Publié le 28 Décembre 2019

Un juste réparation en 2019. Alors, que vive 2020 !

En septembre 2017, sur les sites Internet de la Délégation du Souvenir Français des Hauts-de-Seine et du Comité d’Issy-Vanves, nous avions publié la photographie ci-dessus. Photographie reprise dans la presse (Le Figaro) pour illustrer un message fort de notre Président-général, le contrôleur général des armées Serge Barcellini : « aucune tombe d’un Mort pour la France ne doit disparaître ».

Il y a peu, Monsieur Alain Raoul, de Montville dans le département de Seine-Maritime, nous a écrit pour nous indiquer qu’il était intervenu pour que cette sépulture ne tombe pas en déshérence et en empêcher l’exhumation.

Il a également fait des recherches : le soldat en question est Robert Havé, né le 22 janvier 1894 à Montville et exerçant, avant la guerre, la profession de clerc de notaire. Il est incorporé à compter du 1er septembre 1914 au sein du 129e régiment d’infanterie. Robert Havé arrive au corps deux jours plus tard. Le 4 février 1915, il est nommé au grade de caporal puis passe caporal-fourrier le 6 juillet de la même année. Le 21 septembre 1915, blessé, il est évacué vers l’hôpital de Verneuil où il reste jusqu’au 29 novembre, avant un repos de 30 jours à Montville. Il « rentre au dépôt » le 31 décembre 1915, puis est envoyé en renfort le 21 janvier 1916. Il disparaît le 22 mai 1916 pendant la bataille de Verdun, à Douaumont. Il est rayé des contrôles le lendemain.

L’autorité militaire fixe son décès au 22 mai 1916, par jugement déclaratif de décès rendu par le tribunal de Rouen le 29 octobre 1920 (avis du 129e régiment d’infanterie en date du 12 octobre 1922).

Selon Monsieur Raoul, Robert Havé ne serait probablement pas enterré avec ses parents.

Le Souvenir Français tient à vous remercier et vous féliciter, Monsieur, pour ce remarquable travail de Devoir de Mémoire.

Puisse 2020 nous apporter grand nombre de ces histoires !

 

 

CDT (RC) Frédéric Rignault

Président du Comité

Délégué général adjoint.

Un juste réparation en 2019. Alors, que vive 2020 !
Un juste réparation en 2019. Alors, que vive 2020 !
Un juste réparation en 2019. Alors, que vive 2020 !
Un juste réparation en 2019. Alors, que vive 2020 !

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Publié le 18 Décembre 2019

Capitaine Petit - En Indochine - 2.

Retour à Hanoi.

 

« Après la chute de Dien-Bien-Phu, le Haut Commandement a remanié le dispositif. La défense du Tonkin devient la priorité. La déferlante Viêt sur le delta ne saurait tarder. Nous voilà de retour à Hanoi. Le GM7 doit rejoindre le delta du fleuve Rouge. Le 2 juin, nous partons en camions pour Ninh-Giang. Il s’agit d’évacuer un poste complètement isolé du reste du monde, encerclé par les Viets et sans possibilité d’être ravitaillé. Pour mener à bien ce repli, deux bataillons de Vietnamiens, un bataillon de Marocains (le mien), une batterie d’artillerie (du 105), une batterie de mortiers, un peloton de blindés, l’aviation d’observation et de chasse sont mis en œuvre.

 

Ma compagnie occupe le village le plus avancé dans le dispositif pour que les autres groupes puissent œuvrer sereinement. Quelques fusils communistes nous harcèlent mais rien de bien grave. A 14h, le poste saute avec les munitions qui ne peuvent être transportées. Le repli des troupes de tête s’exécute sans histoire avec les effectifs du poste. A 18h, l’opération est terminée. Tous les éléments sont rentrés à Dong-Ta. Aucune perte à signaler, mais deux blessés par mines et deux blessés sur des pièges harpons. Les pièges harpons sont très difficiles à détecter, puisque n’utilisant pas de métal. Il s’agit d’un trou de 25 x 25 cm et profond de 50 cm. Dans le fond du trou sont mis en place à la verticale des lames de bambou taillées en pointes acérées. Le tout est soigneusement recouvert d’une tresse en bambou, flexible et camouflée. Lorsqu’un individu met le pied sur un tel piège, il est aussitôt empalé au travers de son mollet. Ce genre de blessure nécessite le rapatriement sanitaire en métropole eu égard aux risques d’infections car le bambou est taillé comme un hameçon et ne peut être retiré.

