Publié le 23 Octobre 2012

 

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Comme chaque année, le Comité du Souvenir Français participera aux commémorations et aux cérémonies du mois de novembre :

 

 

- Mercredi 31 octobre et Jeudi 1er novembre :

– Quête nationale du Souvenir Français : nous serons présents à l’entrée du cimetière d’Issy-les-Moulineaux.

 

 

- Samedi 10 novembre :

– 18h20 : opération des « Flammes de la Mémoire » devant le monument aux morts de la ville. Chaque participant est invité à déposer une bougie rappelant le sacrifice des femmes et des hommes afin que nous puissions vivre dans un monde libre.

 

 

- Dimanche 11 novembre :

– 8h00 : départ en car pour les cérémonies, devant le CNET.

– 8h10 : dépôt de gerbes à l’église Sainte-Lucie.

– 8h30 : cérémonie de prières à l’auditorium du collège Saint-Nicolas.

– 9h30 : départ en car pour le cimetière et cérémonie au carré militaire.

– 10h25 : dépôts de gerbes place du 11 novembre et lecture du message du Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants, par Monsieur Fleury, Président de la FNACA et de l’UFAC.

– 10h50 : cérémonie au monument aux morts de la ville ; discours de Monsieur Poujols, Président de l’UNC et de Monsieur Santini, député-maire.

– 11h15 : vin d’honneur offert par la municipalité.

 

 

Comme d’habitude, le Souvenir Français se chargera de la quête au profit du Bleuet de France. Soyez généreux !

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Publié le 21 Octobre 2012

Tavannes24

 

 

Naître chez l’ennemi.

 

Dabo est un village des Vosges mosellanes, placé entre Sarrebourg, Phalsbourg et Saverne. Le 1er Janvier 1875, comme un peu partout – que ce soit dans la République française ou l’Empire allemand – on fête le premier jour de l’année. Fête retenue au village : voilà près de cinq années que Dabo fait partie de l’Alsace-Lorraine annexée. Ce sont les lois de l’Empire qui s’appliquent et non plus celles de la République.

 

A Dabo, ce jour est également très particulier chez les Steiner : le petit Joseph Léon vient de pousser ses premiers cris ! Dans quelques années, il sera isséen et sera recensé puis appelé comme militaire du rang au 3ème bureau de la Seine sous le matricule 531 de la classe 1895. En 1914, il rejoint son unité d’affectation : le 24ème régiment d’infanterie territoriale.

 

 

Tavannes.

 

Tavannes est un village de la Meuse qui rassemble aussi un fort, élément de défense contre l’ennemi héréditaire, et un tunnel de la ligne de chemin de fer entre Saint-Hilaire-au-temple et Hagondange. Celle-ci dessert entre autres les gares de Suippes, Valmy, Sainte-Menehould, Verdun et Etain. Long de 1.170 mètres, le tunnel a été construit de 1873 à 1874. Il présente une largeur d’environ 5 mètres.

 

Quant au fort, il a été bâti de 1876 à 1879, sur les ordres du général Séré de Rivières, par ailleurs auteur de la ceinture fortifiée autour de Paris. D’abord construit en maçonnerie simple, l’élément de défense est pourvu dix années plus tard de renforts en béton, notamment au niveau des abris et de la caserne. En forme de polygone, ses dimensions sont relativement modestes. Situé à 1.600 mètre au sud-ouest de Vaux, il fait partie de la zone de défense de Verdun.

 

En 1915, le Grand Quartier Général décide de désarmer tous les forts. Ce sont des éléments de défense statiques, qui consomment beaucoup de munitions et d’obus, sans une grande efficacité, obus qu’il faut bien apporter donc au moyen de routes à protéger. En 1915, l’idée est plutôt orientée sur la guerre de mouvements.

 

 

Le tunnel.

