Publié le 26 Février 2024

Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian : discours du Président de la République et l’hommage d’Issy-les-Moulineaux.

 

Ce jour, dimanche 25 février 2024, la municipalité d’Issy-les-Moulineaux a rendu hommage à Missak et Mélinée Manouchian qui viennent d’entrer au Panthéon. Retour sur cet événement majeur pour Issy-les-Moulineaux, la communauté arménienne et la France avec le discours du Président de la République, mercredi 21 février 2024, soit 80 ans jour pour jour après l’exécution de Missak au Mont Valérien par les Allemands.

 

Emmanuel Macron, président de la République :

« Est-ce donc ainsi que les Hommes vivent ?

Des dernières heures, dans la clairière du Mont-Valérien, à cette Montagne Sainte-Geneviève, une odyssée du vingtième siècle s’achève, celle d’un destin de liberté qui, depuis Adyiaman, survivant au génocide de 1915, de famille arménienne en famille kurde, trouvant refuge au Liban avant de rejoindre la France, décide de mourir pour notre Nation qui, pourtant, avait refusé de l’adopter pleinement. 

Reconnaissance en ce jour d’un destin européen, du Caucase au Panthéon, et avec lui, de cette Internationale de la liberté et du courage. Oui, cette odyssée, celle de Manouchian et de tous ses compagnons d’armes, est aussi la nôtre, odyssée de la Liberté, et de sa part ineffaçable dans le cœur de notre Nation. Reconnaissance, en cette heure, de leur part de Résistance, six décennies après Jean Moulin.

Est-ce ainsi que les Hommes vivent ? Oui, s’ils sont libres. Libre, Missak Manouchian l’était, quand il gravissait la rue Soufflot, en fixant ce Panthéon qui l’accueille aujourd’hui. Libre, sur les bancs de la bibliothèque Sainte-Geneviève à quelques mètres d’ici, découvrant notre littérature et polissant ses idéaux. Libre avec Baudelaire, dans le vert paradis qui avait le goût de son enfance, dans une Arménie heureuse, celle des montagnes, des torrents et du soleil. Libre avec Verlaine, dont les fantômes saturniens croisaient les siens : son père, Kévork, tué les armes à la main par des soldats ottomans, sous ses yeux d’enfant, sa mère Vartouhi, morte de faim, de maladie, victimes du génocide des Arméniens, spectres qui vont hanter sa vie. 

Libre avec Rimbaud, après une saison en enfer, souvenirs partagés avec son frère Garabed. Mais voici les illuminations, les Lumières, celle qu’un instituteur de l’orphelinat, au Liban, lui enseigna. Eveil à la langue et à la culture françaises. Libre avec Victor Hugo et la légende des siècles, gloire de sa libre patrie, la France, terre d’accueil pour les misérables, vers laquelle Missak l’apatride choisit à dix-huit ans de s’embarquer, ivre, écrivait-il « d’un grand rêve de liberté ». 

Lui, Missak, « maraudeur, étranger, malhabile » pour reprendre les mots d’un autre poète, combattant qui choisit la France, Guillaume Apollinaire. Etranger, orphelin, bientôt en deuil de son frère tombé malade, et pourtant à la tâche, ouvrier chez Citroën, quai de Javel, licencié soudain, tremblant parfois de froid et de faim. 

Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Ainsi, le soir après l’usine, Missak Manouchian étudie. Ainsi, sous les rayonnages de livres, Missak Manouchian traduit les poètes français en arménien. Ainsi écrit-il lui-même. Mots de mélancolie, de privations, brûlés du froid des hivers parisiens. Mots d’espoir aussi rendus plus chauds par la fraternité des exilés, par la solidarité de la diaspora arménienne, par le foisonnement d’art et de musique, des revues et des cours en Sorbonne. 

Poète et révolté. Quand les ligues fascistes défilent en 1934 au cœur de Paris, Missak Manouchian voit revivre sous ses yeux le poison de l’ignorance et les mensonges raciaux qui précipitèrent en Arménie sa famille à la mort. 

Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Non. Alors, Missak Manouchian embrasse l’idéal communiste. Convaincu que jamais en France on n’a pu impunément séparer République et Révolution. Après 1789, après 1793, il rêve l’émancipation universelle pour les damnés de la terre. C’est ainsi que Missak Manouchian s’engage contre le fascisme, au sein de l’Internationale communiste, et bientôt à la tête d’une revue, Zangou, du nom d’une rivière d’Arménie. Espoir du Front Populaire, volonté d’entrer dans les Brigades Internationales pour l’Espagne, action militante. 