 

Retour à Ninh-Giang. Nous bivaquons non loin du marché, qui est très animé. Les tonkinoises habillées d’un qué-nan noir et d’une chemise brune, ont dans leurs cheveux un turban marron (teinture traditionnelle) et mâchent et crachent du bétel, colorant leur dentition d’un rouge vif. Accroupies devant leurs paniers de légumes ou de poissons, elles jacassent bon train. L’une d’elles se lève et remonte son pantalon à mi-jambe. Elle se met à uriner à côté de son panier, l’éclaboussant en partie. L’air ambiant sent le nuoc-mam, comme partout ailleurs. Pris de l’envie de faire mes besoins, il y a au-dessus de la rizière quelques échafaudages disposant d’une nacelle dont le fond est percé d’un trou, une échelle en bambou permet d’y accéder. Assis à la turque à l’abri d’une palissade, les excréments tombent dans la rizière et nourrissent les poissons, le tout bien sûr à la vue de tout le monde qui s’en moque !

 

Dimanche 6 juin 1954, retour à Hanoi où nous montons la garde auprès des avions sur le terrain de Gia-Lam. Quelques jours plus tard, à l’occasion de la fête de l’Aïd el kébir avec des moutons en provenance d’Australie, nous organisons un méchoui. Nous sommes ensuite relevés par les parachutistes et nous partons en mission afin de fouiller des villages dans le secteur de Phuc-Yen. Le capitaine Fabre nous quitte. Il est remplacé par le lieutenant Lamarle. Mais ce dernier souffrant bientôt d’un abcès au pied, il me confie le bataillon.

 

Le 20 juin – Dien Bien Phu est maintenant tombé depuis plus d’un mois – sous le commandement du commandant Fournier-Foch nous partons plein sud jusqu’au village de Ha-Loi, où nous arrivons après une marche de nuit. Mais les soldats du Vietminh nous attendent. Nous avons un mort et deux blessés dans nos rangs dès l’engagement. Je fais tirer à la mitrailleuse. Nos ennemis se replient. Nous nous installons finalement au village. Au tour de ma compagnie de prendre la tête du dispositif. Ce village sent à 100% le Viet ! La cagna que j’occupe est propre, toute construite en bambou et chaume, de même que les lits de bambous tressés, les jarres enterrées à l’entrée sont remplies de nuoc-mam. Il y a certainement des caches dans le sol avec des galeries où la population se réfugie en cas d’alerte comme aujourd’hui. En général, c’est après plusieurs jours d’occupation que les nhà quê sortent de leurs trous. Pour l’heure, la nuit va tomber, il faut rester vigilant. Les ordres ont été donnés en cas d’alerte.

 

A 1h30 du matin, le Vietminh qui s’est infiltré jusqu’à moins de 150 mètres de nos positions ouvre le feu. Je dénombre rapidement cinq à six fusils et une arme automatique. La riposte est immédiate et pendant cinq minutes une fusillade très nourrie déchire l’air tranquille de la nuit. A peine j’arrive à régler le tir de mortier de 60 m/m et lorsque celui-ci est en place, les communistes sont déjà partis. Ils reviendront à 3h puis à 4h du matin. Je n’ai qu’un blessé. Eh bien le voilà mon baptême du feu !

 

Le lendemain, ils remettent cela avec un tir plus dense, plus précis. Mais nous sommes mieux préparés. Trente obus de mortier sont tirés en 5 mn. Les Viets se taisent et tout rentre dans le calme. Une cagna brûle dans le village voisin. Seigneur, vous m’éclairez. Vous m’aidez. Je n’ai donc plus rien à craindre. Vous êtes le défenseur de ma vie. Je n’ai plus peur. Que les ennemis de mon âme s’avancent menaçants et ils tomberont renversés par le Seigneur. Qu’ils s’y mettent à cent contre moi, je ne craindrai rien. Dieu est avec moi (entrée du 4e dimanche après la Pentecôte, psaume 26).

