Publié le 23 Mai 2008


Napoléon III et Bismark, le 2 septembre à Donchery, entrevue après la bataille de Sedan.

 

 

 

Alors que Guillaume Ier de Hohenzollern, régent de Prusse depuis 1861 en raison de la maladie mentale de Frédéric-Guillaume IV, remporte une victoire décisive sur les Autrichiens à Sadowa le 3 juillet 1866, en France, après la chute de la monarchie orléaniste de Louis-Philippe, la Deuxième République est proclamée et son premier président est Louis-Napoléon Bonaparte. 

Le neveu de Napoléon 1er est élu en décembre 1848. Cette république n’accorde que peu de pouvoirs à son représentant. Dans le but de diviser ses opposants, de mener librement la politique qu’il pense correcte pour le pays et d’accroître son prestige personnel, Louis-Napoléon Bonaparte provoque un coup d’Etat le 2 décembre 1851. Un an plus tard, jour pour jour, il est proclamé Empereur des Français.

Les craintes françaises d’une hégémonie allemande se trouvent rapidement validées par le désir de Bismarck, ministre-président de Prusse, de renforcer l’unité des Etats d’Allemagne du Sud (Bavière, Bade, Wurtemberg et Hesse) dans une grande épreuve nationale. En 1870, la candidature au trône d’Espagne du prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen provoque une crise. Il n’est pas question que la France se trouve au nord, à l’est et au sud, entourée d’Etats pro-allemands. A l’occasion d’une rencontre entre la France (représentée par son ambassadeur Benedetti) et la Prusse, dans la ville d’eau d’Ems, Guillaume Ier accepte que le prince retire sa candidature. Mais  Napoléon III veut plus et exige des garanties à cette renonciation. Ce qu’il finit par obtenir. Malheureusement, Bismarck publie un compte-rendu de cette réunion, mais avec une traduction pro-prussienne : l’attitude « arrogante » de l’Empire français est brocardée.

Piqué au vif, l’empereur, plutôt d’abord hostile à un conflit, est vite débordé par un entourage et un parlement favorables à l’ouverture des hostilités. Napoléon III déclare la guerre à Guillaume Ier le 19 juillet 1870. A sa grande surprise, l’empereur français découvre que les Etats de l’Allemagne du sud se rangent du côté de la Prusse, dans une sorte d’enthousiasme guerrier, contre l’ennemi héréditaire.

Les armées françaises sont portées rapidement aux frontières grâce au chemin de fer, issu de l’extraordinaire développement industriel voulu par l’empereur. Ces armées, qui n’ont connu que des guerres de conquêtes coloniales, sont impréparées à un conflit européen, face à un adversaire riche d’un enseignement sur les guerres modernes, recueilli par des observateurs militaires envoyés étudier les nouvelles techniques et notamment celles employées au cours de la Guerre de Sécession en Amérique : évolutions de l’armement, les obus, les canons, le chargement par la culasse, les premières armes à répétition. Un enseignement qui manque aux troupes françaises dont le commandement est l’héritier des stratégies du 1er Empire.

L’offensive victorieuse prussienne est menée par Von Moltke (que l’on retrouvera en 1914 à la tête de l’Armée allemande) et l’on voit l’Armée française s’effondrer en quelques jours en dépit de violents combats, comme à Gravelotte, et une résistance acharnée de plusieurs unités. Il est vrai que dans le même temps des armées entières se laissent enfermer dans des places fortes, sans munitions et sans ravitaillements. Ces armées finissent par capituler, comme celle du général Bazaine à Metz, et l’empereur lui-même qui s’est retranché avec Mac Mahon dans Sedan.

Le 4 septembre 1870, la IIIème République est proclamée sur l’initiative de Léon Gambetta et commence le siège de Paris, qui dure tout l’hiver. Retranchés derrière leurs « fortifs » les Parisiens connaissent misère et famine, mangeant les chevaux, les chiens jusqu’aux animaux du Jardin des Plantes. Sur les étals des bouchers sont vendus chats et rats.

Le 8 février 1871, les élections donnent la majorité aux conservateurs favorables à la cessation de la guerre. Adolphe Thiers ouvre les préliminaires de paix à Versailles. La France perd l’Alsace et la Lorraine, et doit payer 5 milliards de francs or d’indemnités. En gage, l’est de la France est entièrement occupé. Il le sera jusqu’en 1873.