C’est ainsi que Missak Manouchian trouve l’amour : Mélinée, enfant du génocide des Arméniens comme lui ; Mélinée, protégée par l’amitié de ses logeurs, les Aznavourian, parents de Charles, dix ans alors, déjà chanteur. L’amour, malgré le dénuement, ignorer le passé, conjuguer le futur, l’amour fou. Je vous parle d’un temps que ces gens de vingt ans, Missak et Mélinée, ont tant aimé connaître. 

Libres en France, ce pays que Missak a choisi adolescent, qui lui a offert des mots pour rêver, un refuge pour se relever, une culture pour s’émanciper. Alors, Missak Manouchian hisse haut notre drapeau tricolore, lors des 150 ans de la Révolution, en 1939, quand il défile dans le stade de Montrouge. Alors, pour servir ce drapeau, Missak Manouchian demande par deux fois à devenir Français. En vain, car la France avait oublié sa vocation d’asile aux persécutés.

Alors, quand la guerre éclate, Missak Manouchian veut s’engager. Ivre de liberté, enivré de courage, enragé de défendre le pays qui lui a tout donné. « Tigre enchaîné », selon ses mots de poète, dans les prisons où le jettent la peur des étrangers, la peur des communistes, sous les miradors du camp allemand où il est détenu, en 1941, et où Mélinée vient contre tous les périls lui apporter des vivres. 

Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Oui, au prix du choix délibéré, déterminé, répété de la liberté. Car dans Paris occupé, Missak Manouchian rejoint la résistance communiste, au sein de la main d’œuvre immigrée, la MOI. Il se voulait poète, il devient soldat de l’ombre, plongé dans l’enfer d’une vie clandestine, une vie vouée à faire de Paris un enfer pour les soldats allemands. Guerre psychologique pour signifier à l’occupant que les Français n’ont rien abdiqué de leur liberté. Encore, toujours, « ivre d’un grand rêve de liberté », Missak Manouchian prend tous les risques. Lui qui aime aimer se résout à tuer. Comme ce jour de mars 1943 où il lance une grenade dans les rangs d’un détachement allemand. 

Est-ce ainsi que les hommes rêvent ? Oui, les armes à la main. Et d’autres sont là, à ses côtés, parce qu’ils sont chassés de la surface du monde et ont décidé de se battre pour le sol de la patrie. Parce que nombre d’entre eux sont Juifs, et que certains ont vu leurs proches déportés : Lebj Goldberg, Maurice Fingercweig, Marcel Rajman. Parce ce que la guerre a volé leurs écoles et leurs ateliers, dans ce Paris populaire et ouvrier où le français se mêle à l’italien ou au yiddish. Parce que les forces de haine ont volé leur passé, là-bas, en Arménie, tel Armenak Manoukian. Parce que ce sont les femmes qui veulent œuvrer pour l’avenir de l’Homme, comme Mélinée, comme la Roumaine Golda Bancic, comme tant d’autres, armes et bombes qu’elles acheminent sans soupçons, filatures qu’elles accomplissent sans trembler. Parce qu’ils sont une bande de copains, à la vie, à la mort. 

A l’âge des serments invincibles, tels Thomas Elek et Wolf Wajsbrot, une belle équipe comme sur un terrain de football, panache de Rino della Negra, jeune espoir alors du Red Star. Parce qu’ils ont vu mourir la liberté dans l’Italie de leurs parents, comme Antoine Salvadori, Cesare Luccarini, Amedeo Usseglio, Spartaco Fontano. Parce qu’ils ont vu les hommes de fer s’emparer de la Pologne et persécuter les Juifs, comme Jonas Geduldig, Salomon Schapira et Szlama Grzywacz. Parce qu’ils sont pour beaucoup des anciens des Brigades Internationales en Espagne, pays de Celestino Alfonso. Pour qui sonne le glas ?  Pour les Polonais Joseph Epstein et Stanislas Kubacki. Pour les Hongrois Joseph Boczov et Emeric Glasz, eux les experts en sabotage, aux fardeaux de dynamite. Parce qu’ils ont vingt ans, le temps d’apprendre à vivre, le temps d’apprendre à se battre. Ainsi de ces Français refusant le STO, Roger Rouxel, Roger Cloarec et Robert Witchitz. 