 

Samedi 26 juin 1954. Les commandants de compagnie sont convoqués au PC bataillon pour de nouvelles missions. La 14e compagnie et la mienne fourniront chacune deux sections pour monter une embuscade de nuit en deux points différents. Je prends la tête de la colonne. Nous marchons pendant 2 km. Nous voilà sur la position de recueil. Chacun prend sa place dans le plus grand silence, prêt à intervenir. Le temps s’écoule lentement et soudain c’est la fusillade qui rompt le silence. Trois Viets en éclaireurs sont arrivés face à nous, sortis de la nuit d’encre à quelques mètres. Notre caporal vietnamien, chef du commando, ouvre aussitôt le feu et tue net un Vietminh. Les deux autres s’évanouissent dans la nature. »

 

Sur la RC2.

 

« Après quelques jours de repos, nous repartons en mission. Nous voilà maintenant affectés sur la Route coloniale 2, qui relie Phuc-Yen à Vinh-Yen, et au-delà Viêtri, place forte déjà encerclée par le Vietminh. Cette route est le cordon ombilical qui permet chaque jour de ravitailler les postes échelonnés tous les cinq kilomètres. Il faut, avant de faire passer les convois, exécuter une ouverture de route, réparer les coupures, détecter et relever les mines posées dans la nuit. Chaque poste ouvre la route sur 2,5 km en allant de l’un vers l’autre. A mi-parcours, retour à la case départ. Tous ces postes sont pour la plupart occupés par l’armée libre vietnamienne.

 

Je retrouve la 16e compagnie, commandée par le lieutenant Tijani, d’origine marocaine, appuyé par le lieutenant d’artillerie Coffi. Avec leurs hommes, ils doivent aller fouiller un village plus en avant de notre position, à environ 200 mètres. Ils commencent leur installation, et soudain une fusillade très nourrie éclate. La compagnie Tijani est prise à bout portant. Elle a du mal à se ressaisir. En quelques secondes, c’est la mêlée générale. Toutes les armes crachent. Sur la digue où nous sommes installés, nous ne pouvons rien faire, sinon regarder, et encore, car les balles sifflent à nos oreilles. On relève plusieurs tués dont le lieutenant Coffi, qui venait de m’apprendre son prochain départ pour la métropole. L’accrochage se termine en quelques minutes.

 

Des accrochages, nous allons en avoir presque tous les jours. Il faut dire que la fin de la bataille de Dien Bien Phu a libéré des milliers et des milliers de soldats du Vietminh qui progressent maintenant vers la capitale Hanoi.

 

Vendredi 16 juillet 1954 : nous allons comme à l’exercice reprendre notre position sur la digue. Le lieutenant Lamarle a demandé un tir d’artillerie sur les quelques cagnas encore debout et qui gênent notre observation. Les premiers obus arrivent à destination et, grosse surprise, trois Viets s’échappent de toutes leurs jambes. Le tir d’arrêt tombe maintenant sur le village. Sitôt le tir levé, le lieutenant lance la 2e section appuyée par des mortiers de 60 mm. La 1ère section flanc-garde à gauche. La 2 n’a pas fait 50 mètres qu’elle est prise à partie par un groupe de 20 à 30 Bo-Dois. Ils vont se regrouper dans la partie gauche du village où se trouve la 1ère section, mais pris en sandwichs ils sont décimés. Quelques-uns se replient, de nombreux cadavres jonchent le terrain. Le PC bataillon donne l’ordre de se replier, le tir d’artillerie va être renouvelé.

 

Dans mon coin, toujours aux lisières du village, je suis le déroulement des opérations et n’y tenant plus, je me porte sur la digue et demande au lieutenant Lamarle ce que l’on fait. Il faut exploiter notre avantage pour aller ratisser le terrain. Le commandant Fournier-Foch donne son accord.

 

Sous mon commandement, avec mes deux équipes de voltigeurs, avec à leur tête le caporal Abdallah et les équipes de voltigeurs de la 1ère section, sous les ordres du sergent Mohamed, nous entamons notre progression en direction du village. Les armes automatiques des deux sections regroupées sous les ordres du sergent-chef Forner, nous couvriront sur notre flanc gauche. En un temps éclair, nous ratissons toute la partie gauche du village et récupérons 10 armes restées sur le terrain dont 3 pistolets-mitrailleurs Mat 49 et 4 fusils 36 (toutes des armes françaises). La fouille des cadavres ennemis ne donne rien sauf un incident qui aurait pu me coûter la vie : étant arrivé devant un corps avec Mimoun, nous le retournons et au même instant une grenade dégoupillée qui était coincée sous le corps entre en action. Nous avons tout juste le temps de nous écarter suffisamment. Au loin, d’autres ennemis lèvent un drapeau blanc.