 

Pour autant, en février 1916, dès le déclenchement de la bataille de Verdun, le fort de Tavannes subit des bombardements incessants. Pour les Allemands, la prise d’un fort est à la fois symbolique et permet aux hommes de constituer un point d’appui pour la prochaine avancée. Alors, il s’agit maintenant de le défendre…

 

Quant au tunnel de Tavannes, jugé suffisamment protégé par la dizaine de mètres de terre le recouvrant, il présente un abri idéal. Dès le début de la bataille, la circulation des trains est arrêtée. Quelques escouades en profitent pour s’y réfugier. Puis une compagnie. Bientôt, ce sont des éléments entiers de plusieurs régiments qui s’y abritent, exploitant là un relai fantastique pour être au plus près des combats.

 

S’y côtoient l’état-major de la 16ème Division, des éléments des 1er et 8ème génie, des 22ème, 24ème et 98ème régiments territoriaux, des blessés avec leurs médecins et leur infirmiers, des soldats du 346ème, 367ème, 368ème et 369ème RI.

 

Témoignage du général Rouquerol de la 16ème D.I. : « L’éclairage électrique avait été organisé avec un moteur à essence. Toutefois, on avait eu tort, dans ce travail hâtif, d’établir des câbles à hautes tension, nus à proximité immédiate des installations pour les hommes. Plusieurs cas mortels d’électrocution firent apporter les modifications nécessaires à la distribution du courant. L’éclairage n’existait d’ailleurs que sur la partie du tunnel utilisée comme logements ou dépôts ; le reste était obscur. Un puits d’aérage avait été fermé par des toiles pour parer à la pénétration éventuelle des gaz de combat.

 

L’organisation du tunnel comportait des rigoles d’écoulement pour les eaux de condensation et d’infiltration qui n’étaient pas négligeables ; mais sans souci de la nécessité de prévoir l’assèchement du tunnel, le personnel chargé de cette organisation avait comblé toutes les rigoles. Le résultat ne s’était pas fait attendre et de longues portions du tunnel étaient bientôt transformées en un marécage d’une boue fétide. La plupart des immondices des occupants y étaient jetés. On y aurait trouvé même des cadavres. Tant de causes d’infection, jointes à la suppression de l’aérage ne pouvaient manquer d’entretenir dans le tunnel des émanations malsaines qui ont donné lieu à plusieurs cas d’une jaunisse au nom suggéré de « jaunisse des vidangeurs ».

 

Le commandant d’une division occupant le secteur de Tavannes au mois de juillet voulut faire nettoyer ces écuries d’Augias. Il dut y renoncer sur l’observation du service de santé d’après laquelle l’agitation de la boue et des eaux polluées causait immanquablement de nombreuses maladies. Il fallut se contenter de répandre dans les endroits les plus malpropres de la chaux vive ».

 

Témoignage du lieutenant BENECH du 321e R.I. : "Nous arrivons au tunnel. Serons-nous donc condamnés à vivre là? Je préfère la lutte à l'air libre, l'étreinte de la mort en terrain découvert. Dehors, on risque une balle ; ici, on risque la folie. Une pile de sacs à terre monte jusqu'à la voûte et ferme notre refuge. Dehors, c'est l'orage dans la nuit et le martèlement continu d'obus de tous calibres. Au-dessus de nous, sous la voûte qui sonne, quelques lampes électriques sales, jettent une clarté douteuse, et des essaims de mouches dansent une sarabande tout autour. Engourdies et irritantes, elles assaillent notre épiderme et ne partent même pas sous la menace d'un revers de main. Les visages sont moites, l'air tiède est écœurant. Couchés sur le sable boueux, sur le rail, les yeux à la voûte ou face contre terre, roulés en boule, des hommes hébétés qui attendent, qui dorment, qui ronflent, qui rêvent, qui ne bougent même pas lorsqu'un camarade leur écrase un pied. Par place, un ruissellement s'étend ! De l'eau ou de l'urine ? Une odeur forte, animale, où percent des relents de salpêtre et d'éther, de soufre et de chlore, une odeur de déjections et de cadavres, de sueur et d'humanité sale, prend à la gorge et soulève le cœur. Tout aliment devient impossible ; seule l'eau de café du bidon, tiède, mousseuse, calme un peu la fièvre qui nous anime ».