Le 1er mars 1871, les Prussiens entrent dans Paris. 

***

« C’était un soir à la bataille de Reichshoffen

Il fallait voir les cuirassiers charger ».

Dans le nord de l’Alsace, il ne subsiste que très peu de souvenirs du Second empire. Le long de tous les petits chemins de campagne, l’un des rares témoignages de l’époque a survécu. Il s’agit des « bancs de l’impératrice Eugénie ». Ces curieux bancs de grès rouge, surmontés d’un linteau, avaient été créés pour que les paysannes alsaciennes, qui allaient vendre leurs produits aux marchés, puissent s’asseoir un instant avant de reprendre leur route. C’est en suivant ces bancs que j’arrivai dans une petite bourgade du nom de Woerth, se situant entre Haguenau et Wissembourg. Intrigué par le nom du restaurant – « Le Restaurant du Musée » - alors qu’aucun musée n’existait à trente kilomètres à la ronde, je pénétrai les lieux. Plus qu’une traditionnelle auberge alsacienne, je me trouvai dans une grande salle décorée de panoplies et d’équipements militaires français et allemands de la Guerre franco-prussienne. Il y avait aussi des mannequins aux visages de cire, datant certainement de la fin du 19ème siècle. Etaient représentés des zouaves, un turco, un fantassin allemand. Des chasseurs d’Afrique côtoyaient des Uhlans. Et là, juste devant moi, était placé un uniforme de cuirassiers. Les rayons du soleil se reflétaient dans la cuirasse, donnant une flamboyance, une grandeur, à ce dernier mannequin. Je ne savais pas encore que j’avais face à moi l’uniforme de l’un de ces héroïques cavaliers qui chargèrent à Reichshoffen.

Le patron du restaurant, devant ma curiosité, se fit un devoir de me citer chaque unité à laquelle appartenaient les uniformes exposés. Cette collection avait été réalisée par son grand-père, réquisitionné pour enlever les morts. Au lendemain de la charge fameuse, le 6 août 1870, le brave homme avait fait ce que le vainqueur lui commandait et il en profita pour récupérer ce qui pouvait l’être. D’ailleurs, la bataille s’était plutôt déroulée sur la commune de Froeschwiller, Reichshoffen étant le bureau de poste d’où partirent les messages communiquant le résultat de l’attaque.

En tant que passionné par l’Histoire et ancien militaire, je fis tout de même remarquer au patron que son grand-père avait dépouillé des morts de leurs uniformes pour se constituer cette collection. Gêné, l’homme me répondit que l’aïeul avait en fait récupéré les vêtements et les armes dans des bagages laissés à l’abandon. J’acceptai cette explication. Finalement, le Devoir de Mémoire passait peut-être aussi par de tels chemins, même si j’imaginai mal les zouaves ou les prussiens s’encombrer de malles de vêtements ou de cartons à chapeaux sur un champ de bataille.

Tous ces guerriers étaient maintenant figés dans leurs uniformes raidis. Une restauration archaïque avait été réalisée : les tissus avaient été repeints pour leur redonner l’éclat de leurs couleurs. L’empâtement des peintures et les poussières agglutinées leur conféraient une allure de statues aux visages de cire déformés par le temps.

Aujourd’hui, ce restaurant est fermé. Le propriétaire a fait don de sa collection à la ville de Woerth, qui l’expose dans les salles du château. La plupart des pièces ont été restaurées – correctement – et quelques-unes, laissées en l’état témoignent de ce que je vis.

Autour de ce village alsacien, il n’est pas rare de trouver, enfouie sous des ronces, une stèle rappelant qu’en ce chemin, ou ce champ, est tombé un cuirassier ou un Major du 3ème Zouave. Pendant longtemps, les vestiges de la Guerre franco-prussienne ont été soit cachés, soit bousculés puis ensevelis par l’agriculture ou les événements qui ont suivi. Celles qui restent témoignent à jamais qu’en 1870, en ces lieux, s’écrivit un fait d’armes qui n’était plus connu que par une comptine : « C’était un soir à la bataille de Reichshoffen ».