 

En dépit des risques – faut-il les croire ? – nous allons à leur rencontre. Un premier prisonnier est interrogé par l’officier de renseignement. Nous apprenons que la fameuse Division 308 venant de Dien Bien Phu a été refaite à 80% de ses effectifs et qu’elle est arrivée entre Vinh-Yen et Phuc-Yen. Face à nous un régiment complet avec ses trois bataillons et deux en réserve à 5 km. Le bataillon de tête est devant nous à moins de 700 mètres. C’est avec l’une de ses compagnies que nous avons été en contact. Un peu plus loin, notre 16e compagnie est aux prises avec d’autres soldats. Dans l’accrochage, le sous-lieutenant Padonani est tué. C’était un ancien de la libération de la Corse, de l’Italie et de la France jusqu’au Rhin et la victoire finale en Allemagne. Il avait déjà fait un séjour en Indochine et arrivait à la fin du second. Depuis son nom, comme celui du lieutenant Coffi, est gravé dans le marbre du monument aux morts d’Indochine à Fréjus. »

 

Le cessez-le-feu.

 

« Mardi 20 juillet 1954 : je m’endors sur un lit de bambou, ayant demandé de me réveiller au moindre incident. Tout à l’heure, j’ai entendu le capitaine Menu (qui remplace le commandant Fournier-Foch à l’hôpital) dire : « Demain, nous serons au port ! ». Alors, ces bruits, c’était donc vrai. J’avais ouï dire que la délégation française à Genève, emmenée par Pierre Mendes-France avait donné son accord pour un cessez-le-feu le lendemain, mercredi 21 juillet 1954. Cela se confirme : dans les jours qui suivent, nous partons pour Haiphong et de là, le bateau pour Saigon.

 

Le cessez-le-feu ne prendra effet en Cochinchine que le 11 août. Nous sommes cantonnés sur l’hippodrome de Phu-Tu en marge de la ville. Le climat ici est bien différent. Chaleur humide et collante. Les douches sont les bienvenues pour se décrasser et éviter de voir surgir des petits champignons, appelés bourbouille, dans les replis de la peau. Lorsque la mousson sera installée, l’eau de pluie bienfaitrice facilitera ces décrassages quotidiens. Pendant la saison de la mousson qui dure six mois, il pleut régulièrement chaque jour pendant une heure. Dans les rues de Saigon, on peut voir dans les caniveaux passer les poissons dans les eaux qui dévalent !

 

Le 11 août 1954. 8h00. Tous les hommes sont rassemblés. Je présente l’ensemble au lieutenant Natali, qui à son tour, fait la présentation au commandant Roubaud. Il est accompagné du lieutenant-colonel Combe, adjoint du colonel Roumiantzoff. 8h00, heure précise du cessez-le-feu. Les couleurs françaises et vietnamiennes sont hissées respectivement sur leur mat. Suit un discours du commandant Roubaud sur la grandeur de cette guerre et assurant l’indépendance du Vietnam. Le clairon sonne le cessez-le-feu puis la sonnerie aux morts.

 

Le Vietnam est coupé en deux, par une ligne de démarcation située sur le 17e parallèle au nord de Hué. Vietnam Nord aux troupes communistes et Vietnam Sud aux troupes régulières vietnamiennes. Le retrait de nos troupes du nord vers le sud ne s’est pas fait sans détresse de la part des populations catholiques dont une grande partie est restée aux mains des communistes et vont subir les pires avanies. Déportations, tueries… C’est un véritable déchirement. Celles qui ont été transportées au sud se sont installées dans le secteur de Bien-Hoa, proche de Saigon. La France ici n’a pas rempli son devoir envers des populations acquises à notre cause. Une partie de la minorité Muong a été envoyée en Guyane afin de les sauver de la barbarie.

 

Début septembre, le bataillon va s’installer à Long-Thanh dans une plantation d’hévéas de la société des Terres-Rouges, sur la route de Cap Saint-Jacques. En ce lieu, sous la tente, nous construisons des baraquements en bois fournis en kit par les services du génie. La jungle est à nos portes, et dans cet univers impénétrable les troupeaux d’éléphants ne sont pas très loin, comme d’ailleurs les cerfs chevaux, les tigres et panthères, caïmans, singes. Les serpents aussi divers que variés en couleurs et en taille. A la nuit tombée, nous allons en jeep à la lumière de nos phares explorer les entrailles de la forêt envoutante. Les animaux surpris nous regardent puis détalent. Par précaution, nous sommes prêts à tirer en cas d’agression.