 

Ainsi, depuis le mois de février 1916, chaque jour, des compagnies viennent faire une halte au tunnel de Tavannes pour y rester quelques heures ou plus. Saisissant la situation sanitaire désastreuse, l’Armée française décide d’évacuer les lieux et même de faire sauter le tunnel. Mais les Allemands se rapprochent. Non seulement l’abri subit des bombardements de plus en plus violents, mais des unités françaises se rapprochent poussées par les attaques ennemies. Les combats se déroulent maintenant à quelques centaines de mètres seulement de l’entrée du tunnel.

 

 

Le 4 septembre 1916.

 

René Le Gentil : « Je peux vivre cent ans, je me souviendrai toujours des heures vécues dans ce ghetto, tandis qu'au-dessus la mitraille faisait rage. Imaginez un boyau long de quinze cents mètres, large de cinq, fait pour une seule voie par où passait le chemin de fer allant de Verdun à Metz et où de 1000 à 2000 hommes travaillaient vivaient, mangeaient et satisfaisaient à tous leurs besoins!... »

 

René Le Gentil est un soldat du groupe des brancardiers de la 73ème division d’infanterie. Au front depuis des mois, il a été rapatrié à l’arrière à la suite d’une blessure. Ses camarades lui écrivent pour lui demander des nouvelles de sa santé. Peu après le 4 septembre 1916, ils lui apprennent un drame atroce : « Vous aurez sans doute appris l’affreux malheur ? Cent-un exactement de nos malheureux camarades sont restés ensevelis sous le tunnel de Tavannes. Tous morts ! Pauvre groupe de brancardiers déjà assez éprouvé, le voici presque anéanti ! Comme sergents survivants, il ne reste que Kohler et Mongeot. Quelle affreuse chose que la guerre… ».

 

René le Gentil : « Le 4 septembre, une formidable explosion, sur la cause de laquelle on n'était pas fixé, avait eu lieu sous le tunnel, faisant près d'un millier de victimes, dont les brancardiers de la 73e division. Ma pensée angoissée alla vers mes infortunés camarades, mon peloton, et Dehlinger qui m'avait écrit le 3, la veille ! ... Cent-un! me disait le mot laconique. Je songeai un instant que, peut-être, mon peloton avait été relevé. J'essayai de m'accrocher à de fragiles espoirs; mais, de la journée je ne pus penser à autre chose ; et c'est à peine s'il me fut possible de fermer l’œil ».

 

Plusieurs hypothèses existent quant à cette explosion. Celle, généralement admise, veut qu’un mulet, transportant des grenades et du ravitaillement, effrayé par des fusées, ait buté contre une traverse et renversé sa cargaison. Ce faisant certains engins explosent et provoquent un début d’affolement. Dans leur panique, des soldats sortent précipitamment du tunnel, rendu encore plus sombre car la nuit est tombée. Il est 21h45. L’un d’eux, portant des fusées, accroche des fils électriques qui courent tout au long des parois. L’incendie s’étend aux bidons d’essence du groupe électrogène de l’entrée du tunnel. La déflagration qui s’ensuit anéanti tout sur son passage…

 

René Le Gentil : « Ces hommes, tirés de leur sommeil pour vivre le plus atroce des cauchemars, fuyaient donc, pêle-mêle vers l'autre issue, à travers les flammes, et, pour lutter contre la fumée qui, par l'appel d'air de ce long boyau, les gagnait de vitesse, la plupart avaient adapté les masques contre les gaz. Dans ce tunnel devenu le huitième cercle de l'Enfer, des centaines de damnés masqués participaient à cette course à la mort, butaient contre les traverses, tombaient sous les pieds des camarades, hurlaient le : « Sauve qui peut ! » féroce et égoïste de l'homme en danger, quand, devant eux, une terrible explosion se produisit... un feu d'artifice jaillit... trouant l'obscurité d'éclairs effroyables: c'était le dépôt de munitions qui sautait !