Parce qu’ils sont communistes, ils ne connaissent rien d’autre que la fraternité humaine, enfants de la Révolution française, guetteurs de la Révolution universelle. Ces 24 noms sont ceux-là, que simplement je cite, mais avec eux tout le cortège des FTP-MOI trop longtemps confinés dans l’oubli.

Oui, parce qu’à prononcer leurs noms sont difficiles, parce qu’ils multiplient les déraillements de train et les attaques contre les nazis, parce que ces combattants sont parvenus à exécuter un haut dignitaire du Reich, les voilà plus traqués que jamais. Dans leurs pas, marchent les inspecteurs de la préfecture de police - la police qui collabore, la police de Bousquet, de Laval, de Pétain - et l’ombre des rafles grandit. 

À l’automne 1943, devenu dirigeant militaire des FTP-MOI parisiens, Missak Manouchian le pressent : la fin approche. Pour alerter ses camarades, il se rend au rendez-vous fixé avec son supérieur Joseph Epstein, un matin de novembre. Missak Manouchian avait vu juste : lui et ses camarades sont pris, torturés, jugés dans un procès de propagande organisé par les nazis en février 1944. 

Est-ce ainsi que les hommes vivent ? S’ils sont résolument libres, oui. À la barre du tribunal, ils endossent fièrement ce dont leurs juges nazis les accablent, leurs actes, leur communisme, leur vie de Juifs, d’étrangers, insolents, tranquilles, libres. « Vous avez hérité de la nationalité française » lance Missak Manouchian aux policiers collaborateurs. « Nous, nous l’avons méritée ». 

Etrangers et nos frères pourtant, Français de préférence, Français d’espérance. Comme les pêcheurs de l’Ile de Sein, comme d’autres jeunes de seize ans, de vingt ans, de trente ans, comme les ombres des maquis de Corrèze, les combattants de Koufra ou les assiégés du Vercors. Français de naissance, Français d’espérance. Ceux qui croyaient au ciel, ceux qui n’y croyaient pas, ceux qui défendaient les Lumières et ne se dérobèrent pas. 

Est-ce ainsi que les hommes meurent ? Ce 21 février 1944, ceux-là affrontent la mort. Dans la clairière du Mont Valérien, Missak Manouchian a le cœur qui se fend. Le lendemain, c’est l’anniversaire de son mariage avec Mélinée. Ils n’auront pas d’enfants mais elle aura la vie devant elle. Il vient de tracer ses mots d’amour sur le papier, amour d’une femme jusqu’au don de l’avenir, amour de la France jusqu’au don de sa vie, amour des peuples jusqu’au don du pardon.

« Aujourd’hui, il y a du soleil ». Missak Manouchian est à ce point libre et confiant dans le genre humain qu’il n’est plus que volonté, volonté d’amour. Délié du ressentiment, affranchi du désespoir, certain que le siècle lui rendra justice comme il le fait aujourd’hui, que ses bourreaux seront défaits et que l’humanité triomphera. Car qui meurt pour la liberté universelle a toujours raison devant l’Histoire.

Est-ce ainsi que les hommes meurent ? En tout cas les Hommes libres.  En tout cas ces Français d’espérance. « Je ne suis qu’un soldat qui meurt pour la France. Je sais pourquoi je meurs et j’en suis très fier », écrira l’Espagnol Celestino Alfonso avant l’exécution. Et ce 21 février 1944, ce sont bien vingt-deux pactes de sang versé, scellés entre ces destins et la liberté de la France.

Pacte scellé par le sang du sacrifice. Un peu avant, avec la force que leur laissent les mois de torture, ils ont crié, « À bas les nazis, vive le peuple allemand ». Conduits aux poteaux, quatre par quatre, les yeux bandés sauf ceux qui le refusent, tombés, les corps déchiquetés, en six salves. Tombés, comme tombera, fusillé en avril au Mont-Valérien, Joseph Epstein, qui sous la torture ne donnera aucun nom, pas même le sien, démontrant jusqu’au bout son courage. Tombés, comme tombera, tranchée la tête de Golda Bancic, exécutée en mai à l’abri des regards dans une prison de Stuttgart. 