 

*Thierry Gandolfo, ancien sous-officier au 32ème régiment d’Artillerie, est conservateur du cimetière d’Issy-les-Moulineaux et trésorier du Comité local du Souvenir Français.

 

 

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Rédigé par Frédéric-Edmond RIGNAULT

Publié dans #1870-1871

Publié le 15 Mai 2008

Le jeudi 8 mai 2008, comme dans toutes les communes de France, Issy-les-Moulineaux a célébré l’armistice de la Seconde Guerre mondiale. Mais la date réelle était-elle le 7 ou le 8 mai 1945 ?

Le 30 avril 1945, Adolf Hitler se suicide dans son bunker de Berlin. Il est accompagné dans sa mort par son épouse, Eva Braun et toute la famille Goebbels. Sur tous les fronts, l’Allemagne nazie est anéantie. Les combats ont lieu dans la capitale même du Reich. Il convient au successeur désigné par Hitler, l’amiral Doenitz de demander un armistice sans conditions aux puissances alliées. Pour se faire, il envoie le chef d’Etat-major de la Wehrmacht, Alfred Jodl, à Reims, au quartier général des forces alliées du général Dwight Eisenhower, où la capitulation est signée le 7 mai (les locaux ont été installés dans le grand bâtiment de briques rouges de l’Ecole professionnelle de Reims). Sont signataires : le général Walter Bodell Smith, chef d’Etat-major d’Eisenhower, le général soviétique Ivan Sousloparov. Le général français François Sevez, chef d’Etat-major du général de Gaulle est convié comme simple témoin.

Mais Staline veut plus. Pour lui, la capitulation allemande doit être signée à Berlin, au cœur même du IIIème Reich, qui se trouve être également occupée par les troupes de l’Armée rouge. Les Alliés vont se plier à la demande russe et la capitulation est de nouveau signée le 8 mai à Berlin. Une différence notable intervient : convaincu par de Gaulle, qui explique que la Seconde Guerre mondiale n’est que la suite d’un conflit qui a commencé en 1914, Churchill accepte la présence des Français à la cérémonie de signature.

Les signataires sont cette fois-ci : le Soviétique Joukov, l’Américain Spaatz, l’Anglais Tedder, le général français Jean de Lattre de Tassigny, chef de la 1ère Armée, et le maréchal allemand Keitel. Mais la présence française ne va pas sans remarques de la part des Alliés comme des ennemis. Ainsi, à la demande de Lattre de Tassigny de voir figurer un drapeau de la France à côté du drapeau britannique, celui-ci se fait vertement remettre à sa place par un délégué anglais qui lui dit : « Et pourquoi pas le drapeau chinois ? ». Plus tard, le maréchal allemand Keitel apercevant le même général de Lattre s’exclame : « Ah ! Il y a aussi les Français. Il ne manquait plus que cela ! ».




Le maréchal Keitel, à Berlin, le 8 mai 1945, entouré des représentants de la Wehrmacht (document ECPAD).

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Publié le 15 Mai 2008



 

Comme chaque année, la municipalité d'Issy-les-Moulineaux a commémoré l'armistice du 8 mai 1945, mettant fin à la Seconde Guerre mondiale. La cérémonie a été suivie d'un défilé des unités parrainées par la ville : Régiment de Marche du Tchad et Régiment de la Garde républicaine. Des représentants du navire Andromède étaient également présents, de même que des réservistes de la Marine nationale. Retrouvez toutes les photographies de cette commémoration dans l'album intitulé : "8 Mai 2008 à Issy".

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Publié le 10 Mai 2008

 

