Publié le 19 Septembre 2009

 

Juin 1888.

 

 

 

 

Le 15 juin 1888, Guillaume II, fils aîné de Frédéric III, roi de Prusse et récent empereur d’Allemagne, accède au trône. Il promet de donner une vision et une ambition à la mesure politique, géographique et démographique de ce tout nouveau pays.

 

Trois jours plus tard, dans une France qui ne rêve que de revanche, à la suite de la déroute de 1870-1871, dans une France désorientée par le mouvement boulangiste, à Ivry, ville ouvrière de la banlieue sud-est de Paris, naît Georges Alexandre Boivin.

 

Sa famille ne peut imaginer un seul instant que la politique du premier va entraîner la mort du second…

 

 

Les combats de Carency.

 

Dès les débuts de la Première Guerre mondiale, après être entrées en Alsace-Lorraine, les armées françaises subissent plusieurs défaites et se voient prises en tenailles : au nord, les forces allemandes n’ont que faire de la neutralité belge et s’engouffrent dans ce territoire. L’Armée belge, héroïque, ne peut résister longtemps. Au sud, les troupes du Reich progressent et tentent d’enfermer les Français en pilonnant la région de Nancy. Nos armées tiennent bon, sous l’impulsion du général Curières de Castelnau, qui rapporte de la bataille le surnom de « Sauveur de Nancy ».

 

Le 6 septembre, le général félicite ses régiments dans la note suivante : « d’avoir su conserver en face d’attaques violentes, une attitude continuellement offensive, qui a déterminé l’échec complet de l’ennemi. Leurs efforts n’ont pas seulement pour résultats de retenir en face d’elles des forces considérables, ils ont contribué pour une large part à faciliter la tâche des unités voisines et à rendre plus efficace leurs actions".

 

Le centre du dispositif national, subissant de plein fouet les coups de butoir des armées allemandes, doit reculer jusqu’aux portes de la Région parisienne, sur la rivière de la Marne, qui mais reste le lieu ultime de retraite : « Tu ne passeras pas ». Du 6 au 12 septembre, par un sursaut incroyable de courage, entraînée par l’épisode des « Taxis de la Marne », l’Armée française se reprend et tient le terrain, mètre par mètre, au prix de dizaines de milliers de morts. Le front, de la Suisse à cette région de la Champagne est consolidé. S’engage alors ce qui est resté dans les manuels d’histoire sous le nom de « Course à la mer ».

 

Chacun des belligérants tente de se déborder par l’ouest. Cette conquête est ponctuée, quotidiennement, d’engagements et de batailles : bataille de l’Aisne, bataille de Saint-Mihiel, bataille de Picardie, bataille de l’Artois et enfin, bataille des Flandres (Ypres), qui se déroule dans le courant du mois de novembre 1914. Finalement, le front se fige, de la Suisse à la Mer du Nord. 300.000 soldats français sont morts pour la Patrie, qui compte également plus de 600.000 blessés.

 

En octobre 1914, lors de la bataille d’Artois, le petit village de Carency, proche de la ville de Lens, tombe aux mains des Allemands. Carency revêt une grande importance pour la stratégie française : il forme une sorte de saillant allemand et coupe la ligne de liaison primordiale entre Arras, Lens et Béthune. Il convient donc de reprendre le village coûte que coûte…

 

Le 269ème Régiment d’Infanterie.

 

Au déclenchement de la guerre, le 269ème Régiment d’Infanterie opère sa mobilisation à Domgermain, près de Toul, dans le département de la Meurthe-et-Moselle. Le chef de corps est le lieutenant-colonel Grange, son adjoint le capitaine Rousseau. Ses soldats sont pour un grand nombre des réservistes originaires de la région ainsi que de Paris. Georges Boivin est l’un d’eux. Il habite Issy-les-Moulineaux et porte le matricule 2560 du 2ème bureau de recrutement du département de la Seine.

 

Au début du mois d’août 1914, le régiment, en compagnie du 226ème R.I. (Régiment d’Infanterie) progresse en Lorraine, en direction de Nancy. Quelques jours plus tard, pris au cœur de la bataille qui se déroule autour du Grand Couronné, le 269ème doit se replier.

