Publié le 27 Mai 2017

Charles de Foucauld et le général Laperrine.

Charles de Foucauld et le général Laperrine.

Biographie.

François Henry Laperrine d’Hautpoul, descendant du fameux général d’Hautpoul mort à Eylau, nait le 29 septembre 1860 à Castelnaudary dans l’Aude. Fils d’Alphonse Laperrine d’Hautpoul, receveur des finances dans cette commune, il entre à Saint-Cyr en octobre 1878. Capitaine au 2e régiment de dragons en novembre 1891, attiré par l’aventure, il est volontaire pour servir en Afrique.

En 1897, il recrute et organise les Compagnies méharistes sahariennes, qui ne deviendront officielles que le 30 mars 1902, par décret, tout en restant des troupes semi-régulières. En 1901, il est nommé commandant supérieur des oasis.

Il fait découvrir le Sahara à Charles de Foucauld, un de ses lointains cousins, lors d’une « tournée d’apprivoisement » des populations du grand Sud. Les deux saint-cyriens se connaissent depuis longtemps. L’un veut gagner les Sahariens à la France, l’autre à la cause du Christ. Peut être Laperrine s’imagine-t-il que grâce à l’aide du missionnaire et à celle de Moussa Ag Amastan, il pourra mettre en place « une confédération targuie du Sahara, sorte de royaume franc du Centre Afrique, à dominante chrétienne, socle de la civilisation africaine ». C’est oublier que Moussa Ag Amastan, bien qu’il ait fait par réalisme le choix de pactiser avec les Français, est un musulman pieux et sincère, ce qui lui valait d’ailleurs l’estime de Charles de Foucauld.

En 1904, alors que Laperrine est commandant supérieur des oasis sahariennes, son subordonné, le capitaine Métois, chef de l’annexe du Tidikelt, fait signer au chef des Touareg Ked-Ahaggarn l’amenokal Moussa Ag Amastan, une sorte de traité qui fixe à celui-ci « les conditions dans lesquelles le Gouvernement français accepte sa collaboration ». Mais Laperrine, le supérieur hiérarchique de Métois, interprète ce traité comme une soumission de Moussa AG Amastan et le lui fera comprendre l’année suivante. Son action au Sahara lui vaudra le surnom de « pacificateur du Sahara ».

Général de Brigade en 1912, François Henry Laperrine d’Hautpoul participe à la Première Guerre mondiale, avec entre autres les batailles d’Ypres et de Verdun. En 1917, il est rappelé au Sahara par le général Lyautey, qui exige d’avoir sous son commandement des officiers qui parlent parfaitement arabe et montent à dos de chameau. L’année suivante, Laperrine est nommé général de division.

En février 1920, Laperrine remplace le général Nivelle, rappelé à Paris, pour participer à un raid aérien. Mais le 18 février, l’avion dans lequel il a pris place sur les genoux d’un mécanicien se perd après l’escale de Tamanrasset. L’engin doit se poser en catastrophe en plein désert et capote. Après plusieurs jours sans nourriture, le général meurt d’épuisement le 5 mars 1920. Son corps est ramené à Tamanrasset ; il est inhumé le 26 avril 1920 à Carcassonne. Son corps repose au cimetière Saint-Michel.

 

Distinctions et hommages.

Le général de division François-Henry Laperrine d’Hautpoul était :

  • Grand officie de la Légion d’honneur.
  • Croix de Guerre 1914-1918.
  • Médaille coloniale avec les agrafes Algérie, Soudan, Sénégal, Sahara, AOF.
  • Croix de Guerre belge 1914-1918 avec palme.

Durant la période de la colonisation française, son nom est donné au fort situé dans le sud du Sahara, fort qui deviendra petit à petit la ville de Tamanrasset. Des rues portent le nom du général Laperrine à Paris, à Nice ; la 143e promotion de Saint-Cyr porte également son nom de même que la caserne du 3e RPIMa, située à Carcassonne.

 

La mort du général.

Charles Nardin, commandant le Parc du 3e Groupe d’aviation à Sétif a recueilli le rapport et le témoignage d’un mécanicien, le soldat Marcel Vaslin, qui se trouvait avec le général Laperrine au moment de l’accident fatal. Voici, grâce au site internet, www.cerclealgerianiste.fr dont le but est de sauvegarder, défendre, transmettre l’histoire et la mémoire des Français d’Algérie, a publié ce rapport. En voici de larges extraits :

« Etant mécanicien dans une escadrille de Constantine, j'ai été désigné, dans le courant de janvier 1920, pour rejoindre, avec quelques camarades, le poste de Tamanrasset, dans le but de recevoir les avions du Raid Transsaharien. Nous avons rejoint Tamanrasset le 31 janvier, après une dure randonnée en camionnette à travers le Sahara. Le 15 février 1920, nous voyons atterrir le capitaine D'Alleman, pilote du commandant Rolland, le lieutenant Sabatier, avec son passager l'adjudant mécanicien Faury, l'adjudant Bernard, pilote du général Laperrine; le 16 atterrissait le commandant Vuillemin, ayant à bord le lieutenant observateur Chalus. Après quelques vérifications et menues réparations, il est décidé que le capitaine D'Alleman et le lieutenant Sabatier repartiront le 17 à destination d'Alger. Le commandant Vuillemin et l'adjudant Bernard prendront leur vol pour Tombouctou et Dakar le 18. Le 17 au soir, le commandant Vuillemin fait demander un volontaire parmi les mécaniciens du poste, pour prendre place à bord de l'avion du général Laperrine; le 18 à l'aube, je me présente et je suis agréé.