Le 13 mars 1954, en un éclair, une pluie d’obus s’abat sur le camp retranché de Diên Biên Phù. Stupeur au sein de l’Etat-major. Le colonel Piroth, de l’artillerie coloniale, qui avait juré qu’aucun obus ennemi ne tomberait sur le camp, se suicide. Le moral des troupes françaises s’effondre. En quelques heures, les troupes coloniales tenant les collines Béatrice, Gabrielle et Anne-Marie sont anéanties. Trois jours plus tard, Bigeard et ses paras sautent à nouveau sur le camp et prennent appui sur Eliane, une des collines principales. Pendant quinze jours encore, le ravitaillement aérien est possible. Le 28 mars, un Dakota se pose. A son bord se trouve Geneviève de Galard, convoyeuse de blessés. L’avion est touché au moment de l’atterrissage. Il ne peut repartir. Geneviève de Galard : « Je rejoins l’infirmerie. Elle est remplie de blessés. Nous faisons comme nous pouvons pour maintenir les conditions d’hygiène, en tapissant les murs de la salle d’opération de draps blancs. Mais nous sommes vite dépassés. Partout se trouvent des blessés. Dans certaines salles, par manque de place et de moyens, nous creusons des lits à même le sol et nous enveloppons les hommes dans des parachutes. Cela donne un air lugubre de catacombes à notre hôpital ». 

Les offensives vietnamiennes des 13 et 31 mars sont repoussées. Le général Giap a perdu plus de 15.000 hommes. Mais il sait que bientôt s’ouvre la conférence de Genève. Il décide de jouer son va-tout et engage 25.000 hommes supplémentaires dans la bataille. Les Français ne croient plus en la victoire. Partout ils sont débordés. Ils arrêtent un assaut et tuent des centaines d’hommes. Quelques instants plus tard, les ennemis sont aussi nombreux. Et les munitions viennent à manquer. Cela n’empêche pas des actions héroïques, comme celle du capitaine Jean Pouget, qui saute avec ses hommes sur Diên Biên Phù fin avril 1954, alors que l’issue fatale est connue. La colline Eliane tombe le 6 mai. Bigeard : « Nous n’avons plus de munitions. C’est la fin. Je mets mon béret. J’ajuste ma veste. J’attends ». Le Groupement Opérationnel du Nord Ouest (GONO) refuse de hisser le drapeau blanc mais cesse le feu. 

Diên Biên Phù représente pour le Vietminh une victoire sans précédent, mais au prix de plus de 25.000 morts et, environ, 12.500 blessés. Du côté français, sur près de 15.000 hommes présents, on dénombre 2.293 morts et 5.195 blessés. Les prisonniers sont aussitôt regroupés.

En 2004, un ancien combattant de Dijon, Pierre Chérier s’est confié au journal local le Bien Public : « On voyait le drapeau Vietnamien se hisser sur les collines à chaque fois qu'ils prenaient un nouveau poste. On reprenait du terrain, ils contre-attaquaient. Ça a duré 56 jours. Et ils se rapprochaient sans cesse. A la fin, ils étaient à 300 mètres. On sortait la tête de la tranchée, ils tiraient. Et le 7 mai au matin, on nous a donné l'ordre de détruire nos archives, notre matériel radio et de neutraliser nos armes. C'était fini. Ce jour-là, vers 17 heures, j'ai vu des Vietnamiens courir sur un pont, à quelques dizaines de mètres du PC. J'ai couru donner l'alerte. J'étais à peine revenu qu'un Vietnamien plus jeune que moi me braquait avec son fusil. J'étais prisonnier. Mais je pensais, comme l'immense majorité de mes camarades, que 10 000 prisonniers, c'était beaucoup trop pour eux, que cela ne durerait pas. »

Et pourtant. La longue colonne des prisonniers est formée. Elle a pour direction les camps de redressement du Vietminh à plus 700 kilomètres de Diên Biên Phù. Pierre Chérier : « On marchait de nuit, pieds nus parce que les Vietnamiens nous avaient volé nos chaussures. On partait vers 17 heures, et on marchait jusqu'à une heure du matin. On avait droit à 300 g de riz par jour et par homme. Nous étions en état de survie. A la halte, il fallait faire cuire le riz. On se débrouillait pour trouver de l'eau, trouver du bois, faire des feux, et on cuisait dans nos casques. La journée, on buvait quand on trouvait un ruisseau, une cascade, une mare, un suintement. Nombreux sont ceux qui sont morts sur le bord de la route, de dysenterie, d'épuisement.