Le déplacement d'air fut tel que ceux qui se trouvaient à la sortie, du côté de Fontaine-Tavannes, faillirent être renversés.

 

Feu devant, feu derrière, prise entre les flammes et gagnée par l'asphyxie, la pauvre troupe, hurlante et douloureuse vit la mort s'avancer à grands pas... Seuls, René Birgé, secrétaire du colonel Florentin et dessinateur de la brigade, enseveli par un heureux hasard tout à l'entrée, et un homme du 8ème ou 10ème génie, purent être assez heureux pour échapper à la catastrophe ; dès le début, ce dernier avait pu s'évader par l'unique bouche d'air existante, en gagnant l'ouverture grâce à une échelle, et d'autres malheureux le suivaient, quand, sous leur poids l'échelle se brisa !...

 

Près de mille hommes périrent donc là : Etat-major de la 146ème brigade, colonel Florentin en tête, officiers et soldats des 8ème et 1er génie et des 24ème, 98ème et 22ème régiments territoriaux ; médecins majors et infirmiers régimentaires des 346ème, 367ème, 368ème et 369ème d'infanterie; blessés de ces régiments qui, après de rudes souffrances, attendaient là, sur des brancards, leur transfert ; vous, médecin major Bruas que je regrette doublement, puisque je vous dois la vie, et dont, seule trace de votre fin, on n'a retrouvé que la chevalière !… Et vous, les médecins et brancardiers de la 73ème division. Lorsque, deux jours plus tard, on put déblayer l'entrée du tunnel, on ne retrouva rien, rien que des restes humains calcinés qui tombèrent en poussière dès qu'on les toucha. »

 

Devant l’impossibilité d’identifier les cadavres, et pour éviter toute polémique quant aux responsabilités, l’Etat-major de l’armée décide de déclarer tous les hommes, dont Joseph Steiner, « disparus » ou « tués à l’ennemi » et morts pour la France

 

Steiner Joseph

 

 

 

 

Sources :

 

- Témoignages du général Rouquerol, du lieutenant Benech et du soldat René le Gentil.

- Encyclopédie Universalis, dictionnaire Larousse, encyclopédie Wikipédia.

- André Castelot et Alain Decaux : Histoire de la France et des Français, Larousse.

- Service historique de la Défense – Site « Mémoire des hommes » du ministère de la Défense.

- Pierre Miquel : Le gâchis des généraux, Plon 2001 ; Les Poilus, Plon, 2000 ; Je fais la guerre, Clemenceau, Taillandier, 2002.

- Alain Denizot : Verdun et ses champs de bataille.

- www.fortiffsere.fr/verdun/index

- www.lesfrancaisaverdun-1916.fr

- www.espacetrain.com

 

 

 

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Publié le 13 Octobre 2012

 

spadXIII

Spad XIII.

 

 

 

C'était dans les années cinquante. Il ne se passait pas de mois sans que ne sortent en librairie les souvenirs des pilotes qui, quelques années plutôt, s'affrontaient dans le ciel en feu de la Deuxième Guerre mondiale et dont, pour n'en citer que quelques uns, « Les carnets » de René Mouchotte, « Le grand cirque » de Pierre Clostermann, « La vieille équipe » de Bernard Dupérier côtoyaient sur les rayonnages « Jusqu'au bout sur nos Messerschmitt » d'Adolf Galland, « Pilote de stuka » d'Hans Rudel, ou « La dernière rafale » de Peter Henn.

 

Me voyant passionné par ces récits de combats aériens, mon père me dit un jour : « J'ai acheté dans les années trente un livre qui devrait t'intéresser » et, le sortant de sa bibliothèque, il me mit dans les mains un bouquin un peu fatigué, orné du« Petit Poucet » avec ses bottes de sept lieues, en noir sur fond jaune. Et c'est ainsi que j'ai pu découvrir ce rare témoignage d'un  pilote de chasse pendant la Grande Guerre.

