du lieutenant Barberot, fera plusieurs centaines de prisonniers. Après la prise de Bardia, André Salvat sera décoré parmi les premiers, de la Croix de la Libération.

Il prend part ensuite, toujours avec le 1er BIM, à la campagne de Syrie en juin 1941, avant de suivre les cours d’élève aspirant à Damas, en septembre 1941. Nommé aspirant, André Salvat est affecté au bataillon du Pacifique (BP 1) dès sa sortie du camp Colonna d’Ornano.

En 1942, il prend part, comme chef de section, à la seconde campagne de Libye et à la bataille de Bir-Hakeim. Toujours volontaire pour des missions dangereuses, il est blessé par des éclats de balles au  cours de la sortie de vive force de la position le 11 juin 1942.

 

Bir-Hakeim : un exploit.

Rappelons-nous ce qu’était Bir-Hakeim. Il s’agissait du nom d’un point d’eau désaffecté au milieu du désert de Libye, au sud de Tobrouk. La bataille proprement dire se déroula du 26 mai au 11 juin 1942, durant ce que les historiens appelèrent la « guerre du désert ».

Face à la Première brigade française libre (future 1e division française libre) du général Marie-Pierre Koenig – forte de 3.700 hommes – il y avait des Italiens et surtout les 37.000 hommes du « Renard du désert » : Erwin Rommel !

Les Français et alliés s’étaient retranchés dans ce point d’eau. La 1e brigade française libre était alors divisée en deux groupements : le premier dirigé par le lieutenant-colonel Amilakvari (qui allait trouver la mort à El-Alamein quelques semaines plus tard) et le second par le lieutenant-colonel de Roux.

Au sein de ces deux groupements, il y avait des soldats français mais aussi des volontaires des colonies françaises d’Afrique du Nord, des Calédoniens, des Polynésiens, des républicains espagnols – des professionnels de la guérilla – et des soldats d’autres nations encore. Quant aux armes, il y avait aussi bien des artilleurs, des coloniaux, des légionnaires (dont Jean Simon – futur général – et Pierre Messmer – futur Premier ministre de la France), en fait tous celles et ceux qui s’étaient portés volontaires. « Celles » car quelques infirmières étaient présentes, et elles ne furent pas les moins courageuses, telle cette infirmière – amie proche du général Koenig – qui conduisit la jeep à toute vitesse qui allait traverser les lignes allemandes, emmenant à son bord le général !

Pendant seize jours, les forces françaises tinrent le coup face aux hordes allemandes. Rommel, qui avait commencé par envoyer les Italiens (la Libye était colonie italienne) puis par négliger cette résistance, finit par être piqué au vif de voir ses chars (il en perdit ainsi près de 70 !) détruits par des Français, habillés et équipés comme des gueux, mais d’un courage inimaginable.

Rommel fit manœuvrer l’Afrika Korps en direction de Bir-Hakeim, afin de réduire en poussière ces soldats qui avaient osé les défier. La résistance était alors vaine. Une sortie fut décidée. Des dizaines de Français se sacrifièrent lors de celle-ci. Au total, la brigade française libre perdit 140 hommes et eut 229 blessés et 841 prisonniers. Mais les Allemands perdirent plus de 3.300 soldats. Et surtout, l’affaire de Bir-Hakeim permit aux troupes Anglaises d’avoir tout le temps de se préparer à recevoir les Allemands à El Alamein. La victoire britannique fut totale et ainsi commença le repli des armées du Reich, repli qui allait se concrétiser avec la défaite de Stalingrad quelques mois plus tard.

Bir-Hakeim fut la première contribution militaire d’importance des Forces Française Libres. Elle fut pour beaucoup dans la reconnaissance politique par les Alliés du Comité national de la France Combattante.

Dans ses Mémoires de guerre, le général de Gaulle relata ainsi sa réaction lorsqu’il apprit l’exploit de Koenig et de sa brigade : « Je remercie le messager, le congédie, ferme la porte. Je suis seul. Oh ! cœur battant d’émotion, sanglots d’orgueil, larmes de joie ! »

 

La Libération de la France.

Promu sous-lieutenant fin juin 1942, André Salvat est ensuite affecté au bataillon d’infanterie de marine et du Pacifique (BIMP) tout juste créé par la fusion du BP 1 et du 1er BIM, durement éprouvés à Bir-Hakeim. Il combat ensuite à El Alamein en octobre 1942.

Promu lieutenant en décembre 1943, il combat en Italie et se distingue dans les combats autour de Girofani, les 11 et 12 mai 1944, en menant ses hommes à l’assaut. Il est blessé une seconde fois par balle, le 16 mai à San Giorgio, mais refuse de se faire évacuer avant d’avoir totalement rempli sa mission. Il est cité à l’ordre de l’Armée.

Le 17 août 1944, il débarque en Provence et se fait de nouveau remarquer par sa bravoure. Il s’empare, dans la nuit du 21 au 22 août, de la cote 156 à Hyères et résiste avec sa section à six contre-attaques ennemies. Il est encore une fois blessé par balle lors des combats pour la prise de Toulon, le 25 août 1944.

Evacué vers l’Italie, il retrouve son unité deux mois plus tard dans les Vosges, participe à la campagne d’Alsace et termine la guerre dans le massif de l’Authion, dans le sud des Alpes, en avril 1945.

 

En Indo puis en Algérie.