 

Après la bataille de la Marne, le régiment participe à la « Course à la mer ». Il s’embarque à Nancy, sous les ordres de son nouveau commandant, le lieutenant-colonel Regnier-Vigouroux (le colonel Grange dirige la 139ème B.I.). Se plaçant à la disposition du général Plantey, commandant la place militaire de Douai, le régiment combat sur le flanc droit des armées françaises. Mais à Hénin-Beaumont, débordé par les attaques ennemies, il doit se replier et se dirige sur Rouvroy où il consolide sa ligne de défense. Celle-ci englobe les villes de Méricourt et d’Acheville. Nouveaux combats au début du mois d’octobre, toujours dans le même secteur, sur la colline de Vimy.

 

Le 9 octobre, après quelques jours de repos, le 269ème est transporté en camions à Barlin et Aix-Noulette. Dans ses mouvements, il est associé au régiment britannique Royal Kent. Ces unités se rapprochent de Carency où une nouvelle ligne défensive est implantée : creusement de tranchées, de boyaux, souterrains ; pose de barbelés, de pieux, de mines. Le 18 décembre 1914, une offensive générale est déclenchée sur le secteur.

 

 

Le 18 décembre 1914.

 

Extrait du Journal de marche du 269ème R.I., le 18 décembre 1914 : « La préparation d’artillerie a lieu de 9h à 9h45. Mais nos obus atteignent surtout Carency, sans détruire les tranchées intermédiaires. Les fractions du 226ème, à la droite du Bataillon Béjeard ne peuvent déboucher et tombent sous le feu des mitrailleuses. Au Bataillon Béjeard, trois sections de la 17ème Compagnie et une section de la 18ème pénètrent dans la tranchée et s’y maintiennent pendant deux heures. Mais privées de toute communication avec l’arrière, elles sont l’objet d’une contre-attaque à coups de pétards et de fusils par l’intérieur du boyau et elles sont massacrées ou faites prisonnières (Lieutenants Zeller, Liévin, Raguin).

 

 

 

Le sous-lieutenant Boivin a été tué dès le début en partant à l’assaut avec une section de la 18ème qui a été décimée par une mitrailleuse. Dans Carency, le lieutenant Dunoyer, de la 23ème Compagnie, s’empare de deux petites maisons dans la direction de la Brasserie. Pertes du 18 au 21 : sous-lieutenant Boivin tué ; sous-lieutenants Zeller, Raguin ; lieutenant Liévin disparus. Tués : 9 ; blessés : 27 ; disparus : 61.

 

Le 22 décembre. Une nouvelle attaque sur Carency a été prévue ce jour-là. Dans le secteur de la 139ème Brigade. Elle doit être dirigée par le lieutenant-colonel Wurster du 226ème, disposant du 27ème Bataillon de Chasseurs Alpins, de la 3ème Compagnie du 226ème et de 2 sections du Génie. Objectif : tranchées allemandes en face des tranchées du 226ème et cimetière de Carency. L’attaque sera flanquée à gauche : par une attaque d’une Compagnie du 27ème Bataillon et d’une Compagnie du 226ème sur la sortie sud de Carency. Et par une attaque d’une Compagnie du 269ème attaquant le long de la voie ferrée.

 

Le brouillard fait remettre l’opération au lendemain. »

 

 

Voir les commentaires

Publié le 10 Septembre 2009

Naître à Ploudalmézeau.

 

Ploudalmézeau est un village de la côte nord du département du Finistère. Face à l’île Carn, baignée par la mer d’Iroise, entourée d’abers – discrets estuaires ouverts grâce à de petites rivières – la commune est fière de son histoire multimillénaire, de ses marins, de ses légendes. C’est qu’ici, comme dans toute la Bretagne, on ne plaisante pas avec le Rocher du Serpent, le Seigneur aux oreilles de cheval ou encore le Roc’h An Diaoul – Rocher du Diable. Le pays est beau, magique, attachant. La Compagnie des Indes Orientales est proche ; l’épopée des corsaires encore dans les mémoires. Au-delà de cette mer, souvent déchaînée, tout n’est que paysages lointains, aventures incroyables, conquêtes à mener, territoires à découvrir.

 

C’est en ces lieux que Jean-Louis Eozenou naît, au cœur de l’été 1921, le 26 juillet exactement. Peut-être rêve-t-il, lui aussi, d’Orient et d’aventures ? Quoi qu’il en soit, il s’engage dans un bureau de recrutement du département de la Seine dans la « Coloniale » et débarque en Indochine en 1946.

 

Les troupes coloniales.

