Publié le 3 Septembre 2014
Discours de Paul Subrini, vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine, 1er maire-adjoint d’Issy-les-Moulineaux.
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
C'était il n'y a pas si longtemps, 70 ans. Nous déambulons aujourd'hui innocemment sans craindre de croiser, au détour d'une rue, une milice menaçante, d'être arrêté arbitrairement, d'être pris au milieu de tirs désordonnés. Nous nous promenons le soir sans guetter l'heure du couvre-feu, et le jour nous ne patientons pas avec angoisse dans d'interminables files d'attente, espérant obtenir quelques denrées avec nos tickets de rationnement.
Cette époque est révolue, et nous souhaitons qu'elle ne revienne jamais. Mais il n'y a pas si longtemps, 70 ans, à peine la durée d'une vie humaine, voilà quel était le quotidien des Français, des Isséennes et des Isséens. En profitant spontanément de la plénitude de notre liberté, nous en viendrions presque à oublier qu'elle est fragile, qu'elle se perd aussi bien qu'elle se gagne.
Souvenons-nous qu'à partir de 1940 et durant quatre années, l'Occupation nazie a instauré le règne de la peur et de la tyrannie. Chaque jour, les agents de ce régime infâme - soldats, miliciens, forces collaborationnistes remplissaient leur tâche avec une méticulosité diabolique : arrestations, tortures, exécutions sommaires, spoliations, déportations, et même, à l'insu de tous, l'extermination massive de millions d'hommes et de femmes.
Tant bien que mal, la population faisait son possible pour continuer à vivre dans ce climat de terreur générale, attendant des jours meilleurs, priant pour une aide qui tardait à venir. Bien sûr, des citoyens courageux se sont engagés dans la Résistance et ont créé des réseaux efficaces pour harceler et déstabiliser l'ennemi. Sans produire d'actions décisives, ils permettaient néanmoins d'entretenir la flamme d'une certaine France, celle qui ne se résignait pas, celle qui ne voulait pas abdiquer et mourir.
À Issy-les-Moulineaux, vous le savez Mesdames et Messieurs, deux groupes de résistance se sont organisés à partir de 1942 : le Mouvement de Libération Nationale, qui avait fixé son quartier général clandestin au cœur même de la Mairie ; et le groupe Francs-Tireurs et Partisans Boisredon, localisé à l'Hôpital Corentin-Celton.
Faisant honneur à leur patrie, déterminés à préserver avec leurs faibles moyens ses idéaux humanistes, ces Résistants ont agi dans l'ombre et sous la menace permanente de représailles, attendant l'élan libérateur qui devait venir d'au-delà des mers. Et il est venu, enfin, ce souffle de renouveau et d'espoir, grâce au général de Gaulle et aux unités coloniales restées fidèles à la République, grâce à l'Angleterre martyrisée et grâce aux États-Unis d'Amérique, déterminés à mobiliser leur puissance pour faire barrage aux ténèbres du nazisme. À partir de juin 1944, les forces alliées déferlent sur nos côtes, de Normandie puis, quelques semaines plus tard, de Provence. Faisant cause commune avec les populations opprimées, se mettant au service de la démocratie et de la liberté, ces soldats libèrent un à un chaque village, chaque quartier, chaque maison.
Cette année, nous commémorons le 70ème anniversaire de cette Libération et c'est le cœur empli de gratitude et d'émotion que nous rendons une fois encore hommage à ces héros. Nous ravivons dans nos mémoires les épisodes de ce moment historique important. Dans les jours qui suivent le débarquement, la panique gagne les forces d'Occupation, les troupes refluent vers I'Est. Le bruit arrive bientôt à Paris que la délivrance est proche, l'espoir renaît, la fièvre saisit la population. Gendarmes, fonctionnaires, ouvriers, s'insurgent, la grève générale est déclarée le 18 août ! À partir du 19 août, I ‘hôtel de Ville d'Issy-les-Moulineaux est officiellement occupé par la Résistance, elle qui y avait déjà installé son quartier général clandestin depuis longtemps.
Des barricades s'élèvent les jours suivants, rue Renan, rue Chénier, boulevard Rodin...pour contrecarrer la retraite des troupes nazies. Le 23 août, en fin de journée, les premiers éléments de la 2e Division blindée du général Leclerc pénètrent sur le territoire de la ville, la liberté est recouvrée. Il faudra attendre encore plusieurs mois avant que les combats ne cessent, que l'Allemagne nazie et tous ses partenaires belliqueux ne capitulent sans conditions. Encore beaucoup de morts, beaucoup de souffrance, mais lors de cet été 44, Paris et sa banlieue revivent. C'est ce retour de la liberté que nous célébrons aujourd'hui, cette liberté qui ne doit plus jamais disparaître, que nous savourons chaque jour, sans oublier à qui nous la devons.
II ne tient qu'à nous de la sauvegarder, d'être dignes des sacrifices endurés par les Libérateurs, de veiller à ce que le règne de la haine et de la peur ne connaisse pas de gloire nouvelle. 70 ans, cela semble beaucoup à l'échelle de nos vies fragiles, mais c'est une fraction de seconde dans l'histoire d'un peuple.
Au nom de la Ville d'Issy-les-Moulineaux, je remercie toutes celles et tous ceux, soldats, résistants et simples citoyens, qui participèrent à notre libération. Nous n'oublions pas leur sacrifice et leur engagement.