Après la fin des hostilités, il poursuit sa carrière militaire. En 1945, il est instructeur à Coëtquidan avant de servir pendant plusieurs années au Maroc, au Sénégal et au Congo Brazzaville. En octobre 1953 le capitaine Salvat débarque à Saigon et prend part aux opérations en Indochine. Deux fois cité, il est blessé une quatrième fois en juin 1954 en Centre Vietnam ; fait prisonnier, il reste interné trois mois.

Il est ensuite aide de camp du général Delange, adjoint au commandant de la 10e région militaire en Algérie, avant de prendre, en 1957, le commandement du 2e bataillon du 9e RIC en Kabylie pendant un an.

Après un séjour outremer, il sert en Allemagne, de 1962 à 1966, à Baden-Baden puis à Berlin. Affecté ensuite commandant en second au 1er RIMa à Grandville jusqu’en 1967 avant d’être désigné comme attaché de défense à Kinshasa (Zaïre) jusqu’en 1971. Il est détaché à Toulon jusqu’en 1973 comme officier de liaison de l’armée de terre (OLAT) auprès de l’amiral commandant en chef en Méditerranée.

En avril 1973, le colonel André Salvat fait valoir ses droits à la retraite et se retire à Perpignan. Il est décédé le 9 février 2017 et est enterré avec les honneurs militaires. Il n’a jamais voulu parler de Bir-Hakeim.

 

Décorations.

 

  • Grand Officier de la Légion d'Honneur
  • Compagnon de la Libération - décret du 7 mars 1941
  • Croix de Guerre 39/45 (3 citations)
  • Croix de Guerre des TOE (2 citations)
  • Croix de la Valeur Militaire (1 citation)
  • Médaille Coloniale avec agrafes "Libye 42", "Bir-Hakeim", "E-O"
  • Médaille Commémorative du Levant
  • Médaille Commémorative de la Campagne d'Italie
  • Médaille Commémorative de la Campagne d'Indochine
  • Médaille Commémorative des Opérations de Sécurité et du Maintien de l'Ordre en AFN
  • Croix de la Vaillance Vietnamienne
  • Croix Militaire de 1ère classe (Zaïre)

 

Alors, la prochaine fois que vous prenez le métro à Paris, et que vous passez à la station Bir-Hakeim, pensez à André Salvat, à tous ses compagnons qui sont morts pour la France, loin, très loin, au fond du désert libyen.

 

 

Sources :

 

  • Encyclopédie Wikipedia.
  • Site Internet des Compagnons de la Libération.
  • France Inter – Chronique de patrick Cohen.
  • Journal Le Monde.
  • Journal La Croix.
N'oubliez pas Bir-Hakeim.

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Publié le 27 Août 2016

Les Américains sur une plage de Saint-Raphaël.

Les Américains sur une plage de Saint-Raphaël.

La Conférence de Téhéran.

 

En novembre 1943, à la conférence de Téhéran, Staline, Roosevelt et Churchill se mettent d’accord sur un vaste plan visant à ouvrir un second front face à l’Allemagne nazie. En effet, même si la Wehrmacht a été stoppée à Stalingrad, un an plus tôt, le reconquête soviétique s’annonce longue et, de leur côté, après avoir débarqué en Sicile, la progression des Américains (aidés entre autres du Corps Expéditionnaire Français en Italie) s’avère tout aussi lente.

 

L’opération Overlord comporte le débarquement de Normandie, plusieurs contre-feux (çà et là des indices sont laissés pour faire croire à un débarquement dans le Pas-de-Calais, en Sardaigne (…). Un second débarquement est décidé. Ce sont les Etats-Unis qui emportent la décision : il se fera en Provence. Churchill, l’Anglais, étant plus favorable à une solution en Italie afin de prendre le Reich par le sud, c’est-à-dire par la Bavière, impose d’appeler l’opération Dragoon (dragon mais aussi contraindre) au lieu d’Anvil (enclume).

 

Le débarquement, géré par les Américains, se fera entre Toulon et Saint-Raphaël. Le « Jour J » est fixé au 15 août 1944.

 

Les unités engagées.

 

La 7e armée américaine, que commande le général Patch, va constituer le corps expéditionnaire. Elle est composée du 6e corps d'armée (général Truscott) et d'une division aéroportée (général Frederick). Elle comprend également l'armée B placée sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, officier déjà auréolé d'une légende de fonceur et d'homme de panache. Pour la suite des événements, de Lattre a aussi un avantage : il a conscience du rôle que peuvent jouer les maquisards.

 

Un compromis a précisé la situation des troupes françaises : le général Patch les commandera lors de la première phase de l'opération, le général de Lattre en assumera le commandement tactique dès leur engagement. L'armée B regroupe cinq divisions d'infanterie, deux divisions blindées (la le et la 5e), deux groupements de tabors et plusieurs éléments de réserve non endivisionnés. S'y retrouvent les combattants du corps expéditionnaire qui s'est couvert de gloire en Italie et des soldats fraîchement embarqués en Afrique du Nord : Français de souche, soldats musulmans d'Algérie, de Tunisie, du Maroc, troupes venues d'Afrique Occidentale française, d'Afrique Equatoriale française, etc. 600 bateaux de transport, 1 270 péniches, vont faire débarquer cette force terrestre sous la protection de 250 navires de guerre (dont 14 français) constituant la "Naval Western Task Force" de l'amiral américain Hewitt, appuyée par les avions de la "Mediterranean Allied Air Force" (2 000 appareils) du général américain Eaker.