 

J’ai adopté un petit singe que j’ai dû relâcher tant il avait mis mes affaires sens dessus dessous.

 

Nous continuons à faire de l’instruction militaire, marches, exercices divers, préparation des sous-officiers aux brevets de chef de section. Défilés, prises d’armes, décorations. Le commandant Fournier-Foch nous a quitté. Il est remplacé par le commandant Bertin.

 

Un dimanche, je fais une escapade à Cap-Saint-Jacques, la station balnéaire de Saigon. Bain en mer de Chine. Quel délice…

 

Nous resterons encore de longs mois dans cette plantation de Long-Thanh. Instruction, marches dans la jungle : tout cela devient lassant. Les tirailleurs deviennent moins performants. Les nouvelles du Maroc leur arrivent avec l’espoir de l’indépendance, ce qui les rend impatients et l’on sent déjà poindre une certaine hostilité. 23 août 1955, nous embarquons sur le S/S Pasteur. Direction l’Afrique du Nord. Notre régiment rentre chez lui.

 

Le Maroc est en pleine effervescence. Le roi Mohamed V en exil à Madagascar est sur le point de revenir. L’indépendance n’est pas très loin ! Nous ne serons plus bientôt personae grata. Des exactions éclatent un peu partout contre les Français. C’est ainsi qu’avec le capitaine Serghini (officier marocain) qui était devenu mon nouveau commandant de compagnie, nous étions allés à Moulay-Idriss rendre visite à l’un de ses amis marocains caïd haut placé, patron des lieux. Nous avons dû faire demi-tour rapidement afin d’éviter d’être pris à partie par une bande d’excités.

 

Le 9 novembre, avec quelques camarades, nous partons en permission pour la France, avec une Aronde que j’ai achetée. Nous traversons l’Espagne puis le sud de la France et direction Cagnes-sur-Mer. »

 

 

Sources et photographies :

 

Les textes sont issus des mémoires du Capitaine Petit, sous la forme de recueils envoyés au Comité du Souvenir Français d’Issy-Vanves. Nous remercions le capitaine Petit pour sa confiance.

 

Les photographies des deux articles du capitaine Petit en Indochine présentent le lieutenant Petit et ses camarades ; des vues de Djibouti ; le général Gambiez inspectant les troupes ; le pont Paul Doumer à Hanoi ; les adieux à l’Indochine ; la remise du drapeau ; des officiers et des soldats du 9e RTM ; la traversée du pont à Hanoi par les représentants du Vietminh et du CEFEO ; la traversée du canal de Suez.

Capitaine Petit - En Indochine - 2.
Capitaine Petit - En Indochine - 2.
Capitaine Petit - En Indochine - 2.
Capitaine Petit - En Indochine - 2.
Capitaine Petit - En Indochine - 2.
Capitaine Petit - En Indochine - 2.
Capitaine Petit - En Indochine - 2.
Capitaine Petit - En Indochine - 2.

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 15 Décembre 2019

Une vue de Djibouti.

Une vue de Djibouti.

Mr. Dominique Petit a été militaire de carrière. Engagé dans les troupes coloniales, puis dans la Légion étrangère et enfin retour au sein de l’armée de terre, il a vécut le déclin de notre empire colonial. Officier d’active – comme on dit aujourd’hui – il a été envoyé en Indochine alors que celle-ci se détachait de l’Union française. Ensuite, il a été nommé au Sahara français puis a fait la guerre d’Algérie.

En 1962, direction Berlin au sein de l’état-major des Force Françaises en Allemagne puis, plus tard, ce sera une nouvelle mutation au Fort de Vincennes et le départ de l’institution. Alors une nouvelle vie commence, dans le monde de la grande distribution au sein des Docks de France (hypermarchés Mammouth, repris depuis par Auchan). Enfin, vint l’heure de la retraite et le déménagement vers Nice.

Le capitaine Petit sait ce qu’a été notre empire colonial. En faisant son métier de militaire, il l’a défendu, a guerroyé pour cela. Et si la guerre est ni belle ni romantique, le capitaine a aussi défendu les valeurs de la République et d’humanité que le monde entier reconnait à la France.

 

Départ et traversée.