 

 

Au commencement, c’est-à-dire sous le cardinal Richelieu, il y a les « Compagnies ordinaires de la mer » : des troupes, dépendantes du Ministère de la Marine, chargées de protéger les navires, de combattre lors des abordages. Puis, des missions d’occupation et de « pacification » leur sont confiées dans des territoires qui deviennent des colonies. De « Marine », ces compagnies se transforment peut à peu en unités terrestres.

 

A la fin du XIXème siècle, plusieurs régiments sont créés. Rapidement un distinguo est fait entre les Troupes d’Afrique (tirailleurs sénégalais, algériens, marocains, zouaves, chasseurs d’Afrique…) et les autres troupes coloniales (tirailleurs annamites, malgaches…). Mais les bases sont les mêmes : les soldats sont recrutés localement (forcés dans certaines régions) et les effectifs sont complétés par de jeunes gens de la Métropole. Cette constitution permet une vraie intégration au cœur des pays concernés, ne serait-ce que pour des questions de langues, de connaissance du terrain et des coutumes. Les officiers sont généralement européens ; il n’en pas de même des sous-officiers : les archives et documents abondent et montrent souvent des brigadiers, caporaux, sergents (…) issus des populations locales.

 

En 1900 ces troupes, qui forment une armée au même titre que l’Armée de Terre ou la Marine, passent sous l’autorité du Ministère de la Guerre. Alors, ces soldats, qui se faisaient appelés « Marsouins » ou encore « Bigors » deviennent la Troupe coloniale, donc des « coloniaux ». De nouvelles unités sont conçues tels les Goum ou les Spahis marocains, ou encore des régiments mixtes (qui portent bien leur nom) pour les territoires colonisés. Il devient évident que pour des troubles extérieurs à la nation, ces troupes sont envoyées en priorité. C’est ainsi le cas des Zouaves dans le cadre de la révolte des Boxers en Chine, en 1901.

 

Bien entendu, pendant la Première puis la Seconde Guerre mondiale, les troupes coloniales sont employées, souvent en première ligne. Pour autant, il ne faut pas imaginer que cela fut systématiquement le cas. Beaucoup d’exagérations ayant été proférées… De même, des régiments coloniaux contribuent à la reconquête du territoire national, principalement avec le général Leclerc (Régiment de Marche du Tchad, 1er et 3ème Régiment d’artillerie coloniale). Selon la formule consacrée, les soldats s’engagent pour la « durée de la guerre » et suivent Leclerc en Indochine en 1945, dans le cadre du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) dont les effectifs sont d’environ 115.000 hommes entre 1946 et 1949, avec plus de 30 % d’homme d’origine indochinoise.

 

 

Les troupes coloniales en Indochine.

 

En Indochine, sont engagés les régiments suivants :

 

– Régiments ou bataillons d’infanterie coloniale : 1er, 2ème, 5ème, 6ème, 9ème, 11ème, 16ème, 21ème, 22ème, 23ème, 43ème.
– Le Régiment d’infanterie coloniale du Maroc.
– Le Régiment de marche du Tchad.
– Bataillons de tirailleurs sénégalais : 13ème, 24ème, 26ème, 27ème, 28ème, 29ème, 30ème, 31ème, 32ème, 104ème.
– Bataillons de marche d’Afrique occidentale française : 1er et 3ème.
– Le 2ème Bataillon de marche d’Afrique centrale française.
– Bataillons de marche d’Extrême-Orient : 1er, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème.
– le Bataillon de marche indochinois.
– Les 1er et 4ème Régiment de tirailleurs tonkinois.
– Le Bataillon annamite.
– Le Bataillon des forces côtières du Tonkin.
– Les 1er et 2ème Bataillons muongs.
– Les 1er, 2ème, 3ème Bataillons thaïs.
– Bataillons de chasseurs laotiens : 1er, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème.
– Le Régiment mixte du Cambodge.
– Bataillons coloniaux de commandos parachutistes : 1er, 2ème, 3ème, 5ème, 6ème, 7ème, 10ème.
– Bataillons de parachutistes coloniaux : 1er, 2ème, 3ème, 5ème, 6ème, 7ème, 8ème, 9ème.
– Les 4ème, 10ème et 41ème Régiments d’artillerie coloniale.
– Le Régiment d’artillerie coloniale du Maroc.
– Le Groupement d’artillerie coloniale de l’Afrique occidentale française.
– Le Groupement d’artillerie coloniale de montagne du Levant.
– Le Régiment blindé colonial d’Extrime-Orient.
– Les 61ème, 71ème, et 72ème Bataillons de Génie coloniaux.
– Les 71ème et 72ème Compagnies coloniales de transmissions.
– Des compagnies coloniales de réparation automobile, de réparation du matériel, d’ouvriers du service du matériel.
– Le Groupement de commandos mixtes aéroportés.