Les moteurs des deux avions ronflent déjà; nous n'avons pas eu le temps d'aménager une troisième place dans l'appareil qui doit me prendre; le général s'installe sur mes genoux et, à 7h30, nous décollons devant une foule de Touaregs, parmi lesquels nous remarquons leur grand chef Moussa Agama Stal, figurent aussi le lieutenant Pruvot, résident du Hoggar et quelques militaires européens en station à Tamanrasset. Avant le départ, il avait été convenu que les deux avions marcheraient de conserve parce que si l'un d'eux était contraint d'atterrir, l'autre viendrait se poser à son tour pour lui porter secours. Pendant quelques minutes, nous survolons Tamanrasset et la région du Hoggar et, après avoir pris une hauteur de marche, nous prenons la direction sud-ouest en suivant autant que possible, la piste chamelière de Tamanrasset Tin-Raro. Au bout de 15 km, la piste n'est plus visible. Nous suivons alors un oued qui semble nous donner la bonne direction; le commandant Vuillemin marche mais à plus faible altitude; l'adjudant Bernard le suit comme il était convenu. Comme le général n'a pu se repérer depuis le départ et qu'à 11h30 nous ne sommes pas en vue de Tin-Aquaten, Bernard se décide à lancer les signaux de détresse par T.S.F.A. À ce moment, le commandant Vuillemin est à environ 1000 mètres de nous, en avant et à gauche. Nous n'avons d'essence que pour une vingtaine de minutes de vol; aussi Bernard se dispose à atterrir.

Il se présente un terrain excessivement plat mais très mou et bordé au nord par des dunes de sable. Ayant le vent debout au-dessus de 2000 mètres, Bernard amène son appareil sur le terrain face au sud; nous ne sommes plus qu'à une quinzaine de mètres du sol, lorsqu'un fort remous incline l'appareil sur l'aile gauche, pour comble de malheur, au ras du sol, le vent nord-sud souffle, ce qui contribue à nous faire capoter violemment. Le général qui n'était pas attaché, se trouve pris entre le pare-brise et moi; il est, de ce fait, blessé assez sérieusement; il a la clavicule gauche cassée, une côte enfoncée et il se ressent de contusions internes; Bernard s'était attaché avant le départ et il se retire de sous l'appareil; quant à moi, j'ai la tête dans le sable, je me relève un peu contusionné. Revenu de notre première émotion, nous sommes désagréablement surpris de constater que l'avion du commandant Vuillemin a disparu. Notre première préoccupation est de ramener les bidons contenant l'eau de réserve; ils sont pêle-mêle avec les boîtes de « singe », les outils, les bougies de rechange, etc..., le tout enfoui plus ou moins dans le sable.

Il est environ midi, la température atteint 45°, nous nous mettons à l'ombre sous les plans de l'appareil retourné et le général Laperrine nous dit: « Mes enfants, nous allons essayer de manger, puis nous nous reposerons jusqu'à demain matin et ensuite nous aviserons ». Pensant, Bernard et moi, que le général connaît bien la région, nous ne sommes pas très inquiets; nous absorbons donc quelques tranches de gigot de gazelle et un peu de pain provenant d'un casse-croûte offert au général à Tamanrasset, un peu d'eau et nous nous étendons. Notre chef mange très peu; nous sommes courbaturés et nous nous efforçons de dormir mais le sommeil ne vient pas. Vers 16 heures, la température est plus supportable, nous quittons nos vêtements pour nous étendre sur le sable qui commence à être frais; dans le courant de la nuit, nous dormons d'un sommeil très léger, coupé par de longs intervalles de méditation.

Le 19 au matin, avant qu'il fasse jour, le général décide que nous partions dans la direction nord-ouest, dans l'espoir de trouver les montagnes de l'Adrar. Nous rassemblons donc ce qui nous est indispensable pour la route. Il y a dix boîtes de viande de 300 gr, vingt biscuits de guerre, une boîte de phoscao de 250 gr, une boîte de lait condensé de 250 gr, 100 gr environ de sucre en poudre, 1/2 litre d'arquebuse appartenant à Bernard, six bidons d'eau de deux litres et deux bidons de quatre litres; un mousqueton de cavalerie, une couverture, une toile de tente et nos objets personnels.

À la pointe du jour, nous nous mettons en route, le général est muni de ses jumelles et de son porte-cartes; il marche difficilement. Bernard et moi, portons les vivres, l'eau, etc..., nous sommes sérieusement chargés. Après cinq heures de marche, nous nous arrêtons pour prendre un repos bien gagné. À l'aide de la carabine, nous montons la tente tant bien que mal en nous servant des bidons d'eau pour fixer les coins de la toile et là, très mal abrités du soleil, nous attendons le soir. L'eau est rationnée, il a été convenu entre nous que nous ne boirons pas plus d'un litre d'eau chacun par 24 heures. Il fait très chaud, nous souffrons beaucoup de la soif mais nous respectons la consigne. Le soir, une boîte de viande de 300 gr fait tous les frais de notre repas; l'appétit ne va pas fort! Le général nous encourage en nous disant que la piste n'est pas à plus de 50 km de nous, nous avons confiance en lui; il nous dit de faire du feu pour tâcher d'attirer l'attention sur nous; nous cherchons du combustible et nous trouvons quelques herbes sèches qui nous permettront de faire une petite lueur pendant 10 minutes. Dans la nuit, nous tirons trois coups de carabine mais en vain, personne ne nous entend.

Le 20, de très bonne heure, nous nous remettons en route dans la même direction que la veille, nous espérons que la journée ne se passera pas sans que nous ayons aperçu les montagnes de l'Adrar. Le terrain très mou rend notre marche pénible à chaque pas, le pied s'enfonce de 10 cm. De temps en temps, le général braque ses jumelles devant lui, mais il ne découvre rien, toujours l'immensité.

