Une famille au service de la Patrie.
Octave Meynier nait le 22 février 1874, à Saint-Yrieix-la-Perche, dans le Limousin. Son père est le lieutenant-colonel François Meynier (1822-1905), officier dans l’armée dite La Coloniale. Chef de poste à Gorée (au large du Sénégal), il est chargé en 1858 de l’administration du territoire de Dakar. Il prendra sa retraite militaire en 1871 et s’installera sur ses terres des Pyrénées à Tarbes.
Donc, père d’Octave et aussi d’Albert, professeur et historien, puis grand-père du géographe André Meynier, titulaire de la chaire de géographie de l’université de Rennes pendant 35 ans.
Octave Meynier se dirige naturellement vers la carrière des armes. Le 26 octobre 1893 il s’engage pour trois ans, en tant que volontaire. Cinq jours plus tard, il rejoint l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, dont il sort deux années plus tard, avec le grade de sous-lieutenant. Il est nommé au 4e régiment d’infanterie de marine. Quelques mois plus tard, il rejoint le régiment de tirailleurs soudanais, en obtenant sa mutation au Soudan français (aujourd’hui Mali). Il a été désigné pour être l’adjoint du lieutenant-colonel Klobb pour l’exécution d’une enquête sur la mission Voulet-Chanoine.
Les officiers de la Mission Voulet-Chanoine.
La mission Voulet-Chanoine.
En juillet 1898, le secrétaire d’Etat aux Colonies, André Lebon, décide d’envoyer une colonne militaire au Tchad, par le Sénégal et le fleuve Niger. Il nomme l’expédition « Mission Afrique Centrale – Tchad ». Dans le cadre de la concurrence entre les puissances européennes pour se tailler un empire colonial, il s’agit pour la République française de devancer l’Empire britannique !
La mission est confiée aux capitaines Voulet et Chanoine. Ils sont connus. Voilà des années qu’ils se battent pour le pays en Afrique. Ils ont apportés le Burkina Faso à la France ; Voulet a d’ailleurs pris Ouagadougou. Le but est naturellement d’agrandir et de consolider les conquêtes françaises en Afrique noire (ce qui deviendra bientôt l’Afrique Occidentale Française et l’Afrique Equatoriale Française). La mission doit aussi s’accompagner de signatures de traités d’amitiés avec les peuples rencontrés. Enfin, il s’agit d’opérer la jonction avec la mission Foureau-Lamy (le premier étant géographe ; le second commandant dans la Coloniale) partie d’Algérie et avec la mission Gentil, partie du Moyen-Congo (Congo Brazzaville) et dirigée par l’officier de marine Emile Gentil.
Mais rien ne se passe comme prévu ! Certes des combats ont lieu. Ils étaient prévus, « nécessaires » disent même les officiers. Mais certainement pas au point de massacrer tous les villages qui refusent de se soumettre ou qui mettent trop de temps à ravitailler la colonne. Ce qui n’est pas simple : ladite colonne est composée de plus de 600 soldats, de 800 porteurs et de près de 600 femmes ! Peu à peu une résistance africaine s’organise : dans les villages de Lougou et de Tongana, les guerriers commandés par la Sarraounia (reine et sorcière) arrivent à retarder la colonne. Voulet et Chanoine perdent quatre soldats, six autres sont blessés. Pis, ils ont dépensé plus de 7.000 cartouches ! Par vengeance, les soldats se dirigent vers la ville de Birni N’Konni et massacrent une grande partie de ses habitants. Des atrocités sont commises : des soldats racontent qu’ils ont vu des fillettes pendues aux branches des arbres…
Ces massacres finissent par se savoir en haut lieu, à Paris. Il est temps pour le ministre des Colonies, Antoine Guillain, d’arrêter cette folie : il nomme le lieutenant-colonel Klobb (qui nomme Meynier) pour aller au plus vite au Soudant français et faire stopper la « colonne infernale ».
Klobb emmène donc le lieutenant Octave Meynier à la poursuite des capitaines Voulet et Chanoine. Jean-François Klobb est né à Ribeauvillé dans le Haut-Rhin. Fils de notaire, il est l’archétype du militaire colonial du 19e siècle : artilleur de marine, il fait ses classes à Cherbourg puis est envoyé en Guyane où il reste de nombreuses années. Officier de la Légion d’honneur, il s’est fait brillamment remarqué au point d’être « celui » qui est désigné par l’Etat-major de l’armée pour arrêter la colonne Voulet-Chanoine.
La poursuite s’engage dès l’arrivée en Algérie. Celle-ci va durer plus de 2.000 kilomètres. Tout au long du parcours, Klobb et Meynier découvrent les horreurs pratiquées par les deux capitaines. Enfin, la jonction est faite. Nous sommes le 14 juillet 1889 à Dankori. Voulet et Chanoine placent leurs hommes en position de tir. Klobb leur demande de renoncer à leur folie et de se rendre sous la bannière française. Les capitaines refusent et ouvrent le feu : Klobb est tué sur le coup. Comme cela est arrivé parfois pour des prises de régions dans l’Afrique coloniale, ou par ambitions personnelles, les soldats français se battent entre eux ! D’ailleurs, Voulet et Chanoine parlent ouvertement de se tailler un empire personnel au cœur du Tchad ! Leur ambition est de courte durée : deux jours plus tard, leurs tirailleurs se mutinent et abattent les deux capitaines. Ces derniers sont enterrés à Maijirgui, au Niger.