 

Paru en 1935 aux Éditions Berger-Levrault sous le titre « Escadrille 155 » et rédigé par le journaliste romancier Jean Bommart, ce livre porte en sous-titre : « D'après les notes de guerre du pilote Jean Puistienne ». Ce dernier, « fantassin de 2éme  classe au 105éme régiment d'infanterie », blessé au visage sur la Somme à l'automne 1916 par un éclat d'obus, est enfin, en mars 1917 et après quatre demandes infructueuses, « par décision du G.Q.G., versé dans l'aviation comme élève pilote ». Avant d'aborder sa carrière opérationnelle, il est intéressant de suivre sa formation de pilote :

 

·         - 31/03. Dijon. Cours théoriques de « débourrage » aéronautique.

 

·         - 06/04. Miramas. Arrivée en École de pilotage.

 

·         - 11/04. Premier vol d'initiation sur Caudron G.3.

 

·         - 14/04. Premier vol en « double commande », en place avant, le moniteur derrière.

 

·         - 31/04. Lâcher : premier vol « solo », en place arrière. Virages à plat.

 

·         - 02/06. Passage en « Perfectionnement ». Virages au manche.

 

·         - 04/06. « Spirales ».

 

·         - 06/06. Épreuve de « Hauteur », 3500 mètres atteints.

 

·         - 07/06. Épreuves de « Lignes droites » et « Voyage en triangle ».

 

·         - 08/06. Breveté ! « Vite ! Mes ailes au col, du fil, une aiguille... ! »

 

·         - 21/06. Avord, Division des « Pingouins », un Nieuport aux ailes rognées permettant de maîtriser le roulage au sol.

 

·         - 20/07. Division « Nieuport ». Un mois de double commande sur Nieuport 28, puis 23, et enfin 18, ce nombre indiquant la surface alaire en m² des différents modèles de Nieuport. Comme le souligne le rédacteur « la surface portante des appareils diminue à mesure que le perfectionnement se poursuit !»

 

La pédagogie est brutale, comme en témoigne cette affiche :

 

«  Pilotes, perdez tout ce que vous voulez,

mais ne perdez pas votre vitesse.

Ne virez pas au ras du sol.

Ne montez pas en chandelle.

Ne croisez pas les commandes, sinon...

Au dessous, deux tibias et une tête de mort » !

 

 

·         - 13/08. Lâcher sur Nieuport.

 

·         - 15/08. Qualifié « Perfectionné » sur Nieuport avec 16h05 de vol.

 

 

Puis c'est le départ pour Pau, où est implantée la Division Avion de Combat.

 

-        19/08. Arrivée à Pau.

 

« Ici, au moins on vole ! … En six jours de présence à la D.A.C. Je me trouve avec plus d'heures de vol qu'en deux mois à l’École d'Avord !... Le 15 mètres sur lequel je suis, 80 chevaux Rhône, est un prodigieux joujou. Il décolle en 20 mètres, répond à la moindre touche des commandes, grimpe comme un ascenseur. »

 

·         - 25/08. Passage aux « Vols de groupe ».

 

·         - 29/08. Épreuve d'altitude, atteint 5900 mètres (sans oxygène !).

 

·         - 31/08. Enfin sur Nieuport 13, le fameux « Bébé Nieuport », afin d'apprendre à maîtriser, après les avoir simulés sur le « Fantôme », fuselage d'avion fixé au sol, « La vrille, le renversement, le retournement, le virage à la verticale et la glissade sur l'aile. Le looping n'est pas obligatoire, car il est peu utilisé en combat (sic). »

 

·         - 05/09. Départ pour le Groupe de Divisions d'Entraînement, à Plessis-Belville, entre Meaux et Senlis, dernière étape avant le front.

 

·         - 27/09. Le caporal Puistienne rejoint l'escadrille N 155, stationnée à Mélette, près de Châlons-sur-Marne. L'unité est dotée de Nieuport (d'où l'initiale N) et son insigne est le « Grand Cacatois », bizarre perroquet exotique.