Du côté allemand, les 8 divisions de la XIXe armée, commandée par le général Wiese dont le Q.G. est à Avignon, sont en état d'alerte depuis la deuxième semaine d'août. Ayant réuni au large de la Corse des navires venus en dix convois, pour des raisons stratégiques, de ports aussi éloignés les uns des autres qu'Oran, Naples ou Tarente, la flotte alliée s'est d'abord dirigée vers Gênes pour tromper l'adversaire. Mais, le 14 au soir, elle met le cap sur la côte provençale.

Ce même soir, les Forces Françaises de l'Intérieur reçoivent de Londres trois messages dont le dernier, "le chef est affamé", signifie le lancement des opérations.

 

Le débarquement.

Le 15 août, peu après minuit, la "lst Special Service Force" (colonel Walker) neutralise les batteries des îles d'Hyères, tandis que les commandos d'Afrique (colonel Bouvet) atteignent la côte près du cap Nègre dont ils vont s'emparer. Le groupe naval d'assaut (commandant Seriot), arrivé à la pointe de l'Esquillon, se heurte aux champs de mines du Trayas. Vers 4 heures du matin, 400 avions larguent au-dessus de la vallée de l'Argens plus de 5.000 parachutistes alliés, tandis que des renforts et du matériel arrivent par planeurs (10.000 parachutistes au total seront à pied d'œuvre à la fin de la journée).

Avec l'aide des résistants locaux, ils vont verrouiller les voies d'accès aux zones de débarquement. A l'aube, un terrible bombardement aérien et naval s'abat sur la côte, écrasant les positions allemandes tenues par la 242e division du général Basler. A 8 heures du matin, les vagues d'assaut américaines des 3e DIUS (général O'Daniel), 36e DIUS (général Dahlquist) et 45e DIUS (général Eagles) s'élancent des péniches de débarquement pour prendre pied, entre Cavalaire et Saint-Raphaël, sur les plages aux noms de code respectifs d'Alpha, de Camel et de Delta.

La stratégie a été fixée : les troupes américaines avanceront par la haute Provence vers l'Isère et la vallée du Rhône. Les Français prendront les ports de Toulon et de Marseille.

Le 17 août, en effet, Hitler a donné l'ordre à la XIXe armée allemande de remonter vers le nord : seules les divisions stationnées dans les deux grands ports devront résister à tout prix. La 11e Panzer division, partie le 13 août de la région de Toulouse pour initialement se porter au devant des troupes débarquées, sera harcelée par les maquisards de l'Hérault et du Gard, attaquée par l'aviation américaine, et, durement éprouvée, remontera vers le nord sans avoir accompli sa mission.

Le 18 août, la zone occupée par les Alliés atteint 30 km de profondeur. La veille, 130 B26 ont à nouveau bombardé les défenses côtières. La 3e DIUS entre dans Cuers, Castellane... Les Américains poursuivront désormais leur route vers la Durance. Une partie de la "1st Spécial Service Force", aux côtés des FFI, refoulera d'autres unités allemandes vers les Alpes en libérant les villes de la Côte d'Azur. De Lattre veut aller vite : il faut déborder l'ennemi sans lui laisser le temps d'assurer ses positions. Mais la logistique doit aussi être prise en compte : sur les côtes, les navires débitent lentement hommes et matériels. Il décide que le rassemblement se fera en avant, les unités étant envoyées vers la zone des combats au fur et à mesure de leur arrivée.

A Toulon, la garnison allemande s'est renforcée de la 242e division, repliée dans le port : au total, près de 25.000 hommes sous le commandement de l'amiral Ruhfus, commandant de la Kriegsmarine en Provence. Du côté allié, de Lattre ne dispose alors que d'environ 16.000 hommes. Le 19 août, le 3e RTA (colonel de Linarès) est aux abords de la ville. La 9e DIC est progressivement engagée sur un axe Pierrefeu-Toulon, appuyée par des éléments de la 1re DB (général du Vigier). Ce même jour, après avoir pris d'assaut la batterie de Maurannes, les commandos d'Afrique s'emparent du Coudon ; les jours suivants, c'est au tour du bataillon de choc (colonel Gambiez) d'enlever le Faron, ces deux forts dominant la rade de Toulon. Les 22 et 23 août, la 9e DIC et la lre DFL combattent dans la ville : "Marsouins", Algériens, Sénégalais, Français Libres, rivalisent de courage pour progresser.

De Lattre a prévu l'attaque sur Marseille dès la prise de Toulon, espérée aux alentours des 22-23 août. Mais les combats se poursuivant dans cette dernière ville, il faut brusquer les événements. Le général de Monsabert décide de surprendre l'ennemi. Le 21 août, l'insurrection a éclaté dans Marseille : les FFI affrontent les troupes allemandes. Le 22 août, le 7e RTA est au Plan de L'Aigle, tandis que le GTM du colonel Le Blanc ferme la route d'Aix. Aubagne, Géménos, ont été le cadre de violents accrochages. Les Tabors du général Guillaume encerclent Marseille. Le 23, le 7e RTA et les résistants lancent les combats dans la ville insurgée. Une tentative de pourparlers avec le commandement allemand n'aboutit pas. Le 25 août, 3e et 7e RTA, CCI, FFI, avancent vers Notre-Dame de la Garde.