 

« Ce matin-là, je suis destinataire d’une note de service émanant du colonel Chrétiennot, mon chef de corps au 4e RTM (régiment de tirailleurs marocains) : Désignations pour servir sur les théâtres d’opérations extérieures – Infanterie : tour normal – Sous-lieutenants : Barreau Charles et Petit Dominique.

 

Ouf ! Les dés sont jetés, je suis heureux de cette affectation. Depuis des années j’entends parler de cette guerre d’Indochine par tous ceux qui y sont allés et revenus, par ceux qui sont partis avec lesquels j’avais des liens fraternels et qui ne sont pas rentrés.

 

Oui, je suis content de partir là-bas, à 12.000 km. Défendre quoi au juste, se disent les Français moyens ? Pour moi, c’est clair : il faut barrer la route au communisme, d’autant que la situation au Tonkin semble chaque jour un peu plus critique. Avec Barreau, nous avons une chance terrible car nous partons dans les tous premiers de la promotion.

 

Ma permission se déroule calmement chez mes parents, à Cagnes-sur-Mer. Mon père, le colonel Petit, me prodigue ses conseils, ma mère me couvre de son regard pour garder en mémoire un maximum d’images de son fils. Evidemment tout peut arriver. Qui sait ? Elle a déjà vécu des moments très difficiles : son frère Jean tué en 14-18 ; son frère Jacques tué pendant la Seconde Guerre mondiale ; son fils François tué en 1944 pendant la campagne d’Italie devant Sienne et enterré dans le cimetière militaire de Rome…

 

Les côtes de la France s’estompent à l’horizon pendant que nous prenons notre premier repas à bord du SS Cambodge. Eh, oui, ce mercredi 7 avril 1954, nous avons embarqué quai de la Joliette sur ce magnifique bateau tout blanc. C’est un voyage de rêve que nous allons faire. Tout est impeccable, astiqué, rutilant. L’air est frais. Tout va bien. Nous sommes une douzaine d’officiers en première classe. Les autres passagers sont des civils.

 

Après une première nuit calme, nous passons dans l’après-midi du lendemain au large du Stromboli. Le temps est bouché mais j’aperçois une épaisse fumée noire qui s’échappe du cratère. Quelques heures passent. Le temps se couvre. L’horizon est maintenant noir. Alors que les côtes d’Italie et de Sicile se perdent dans le lointain, nous fonçons droit sur la tempête.

 

Je suis réveillé en sursaut par un très fort roulis. Je m’accroche à mon lit. Dans le noir, je ne distingue rien, mais par contre j’entends les paquets de mer qui viennent frapper la coque du bateau, qui prend parfois des inclinaisons impressionnantes. Le grincement des rivets accompagne le bruit de la mer. Levé tôt, je monte à 6h30 sur le pont. J’y suis seul ! L’étrave pique du nez dans la vague, d’énormes paquets de mer passent sur le pont avant et viennent se briser sur les vitres de la coursive où je me trouve. Le bateau fait face au vent qui balaye la mer blanche d’écume. Entre deux vagues, des creux impressionnants se succèdent. Ce mauvais temps perdure jusque dans la soirée à l’approche de la Crête. Enfin calmée, la mer laisse les autres passagers se regrouper au restaurant. Notre aventure continue. Nous voilà quelques heures plus tard, en vue de Port-Saïd.

 

Les sirènes d’un bateau voisin me réveillent brusquement. 7h. Par le hublot, je vois beaucoup de bateaux ancrés comme nous dans la zone portuaire. Le passage du canal de Suez ; long de 161 km, se fait en convoi à sens unique et les convois montant et descendant se croisent au milieu sur le lac Amer.

 

Pour l’heure, nous sommes à quai et à 8h nous pouvons descendre à terre visiter le port et un semblant de ville sans intérêt. Le vent fait tourbillonner la poussière des trottoirs en terre battue. De nombreux marchands égyptiens ont envahi le pont de notre bateau, offrant leur pacotille, des piastres. Un prestidigitateur sur la place arrière fait sensation, il est connu de tous ceux qui ont transité ici. C’est Gali-Gali. Autour du bateau est venue se coller une multitude de barques ayant à leur bord les marchandises les plus diverses : fruits, poissons, crevettes, maroquinerie…Nous avons quitté Suez dans le courant de la nuit et longé les côtes du Sinaï. En ce début de matinée nous entrons dans la mer Rouge et je dois dire qu’elle est d’un bleu éclatant. De Suez à Djibouti, la mer Rouge s’étend sur 2.500 km. A hauteur de Djedda, la largeur est de 300 km, aussi nous pouvons apercevoir les côtes d’Arabie.