 

Il n'a donc fallu que six mois pour transformer un « poilu » habitué à son fusil Lebel et chargé d'un « barda » de 30 kilos en pilote opérationnel en unité ! Mais c'était la guerre, une guerre qui a vu très vite évoluer les tactiques de la toute jeune aviation de chasse : « Les temps héroïques du chasseur isolé ne sont plus...Les fritz ne sortent que par trois, six, ou même dix. Nous en faisons autant...  Les « as » eux-mêmes doivent se plier à la règle commune des patrouilles. Maintenant le chasseur n'est qu'un cavalier dans le grand carrousel aérien. »

 

En escadrille, Puistienne découvre les différents aspects des missions de l'unité, comme en témoigne ces exemples :

 

  • - 01/11. Il est « de jour », enregistrant « le nombre des sorties et rentrées, les pannes ; combats et victoires au besoin » pendant que les quarante avions du groupe sont partis vers les lignes... Mais coup sur coup deux « saucisses » françaises sont incendiées. Une protection est réclamée d'urgence. Il décolle en solo, patrouille le long du front, est pris à partie par la D.C.A., rejoint un combat tournoyant, repère un avion camouflé, attend que les croix noires passent dans le viseur... « Nom d'un chien... les cocardes ! », et rentre au terrain pour apprendre que l'on commence à avoir aussi « chez nous des zincs camouflés » !

 

  • 13/11. Escorte à cinq Nieuports d'un Dorand de reconnaissance. Au passage des lignes deux Nieuports ont déjà abandonné sur panne. Un tir de D.C.A. fait éclater la patrouille. Puistienne, sur sa « Môme Jeannette », aperçoit en dessous de lui trois Albatros, pique sur le dernier : « La silhouette aux croix noires dans mon viseur... Feu ! Malheur à moi ! Une seule traçante frappe nettement le boche... et ma mitrailleuse enrayée reste muette ! ». Pris en chasse par cinq appareils ennemis, il part en vrille, redresse alors que les Albatros,  encadrés par les tirs de la D.C.A. amie, fuient... « Braves artilleurs, merci ! ». Mais ... «  A droite, un trou rond dans le plan inférieur ; la toile est brûlée... Mon plan gauche est cintré. Il se courbe, se gondole, les haubans détendus vibrent... Va-t-il céder ?... Le terrain approche. Le terrain est là... tout doucement je pique... le sol monte. Je le touche. Je roule. Je m'arrête. »

 

Le début de l'année 1918 est fertile en événements : d'abord, à partir du début janvier, les Nieuport 27 sont remplacés par des Spad XIII, et donc au début de février la N 155 devient la SPA 155.

 

Avec trois autres escadrilles, les SPA 48, 94 et 153, elle constitue le Groupe de combat 18 qui rejoint le terrain de Villeneuve-les-Vertus où il forme avec deux autres groupes la 1ère Escadre de combat. Enfin le 1er mars la SPA 155 perd son « Grand Cacatois » et arbore un nouvel insigne, le « Petit Poucet » qui « a vraiment bonne figure ; avec ses bottes de sept lieues, il a l'air de dévorer l'espace ». Mais dès la fin de janvier, Puistienne a enregistré sa première victoire :

 

  • - 27/01. Mission de protection d'une sortie de reconnaissance menée par un Spad biplace de l'Escadrille 48. Au delà des lignes, à 6.500 mètres, baisse de pression d'air dans le réservoir, le moteur ralentit, le pilote pompe à la main et le moteur repart. Mais il a perdu de l'altitude. « Où est mon poussin, le Spad biplace ?...Là-bas un point noir... il faut le rattraper... le biplace s'enfonce encore chez le boche... Mais il était jaune clair... maintenant vert foncé... Ah ! Des croix noires !». C'est un gros biplace Rumpler qui rentre au gîte et que Puistienne abat de longues rafales de sa mitrailleuse, le suivant pendant sa vrille mortelle et ne redressant qu'à quelques centaines de mètres au dessus du sol : « J'en ai un ! J'ai un boche ! »