Finalement, je me suis retrouvé au Camp 73. Nous devions assister chaque soir, à la nuit tombée, à des séances de rééducation. Le lavage de cerveau communiste de base. Séances d'autocritique, séances de délation. On nous faisait chanter l'Internationale, et ça se finissait toujours par la répartition du travail. Qui irait chercher le riz, le bois. Le régime était le même que sur la route : 300 g. de riz par jour et par homme, avec de temps en temps un poulet. Mais un poulet pour 100 personnes ! Et une fois par semaine du gras de porc. 4 ou 5 hommes mouraient chaque jour de dysenterie, de malnutrition, de fatigue, de manque de soins. Il n'y avait aucun médicament. Les malades, on les emmenait directement à la morgue quand ils étaient trop faibles. Ils gisaient là sur des bas-flancs en attendant la mort. On les enterrait à quatre par tombe, tête-bêche. C'était vraiment très très difficile.»

Le 21 juillet 1954, à la suite de la conférence de Genève, l’armistice est signé. Pierre Chérier : « On nous l'a annoncé le lendemain. Et on a été libérés le 28 août. Mais jusqu'au bout, les commissaires politiques ont continué leur travail : ils nous disaient que la France ne voulait plus de nous, que personne ne viendrait nous chercher. Je rassurais les copains en leur disant que c'était du flanc. »

Sur les 10 000 prisonniers du 7 mai 1954, seuls 3 200 ont survécu à l'enfer des camps communistes. Et Pierre Dupont, isséen, n’a pas eu cette chance. Brigadier au Centre d’Instruction de l’Artillerie du Nord Vietnam, il est mort le 31 juillet 1954 au Camp 73. Il avait 22 ans.

 

 

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Rédigé par Frédéric-Edmond RIGNAULT

Publié dans #Indochine

Publié le 7 Mai 2008

 

Le 7 mai 1954, la France perdait la bataille de Diên Biên Phù. Cet échec allait marquer la fin de notre présence au Tonkin et de l’Indochine, « perle » de l’empire colonial. 

Novembre 1953. Depuis sept ans, depuis le bombardement du grand port du Tonkin, Haiphong, par la flotte de l’amiral Thierry d’Argenlieu en 1946, la France est en guerre contre les forces communistes du Vietminh. Il est généralement admis que la Guerre d’Indochine a commencé à ce moment-là. 

Mais en fait, les germes sont à rechercher un an plus tôt. Le 9 mars 1945, les Japonais attaquent les garnisons françaises d’Indochine. Rapidement débordées, nos forces se rendent et sont humiliées par l’envahisseur. Les Vietnamiens comprennent alors que les colons ne sont plus invincibles. Quelques mois plus tard, se sachant perdus, les Japonais quittent le Vietnam, non sans appuyer les mouvements sécessionnistes de l’Empire colonial. Le 2 septembre 1945, la République démocratique du Vietnam est proclamée à Hanoi par Ho Chi Minh, en présence de Bao Dai, dernier empereur sous administration coloniale. La France ne peut laisser faire sans réagir. D’où, après moult provocations des partisans du Vietminh, le bombardement d’Haiphong. 

Depuis cette date, la France est aux prises avec les forces communistes du Vietminh et plusieurs chefs militaires français de grand renom comme les généraux Leclerc et de Lattre de Tassigny n’ont rien pu faire pour arrêter l’expansion des soldats de Giap, chef militaire de ce même Vietminh. 

En novembre 1953, l’Opération Castor est décidée. Il s’agit de réoccuper les bâtiments d’une ancienne garnison japonaise dans le village reculé de Diên Biên Phù, à l’ouest du Tonkin, proche de la frontière du Laos. Le but étant d’attirer en cet endroit un maximum de forces du Vietminh et de les battre. Il s’agit également de fermer la frontière avec le Laos. Les gouvernements indochinois officiels semblent être de moins en moins sûrs pour la France. Il s’agit de l’empereur Bao Dai pour le Vietnam (revenu au pouvoir grâce à notre administration) et de Sihanouk au Cambodge. Seul, le prince Souvana Phouma, du Laos, a fait allégeance à la France. L’objectif est donc de prendre la cuvette de Diên Biên Phù, longue de 16 km, et d’en faire un point d’appui. Mission est donnée aux commandants Bigeard (6ème BCP) et Bréchignac (2/1er RCP) de sauter et prendre le village. Le général Bigeard : « Les hommes de Bréchignac et les miens, nous sautons. Ce n’est pas facile, il y a du vent. Nous voilà mélangés aux Viets. Ça tire de partout. Mais finalement on s’en sort. Tout le monde se regroupe et nous prenons le village de Diên Biên Phù. De notre côté, nous avons eu environ vingt paras tués, contre plus d’une centaine de Viets ». 