La mission doit néanmoins continuer. Renommée Joalland-Meynier (capitaine Joalland et lieutenant Meynier), elle poursuit le but initial et finit par se porter au-devant des missions Gentil (du fleuve Congo au lac Tchad) et Foureau-Lamy (traversée du Sahara pour arriver au centre du Tchad). Il est le premier officier français à atteindre le lac Tchad. La mission se termine le 18 février 1900. Le Tchad devient protectorat français.
La mort du lieutenant-colonel Klobb.
Le 27 décembre 1900, Octave Meynier est nommé au grade de capitaine. Il intègre l’Etat-major particulier du corps d’armée des troupes coloniales.
Après un passage à l’Ecole de Guerre entre 1905 et 1907 (d’où il sort 35e sur 84 avec la mention « bien » à l’examen de sortie), il rejoint le Territoire militaire du Niger puis est placé à la disposition du Gouvernement de l’Algérie.
Nommé commandant militaire du territoire des oasis, à Ouargla, en Algérie, il commence, l’année suivante, à mettre au point un programme de modernisation de l’Afrique par la construction de routes. Il est alors chef de bataillon.
Première Guerre mondiale.
Rappelé en métropole avec son régiment, le lieutenant-colonel Meynier participe à plusieurs batailles. Il est nommé au commandement du 1er régiment de tirailleurs algériens sur le front de Verdun. C’est là qu’il est blessé grièvement, pour la deuxième fois (la première c’était en Afrique au moment de l’affaire Voulet-Chanoine). Il a le poignet gauche arraché par une grenade. Il doit être amputé.
Extrait du Journal Officiel du 16 juin 1918 : « Officier supérieur extrêmement méritant, chef de corps distingué qui a donné par l’exemple d’une activité inlassable une rigoureuse impulsion à son régiment. Quelques instants avant une attaque, a été grièvement blessé en parcourant les premières lignes pour s’assurer que tout le monde était bien à sa place, et surtout pour exalter la bravoure et le courage de ses tirailleurs. Transporté au poste de secours, surmontant la douleur, souriant à tous, a, dans le calme le plus impressionnant, donné ses instructions pour le passage du commandement en recommandant avec insistance de ne songer qu’à l’assaut, et d’y aller résolument. Deux blessures et une citation antérieure ».
Remis de ses blessures, le LCL Meynier fait un passage au 124e RI puis dirige une mission militaire en Autriche en 1919. Colonel en 1921, au 78e RI, il rejoint en 1923 le 520e régiment des chars de combat avant d’aboutir au 9e régiment de zouaves, alors en garnison à Alger. Par décret du 17 février 1927, Octave Meynier est nommé au grade de général de brigade, puis est admis à la retraite pour raison de santé.
En 1930, il organise le rallye automobile Méditerranée – Niger sur des routes et des pistes nouvellement modernisées. Membre fondateur de « l’Association des Amis du Sahara » l’année suivante, il continue d’œuvrer pour la présence française en Afrique. Il voit dans le rallye automobile le « moyen immédiat de mettre en contact sympathique les peuples méditerranéens avec ceux de l’Afrique et de rendre plus faciles les liaisons terrestres entre eux ». De fait, en 1950, il organise le premier rallye automobile transafricain : Méditerranée – Le Cap.
Le général Octave Meynier meurt à Alger le 31 mai 1961. Au même moment, non loin de là, après avoir maté le « putsch des généraux », le général de Gaulle vient de s’attribuer les pleins pouvoirs et organise la première conférence d’Evian. Une année plus tard, l’Algérie sera indépendante.
Publications.
Alors à la retraite, le général Meynier publie plusieurs ouvrages, parmi lesquels il convient de citer :
- Les conquérants du Tchad, Flammarion, Paris, 1923.
- À propos du chemin transsaharien, tactique saharienne et engins modernes, Berger-Levrault, Paris, 1924.
- Guide pratique du tourisme au Sahara, Société d'éditions géographiques, maritimes et coloniales, Paris, 1931.
- Mission Joalland-Meynier, Éditions de l'Empire français, Paris, 1947, 191 p.
- « Note sur le rôle des rallyes de la Méditerranée au Cap dans l'histoire des communications inter-africaines », dans Revue Africaine, no 99 (1955).
Décorations.
Titulaire des décorations suivantes :
- Grand-officier de la Légion d’honneur.
- Médaille coloniale avec les agrafes « Sénégal », « Soudan », « Centre africain ».
- Commandeur du Mérite saharien, rang du 1er juillet 1958.
Sources :
- Encyclopédie Larousse en ligne : www.larousse.fr
- Encyclopédie Wikipédia.
- Service d’Information et de Relations Publique de l’Armée de terre (SIRPA Terre).
- Division communication et information de la Légion étrangère.
- L’armée d’Afrique, Collectif, Ed. Lavauzelle, 1980.
- Site www.legion-etrangere.com du Ministère de la Défense.
- Livret militaire obtenu grâce aux éléments indiqués par la famille du général Meynier sur le site « Histoire des Meynier ».
- Illustration du journal italien Corriere Illustrato.