Les pertes sont sévères, mais les points d'appuis ennemis tombent peu à peu. Le 27 août, le 1er Tabor marocain s'empare du fort Saint-Nicolas. Le 28, le général de Monsabert reçoit du général Schaeffer, commandant la 244e division allemande, l'acte de capitulation. Ce même jour, à Toulon, l'amiral Ruhfus se rend au commandant de la 9e DIC. La capture des deux grands ports s'est faite avec un mois d'avance sur les prévisions. Marseille et Toulon vont jouer, jusqu'à la victoire, un rôle précieux pour le ravitaillement des armées alliées : plus de 900.000 hommes, 4 millions de tonnes de matériel, y transiteront.

Parallèlement, dans l'arrière-pays, les forces de la Résistance ont pris l'offensive : par des sabotages, des actions de guérilla, les maquisards harcèlent la retraite ennemie. Les Français vont pouvoir rejoindre les Américains et entamer la poursuite de la XIXe armée allemande : dès le 15 août, des éléments de la lère DB ont atteint Avignon.

Le 28 août, de Lattre envoie un télégramme au général de Gaulle : "... aujourd'hui J+13, dans le secteur de mon armée, il ne reste plus un Allemand autre que mort ou captif". La Provence est libérée.

Entre le 5 et le 25 septembre, la deuxième vague de l'armée française aux ordres du général Béthouart (2e DIM, 5e DB, etc.) débarque à son tour et va rejoindre les unités de la première vague. Dans les Alpes-Maritimes, Américains et Résistants poursuivront les combats durant l'automne. Après de durs affrontements dans le massif de l'Authion, la lre DFL réduira les dernières poches ennemies (Saorge, Fontan...) en avril 1945.

De ces événements, il ne reste souvent que la mémoire, matérialisée par les plaques et les monuments qui, de Villecroze à Cogolin, d'Allauch au Thoron, rappellent aux yeux de tous les actions d'éclat ou les fusillades, les victimes civiles et militaires.

 

 

Sources :

 

  • Encyclopédie Larousse.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Site internet des Chemins de la Mémoire du ministère de la Défense.
  • Georges Caïtucoli, La France au Combat, Ed. Perrin.
  • François Bédarida, Churchill, Ed. Fayard.
  • Jean-Loup Gassend, Le débarquement de Provence, Ed. Heimdal.
  • Paul Gaujac, Le débarquement de Provence, Ed. Histoire et Collections.
  • Philippe Lamarque et Pierre Miquel, Le débarquement en Provence, Ed. Le Cherche Midi.

 

Le général de Lattre et le général de Larminat, entourés d'officiers alliés de l'état-major.

Le général de Lattre et le général de Larminat, entourés d'officiers alliés de l'état-major.

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Publié le 8 Avril 2016

Rescapé de la chambre à gaz d'Auschwitz.

Le 12 avril 2005, au PACI d’Issy-les-Moulineaux, Jo Wajsblat était venu faire une conférence pour présenter le livre écrit avec le journaliste Gilles Lambert : « Le témoin imprévu ». André Santini, ancien ministre et député-maire de la ville, lui avait demandé : « Jo, pourquoi à plus de 75 ans, t’obstines-tu à venir en moto ? C’est dangereux ! » Et Jo Wajsblat de répondre : « Après ce que j’ai connu, rien n’est dangereux ! » Jo Wajsblat s’est éteint il y a un an et demi, et nous tenions au Souvenir Français, à lui rendre hommage.

En Pologne.

Né le 31 janvier 1929 à Lodz en Pologne, Joseph Wajsblat grandit dans une famille pieuse. Son père, orfèvre, veut faire de son fils un rabbin. Jo va d’ailleurs au heder, l’école religieuse talmudique. Il vit avec ses parents, ses frères, Jonathan et Henri, et sa sœur Haya-Sarah rue Franciskaïa, dans le quartier du Balut. Jo est très proche de ses grands-parents maternels qui vivent dans un petit village du nom de Konstantyne et chez qui il va souvent se réfugier. Les Wajsblat vivent au rythme des fêtes religieuses qui sont l’occasion des réunions familiales.

La Seconde Guerre mondiale et le ghetto de Lodz.

1939. La guerre éclate. Les Juifs de Pologne sont d’autant plus inquiets qu’ils entendent parler du traitement de leurs coreligionnaires en Allemagne. Beaucoup de Juifs de Lodz décident de partir en URSS ou en Palestine. Mais pour le père de Jo, il en est hors de question. L’idée d’abandonner son atelier l’en empêche. « Ils n’oseront pas prendre mes machines : elles sont anglaises », dit le père de Jo à son cousin qui le pousse à partir. L’armée polonaise est vaincue. Les nazis entrent dans le pays. Et à partir de là commencent les scènes de pillages des magasins juifs, la mise en place des lois antisémites et les mauvais traitements…

Les Allemands, comme dans la plupart des villes, regroupent la population juive. A Lodz, l’instauration du ghetto a lieu le 8 février 1940. Les Juifs ont l’interdiction formelle de sortir, ce qui rend leur vie difficile. Dès les premiers temps, la nourriture vient à manquer. Il faut donc s’organiser pour survivre. Jo et son frère Jonathan arrivent à aller à l’extérieur des murs pour trouver de quoi manger. Ses parents sont malades. Jo trouve un job dans un atelier de fabrication de bijoux puis dans un atelier de métallurgie. Mais la misère est telle que ses parents ne survivent pas au manque de soins et de nourriture. Iser Wajsblat meurt en 1941 et Kalya-Rachel en août 1943. En juillet 1942, Jo assiste également à la rafle qui emportera son petit frère Henri, âgé de 9 ans, avec plein d’autres enfants du ghetto, vers le camp de Chelmno où il sera gazé dans des camions. « Dans l’appartement, raconte Jo, c’était soudain le silence. Ma mère a lavé Henri dans le baquet à lessive, elle l’a habillé de ses beaux vêtements de Shabbat en lui donnant des vêtements de rechange. Ils se sont embrassés. Avec ma sœur Haya-Sarah, on est descendu avec lui. Il y avait une charrette en bas avec d’autres enfants. Ma sœur et moi nous l’avons suivi pour le rassurer. Puis on nous a renvoyés. Je n’ai jamais revu mon frère ».