Le 21 février, à l'heure habituelle, nous repassons sur nos traces et nous marchons dans la direction de l'avion que nous avons abandonné deux jours plus tôt; le général est dans un état de faiblesse extrême; nous faisons des petites étapes d'une heure; à 10 heures, nous apercevons, à notre très grande joie, des traces de pattes de chameaux; déjà nous croyons être sur une piste mais, malheureusement, au bout d'une dizaine de mètres, elles n'existent plus. À l'aide de mon mousqueton, je trace une flèche sur le sol indiquant le sens de notre marche et j'inscris la date: « 21 février 1920 ». Nous profitons de cet incident pour faire une petite halte et le général se décide à rédiger un petit billet sur lequel il est dit ceci: « Nous marchons vers notre avion qui se trouve à une dizaine de kilomètres d'ici » et il signe son nom en écriture touareg et arabe. Le billet est pris entre deux pierres pour éviter qu'il ne s'envole. Nous repartons; au fur et à mesure que le poids de nos vivres diminue, celui de nos fatigues augmente. A 11 heures, grande halte habituelle; nous avons la gorge tellement sèche que nous ne pouvons manger, aussi nous ne mangeons que le soir. Nous repartons alors au bord d'un oued, ne pouvant continuer car nous ne voyons plus nos traces. Après avoir mangé notre boîte de « singe » quotidienne, nous disposons des bidons en file indienne afin de marquer notre sens de direction pour le lendemain matin, car nous partirons avant qu'il fasse jour; nous devons retrouver notre appareil dans la matinée. Ce soir, l'état du général devient très inquiétant, c'est avec beaucoup de peine qu'il arrive jusqu'ici, il se plaint sans cesse de son dos; comme il ne peut manger, nous lui réservons le phoscao et le lait condensé; Bernard lui fait des massages avec de l'arquebuse. Nous ne sommes pas longs à nous endormir car nous sommes extrêmement fatigués.

Le 22 vers 4 heures, nous avons beaucoup de mal à nous mettre debout. Le général ne peut se lever seul, nous l'aidons donc et nous repartons péniblement; nous nous arrêtons toutes les demi-heures à cause de notre chef qui est à bout de forces. À 8 heures, nous apercevons l'appareil et cela nous fait plaisir, bien que nous sachions que le salut ne nous y attend pas. Il nous semble que l'appareil n'est pas loin de nous, mais nous marchons encore longtemps. Nous arrivons enfin à 400 m de notre but; notre chef ne peut plus avancer. « Mes enfants, dit-il, allez à l'appareil déposer vos affaires et vous reviendrez me chercher ensuite ». Cependant Bernard le soutient et nous continuons très lentement. À 9h30, nous arrivons près de notre « coucou », il n'a pas bougé !... Les plans supérieurs, qui touchent près du sol, sont déjà recouverts de sable. Nous allons tout de suite nous rendre compte si le radiateur a fui, et nous sommes heureux de voir qu'il est presque plein. Nous avons rapporté un litre d'eau de notre expédition. Avant la grande chaleur, nous nous empressons de tendre une couverture que nous fixons à l'aide du fil d'antenne de TSF, d'une part à l'aile inférieure droite, puis au fuselage, et enfin au stabilisateur; nous serons ainsi protégés du soleil. Nous couchons tout de suite le général sous la couverture et près du fuselage; nous prenons place près de lui et nous lui tenons compagnie. Nous nous reposons, notre chef se plaint et pousse de longs soupirs au moindre mouvement, il ressent une vive douleur. Dès que le soleil est couché, nous commençons à vider le radiateur en emplissant nos bidons et nous recueillons 18 litres (il doit encore en rester 4 litres environ). Nous creusons un trou dans le sable et nous enterrons nos bidons pour les protéger de la chaleur. La ration d'eau est toujours fixée à 1 litre par personne et par jour; le soir nous mangeons encore une boite de viande et nous faisons du phoscao pour notre chef. Après le repas, nous nous étendons encore et nous dormons vite.

Le 23, au réveil, rien de nouveau.

Le 24, vers 10 heures du matin, nous apercevons une gazelle à une centaine de mètres de nous; je tire dessus neuf cartouches, mais sans succès. Les mirages nous causent de fausses joies.

Le 25, vers midi, nous apercevons encore une gazelle, Bernard essaie en vain de la tuer. Dans la nuit du 25 au 26, le général appelle Bernard à plusieurs reprises pour lui demander s'il dort.

Le 27, de 10 heures à 18 heures, nous subissons une forte tempête de sable qui nous oblige à nous cacher sous des couvertures; l'état du général devient de plus en plus inquiétant.

Le 28, rien à l'horizon. Bernard commence à faire son testament, nous sommes découragés; la chaleur est très forte, pendant six heures nous en souffrons beaucoup. Dans la journée, nous essayons de manger la pâte dentifrice, cela semble nous rafraîchir quelques instants, pour nous altérer par la suite; malgré tout, nous y revenons de temps à autre.

Dimanche 29 février, je fais mon testament pour ma mère, je suis découragé au plus haut point. Je termine ma lettre ainsi: « Marcel Vaslin, que la destinée emporte vers Dieu ».

Le 1er mars, voici douze jours que nous n'avons vu personne, ni amis, ni ennemis; des marques de grand désespoir sont visibles sur nos traits, j'échange mes impressions avec Bernard, nous employons notre temps à démonter les instruments de bord pièce par pièce.

Le 2 mars, rien. La journée se passe semblable aux autres, le soir nous faisons un petit feu, nous brûlons un pneu et une housse de moteur. Soir et matin, nous tirons trois cartouches, mais cela ne sert à rien, jamais personne ne nous entend.

Le 3, forte tempête de sable, cela nous donne des idées plus noires que d'habitude, le général respire avec beaucoup de difficultés et son état de santé commence à nous inquiéter beaucoup. Bernard consulte les cartes et croit, d'après elles, que nous sommes à 120 km de Tin-Zaouaten. Nous formons le projet de marcher dans la direction de ce poste, espérant qu'en cours de route nous rencontrerons du secours; notre chef nous autorise à tenter cette autre expédition en nous disant: « Mes enfants, si vous allez là-bas, vous ne reviendrez certainement pas ». Après avoir fait un repas plus copieux que d'habitude, c'est-à-dire augmenté de deux biscuits, nous quittons le général Laperrine vers 9 heures, en emportant avec nous de l'eau pour quatre jours et des vivres, tout en laissant la ration du général près de lui. Nous marchons directement sur les dunes qui bordent le terrain où nous avions atterri; à la troisième rangée de dunes, nous montons au sommet après des efforts extraordinaires en comparaison de notre faible constitution du moment. Bernard s'écroule comme une masse et me dit: « Je ne peux ni avancer, ni reculer. Je reste là ». Mes forces sont également bien diminuées, malgré tout je m'efforce de faire comprendre à mon camarade de misère, qu'il est impossible de rester dans les dunes et qu'il vaut mieux mourir près de l'avion car, là-bas, on nous retrouverait un jour ou l'autre, mort ou vivant. Nous rentrons à l'appareil péniblement et là, nous apercevons notre chef qui, depuis notre départ, n'a pas eu la force de boire.

Le 4, il se plaint de plus en plus et nous nous attendons à le voir mourir incessamment; il absorbe difficilement son chocolat. Cette journée est lugubre, nous voyons des oiseaux de proie qui nous survolent en croassant. Ont-ils senti qu'il y aurait bientôt un mort parmi nous?

Le 5, nous retrouvons le général à quelques mètres de sa place habituelle, il a la bouche pleine de sang; nous avons le pressentiment qu'il va bientôt partir, nous nous efforçons de lui faire prendre son chocolat, mais il ne peut plus avaler quoi que ce soit. Sentant sa mort prochaine, il nous dit quelques paroles: « Mes enfants, on croit que je connais le désert, mais personne ne le connaît; c'est moi qui ai fait votre malheur; j'ai traversé dix fois le Sahara et j'y resterai la onzième fois ». Nous supposions qu'il allait encore tenir un jour ou deux. Vers midi, il demande de l'eau, je le relève et Bernard le fait boire, je le recouche vers 15 heures, je suis très occupé à causer avec Bernard lorsque ce dernier me dit: « C'est drôle que le général ne nous réclame pas à boire ». Nous l'appelons à plusieurs reprises mais il ne nous répond pas; Bernard, qui est le plus près de lui, touche sa jambe: il est mort sans avoir poussé la moindre plainte. Ceci est bien triste pour nous, nous nous rendons compte que notre jour est proche aussi, nous sommes également dans un état de faiblesse extrême et, dès que nous voulons nous mettre debout, nous sommes pris d'étourdissements et nous sommes obligés de nous recoucher. Cependant, à la nuit tombante, nous rassemblons tout ce qui nous reste de force pour transporter notre chef sur le plan opposé. Là, nous le couvrons avec de la toile d'avion prise sur une des ailes.

Le 6, triste réveil en voyant que notre chef est manquant; nous pensons à l'inhumer, mais nous avons quand même l'espoir d'être retrouvés aujourd'hui. Le soir arrive, nous ne voyons aucune âme qui vive. Ce jour-là, nous souffrons encore beaucoup de la chaleur, laquelle augmente tous les jours. Nous avons encore six jours d'eau et quatre jours de vivres. Bernard et moi, nous décidons de nous rationner de plus en plus, nous boirons deux quarts et demi d'eau par jour chacun. Dans le courant de la journée, Bernard a une soif terrible mais il ne veut pas toucher à sa ration d'eau, alors il casse les boussoles et absorbe le liquide qu'elles contiennent. Le soir, notre repas se compose d'un biscuit pour chacun. En raison de notre état de faiblesse, nous grelottons la nuit et, quand le jour arrive, nous sommes gelés. Le matin, nous avons encore un peu d'espoir, mais nous le perdons dès que la chaleur devient forte. Au soleil couchant, nous nous acheminons vers un sillon qu'a fait une roue de l'avion au moment de l'atterrissage et là, avec nos mains, nous agrandissons le trou où doit reposer notre « grand chef ». Ce travail est terminé au bout d'une heure, nous allons chercher le général pour le transporter à sa dernière demeure et, une fois enseveli, craignant que la tombe ne soit rendue invisible après une tempête de sable, nous posons sur elle une roue de rechange à laquelle nous fixons le képi. Après avoir rendu les derniers hommages à notre chef, nous nous retirons tristement. La tombe est à une dizaine de mètres devant l'appareil.

Le 8, nous rassemblons nos affaires personnelles, nous en formons chacun un petit colis et nous joignons l'adresse de nos familles, sans oublier quelque monnaie pour l'affranchissement. Les deux colis sont logés dans la valise du général et la valise est ensuite rangée dans le fuselage.

Le 9, réveil sans espoir. L'adjudant Bernard écrit quelques mots au recto d'une enveloppe: « Le général est enterré à une dizaine de mètres devant l'appareil; un képi, une roue, un pneu sur sa tombe. Prière d'ouvrir cette valise. Dans un compartiment il y a des lettres et des colis à expédier à nos familles tout est prêt, il y a de l'argent pour l'affranchissement. Merci à qui le fera. Le 9 mars 10 heures, pensons tenir jusqu'au 12 mars. Bernard ».

Le 10, nous ne bougeons plus, nous restons étendus toute la journée, fouillant l'horizon de nos yeux, mais rien! Toujours rien! Nous n'avons plus rien à manger. Bernard absorbe de la glycérine que le général avait dans sa valise, moi je mange de la pâte dentifrice, ce qui altère énormément; nous consommons quelques pastilles « Jubel », nous sommes insensibles.

Le 11, la situation ne s'améliore pas, au contraire, nous espérons maintenant la mort prochaine; voici deux jours que nous n'avons pas mangé; nous avons encore réduit la consommation d'eau à trois quarts pour deux par 24 heures.

Le 12, Bernard veut en finir et il me le propose. Je m'efforce de lui remonter le moral, mais il me fait comprendre que si nous n'allons pas au-devant de la mort, notre fin sera terrible ce à quoi j'acquiesce. Le soir, à 21 heures, il écrit ces quelques mots à la lueur d'une lampe électrique de poche qui avait appartenu au général: « Ce soir, 12 mars, à 21 heures, n'ayant plus de vivres, ni d'eau, nous nous donnons volontairement la mort. Ne comprenons pas qu'en 23 jours, on ne nous a pas retrouvés si on a fait des recherches ? Nous disons adieu à cette terre. Bernard ». J'ai quand même réussi à l'empêcher de suivre son idée et, le 13 au matin, nous sommes encore de ce monde. La journée se passe plus pénible encore que la précédente nous ne pouvons bouger. Le soir, l'idée du suicide revient à Bernard, plus belliqueuse que la veille; nous buvons le dernier quart d'eau. Alors c'est décidé: Bernard sort de sa valise, deux lames de rasoir « Gillette »; nous en prenons chacun une, mais avant, nous avons disposé près de nous, deux récipients dans lesquels nous ferons couler notre sang, à seule fin de pouvoir le boire et calmer notre soif une dernière fois avant de mourir. Bernard, plus courageux commence le premier. Il se fait, avec la lame de rasoir, une plaie assez profonde, près de l'artère du poignet gauche. J'avais déjà commencé à me blesser aussi, mais en voyant que le sang de Bernard ne sort pas je ne continue pas. Mon pauvre camarade est très en colère et il rejette sa lame au loin et je l'imite. Il me dit alors: « Nous en finirons demain matin avec les trois dernières cartouches qu'il nous reste ».

Le 14 de très bonne heure, un fort vent de sable commence à se lever. J'entends Bernard me dire: « Es-tu prêt? Nous en finissons ce matin ». Je lui réponds « Attendons jusqu'à midi, j'ai encore de l'espoir ». Sur ce, je rejette la couverture sur nous; nous ne dormons pas mais nous méditons. Une heure s'est à peine écoulée lorsque je perçois, dans le lointain, le beuglement d'un chameau. À ce moment-là, je ne sais quelle force extraordinaire s'empare de moi. Aussitôt je rejette au loin ma couverture, je saisis brusquement le mousqueton et je tire en l'air les trois dernières cartouches. Nous avons été entendus et nous sommes sauvés. J'aperçois deux méharis qui arrivent au galop et je me précipite vers eux; je cours à peu près pendant vingt mètres et je m'effondre devant mon sauveur qui, déjà me tend une gamelle d'eau. Quelques instants après, nous voyons arriver le lieutenant Pruvost au grand galop, accompagné du maréchal des logis et du brigadier Delplanque qui, tout de suite dressent une tente et nous prodiguent les premiers soins. Notre émotion est si forte que nous pouvons à peine causer avec nos sauveurs. Dans la journée, nous absorbons trente-quatre fois du thé bien sucré et deux grands plats de potage. La joie nous empêche de dormir et, pendant toute la nuit, je cause avec Bernard, je cause sans cesse. Nous échangeons nos projets. Le lendemain 15 février, le lieutenant Pruvost nous explique que nous n'avons été retrouvés que par un grand fait du hasard, car il ne venait pas du tout à notre recherche: il descendait à Agadez se ravitailler et il nous croyait retrouvés depuis plus de dix jours; ce bruit avait circulé à Tamanrasset. Le 16 au matin, nous partons dans la direction d'Agadez, nous marchons six jours pour atteindre le premier puits, faisant des étapes de 6 à 9 heures par jour, les débuts à dos de chameau sont pénibles pour nous qui n'avons que peu ou pas de force. Encore six jours de marche et nous atteignons le second puits. Nous trouvons là, beaucoup de troupeaux de chameaux, de bœufs et de moutons, qui appartiennent aux Touaregs du Hoggar.

Nous restons douze jours à Tasaya pour nous refaire. Le lieutenant Pruvost nous laisse des vivres avant de partir pour Agadez, où il se rend pour le ravitaillement de son détachement. Il emporte un quart de riz pour cinq jours de route, en compagnie de maréchal des logis et du brigadier déjà nommé. Nous le voyons revenir douze jours après et nous repartons ensemble pour Tamanrasset où nous arrivons quinze jours après, à dos de chameaux, ramenant la dépouille du général Laperrine. Dans la matinée de notre arrivée, a lieu l'inhumation au cimetière, près du père de Foucauld, qui a trouvé aussi la mort dans le Sahara. Nous sommes restés huit jours à Tamanrasset. Après avoir salué une dernière fois notre grand chef, nous partons vers le nord en camionnette automobile. »

 

Sources :

  • Rapport du mécanicien soldat Marcel Vaslin, repris par Charles Nardin, commandant le Parc du 3e Groupe d’aviation à Sétif.
  • René Pottier, Laperrine, conquérant pacifique du Sahara, Bibliothèque de l’Institut maritime et colonial, 1913.
  • Paul Pandolfi, Une correspondance saharienne. Lettres inédites du général Laperrine.
  • Encyclopédies Wikipédia, Larousse et Britannica.
  • Pierre Montagnon, Histoire de l’Algérie : des origines à nos jours, Pygmalion, 1998.
  • Georges Fleury, Comment l’Algérie devint française, Perrin, 2004.

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #La Coloniale

Publié le 7 Mai 2017

Ratissage près de Bou Saada par le 117e RI en 1956.

Ratissage près de Bou Saada par le 117e RI en 1956.

Histoire du 117e RI.

Il est toujours important de rappeler ce que fut l’histoire d’un régiment. C’est d’ailleurs l’une des premières choses que l’on apprend quand on intègre une unité : histoire et traditions !

 

Vieux régiment, son histoire remonte au 17e siècle quand il est de ces compagnies appelées « Vieux corps ». En 1656, cette unité forme un régiment du roi et l’un de ses bataillons passe au régiment de Bourgogne créé en 1668. Participant aux guerres de la Révolution française et au Premier empire, le 117e est dissous en 1814.

 

Récréé en 1872, le régiment a son casernement au Mans dans la Sarthe. Affecté au 4e corps d’armée, à la 8e division d’infanterie et à la 16e brigade, le 117 participe à la bataille de la Marne en 1914, est en Champagne l’année suivante, à Verdun puis à nouveau en Champagne en 1916. En 1918, il s’illustre à l’occasion de la seconde bataille de la Marne. Le 12 novembre 1918 à Charleville, le général Guillaumat, commandant la Ve armée, remet la Croix de guerre 1914-1918 au drapeau du 117e RI. Par décision du 30 novembre 1918 du maréchal Pétain, commandant en chef des armées de l’Est, le régiment est cité à l’ordre de l’armée. Le droit au port de la fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de guerre 1914-1918 lui est en outre accordé.

 

Au 1er septembre 1939 intervient la mobilisation générale. Après l’envahissement de la Pologne par l’Allemagne nazie, la France se déclare en état de guerre. Le 4 septembre, le 117e RI se trouve dans les Ardennes. Il est l’un des régiments qui pénètrent dans la Sarre. Mais cette occupation en Allemagne est de courte durée. En effet, en réaction à cette offensive, des divisions allemandes sont rapidement mobilisées et les Français décident de se replier derrière la Ligne Maginot. A la veille de la ruée massive des divisions de Panzer, fin mai 1940, le régiment occupe des positions au sud-ouest de Péronne.

 

Dans la nuit du 4 et 5 juin 1940, l’artillerie allemande pilonne les positions françaises. L’attaque des blindés allemands débute à l’aube du 5 juin. Le 117e, qui ne bénéficie de la protection d’aucun obstacle antichar naturel, supporte presque tout le poids de l’attaque blindée. Dès 3h30, après un redoublement des tirs de l’artillerie, le régiment voit arriver sur lui les vagues d’assaut de trois divisions blindées. Les chars bombardent, mitraillent puis dépassent les fantassins français qui voient apparaître les motocyclistes, puis les éléments portés débarquant au plus près. Entre deux vagues de chars, les stukas lancent leurs bombes en piqué. Les points d’appui et les centres de résistance sont neutralisés un à un après la destruction des lisières des villages par des obus incendiaires. Obligés d’abandonner leurs positions, les hommes du 117e se replient, bien souvent aux prix de sacrifices de dizaines d’hommes. D’ailleurs, l’âpreté de la résistance opposée par l’unité aux Allemands lui vaut des éloges : « Vos hommes ont combattu magnifiquement » dira plus tard un général de la Wehrmacht.

 

Le 1er août 1940, ce qui reste de la 13e compagnie de pionniers et le 21e bataillon sont dissous à Saint-Yriex dans la Creuse.

 

En Algérie.

Reconstitué le 17 avril 1956, à l’occasion du rappel de la classe 1953, le 117e régiment d’infanterie fait partie de la première vague des unités en vue du rétablissement de l’ordre en Algérie. Il appartient alors au 23e corps d’armée et à la 20e division d’infanterie.

 

Georges Albert Raymond Segard nait le 23 octobre 1924 à Mazingarbe dans le département du Pas-de-Calais. Habitant Issy-les-Moulineaux au moment de son service militaire, il est incorporé au 117e régiment d’infanterie et débarque en Algérie en mai 1956. Son séjour est malheureusement extrêmement bref. Il meurt des suites de blessures accidentelles reçues le 22 juin 1956 à Alger. Il est déclaré Mort pour la France. Trois jours plus tôt, les premiers membres du Front de Libération National condamnés à mort ont été exécutés.

 

Au cessez-le-feu du 19 mars 1962, le 117e RI constitue, comme quatre-vingt onze autres régiments, les 114 unités de la Force locale, en l’occurrence la 462e UFL-UFO, composée de 10% de militaires métropolitains et de 90% de militaires musulmans. Elle œuvre pendant la période transitoire entre les Accords d’Evian et l’indépendance de l’Algérie (5 juillet 1962) au profit de l’exécutif provisoire algérien.

 

Entre 1956 et 1962, le 117e régiment d’infanterie aura perdu 113 officiers, sous-officiers et hommes du rang.

 

 

Témoignage d’un ancien d’Algérie.

Un site Internet reprend l’histoire du 117e RI en Algérie et comporte des témoignages d’appelés (ou rappelés) du contingent. Voici celui de Gilbert T., publié sans modifications:

 

« Nous avons débarqué à Alger le 4 mai 1956 pour un séjour de 4 jours à Hussein-Dey et rejoindre ensuite Bou Saada pour une quinzaine de jours. C’est à la périphérie de cette cité que nous installons un camp de toiles et organisons notre bataillon. Les débuts ont été difficiles car il manquait de tout et nous ne comprenions pas la raison de notre rappel sous les drapeaux alors que nous étions tous bien engagés dans la vie civile, le service militaire était bien loin derrière nous. J'avais un camarade pharmacien qui venait d'ouvrir son officine et se tracassait à l'idée de pouvoir rembourser ses crédits.

 

Après avoir effectué les services d’usage en cantonnement, un événement majeur a failli tourner à l’émeute. La nourriture, à l’accoutumé bien chiche et peu appétissante, manqua brusquement et sans raison. Pas un cadre pour répondre à notre revendication, l’excitation était à son comble quand enfin le chef du bataillon paru sous une clameur d’hostilités et un concert de gamelles avec ce leitmotiv unanime : « à bouffer ! à bouffer… ». Il calma la foule en promettant de voir à cette anomalie et invita l’officier d’ordinaire à faire le nécessaire illico, malgré les plaintes d’impuissance de ce dernier qui avait tout fait selon ses moyens. J’immortalisai la scène avec mon appareil photos et je pris soin d’envoyer par la poste la pellicule à faire développer. Jamais je ne reçus les épreuves ?!!! Décidément les débuts du régiment furent pittoresques et bien mal engagés pour être crédible au regard des missions à venir.

 

Le 4° Bataillon quitte Bou Saada pour Alger et se scinde en deux groupements pour occuper les djebels entre L’arba et Aumale. Nous avions coutume de dire alors « Que nous étions les derniers de la dernière compagnie du dernier bataillon du 117». Cette fois ce n’est plus le cas, car nous passions de la 16e compagnie à la 4e.

 

Installation sur le Piton et l’occupation des fermes et caves vinicoles par la 4e Compagnie : Cette fois on s’installe enfin, on le devine car rien ne filtre de la part du commandement de la 4e Compagnie. Nous sommes au nord de L’arba, direction la moyenne montagne, transbahutés sur une mauvaise piste. Au lieu dit « Tazarine » nous recevons l’ordre de débarquer et de dresser nos tentes individuelles par deux. On nous fait comprendre que c’est notre cantonnement et qu’il va falloir l’organiser. Le lieu est idyllique dans une forêt de chênes-lièges, pas d’âmes qui vivent aux alentours. Peu à peu le cantonnement prend forme, on y a érigé une tour en dur, de celle-ci on voit la grande et belle plaine de L’arba, au loin Alger et la mer scintillante au soleil. Pas le temps de se lamenter, nous sommes sollicités pour des opérations de contrôle de la population dans les douars environnants. On y recueille des renseignements utiles pour découvrir des caches qui prouvent de l’activité nocturne des rebelles. Des suspects sont arrêtés et interrogés par la gendarmerie qui nous accompagne partout. Le séjour se passe sans heurts avec l’ALN qui n’a pas encore pris possession du territoire pour nous nuire véritablement.

 

Dans le cadre des missions tactiques du quadrillage destinées à assurer la sécurité des personnes et des biens, nous sommes affectés dans la ferme-coopérative vinicole « Torrez » du nom de son propriétaire, non loin de Fondouck. Nous sommes mieux lotis, le quotidien se révèle plus agréable. On se fait même des amis avec les Européens du cru. Je passe mes dimanches de liberté à Hussein-Dey chez un nouvel ami pied-noir. Un camarade ayant une marraine de guerre à Alger nous introduit dans le cercle du docteur Bonnafous, respecté par les autochtones soignés par lui. Mon camarade et moi avons été invités au mariage de sa fille sur les hauteurs d’Alger. J’avais honte de ma tenue militaire de drap affreusement fripée et mal taillée. Arrivés en retard nous n’avions pas le temps de nous excuser que le docteur invita les 300 convives à faire silence afin de nous présenter. Geste élégant d’un homme courtois et philanthrope qui nous a mis tout de suite à l’aise. La jeunesse nous a pris en charge pour rendre l’invitation mémorable. Nous étions en 1956, la symbiose était totale, notre présence nécessaire afin de poursuivre l’exploitation des vignobles. Dans des fermes moins protégées, les propriétaires avaient armés les employés musulmans pour sécuriser la propriété. Le séjour des réservistes arrive à son terme, je regagne la Métropole sur un bananier, je me bats pour obtenir une cabine alors que mes camarades sont en fond de cale ».

 

 

 

 

Sources :

 

  • Bachaga Boualam " Les Harkis au service de la France" ; Editions France Empire, 1962.
  • Nicolas d'Andoque "Guerre et Paix en Algérie. L'épopée silencieuse des SAS" ; Edité par SPL Société de Production Littéraire 10 rue du Regard 75006 Paris.
  • Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), La Découverte & Syros, 2004.
  • Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Fayard, 1994.
  • Pierre Montagnon, Histoire de l’Algérie : des origines à nos jours, Pygmalion, 1998.
  • Georges Fleury, Comment l’Algérie devint française, Perrin, 2004.
  • Encyclopédies en ligne : Larousse, Britannica, Wikipedia.
  • Site Internet d’anciens du 117e RI en Algérie.

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Algérie

Publié le 1 Mai 2017

Prosper-Olivier Lissagaray.

Jeunesse.

Hippolyte Prosper Olivier Lissagaray nait le 24 novembre 1838 à Toulouse, de l’union de Laurent Lissagaray, pharmacien, et de Marie-Louise Boussès de Foucaud. Il a un frère, Henri.

 

Son père meurt alors qu’Henri et lui sont encore petits. Prosper-Olivier rentre au collège d’Aire-sur-l’Adour dans des conditions difficiles. En classe de seconde, il fait ses premières armes littéraires sous la houlette du professeur de littérature l’abbé Légé, « maigre, pâle et toussant comme un phtisique, un parfait homme de lettres ». Ce dernier divise ses élèves en deux camps : les classiques et les romantiques. Prosper compte au nombre de ces derniers. Il écrit ainsi, à l’âge de 15 ans, avec son camarade Paul Lacome d’Estalenx, un roman médiéval : Les mystères des Croisades – Histoire de Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine. Après le baccalauréat, il ne voit plus ses camarades mais « au fond du cœur un endroit où tous vivent ».

 

Journaliste.

En 1860, il s’installe à Paris après un voyage en Amérique. Il dirige une société littéraire à but non lucratif. Lissagaray et son ami Juette deviennent les fondateurs des conférences publiques avec les Conférences de la rue de la Paix. Il écrit également une Revue des études littéraires, destinée aux élèves.

 

En 1864, il est l’auteur d’une conférence houleuse sur Alfred de Musset, mort en 1857 et toujours très populaire. Pour Lissagaray, Musset est « un homme sans opinion, sans conviction, sans principes, qui prétend incarner dans lui-même l’esprit de cette époque ». Il y dénonce les côtés vicieux et débauchés du poète et de ce fait n’est point un modèle pour la jeunesse : « Nous n’avons plus le temps d’être jeune. Soyons vieux à 25 ans, si nous ne voulons pas être serfs à 30… ». La conférence est très mal accueillie par la jeunesse elle-même…

 

En 1868, il confirme son engagement contre le Second empire en créant le journal L’Avenir, à Auch dans le Gers ; journal qui veut : ‘rallier dans le Gers toutes les forces éparses du grand parti de la révolution ». Deux ans plus tard, il créé avec Henri Rochefort La Marseillaise. Mais très rapidement les condamnations pleuvent : une pour un duel à Auch et l’autre pour « offenses envers les personnes de l’empereur et de l’impératrice ». En prison, il continue à écrire et mène son combat contre Napoléon III. Les rédacteurs de La Marseillaise finissent par être tous arrêtés. Libéré, Prosper Lissagaray prend part aux réunions publiques contre le gouvernement de l’empereur. De nouvelles condamnations arrivent. Le journaliste s’enfuie en Belgique. Il rentre à Paris le 4 septembre 1870, jour de la proclamation de la République. En effet, après le désastre de Sedan, l’empereur Napoléon III a abdiqué deux jours plus tôt.

 

Au Fort d’Issy.

Pendant toute la Commune, Prosper-Olivier Lissagaray use autant de la plume que du fusil. Il crée dès le 18 mars 1871 l'Action, un journal dans lequel il défend les communards et condamne le gouvernement. Puis, c'est autour du Tribun du peuple de sortir sans interruption du 17 mai au 24 mai.

 

En 1876, il publie son Histoire de la Commune de 1871, le premier ouvrage de témoignages sorti sur ces terribles événements. Voici ce qu'il écrit sur les combats dans Issy et la chute du fort qu'il défendit jusqu'au bout, armes à la main. Nous sommes le 1er mai : « l'orgueilleuse redoute n'était plus un fort, à peine une position forte, un fouillis de terre et de moellons fouettés par les obus. Les casemates défoncées laissaient voir la campagne ; les poudrières se découvraient ; la moitié du bastion 3 était dans le fossé ; on pouvait monter à la brèche en voiture. Une dizaine de pièces au plus répondaient à l'averse des soixante bouches à feu versaillaises ; la fusillade des tranchées ennemies visant les embrasures, tuait presque tous les artilleurs. Le 3, les Versaillais renouvelèrent leur sommation, ils reçurent le mot de Cambronne. Le chef d'état-major laissé par Eudes avait filé. Le fort resta aux mains vaillantes de deux hommes, l'ingénieur Rist et Julien, commandant du 141e bataillon - XIe arrondissement. A eux et aux fédérés qu'ils surent retenir, revient l'honneur de cette défense extraordinaire ».

 

Le fort résiste jusqu'au 9 mai. Lissagaray défend les barricades de Paris jusqu'au 24 mai 1871.

 

La fuite et la suite.

Une nouvelle fois, Lissagaray parvient à s’enfuir. D’abord à Bruxelles, où il publie la première version de son Histoire de la Commune de 1871, justement sous-titrée : « Pour qu’on sache ». C’est en Belgique qu’il apprend, le 18 juin 1873, qu’il est condamné en France à la déportation par contumace. Il part ensuite à Londres, où il fréquente assidûment Eleanor, la troisième fille de Karl Marx. C’est elle qui traduit sa principale œuvre en anglais. Mais des divergences, en premier lieu politiques, l’ont éloigné du père du Capital et de la convoitée. Prosper-Olivier Lissagaray est en effet plutôt de sensibilité anarchiste, proche des blanquistes anticléricaux. Tensions qui se sont muées en haine lorsque ses fiançailles avec Eleonor ont été brisées.

 

Sur la liste des amnistiés du 14 juillet 1880, Lissagaray rentre en France. Il partage alors son temps entre le journal, la Bataille, politique et sociale, et l’éternel remise sur l’ouvrage de son Histoire de la commune. Lissagaray est historien rigoureux, sans cesser d’être partisan. Il rassemble les faits, collecte les témoignages, les classe, les hiérarchise. Et tire des conclusions. Et bien qu’amoureux de la Commune, il n’en est pas moins lucide et sévère. Ne pas avoir occupé le mont Valérien, avoir hésité à marcher sur Versailles, avoir trop tardé à couvrir Paris d’un réseau de barricades… Autant de fautes militaires qu’il repère et condamne. Il n’épargne pas non plus certains travers politiques comme la mollesse du commandement, le désordre dans l’administration… Mais surtout il déplore d’avoir, par un scrupule de légalité déplacé en période révolutionnaire, respecté la banque, dont les millions pouvaient tout sauver ! Il en pointe sévèrement cette absurdité : « La Commune abolit le budget des cultes… et resta en extase devant la caisse de la haute bourgeoisie qu’elle avait sous la main. » Mais l’Histoire de la Commune est surtout un hymne à la gloire des ouvriers parisiens en même temps qu’une déclaration d’amour à la ville de Paris « qui avait fait trois Républiques et bousculé tant de dieux ».

Lissagaray n’a pas perdu sa verve dans ses vieilles années. Il dirige le seul journal révolutionnaire de Paris, la Bataille, qui paraît par intermittence jusqu’en 1893. Journal dédié à la défense des travailleurs, il attaque successivement et avec vigueur Jules Ferry, qualifié de « roi » et son dauphin Clemenceau, puis enfin Boulanger, qu’il considère comme une réelle menace pour la République. Lissagaray s’éteint peu après, en 1901. Pour son incinération, deux mille personnes saluent sa mémoire.

 

 

Sources :

 

  • Encyclopédie Larousse.
  • Encyclopédie Wikipedia.
  • Encyclopédie Universalis.
  • Louise Michel, La Commune.
  • Site Rebellyon : www.rebellyon.info
  • Site Historim (une partie de cet article a été écrit par Madame Maestracci, présidente de cette association) : www.historim.fr
  • Site de la ville d’Issy-les-Moulineaux : www.issy.com
  • Site Internet du journal L’humanité : www.humanite.fr

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #1870-1871