Tombés, ils sont tombés et leurs bourreaux voulurent les exécuter à nouveau par la calomnie de la propagande, cette Affiche Rouge qui voulait exciter les peurs et ne fortifia que l’amour. Car les vrais patriotes reconnurent dans ce rouge, le rouge du Tricolore. Rouge des premiers uniformes des soldats de Quatorze, rouge des matins de Valmy, rouge du sang versé pour la France sur lequel miroite toujours une larme de bleu, un éclat de blanc. 

C’est ainsi que les hommes, par-delà la mort, survivent. Ils débordent l’existence par la mémoire. Par les vers d’Aragon, par les chansons, celle de Léo Ferré et tant d’autres. Mémoire portée fidèlement par Arsène Tchakarian, ancien des FTP-Moi ou par Antoine Bagdikian, l’un et l’autre dévoués à honorer d’un même élan la Résistance des Arméniens et la Résistance des Juifs en France, portée par tant de passeurs inlassables.

C’est ainsi que les hommes survivent. C’est ainsi que les Grands Hommes, en France, vivent pour l’éternité. 

Entrent aujourd’hui au Panthéon vingt-quatre visages parmi ceux des FTP-MOI. Vingt-quatre visages parmi les centaines de combattants et otages, fusillés comme eux dans la clairière du Mont-Valérien, que j’ai décidé de tous reconnaître comme morts pour la France. Oui, la France de 2024 se devait d’honorer ceux qui furent vingt-quatre fois la France. Les honorer dans nos cœurs, dans notre recueillement, dans l’esprit des jeunes Français venus ici pour songer à cette autre jeunesse passée avant elle, étrangère, juive, communiste, résistante, jeunesse de France, gardienne d’une part de la noblesse du monde. 

Missak Manouchian, vous entrez ici en soldat, avec vos camarades, ceux de l’Affiche, du Mont-Valérien, avec Golda, avec Joseph et avec tous vos frères d’armes morts pour la France. Vous rejoignez avec eux les Résistants au Panthéon. L’ordre de la nuit est désormais complet. 

Missak Manouchian, vous entrez ici toujours ivre de vos rêves : l’Arménie délivrée du chagrin, l’Europe fraternelle, l’idéal communiste, la justice, la dignité, l’humanité, rêves français, rêves universels. 

Missak Manouchian, vous entrez ici avec Mélinée. En poète qui dit l’amour heureux. Amour de la Liberté malgré les prisons, la torture et la mort ; amour de la France, malgré les refus, les trahisons ; amour des Hommes, de ceux qui sont morts et de ceux qui sont à naître. 

Aujourd’hui, ce n’est plus le soleil d’hiver sur la colline ; il pleut sur Paris et la France, reconnaissante, vous accueille. Missak et Mélinée, destins d’Arménie et de France, amour enfin retrouvé. Missak, les vingt et trois, et avec eux tous les autres, enfin célébrés. L’amour et la liberté, pour l’éternité. 

Vive la République. Vive la France ».

 

 

Sources :

  • Site de la présidence de la République : www.elysee.fr
  • Archives du Souvenir Français.
  • Crédit photographique : général Jean-Claude ICHAC pour le Souvenir Français ; association des anciens combattants arméniens, ANACRA ; France 3 pour le Panthéon ; DG 92 du Souvenir Français, colonel GUY pour le Mont Valérien.
Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian : discours du Président de la République et l’hommage d’Issy-les-Moulineaux.
Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian : discours du Président de la République et l’hommage d’Issy-les-Moulineaux.
Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian : discours du Président de la République et l’hommage d’Issy-les-Moulineaux.
Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian : discours du Président de la République et l’hommage d’Issy-les-Moulineaux.
Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian : discours du Président de la République et l’hommage d’Issy-les-Moulineaux.
Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian : discours du Président de la République et l’hommage d’Issy-les-Moulineaux.
Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian : discours du Président de la République et l’hommage d’Issy-les-Moulineaux.
Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian : discours du Président de la République et l’hommage d’Issy-les-Moulineaux.
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Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian : discours du Président de la République et l’hommage d’Issy-les-Moulineaux.
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Publié le 17 Février 2024

Jean Salis, soldat de la 2e DB, mort pour la France.