 

Dans l’après-midi, nous croisons La Marseillaise qui rentre en France en provenance de Saigon. Trois coups de sirène retentissent et simultanément sur chacun des bâtiments les trois couleurs sont hissées puis amenées. Un pincement au cœur et une pensée pour tous ceux qui rentrent chez eux.

 

Escale à Djibouti. Après un dîner entre camarades, nous allons visiter la ville dans de superbes taxis. Retour au quai où il règne une ambiance fébrile. Toute la ville s’est déplacée ici. Un immense marché s’est installé sur le quai et parmi les marchandises les plus diverses, ce qui surprend le plus ce sont des pyramides de cartouches de cigarettes américaines, anglaises, s’élevant à plus de 1,50 mètres et sur des dizaines de mètres de long. A bord, c’est jour de fête. Toute la colonie française s’est donné rendez-vous. On boit beaucoup. On danse sur des musiques sud-américaines. Ici, chaque escale fait l’objet des mêmes débordements de joie.

 

Le 16 avril, nous quittons le golf d’Aden pour entrer dans l’océan Indien. Durant trois jours nous naviguerons sans voir âme qui vive. Les vagues de l’océan sont beaucoup plus amples qu’en Méditerranée.

 

Les côtes de Ceylan nous apparaissent au loin, brunes et vaporeuses. A l’approche, la végétation envahit tout l’espace. Ici, la vie exubérante de la nature s’oppose au monde minéral de la corne de l’Afrique.

 

Le S/S Cambodge s’est immobilisé en rade de Colombo. Nous voilà maintenant en vedette pour une visite organisée de la ville et de ses environs. Le parc et ses singes en liberté, le zoo et sa collection de serpents, du boa de 6 mètres de long à la petite vipère de 10 cm en passant par toutes sortes de najas et autres cobras. Les éléphants, tigres, panthères… Le tout dans un décor gigantesque, riche en couleurs et en odeurs. L’atmosphère est moite et chaude. La nature est luxuriante, touffue, inextricable, étouffante.

 

En quittant Ceylan, ce mardi 20 avril 1954, nous quittons un monde orienté vers l’occident. L’Inde, le Moyen-Orient étaient à portée de marche de l’Europe. Nous nous dirigeons maintenant vers le lointain monde du sud-est asiatique pour lequel la France nous envoyait défendre nos territoires d’Indochine : Tonkin, Annam, Cochinchine, Laos et Cambodge, qui sont en ce moment sous la pression du monde communiste qu’il soit chinois ou bien soviétique.

 

A bord, la vie est paisible. Nous profitons de tout ce qui nous est offert : piscine, jeux divers, cinéma, fêtes organisées, sans compter les excellents repas qui nous sont servis matins et soirs : un régal !

 

A Singapour, le vendredi 23 avril, le port est occupé par une armada de bateaux de guerre de Sa Majesté la reine Elisabeth II, hôte de la ville. Grands pavois partout, oriflammes, arcs de triomphe. La ville est propre, terrains de polo, tennis sur gazon, cricket, greens à perte de vue. La population ici est en majorité chinoise. Avant de retourner à bord à l’issue de notre visite, nous allons au célèbre cercle des officiers de l’armée anglaise, prendre un thé : il s’agit du Raffles.

 

Il nous faudra encore deux jours de navigation pour arriver à destination. C’est vers 8h du matin que le dimanche 25 avril nous arrivons à l’embouchure de la rivière de Saigon. Tous les passagers sont sur le pont et scrutent les rives de cette terre où les événements se précipitent. Les dernières nouvelles ne sont pas encourageantes… Dien-Bien-Phu… Le Tonkin ? »

 

Arrivée en Indochine.

 

« Tôt le lendemain, je me rends au bureau des affectations. Puisque c’est au Tonkin que le torchon brûle, je demande une affectation au Tonkin, ce qui m’est accordé sur le champ. La machine administrative est en marche. Je dois rejoindre à Hanoi, l’état-major des Forces Terrestres du Nord Viêtnam (FTNV). Je ne réalise pas encore très bien, ici à Saigon, que la vie ressemble à ce que l’on peut observer dans n’importe quelle grande ville. La population grouille dans les rues, dans les milieux civils et militaires. On parle de réceptions, tennis, concours hippiques… De mon côté, j’ai le ventre un peu serré. Je n’ai pas encore pris mes marques dans toute cette affaire et Dien-Bien-Phu est à l’agonie.