 

Mais sous la poussée allemande le front évolue vite et les escadrilles se replient fin mars sur le terrain du Plessis-Belleville, à seulement 35 kilomètres de Paris ! La mission principale est maintenant le mitraillage des colonnes ennemies :

 

  • - 26/03. Patrouille région de Montdidier. Puistienne et un jeune ailier, son leader s'étant posé dans un champ après une panne, découvrent... « Cette tache verdâtre, qui coupe la route... Parbleu, ce sont eux ! Je cabre la « Môme Jeannette... Je pique et mes deux mitrailleuses crépitent ; les traçantes zèbrent l'air de longues traînées blanches, s'enfoncent dans une masse mouvante vert-de-gris... En bas la colonne boche s'éparpille. Des hommes courent à toutes jambes dans les champs... ».

 

De fin mars à début août l'escadrille déménage une douzaine de fois au gré des offensives allemandes et des contre-attaques alliées. Les ordres du 20 août caractérisent l'activité des escadrilles : « Départ des patrouilles à 8h20. Secteur d'attaque nord-est Soissons. Mission : interdiction des lignes ; protection des avions de corps d'armée ; mitraillage des formations et batteries ennemies. »

 

Au cours de cette journée, Puistienne mitraille une ligne de pièces d'artillerie embusquées dans un petit ravin mais revient avec « la moitié du volet de mon stabilisateur en miettes... Le plan fixe entamé et le volet bloqué... l'air s'engouffrant par la plaie béante de l'aile gauche risque de la désentoiler... ». Avant l’atterrissage, il coupe le contact, l'avion tombe... et le pilote se retrouve dans son lit avec seulement quelques contusions. Mais la « Môme Jeannette » est en miettes !

 

Le 12 septembre, au cours d'une mission d'escorte de Bréguets de bombardement, Puistienne engage le combat avec un Fokker D7 allemand et le voit disparaître traînant un long panache de fumée noire.

 

Le 21 octobre nouvel accrochage avec les D7 au cours d'une mission d'attaque de « Drachen ». Atterrissage de précaution avec encore une « Môme Jeannette » à mettre à la ferraille, « mât de cabane droit arrière broyé, les ferrures de câbles tordues, un longeron de fuselage haché... En tout vingt-trois balles, y compris les deux du pare-brise » !

 

Enfin le 11 novembre, c'est l'armistice et le 19, dans Metz reconquise, défilé des troupes victorieuses survolées par les appareils de la division aérienne. Et c'est le drame : « … Lequel a commencé ?... Un carrousel aérien se déclenche... Loopings, glissades, boucles... au dessus de la foule ravie... Soudain, une clameur s'élève... Avec fracas un Spad vient de s'écraser sur le pavé... »

 

Le 13 décembre, la sanction tombe. Quatre de ses camarades et « le Sergent Puistienne, du 105ème d'infanterie, détaché à l'escadrille SPA 155, cité à l'ordre de l'armée... Une blessure... Sont tous les cinq punis de quinze jours d'arrêts de rigueur... Sont radiés du personnel navigant de l'aéronautique et renvoyés dans leurs armes respectives, avec le motif suivant : « Pilotes absolument inconscients, sont un danger pour la sécurité publique ».

 

« Nous nous sommes inclinés, sans protester. La guerre était finie.    On avait plus besoin de nous. »

 

 

Pour compléter les biographies ou les souvenirs des « As » de la 1ère guerre mondiale, les Guynemer, Fonck, Nungesser ou Madon, il est passionnant de découvrir avec le caporal Puistienne, de l'« Escadrille 155 », ce que fut la vie en unité d'un des quelques 6.000 aviateurs français formés pendant cette période. Fantassins ou « tringlots », transmetteurs, cavaliers ou artilleurs, ils ont, devenus pilotes, contribué à écrire les premières pages de la glorieuse histoire de l'aviation de chasse.

Couverture Escadrille 155

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