Sur ce site, en avril 2017 (https://www.souvenirfrancais-issy.com/2017/04/paul-casta-de-la-2e-db-mort-pour-la-france.html), nous avions évoqué la 2e division blindée du général Leclerc, son parcours et la disparition du soldat Paul Casta, mort des suites de ses blessures le 25 août 1944 à l’hôpital aujourd’hui connu sous le nom de Corentin Celton. Son corps est enterré au cimetière d’Issy-les-Moulineaux.

Ils sont trois soldats à reposer au cimetière communal : Paul Casta donc, Mohamed Ben Abdeslem et Jean Salis.

 

Histoire de La 2e DB dans les Hauts-de-Seine.

La 2e DB est en France depuis juin 1944. Pour le commandement américain des opérations pas question de perdre du temps à libérer Paris qui n’est qu’un objectif annexe. Il faut foncer vers l’Allemagne. Le général de Gaulle arrache la décision : il convainc le général Eisenhower de ne pas lâcher Paris qui est tout à la fois un symbole et un enjeu stratégique car les Allemands constituent une menace sur les flancs des armées alliées.

Eisenhower donne finalement l’ordre à Leclerc de marcher sur Paris le 22 août 1944. La division est formée des unités suivantes : 501e régiment de chars de combat, 12e régiment de chasseurs d’Afrique, 12e régiment de cuirassiers, 1er régiment de marche de spahis marocains, régiment blindé de fusiliers-marins, régiment de marche du Tchad, 3e régiment d’artillerie coloniale, 64e régiment d’artillerie, 40e régiment d’artillerie nord-africain, 13e bataillon du génie, un bataillon médical, et un détachement de circulation routière.

Au total, la 2e DB compte alors environ 165 chars moyens M4 Sherman, 36 chasseurs de chars M10 Wolverine, 64 automitrailleuses, 664 half-tracks et scout cars. Pratiquement tous les équipements sont américains ou d’origine américaine. Selon les historiens, la division compte environ 15.000 hommes répartis ainsi : 7.000 des unités de l’armée d’Afrique, dont 1.300 soldats maghrébins, 4.000 Forces Françaises Libres, vétérans du Tchad pour la plupart, et environ 2.500 évadés par l’Espagne.

Avant de monter dans sa jeep, Leclerc est interpelé par de Gaulle : « Vous avez de la chance ! »

Le 24 août, en deux colonnes, la division s'élance vers Paris. Par la vallée de Chevreuse, Jouy-en-Josas, Clamart, Massy, Wissous, Fresnes, le groupement Billotte fraye leur chemin à coups de canon. Les Allemands, solidement armés, se battent bien ; mais le soir, vers 20 heures, à la Croix-de-Berny, Leclerc sent qu'une occasion se présente : il saisit le capitaine Dronne au passage et il le lance, avec trois chars et trois sections sur half-tracks, vers le cœur de Paris. L'audace est payante : à 21 heures 22, Dronne arrive place de l'Hôtel de Ville, les cloches de la capitale sonnent à toute volée ; les Parisiens frémissent. Le lendemain 25, c'est le coup de grâce : la 2e DB entre dans la ville, s'empare du gouverneur allemand et réduit au silence l’ennemi. Les groupes de résistance, qui se battaient depuis près de huit jours à un contre dix, soupirent et fêtent ces soldats français providentiels que Paris attendait depuis quatre ans sans trop y croire.

Après dix jours consacrés à remettre en état les quatre mille véhicules, à recompléter les rangs, à prendre un repos et une détente bien mérités aussi, le 8 septembre la 2e DB reprend la route. Elle va participer à la libération de l’Alsace, Colmar et Strasbourg et terminera sa guerre au Berchtesgaden, demeure d’Adolf Hitler à la frontière entre l’Allemagne et l’Autriche.

 

Jean Salis.

Comme Paul Casta, Jean Salis est Corse. Cela a son importance ! Il nait à Ocana en Corse du Sud le 4 septembre 1921. Soldat du 2e bataillon et de la 5e compagnie du régiment de marche du Tchad, il est tué à l’ennemi sur la commune de Sèvres lors des combats de l’avenue Bellevue.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts d’Issy-les-Moulineaux et celui de la 2e division blindée, à la Porte d’Orléans dans le 14e arrondissement de Paris. Jean Salis avait 23 ans.