 

Avec mon contact, Edouard, nous allons dîner à L’Arc en Ciel, un restaurant très réputé. Un dîner chinois époustouflant : ailerons de requins, serpent spécialement cuisiné, pousses de nénuphar… Quels parfums subtils !

 

Le 29 avril, le Dakota qui assure la liaison avec Hanoi m’emporte vers d’autres cieux. Edouard m’a confié 75 kg de papiers (secrets) à remettre en mains propres à l’arrivée. Après une escale à Hué, nous arrivons à l’aéroport d’Hanoi, Gia-Lam.

 

Le commandant Tessere m’attend avec les 75 kg. Je suis le mouvement avec les documents dans une traction avant. Direction Hanoi par le pont Doumer construit par Eiffel, qui enjambe le fleuve Rouge sur une longueur de 4 km. Etant arrivé à destination, je suis invité à déjeuner à la popote du général Gambiez. Celui-ci est absent. Son fils vient d’être tué à Dien-Bien-Phu. Le général Bodet, commandant l’armée de l’air en Extrême-Orient préside la table et derechef je m’installe à sa droite. En face du général, se trouve le commandant Jacquelot.

 

Je me rends au bureau des affectations. Je demande à servir dans une unité de tirailleurs marocains, de préférence un groupement mobile. J’ai le choix entre trois bataillons et j’opte pour le 4/5e RTM, groupement mobile n°7 (GM7), commandé par un vrai colonial, le colonel Quiliquini. J’apprends plus tard que le GM7 est au Laos, ce n’est pas vraiment de chance pour moi qui voulais rester au Tonkin. »

 

 

Au Laos, au sein 4/5e RTM.

 

« Mercredi 5 mai 1954 : après deux jours d’attente forts longs, nous décollons enfin de Gia-Lam. Direction la Plaine des Jarres puis Vientiane. Halte à Seno. Samedi 8 mai, départ de Seno. Dien-Bien-Phu vient de tomber. Le recueillement témoigne de la gravité de la situation : 12.000 prisonniers et de très nombreux disparus.

 

Dimanche 9 mai 1954. Je rejoins mon bataillon à Phiafay, en 4x4 par la route : 51 km sud sur la RC13 (Route Coloniale n°13), reliant les provinces du nord et du sud et parallèle au Mékong, lequel d’une largeur impressionnante, roule ses eaux boueuses tout près de là. Déjeuner au PC (Poste de Commandement) du bataillon. Je me présente au commandant Fournier-Foch (petit-fils du maréchal et ancien élève de papa à Saint-Cyr), commandant le bataillon et tous ceux qui l’entourent : capitaine Menu, le toubib, le lieutenant Coffi. Je suis affecté à la 15e compagnie, commandée par le capitaine Fabre, ayant pour adjoint le lieutenant Lamarle. Le bataillon est composé de quatre compagnies de combat et d’une compagnie de soutien. Après le déjeuner le capitaine Fabre me conduit à la compagnie et, sur le sentier de brousse que nous empruntons, arrive en courant un tirailleur la mine déconfite : « Vite, vite, un blessé ! ». Nous pressons le pas et effectivement sur un brancard est allongé un homme avec un énorme pansement sur la tête, taché de rouge. Mais les acteurs de ce scénario ne sont guère convaincants et le rouge du pansement ressemble plutôt à du mercurochrome qu’à du sang… Nous trinquons à la santé de la compagnie !

 

Tout au long du mois de mai 1954, nous faisons des missions d’ouverture de routes, de protection de convois sur la grande voie de communication que constitue la RC reliant la Cochinchine, le Cambodge et le Laos. De temps à autre, je suis chargé d’aller occuper un poste d’observation. Notre installation est tout à fait sommaire. Nous sommes sous nos toiles de tente et la nuit les fourmis rouges ne tardent pas à nous dévorer. Il faut soigneusement choisir un endroit hors de leur parcours, les morsures sont très douloureuses. Un moyen de les éloigner consiste à utiliser les sachets de vin en poudre « Vinogel », les réhydrater et les asperger avec ce produit. De même, il faut aussi vérifier que quelques sangsues ne se soient pas introduites sous les vêtements. Question d’habitude ! »

 

Sources : Dominique Petit.

 

Capitaine Petit – En Indochine – 1.
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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine