Publié le 20 Juin 2025

Un détachement de C-119 Packet, avant leur arrivée en Indochine. Ils n'ont pas encore la cocarde française.

Un détachement de C-119 Packet, avant leur arrivée en Indochine. Ils n'ont pas encore la cocarde française.

A Issy-les-Moulineaux, le 8 juin dernier, le comité du Souvenir Français a participé à la journée nationale d’hommage aux morts pour la France en Indochine : comme tous les ans, et comme partout en France en ce jour de commémoration, la sonnerie aux morts retentit pendant que s'inclinent les drapeaux des associations patriotiques. Devant les autorités qui viennent d'y déposer gerbes et coussins, la simple plaque porte ces mots :

« A NOS COMPAGNONS MORTS POUR LA FRANCE

EN INDOCHINE ET EN COREE »

Et parmi ces compagnons, je pense à ces pilotes américains abattus sous les cocardes françaises...

Là, beaucoup d'entre vous m’arrêteraient : « Mais non ! Votre mémoire s'égare ! C'est à Marnes-la-Coquette que se trouve le mémorial de l'Escadrille Lafayette que nous fleurissons chaque année le dernier lundi de mai, jour du « Memorial Day », en souvenir de ces aviateurs américains venus combattre et, pour plus d'une soixantaine d'entre eux, mourir en France, à partir de 1916, avant même l'entrée en guerre officielle de leur pays ! ».

Et pourtant, écoutez ce témoignage du lieutenant Bertin (*), alors pilote de transport en Indochine, la veille de la chute de Dien Bien Phu :

« Les Américains, comme chaque jour, vont parachuter sur « Isabelle ». Dès leur arrivée, un des leurs a dû être touché. Ils sont canonnés violemment sur leur DZ. Le gouvernail de profondeur du n°125 est emporté. Le n°149 est atteint par un et sans doute deux obus de 37. L'avion perd de l'altitude, le pilote sort de la cuvette par le sud mais se trouve de plus en plus en difficulté. Son dernier message est capté par un de ses camarades qui l'a rejoint, Steve Kusak : « On dirait que ça y est, fiston ! ». Et il s'écrase dans la région de Muon Guet à cent vingt kilomètres à l'est de Dien Bien Phu.

Les deux pilotes américains, Buford et Mac Govern, sont tués. Les quatre autres membres de l'équipage sont français, trois sont tués et le quatrième, un jeune sous-lieutenant parachutiste, fraîchement débarqué en Indochine, n'est que blessé. Les Viets le font prisonnier ».

Ces deux américains faisaient partie d'un groupe de pilotes de la compagnie aérienne civile CAT, crée à Formose après la Seconde Guerre mondiale par le général Claire L. Chennault, ancien patron des « Tigres Volants », ces pilotes américains volontaires qui avaient combattu, au côté du général nationaliste Tchang Kaï-chek, d'abord contre les Japonais, puis contre les communistes de Mao Tsé-toung.

Lorsque, en 1953, le Haut commandement français en Indochine demanda à l'armée de l'air américaine un renfort en avions de transport, il lui fut accordé un détachement de C-119 Packet mis en œuvre par une forte équipe de mécaniciens de l'U.S. Air Force. Mais il n'était pas question que des pilotes d'active soient engagés aux côtés des équipages français qui avaient été qualifiés sur ce nouveau type d'avion. D'où l'appel à ce contingent d'une petite quarantaine de pilotes « civils » volontaires, mais composé de baroudeurs qui allaient faire preuve, dans l'enfer de la D.C.A. Viet Minh, des mêmes qualités de courage et de professionnalisme que leurs camarades du transport aérien militaire français.

L'unité mixte ainsi constituée, le « Détachement C-119 », comptera à la mi-mars 1954 jusqu'à 29 appareils, pilotés par vingt-deux équipages, dix de l'armée de l'Air française et douze américains, chacun à deux pilotes. C'était la plus importante unité du transport aérien de l'époque et elle permettait, grâce à la capacité de la soute du Packet et la possibilité de les effectuer « par l'arrière », des parachutages ou des largages lourds sur les points d'appui de Dien Bien Phu, allant des rouleaux de barbelés aux canons de 105m/m et aux bulldozers en passant par du carburant ou des munitions.

Plus de quarante appareils de l'U.S. Air Force, mais volant sous cocardes tricolores, seront successivement affectés au détachement dont les pilotes américains effectueront près de 700 sorties au dessus du camp retranché. L'un d'eux, Paul R. Holden en place copilote droite, reviendra sur le n°536, le 24 avril, un bras déchiqueté par un obus de 37 et, le 6 mai 1954, c'était l'équipage McGovern / Buford qui disparaissait.

James McGovern était une des figures de ce détachement. Dans son livre de souvenirs le lieutenant Bertin fait de lui ce portrait :

« Mac Govern était une figure haute en couleur pesant bien au-delà du quintal. Il était le seul Américain parlant français. Cet énorme personnage, surnommé « Mac Goon » ou « Earthquake » (**) s'était glorifié à une autre époque de quelques neuf victoires contre les Japonais (***), mais il était tombé plus tard, prisonnier des Chinois communistes. Ils ne le retinrent d'ailleurs que six mois en captivité, n'ayant pas les moyens, affirmaient quelques-uns de ses collègues, de le nourrir. C'était un bon vivant, un bon et solide pilier de bar... »

Les restes de James McGovern, retrouvés en 2002 dans une tombe anonyme du nord-Laos grâce aux efforts d'anciens de la CAT, seront formellement identifiés en septembre 2006 et quelques semaines plus tard, le 28 octobre, « Earthquake McGoon » rentrait enfin au pays après plus d'un demi-siècle d'exil en terre étrangère...

L'année précédente, le 24 février 2005, les sept pilotes américains encore en vie, sur les trente-sept ayant participé à cette opération, avaient reçu, des mains de notre ambassadeur de France aux États-Unis, la croix de Chevalier de la Légion d'honneur.

 

Général Jean-Claude Ichac.

Président d’honneur du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux.

 

Sources :

(*) En remerciant le Colonel (er) Marc Bertin qui a autorisé pour ce texte l'utilisation d'extraits et d'informations tirés de son livre : « Packet sur Diên Biên Phù » (1991).

(**) « Eathquake » : Tremblement de terre !

(***) En fait quatre victoires en combat aérien auxquelles il faut ajouter cinq avions japonais détruits au sol.

Crédit photographique : site de l’UNP de l’Ain.

Largage au-dessus de Dien Bien Phu.

Largage au-dessus de Dien Bien Phu.

James B. McGovern Jr.  dit « Earthquake McGoon » (photo DR).

James B. McGovern Jr. dit « Earthquake McGoon » (photo DR).

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 15 Juin 2025

La réinhumation de Kléber Rousseau.

Jacqueline et Claude Vassal sont des piliers du comité du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux. Pour en savoir plus, il convient de se reporter à cette page : https://www.souvenirfrancais-issy.com/2024/04/claude-vassal-parachutiste-du-cpa-10-en-algerie-partie-1.html

Jacqueline nous a communiqué le récit de la réinhumation de son oncle, Kléber Rousseau, après la Seconde Guerre mondiale.

« Mort au champ d’Honneur en 1940, croix de guerre avec palme, Kléber Rousseau a été réinhumé près des siens.

A Fontaine-Simon, en Eure-et-Loir, dans la région du Perche, a eu lieu la réinhumation du corps du soldat Kléber Rousseau mort pour la France à Asfeld (Ardennes) en juin 1940. Après le service religieux que célébra M. l’abbé Bertrand, le corps fut conduit au cimetière en présence de différentes personnalités parmi lesquelles M. le commandant représentant le colonel Murgier, commandant la place de Nogent-le-Rotrou, M. Samuel Thébault, maire, et des conseillers municipaux, l’adjudant de gendarmerie Plassard, accompagnant une délégation de sa brigade, des délégations des anciens combattants et ACPG (Anciens Combattants Prisonniers de Guerre) de Fontaine-Simon et Manou, avec leurs présidents respectifs MM Gerfaux et Aubin, et les porte-drapeaux : MM Mereis, Hayes et Couturier. Les cordons du drap mortuaire étaient tenus par des camarades d’enfance de Kléber Rousseau : MM Marcel Noël, Ernest Boizard, Letertre et Deroc. Une gerbe avait été offerte par les anciens combattants de Fontaine-Simon.

Un détachement du CM 28 (centre mobilisateur 28) de Nogent-le-Rotrou rendait les honneurs.

Au cimetière, M. Beaudun, président d’honneur des anciens combattants de Fontaine-Simon, prononça une émouvante allocution dans laquelle il dit notamment : « Kléber Rousseau est bien un enfant de Fontaine-Simon puisqu’il naquit ici le 19 août 1916 dans une famille de 11 enfants. Il fréquenta l’école de Fontaine-Simon et nombre de camarades se souviennent de lui. Dès la sortie de l’école, il part travailler dans les fermes environnantes et le service militaire le prend à Montigny-le-Chartif. Il rejoint le 46e RI et c’est la période tendue où les bottes allemandes résonnent aux frontières de la France.

La Seconde Guerre mondiale éclate et le 46e RI couvre sa part de frontière. Après le dur hiver 1939-1940, c’est la « drôle de guerre » et le réveil de mai 1940 est brutal, il faut faire face aux infiltrations sans esprit de recul.

Calmement et courageusement, Kléber Rousseau a dit « présent » et avec son opiniâtreté de paysan, il se couche sur son fusil-mitrailleur. C’est ainsi que tombe celui que nous honorons ce jour, d’ailleurs voici la citation à l’ordre de l’armée qui témoigne de sa bravoure » :

« Au cours des attaques du 9 juin 1940 sur l’Aisne, a donné un bel exemple de courage et de calme. Car son tir a brisé une attaque sur un point très important de l’Aisne et n’a cessé de mitrailler l’ennemi jusqu’au moment où il fut tué sur son fusil-mitrailleur ».

« La croix de guerre avec palme lui fut attribuée. A la famille de Kléber Rousseau, nous présentons en cette circonstance, l’expression de notre vive sympathie ».

 

Sources : 

  • Archives familiales Vassal.
  • Crédits photographiques : famille Vassal.

 

La réinhumation de Kléber Rousseau.

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