 

Sources :

  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Et Leclerc prit Strasbourg, Les Dernières Nouvelles, 1970.
  • Erwan Bergot, La 2e DB, Paris, Presses de la Cité, 1980.
  • Général Philippe Duplay, La 2e DB de Doula à Berchtesgaden, Revue L’Espoir, n°107, 1996.
  • Biographie de Paul Casta par l’Amicale d’Antibes-Vence-Cannes de la 2e DB avec le concours de la Fondation de la France Libre.
  • Site MemorialGenWeb, contributions de Claude Richard, Jérôme Charraud.
Cimetière d’Issy-les-Moulineaux. De gauche à droite, les sépultures des soldats Mohamed Ben Abdeslem, Jean Salis et Paul Casta.

Cimetière d’Issy-les-Moulineaux. De gauche à droite, les sépultures des soldats Mohamed Ben Abdeslem, Jean Salis et Paul Casta.

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Publié le 11 Février 2024

Issy-les-Moulineaux - 8 mai 2008 - de g. à dr. au premier plan : général Roland Glavany, Denis Larghero, alors conseiller départemental et  Robert Seaumaire.

Issy-les-Moulineaux - 8 mai 2008 - de g. à dr. au premier plan : général Roland Glavany, Denis Larghero, alors conseiller départemental et Robert Seaumaire.

Officier de la Légion d’honneur, titulaire de la croix de Guerre 1939-45, engagé dans plusieurs associations de la ville d’Issy-les-Moulineaux, Robert Seaumaire s’est éteint le 26 décembre à l’hôpital Suisse d’Issy à l’âge de 97 ans.

 

La Seconde Guerre mondiale.

Adolescent au moment de la Seconde Guerre mondiale, Robert Seaumaire indique, dans un ouvrage d’archives familiales, avoir été motivé par patriotisme mais « pas forcément indulgent pour les responsables en charge » pour résister face à l’Allemagne nazie.

En 1940, il vit l’exode alors qu’il est enfant de troupe d’abord aux Andelys puis à Béziers (l’école ayant été déplacée en Zone libre). Il rejoint ensuite le camp de Thol dans l’Ain puis Audinac-les-Bains dans l’Ariège. Ayant terminé ses études, il tente alors de se rendre dans un maquis espagnol au moment du débarquement en Normandie. Echec… Il rentre chez ses parents. La libération de la Normandie lui permet de retourner sur la région parisienne et Boulogne-Billancourt. Il s’engage dans les FFI, connait le feu, et suit la 2e DB – en bus de la RATP réquisitionné – pour être versé dans le Régiment de Marche du Tchad (RMT) sous le commandement du général Leclerc.

Premier engagement en Meurthe-et-Moselle puis il va connaître la libération de l’Alsace : « C’est la ruée vers Strasbourg, suivie de la très dure campagne d’Alsace ». Il goutte aux joies d’une permission de deux semaines après ces combats, et entre, toujours avec la 2e DB, en Allemagne pour prendre le nid d’Aigle d’Hitler à Berchtesgaden. La guerre est finie ! En vue d’être démobilisé, Robert retrouve les siens à Nogent.

 

En Indochine.

Mais de démobilisation, il n’y aura pas. Volontaire pour l’Indochine, Robert Seaumaire suit le colonel Massu. Il indique : « Nos premières embuscades sanglantes sont tendues par des Caodaïstes [religion qui fait des millions d’adeptes dans le Vietnam d’alors, et dont une partie des membres va prendre le maquis contre les Français et les communistes d’Ho-Chi-Minh] et de fait, nous étrennons la décolonisation. Nous la poursuivrons au Tonkin. Départ vers cette région en un convoi naval impressionnant qui nous fait traverser toute la Cochinchine. Par la suite, nous entrons dans Hanoi avec Leclerc en dépit de l’opposition du Viet Minh. Lors d’un coup de main, je gagne mes galons de caporal. L’attitude de l’amiral d’Argenlieu, qui fait tirer au canon sur Haiphong, provoque le départ de Leclerc. Ensuite, volontaire pour prolonger mon séjour, je rejoins la garnison de Langson. Dégagement des axes sur la RC 4. Visite de la baie d’Along. Le GM2 du RICM nous accueille et nous confie le sous-secteur de rizières adossé au golfe du Tonkin. »

Et Robert Seaumaire d’ajouter : « Beaucoup d’opérations, fatigue générale, furoncles, ascaris, paludisme sont au rendez-vous. Retour vers la France sur la bateau Pasteur et visite de Singapour. Famille inquiète ».