 

 

Le Régiment mixte du Cambodge.

 

A son arrivée en Indochine, Jean-Louis Eozenou signe son engagement au sein du Régiment de marche du Cambodge, nouvellement créé. Appelé en 1947, Régiment mixte du Cambodge, cette unité est chargée du maintien de l’ordre dans une partie du pays, face aux événements qui secouent la Cochinchine voisine.

 

Jean-Louis Eozenou côtoie deux grandes figures militaires françaises, compagnons de la Libération et grands officiers de la Légion d’Honneur : Aimé Teisseire, qui en 1946, alors qu’il est commandant de compagnie, reçoit trois citations et est promu officier de la Légion d’Honneur pour services exceptionnels et, en 1947, Raymond Appert, qui est désigné commandant du régiment.


 

 

 

Les combats au Cambdoge entre 1946 et 1953.

 

 

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le pays, colonie française, est occupé par les Japonais, qui y encouragent le nationalisme, mais laisse le Gouvernement de Vichy, collaborateur, gérer l’administration centrale. Le Gouverneur général de l’Indochine, l’amiral Jean Decoux, décide de placer à la tête du Cambodge Norodom Sihanouk, prince âgé de 19 ans, dont il pense que la jeunesse en fera un allié sûr et docile.

 

En mars 1945, les Japonais réalisent un coup de force en Indochine et enferment – ou exécutent – responsables politiques et militaires français. Norodom Sihanouk en profite pour proclamer l’indépendance de son pays, appuyé en cela par l’armée du Soleil levant. Mais l’espoir de liberté se transforme rapidement en confusion quand les Cambodgiens réclament le départ des Japonais. S’y ajoute le mouvement communiste qui embrase toute la péninsule. Le général Leclerc, à la tête du CEFEO, rétabli l’ordre en prenant la capitale cambodgienne, Phnom-Penh, à la fin de l’année 1945. Norodom Sihanouk manœuvre intelligemment en se plaçant au cœur de l’échiquier politique et indiquant qu’il est à la fois le meilleur allié de la France et celui qui peut régler les conflits internes aux différentes factions cambodgiennes.

 

En 1947, la France créé, copiant le modèle du Commonwealth, l’Union française, nouveau nom de son empire colonial. Le Laos, le Cambodge, la Cochinchine, l’Annam et le Tonkin y adhèrent. 1949 apparaît comme un tournant : la France est de plus en plus prise par la guerre au Tonkin. En Chine, le pays vient de basculer sous la coupe de Mao Zedong. Le Vietminh se voit subitement, et de manière considérable, aidé par ces nouveaux alliés. De ce fait, les partisans communistes peuvent fomenter des mouvements insurrectionnels aussi bien au Laos qu’en Cochinchine ou au Cambodge. Et ils installent dans ces pays des bases arrières qui permettent l’approvisionnement des troupes massées dans le nord, c’est-à-dire au Tonkin. C’est au cours de l’un de ces accrochages que Jean-Louis Eozenou perd la vie, tué par balle, le 8 juin 1949, à Phu My Kandol.

 

De son côté, Norodom Sihanouk continue sa politique habile : en octobre 1953, le Cambodge est proclamé Etat indépendant.  Quant aux Troupes coloniales, après l’indépendance de l’ensemble des territoires de l’Indochine, et des autres colonies, elles reprennent le nom originel de Troupes de Marine et deviennent une arme de l’Armée de Terre.


Norodom Sihanouk
(1922 - 2012)

 

Voir les commentaires

Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 3 Septembre 2009

Le 3 septembre 1939, à 15h, la France se déclare en guerre contre l’Allemagne. Trois heures plus tôt, la Grande-Bretagne, dans le cadre de son alliance avec notre pays, a fait de même. Deux jours auparavant, sans déclaration de guerre, et après tant et tant de provocations et de coups de force, les chars de l’Allemagne nazie sont entrés en Pologne. Ainsi commence le Second conflit mondial qui s’achèvera cinq ans plus tard, par l’armistice du 8 mai 1945 et la capitulation japonaise quatre mois plus tard. Entre temps, 50 millions de personnes auront perdu la vie et l’inimaginable se sera produit : la shoah.

 

Retrouvez les personnages et les lieux de la Seconde Guerre mondiale dans l’album éponyme.



Voir les commentaires