A la mort de sa mère, sa tante Esther vient s’occuper d’eux. Elle sera déportée, elle aussi, avec Jonathan et Haya-Sarah à Auschwitz lors des dernières rafles du ghetto pendant l’été 1944 et ils seront gazés dès leur arrivée.

Jo se retrouve seul. Il rencontre Meyer Leiserovicz, un boulanger du quartier, qui habite le même immeuble. Il restera avec ses amis boulangers jusqu’à sa déportation vers Auschwitz à la fin de l’été 1944.

A Auschwitz.

Son convoi a parcouru les 250 km qui séparent Lodz d'Auschwitz en une nuit et une demi-journée. Entassées dans le wagon à bestiaux, beaucoup de personnes malades et exténuées meurent de faim et de soif.

Quand ils arrivent, il est environ midi et le ciel est bleu. « C’est d’abord avec un énorme soulagement. L’air entre dans le wagon : on est arrivé. Où ? On l’ignore, mais cela importe peu. On va pouvoir respirer et peut-être boire », raconte Jo. Dehors, il y a une grande agitation. « Il y a des soldats allemands et des hommes étranges, très maigres, en pyjamas rayés de bagnards, coiffés de bérets. » La plupart de ces hommes restent muets aux nombreuses questions posées par les nouveaux déportés. D’autres, par contre, les apostrophent : « Pourquoi vous êtes-vous laissés emmener ici, pauvres idiots ? »

Sur la rampe, un prisonnier demande son âge à Jo. Il a 15 ans. L’autre lui dit de se faire passer pour un garçon de 17 ans. Ignorant totalement ce qu’il adviendra de la grande majorité des personnes déportées, certains se disent au revoir. C’est le cas de Meyer Leiserovicz qui dit à sa femme Fela et son fils Yankel de 11 ans : « Chérie, on se revoit à la maison, après la guerre ! » Sur la rampe, Mengele sélectionne. Jo et ses copains sont du bon côté. Il reçoit le numéro 67364.

Jo est dirigé vers le camp E dit des « Gitans ». Auschwitz, c’est l’endroit de « souffrances terribles, terribles, terribles », répète t-il en prenant sa tête dans les mains. Il raconte ce souvenir qui le bouleverse au point de le faire trembler : « Mon copain a rejoint son frère, Velvo, à la chambre à gaz. Il était comme mon frère. J’ai essayé de l’en dissuader. Mais il ne voulait pas laisser son frère mourir tout seul alors que leur père était déjà mort dans le ghetto en 1942. Il s’appelait Haïm en plus ce qui signifie la vie. Il m’a repoussé de force et il est parti. C’est comme si la moitié de moi était parti avec lui. Lui, je ne peux pas l’oublier, il me colle à la peau. »

Plusieurs fois, Jo évitera les sélections pour la chambre à gaz. Une première fois, il se hisse jusqu’à l’ouverture d’aération sous le toit du bloc et saute à l’extérieur. Un autre jour, il s’aplatit dans un fossé où il parvient à se dissimuler jusqu’à la fin de la sélection. Seulement, il ne peut échapper à la troisième sélection qui l’emmène au crématoire IV avec 500 ou 600 autres détenus.

« Autour de moi, dans la cour, l’agitation est intense. Des enfants sanglotent. D’autres disent la prière des morts. Nous sommes tous affaiblis, affamés, malades. SS et kapos n’ont guère de mal à nous pousser en distribuant des coups de matraque ou des coups de fouets. On nous entasse dans une pièce de plain-pied éclairée par des lampes au plafond. On est les uns sur les autres, mais on peut bouger. Je suis entré dans la chambre à gaz parmi les derniers et c’est ce qui va me sauver. Je n’entends pas se refermer les portes étanches mais soudain les lumières s’éteignent et il me semble qu’on commence à suffoquer…Je revois ma mère dans le ghetto, amaigrie, malade, disant avant de mourir : ‘Je rêve d’un jour où je pourrai mettre la table pour mes enfants et les faire manger à leur faim !’ Je revois mon père mourant, mon petit frère montant dans un camion. Et mon oncle me suppliant : ‘Essaye de survivre’ Combien de temps cela dure t-il ? Je suis incapable de le dire. Et soudain, j’aperçois un rai de lumière. La porte s’ouvre. Et on entend ‘Raus !’ (Dehors). Je me retrouve à l’extérieur avec une cinquantaine de garçons. En me retournant j’ai le temps de voir la chambre à gaz se refermer. »

Jo apprendra que celui qui a donné l’ordre de faire sortir les détenus est Mengele. Ce dernier n’a pas supporté qu’un autre SS décide d’une sélection sans l’avertir. Pour affirmer son autorité, il a, donc, ordonné que l’on ouvre la porte et qu’on en fasse sortir des prisonniers.

Quelques temps après, Jo réussit à intégrer un commando de travail pour l’Allemagne. En novembre 1944, il quitte Birkenau par la rampe où il est arrivé. Au terme d’un voyage d’une semaine sans aucun ravitaillement, il arrive au camp de Brunswick, dans le nord de l’Allemagne. Il y réparera des poids lourds. Il est ensuite évacué comme beaucoup de détenus vers d’autres camps en Allemagne. Il sera libéré par les Américains le 2 mai 1945 au camp de Wobelin.

En Israël – La guerre de 1948.

Jo reste sur Paris pour obtenir les papiers afin de partir en Amérique. Le jour de sa convocation à l’ambassade américaine pour aller chercher son visa, il tombe sur un journal yiddish, Unzer Wort, qui annonce que la guerre a éclaté en Israël. « Alors je me suis dit : « qu’est-ce que je vais aller en Amérique maintenant ? ». Je suis parti au 83, avenue de la Grande Armée, qui était le siège de l’Agence juive. Au fond de la cour, une maison en bois, dernier étage. Je suis parti pour m’engager. »

Jo fait partie des 630 Français volontaires (Mahal), juifs et non juifs, à s’être engagés pour aider le nouvel Etat pour sa survie. Pour lui, Israël représentait tout et il était naturel d’aller se battre aux côtés de ses frères. « Si on avait eu Israël à l’époque, pendant la guerre, il n’y aurait pas eu cette horreur par laquelle on est passé. Ni les chambres à gaz, ni les fours crématoires. Il n’y aurait pas eu tout ça. Israël comptait beaucoup pour nous. Si on relève la tête aujourd’hui, c’est grâce à Israël. » Il reçoit une formation au camp d’Arenas, près de Marseille, par des instructeurs de la Haganah. « Pendant une quinzaine de jours dans un camp, on nous a enseigné l’hébreu et formés de manière intensive au maniement des armes. La nuit nous avions des entrainements pour apprendre à ne pas faire de bruit, ne pas se faire remarquer. Un jour, on nous a avertis que nous partions. Au port, il y avait un pétrolier italien qui s’appelait Fabio. Le voyage a duré onze jours car le bateau est tombé en panne plusieurs fois. Enfin, on est arrivé dans le port de Haïfa. » « On nous a emmenés dans le camp d’Atlit, près de Haïfa, où l’on nous a donnés un uniforme militaire. Ils m’ont donné mon numéro. 93205. On a intégré le Palmach, une unité de combat. » L'activité principale du Palmach tient dans la lutte pour la prise de contrôle des routes, dans la protection des convois juifs, dans les assauts contre les bandes armées arabes et dans la prise des positions ennemies. « L’ambiance était extraordinaire. N’importe où, on se tenait main dans la main. L’un aidait l’autre c’était incroyable », se souvient-il.

Ben Gourion, le Premier ministre d'alors, avait comme priorité de défendre Jérusalem et garantir la liaison avec Tel-Aviv. « Nous avions comme mission d’ouvrir la nouvelle route de Jérusalem, ‘la route de Birmanie’. La ville, à l’époque, était bloquée. Il s’agissait d’une nouvelle route pour rejoindre Jérusalem », explique Jo. Il s’agissait de remettre en usage une piste de caravanes abandonnée passant plus au sud. L’opération commence à la fin du mois de mai 1948. La brigade Harel, une des trois brigades du Palmach, est une des plus importantes. Jo fait partie du 6e bataillon.

Avec ses compagnons, Jo est transporté jusqu’au Kibboutz Hulda. Ils ont pour mission de précéder les bulldozers qui vont rendre la piste accessible aux engins blindés. La zone est tenue par la Légion arabe de Transjordanie. Les volontaires encadrent les bulldozers et progressent lentement dans la poussière des explosions. Les tirs sont de plus en plus fréquents. Jo est touché. « J’ai ressenti une violente douleur au ventre. Avant de tomber, j’ai eu le temps d’appeler un camarade. » Son état est jugé inquiétant. Il est transporté à l’hôpital militaire. A la fin de sa convalescence, il rejoint son unité près de Kastel. Pendant un engagement, une balle traverse son casque. Venant de loin, elle a perdu une grande partie de sa force d’impact. Jo ne ressent qu’une sensation de piqûre. Il est de nouveau transféré à l’hôpital d’Abou Gosh. « Il y a eu de nombreux blessés. Dans le cimetière du kibboutz Kiriat Anavim sont enterrés des copains morts au combat. » Au bout d’une semaine, il rejoint son unité. La Route de Birmanie atteint Jérusalem. La liaison Tel-Aviv-Jérusalem est rétablie.

Son unité doit maintenant ouvrir la route vers le Néguev où les combats contre l’armée égyptienne font rage. Lorsque les forces égyptiennes sont repoussées, le bataillon de Jo doit surveiller cette zone, le long de la frontière. En février 1949, l’armistice est signé avec l’Egypte. L’unité de Jo doit rejoindre le golfe d’Akaba à l’extrême sud du pays puis effectuer des patrouilles dans le Néguev.

Au printemps, Ben Gourion dissout le Palmach dont les combattants sont répartis dans différentes unités de Tsahal. Jo est affecté à la brigade Golani, section des mortiers lourds. « Je suis resté presque deux ans en Israël jusqu’à ma démobilisation. Je suis ensuite revenu en France. J’étais resté en contact avec l’Américain qui m’a libéré. Il devait me procurer des papiers pour partir en Amérique. Mais ensuite j’ai rencontré ma femme… »

Plus tard, Jo et son épouse Rachel rentrent en France. Jo s’installe à son compte, devient tailleur. Son affaire prospère. Plusieurs enfants naissent de cette union, dont Claudine l’aînée.

« Une odeur de chair et de cheveux brûlés flotte constamment dans l’air. Les fours incinérateurs ne suffisent plus, on a creusé en lisière de la forêt de grandes fosses où l’on entasse les cadavres avant de les arroser d’essence, comme à Chelmno ou à Treblinka ».

Joseph Wajsblat est mort à Paris le 18 juin 2014, à l’âge de 85 ans.

Sources.

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Publié le 24 Janvier 2016

Pierre-Marie Bérard.
Pierre-Marie Bérard.

Il y a quelques années, notre Comité, via un article de Thierry Gandolfo, avait rappelé la liste des victimes civiles des bombardements sur Issy-les-Moulineaux. Les bombardements furent nombreux puisque qu’on en signale le 3 juin 1940 ; les 3 mars et 30 mai en 1942 ; les 4 avril, 14 juillet, 24 août, 3 septembre et 15 septembre en 1943 ; les 24 juin et 25 juillet en 1944. Ils furent allemands, pour les premiers, puis par la suite alliés et notamment Anglais. Et près de 80 Isséens et Isséennes perdirent la vie.

Jean-Didier Bérard a lu cet article et nous a communiqué des informations sur son arrière-grand-père, Pierre-Marie Bérard.

Enfance en Savoie.

Pierre-Marie Bérard nait le 30 octobre 1855, en Savoie. Enfant de Charles Bérard et de Marie Finaz, il voit le jour dans la vallée de la Tarentaise, alors pays de peu avec des fermes souvent de tailles modestes qui ne permettent pas de faire vivre toute la famille.

Le salut est dans le départ, ce qui n’est pas toujours facile. Au milieu du 19e siècle, les habitants, considérés alors comme des « moins que rien », voient leur appellation devenir un mot péjoratif. Ainsi le Dictionnaire Universel indique : « Savoyard : homme sale, grossier et brutal ; on emploie le mot savoyard par mépris » (1834). Ce véritable exode est tel que des confréries naissent, la plus célèbre étant celle de Savoyards de l’Hôtel Drouot qui pendant près de 150 ans va s’occuper de la manutention des objets vendus aux enchères dans le célèbre hôtel parisien (on doit ici préciser le rôle de l’empereur Napoléon III qui fut à l’origine de cette confrérie particulière – la Savoie étant revenue dans le giron de la France en 1860).

Le salut passe aussi par le développement à la fin du 19e siècle d’unités industrielles liées aux activités d’extraction de matières premières, de manutention et de métallurgie et aux unités de production chimique.

Arrive pour Pierre-Marie le service militaire : apte, il porte le matricule 1625. Sous les armes à partir du 13 décembre 1877 au 24 septembre 1879, d’abord au 61e RI (Aix-en-Provence et Privas) puis au 83e (Clermont-Ferrand).

Pierre-Marie Bérard apprend le métier d’ouvrier bronzeur et se fait employer au gré des missions qu’il trouve.

Son arrière petit-fils, Jean-Didier Bérard indique : « Pierre-Marie travailla un temps chez son frère, chaufournier (conducteur du four à chaux dans la production de chaux vive), au moins jusqu’en 1890 ou 1895. Après il dut partir sur Paris, comme beaucoup d’ouvrier de la Tarentaise. Il devait avoir un lopin de terre mais bien insuffisant pour nourrir toute sa famille. C’était un de ces petits Savoyards, migrants saisonniers, qui acceptaient, durant l’hiver, les plus durs travaux qu’on leur offrait à Paris, Genève, Barcelone ou en Allemagne. Puis, Pierre-Marie dû certainement trouver une bonne place car il resta sur Paris ».

Le quartier Popincourt à Paris.

Pierre-Marie Bérard s’installe dans le quartier de Popincourt, dans le 11e arrondissement, non loin du boulevard Richard Lenoir. Ce quartier doit son nom à Jean de Popincourt, président du Parlement de Paris, qui fit construire un manoir à proximité en 1400.

Ce n’est pas par hasard. Les Savoyards ont établi leur quartier-général dans cette partie de Paris. Ils contrôlent tout et s’assurent de son bon fonctionnement au quotidien. Un modèle du genre : des responsables veillent à l’ordre et à la discipline, au respect de la loi, à la santé et au bien-être des migrants, souvent très jeunes. On y a le souci de l’épargne, tant et si bien que la plupart des « Savoisiens » ou « Savoyens » (comme ils s’appellent entre eux) finissent par rentrer au pays fortune faite. Ils peuvent ainsi doter, richement, l’église ou l’école.

Et comme Pierre-Marie sait travailler le bronze et sur des meubles et que le quartier est dévolu aux fabricants et aux marchands de meubles, alors…

Famille.

Le 23 juillet 1881, il épouse Marie Girod. Il a 25 ans, elle en a 18. De cette union naissent dix enfants sur la commune de Bellentre (Savoie, arrondissement d’Albertville) : Marie-Louise le 29 octobre 1881, Marie-Catherine le 26 mai 1884 (Bellentre), Philomène le 3 février 1886, Marie-Eugénie le 30 juillet 1887, Jean-François le 12 juin 1889, Marius le 16 octobre 1891, Rémi le 5 août 1893, Ludivine le 25 septembre 1894 et les jumelles Isabelle et Zoé le 4 septembre 1895.

De ces dix enfants, malheureusement plusieurs ne survivront pas : Marie-Eugénie meurt à Bellentre en 1901 à l’âge de 13 ans, Rémi et Ludivine décèdent tous deux à l’âge d’un mois, et les jumelles ne vivront que quelques jours.

Certains enfants restent sur la Savoie et d’autres suivent leur père ou l’exemple de leur père en migrant vers la Région parisienne ou ils s’établissent eux-aussi dans le 11e arrondissement. Plus tard, à la retraite, Marie-Louise s’installera au Kremlin-Bicêtre, Marie-Catherine à Paris, Philomène à Villeneuve Saint-Georges, Jean-François à Vigneux- sur-Seine. Mais avant, il s’agit de les marier ces enfants et toujours dans ce 11e arrondissement. Evénements heureux qui ne cachent les blessures des disparitions.

Qui ne cachent pas non plus la peur de perdre des enfants à la guerre : Jean-François Bérard s’illustre au cours de la Première Guerre mondiale. Il reçoit la Croix de guerre et est cité à l’Ordre du régiment avec obtention de la Médaille militaire.

En 1918, à l’âge de 55 ans, Marie Bérard rend son âme à Dieu et laisse son époux Pierre-Marie.

L’opération Paula.

Dans les années 1920, Pierre-Marie Bérard est admis dans une maison de retraite d’Issy-les-Moulineaux.

Le 1er septembre 1939, les troupes allemandes envahissent la Pologne, sans déclaration de guerre et après d’intenses bombardements. Comme prévu et après tant et tant de reculades, le Royaume-Uni et la France, alliés, déclarent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre. Mais, adoptant une stratégie défensive, les alliés laissent Hitler, puis Staline, écraser l’armée polonaise. Les généraux de la Wehrmacht persuadent Adolf Hitler d’attendre le printemps pour lancer l’offensive sur les Pays-Bas, la Belgique et la France.

Cette offensive débute le 10 mai 1940. L’armée française s’y est préparée. En contact avec le roi des Belges, elle est tenue au courant heure par heure de l’avancée de l’armée allemande. Ce qu’elle n’a pas prévu c’est la Blitzkrieg : les Allemands utilisent à fond les concepts de choc et de vitesse. Le couple char-avion communiquant par radio et la concentration des moyens sur des points sensibles du front allié surprennent par leur rapidité d’action les états-majors français et belges.

Le 15 mai les Pays-Bas capitulent, suivis le 28 mai par la Belgique. Le Plan Rouge, l’invasion de la France, peut alors commencer. Partout les soldats français doivent reculer face à la puissance allemande. Bien souvent, au prix de sacrifices énormes. Plus de 100.000 soldats français sont tués en quelques jours.

Le 3 juin 1940, les Allemands décident d’appliquer le déroulement de l’Opération Paula (Unternehmen Paula). Celle-ci consiste en une attaque aérienne de la Luftwaffe visant à détruire les dernières unités de l’armée de l’Air française, dirigée par le général d’armée aérienne Joseph Vuillemin, de même que les usines de fabrication d’avions autour de la capitale. Il s’agit enfin de porter un coup dur au moral de l’armée française toute entière.

Les avions de reconnaissance allemands commencent par dresser un rapport sur les aérodromes français autour de Paris (près de 1.300 appareils). Les unités de défense anti-aériennes sont également cartographiées.

Mais l’opération est compromise par les services de renseignement britanniques qui ont réussi à décoder les messages de la machine Enigma et ont averti les Français des intentions allemandes en fournissant notamment l’ordre de bataille aérien. De plus, des signaux radios envoyés depuis la Tour Eiffel mettent en alerte l’ensemble des unités aériennes. Ainsi, l’armée de l’Air française réussit à stopper l’offensive allemande, au prix de la perte de 35 avions (vingt au sol et 15 en actions). Les pilotes sont héroïques : la plupart des bombardiers allemands volant à haute altitude, les chasseurs français doivent gagner de l’altitude pour les intercepter.

Quant aux bombes, il s’agit principalement d’engins incendiaires de type C-250 Flammbombe, qui font des dégâts importants au sol. On est très loin du concept actuel de frappes chirurgicales. Dans cette attaque, 254 Français perdent la vie. A Boulogne et Issy, les usines Renault et celles d’armement Gévelot sont ciblées.

Ce 3 juin 1940, 25 Isséennes et Isséens sont tués, parmi lesquels Pierre-Marie Bérard alors âgé de 84 ans. Le 22 du même mois, son petit-fils, Gaston, est fait prisonnier en Lorraine par l’armée allemande.

Pierre-Marie Bérard est considéré comme une victime civile. Victime non combattante, non reconnues. Les victimes civiles ne sont pas représentées par des associations, ne sont pas commémorées. Victimes mortes pour la France… qui les a bien oubliées. Sous l’impulsion de la municipalité d’Issy-les-Moulineaux, le Comité du Souvenir Français est à l’œuvre pour la réfection de stèles des « victimes civiles ».

Sources :

  • Cimetière d’Issy-les-Moulineaux et son conservateur, Monsieur Thierry Gandolfo.
  • Archives municipales.
  • Histoire de la France et des Français, d’André Castelot et d’Alain Decaux.
  • Archives familiales de Monsieur le lieutenant Jean-Didier Bérard.
  • Encyclopédie Larousse, Wikipédia et Universalis.
  • Archives INA.
Sépulture de Pierre-Marie Bérard à Issy-les-Moulineaux.

Sépulture de Pierre-Marie Bérard à Issy-les-Moulineaux.

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