 

De Müllheim à l’Algérie, en passant par Coëtquidan.

Robert Seaumaire est muté en Allemagne et rejoint le RCCC (régiment colonial de chasseurs de chars) à Ravensburg puis Müllheim où sa connaissance de l’allemand lui vaut d’atterrir à l’approvisionnement du régiment. Ses chefs de corps s’intéressent à lui et l’envoie à l’Ecole de Strasbourg – « Je redevenais un potache ! » – pour ensuite intégrer Coëtquidan et devenir officier après une année de dur labeur.

Devenu sous-lieutenant, ayant choisi les troupes de marine, et intégrant l’école de Saint-Maixent, Robert Seaumaire reconnait « avoir eu la chance d’avoir le plus aride des instructeur : le capitaine Robin, 15 citations sur sa croix de guerre ». Le jeune officier épouse Suzanne et est nommé au 1er régiment d’infanterie coloniale à Versailles puis Dreux. Il a la joie de voir la naissance de sa fille Chantal avant de s’être muté en Afrique noire, au cœur de la Guinée équatoriale.

Il y effectue un rôle de bâtisseur avec des tournées dans la brousse pour améliorer des infrastructures, réalise des travaux du génie, tandis que son épouse travaille comme institutrice. Sa seconde fille – Françoise – voit le jour mais Suzanne, atteinte de paludisme, entraîne le rapatriement à Dakar. La famille est mise au repos en métropole, Robert est nommé en Algérie : « présentation de la situation que je découvre et sur la peur qui m’étreint de retrouver une situation à l’Indochinoise que je m’efforcerai de contrebattre avec mon cœur ».

Après un stage d’officier « d’action psy » à Arzew, près d’Oran, Robert Seaumaire rejoint le 75e RIMa dans le Constantinois où pendant 33 mois il va alterner des actions de psychologie auprès des populations et le commandement d’unités de combat. En 1960, il quitte l’Algérie : « Mes derniers commentaires sur la situation en Algérie sont de l’amertume face à cette situation ».

 

En Côte d’Ivoire.

Après une longue permission en métropole, Robert Seaumaire repart, cette fois-ci avec sa famille, pour la Côte d’Ivoire, à Bouaké.

Le vote de la loi-cadre de 1956 ayant permettant à chaque pays de l’Union française de devenir indépendant confère à l’officier Seaumaire de nouvelles missions : redonner des contingents aux armées nationales, en démobiliser d’autres, remettre aux autorités ivoiriennes le camp de Bouaké. Il devient même gérant d’une coopérative puis est responsable de 225.000 livrets matricules des bureaux de recrutement de Haute-Volta (devenu Burkina Faso) et de Côte d’Ivoire.

 

Retour à la vie civile.

Quelques années plus tard, Robert Seaumaire est de retour en métropole et est affecté au régiment de marche du Tchad à Pontoise ; s’ensuivent plusieurs autres affectations à Saint-Germain-en-Laye puis Sissonne.

Enfin, retraité à Issy-les-Moulineaux, Robert Seaumaire est de ceux qui créent l’ASTI (Association de Solidarité avec Tous les Immigrés), devient président des anciens combattants, est élu conseiller municipal en charge de la voirie, président du comité Raoul Follereau et gère également une association en charge de la distribution de livre scolaire auprès de pays africains : « J’ai ainsi redonné du sens à ma vie : je suis utile ».

André Santini : « Robert Seaumaire aura consacré toute sa vie au service de la France et de ses valeurs. Nous perdons là une figure incontournable et respectée du monde combattant de la ville et, j’ajouterai pour ma part, un ami fidèle ».

 

 

Sources :

  • Journal municipal Point d’appui du mois de Février 2024.
  • Documents d’archives famille Seaumaire, remis par le colonel Gilles Pernet, que le Souvenir Français remercie.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Archives du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux.
  • Crédit photographique : archives du journal Jeune Afrique.
Robert Seaumaire et le colonel Gilles Pernet.

Robert Seaumaire et le colonel Gilles Pernet.

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