En globalité l’Etat-major français est persuadé de la bonne position des troupes françaises. Le Vietminh ne pourra pas attaquer le Laos et va venir s’empaler sur nos défenses. Si certains font remarquer que la position se trouve au creux d’une cuvette, entourée de collines d’environ 700 mètres de hauteur, ce qui permet des tirs tendus d’artillerie, l’évocation est vite reprise par le colonel Piroth, responsable de l’artillerie qui s’est engagé : « Jamais les Bodoïs ne pourront monter des canons à dos d’hommes et les placer sur les collines ». Le responsable du dispositif, le colonel Christian de Castries est également de cet avis. « C’était une vue de l’esprit. On ne connaissait pas l’embrigadement des soldats du Vietminh. Et tenir une vallée n’empêche personne de passer » répond aujourd’hui le général Bigeard. A partir de la fin du mois de novembre 1953, des avions en provenance d’Hanoi acheminent hommes et matériels. 

Le général en chef du Vietminh, le général Giap, est d’accord avec les Français sur un point : il faut que la bataille finale s’engage. Pour la France, s’il s’agit d’annihiler une fois pour toutes les forces communistes ; pour elles, il convient de battre la puissance coloniale pour placer le Vietnam aux conférences de Berlin (janvier 1954) et de Genève (mai 1954) dans les meilleures conditions qui soient. 

Entre les mois de janvier et mars 1954, Giap lance une offensive générale. Mais elle ne se transforme pas en une attaque éclair. 75.000 hommes du Vietminh, grâce à 20.000 vélos, des camions prêtés par la Chine et des armes soviétiques, s’approchent du camp retranché de Diên Biên Phù. Ils creusent des centaines de kilomètres de galeries, de tunnels. Ils démontent les pièces d’artillerie, les installent sur des mulets et les enfouissent dans des galeries placées à flanc de colline. Ainsi, le canon peut être sorti, tirer et être aussitôt rentré dans sa cachette ("les Gueules du Crapaud" selon les soldats du Vietminh).

En 1991, au micro de France Inter, dans Indochine 1946-1954 : histoire d’une guerre oubliée, une émission de Patrice Gélinet, le colonel vietnamien Le Kim expliquait l’approche de Diên Biên Phù : « Nous voyons que le sol est très fertile. Très facile à creuser. Et les Vietnamiens sont un peuple de terrassiers. Alors, nos hommes s’équipent de pioches et de pelles. Ils creusent. Partout. Il s’agit d’acheminer les munitions et l’artillerie au plus près du camp afin de détruire la piste d’aviation et la forteresse ».

 

 

 

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Rédigé par Frédéric-Edmond RIGNAULT

Publié dans #Indochine

Publié le 6 Mai 2008

 

 

Le jeudi 8 mai 2008 au matin, le Comité d’Issy-les-Moulineaux du Souvenir Français procédera à la quête du Bleuet de France (esplanade de la mairie).

 

 

L’origine du Bleuet de France remonte à 1916, quand deux infirmières, Suzanne Lenhardt et Charlotte Malleterre, décident de palier à la souffrance de combattants en leur faisant confectionner des bleuets en tissu pour les vendre. Le but étant également de procurer des ressources à ces mêmes blessés. Cette fleur est choisie car les uniformes étant « bleu horizon », les jeunes appelés sont surnommés les « bleuets ». Une telle pratique existe également en Angleterre mais la fleur est le coquelicot. Lors de la terrible offensive de la Somme en juillet 1916, plus importante opération militaire anglaise sur le continent, cette fleur se trouvait en grande quantité dans les champs de Picardie.

Après la Première Guerre mondiale, l’action devient nationale, et les deux infirmières créent un atelier de confection de l’emblème aux Invalides. A la quête du 11 novembre s’ajoute, en 1957, celle du 8 mai.


Frédéric Rignault, secrétaire du Souvenir Français à Issy-les-Moulineaux avec le général Roland Glavany, président d'honneur de ce même comité.

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