Prosper-Olivier Lissagaray.
Publié le 1 Mai 2017
Jeunesse.
Hippolyte Prosper Olivier Lissagaray nait le 24 novembre 1838 à Toulouse, de l’union de Laurent Lissagaray, pharmacien, et de Marie-Louise Boussès de Foucaud. Il a un frère, Henri.
Son père meurt alors qu’Henri et lui sont encore petits. Prosper-Olivier rentre au collège d’Aire-sur-l’Adour dans des conditions difficiles. En classe de seconde, il fait ses premières armes littéraires sous la houlette du professeur de littérature l’abbé Légé, « maigre, pâle et toussant comme un phtisique, un parfait homme de lettres ». Ce dernier divise ses élèves en deux camps : les classiques et les romantiques. Prosper compte au nombre de ces derniers. Il écrit ainsi, à l’âge de 15 ans, avec son camarade Paul Lacome d’Estalenx, un roman médiéval : Les mystères des Croisades – Histoire de Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine. Après le baccalauréat, il ne voit plus ses camarades mais « au fond du cœur un endroit où tous vivent ».
Journaliste.
En 1860, il s’installe à Paris après un voyage en Amérique. Il dirige une société littéraire à but non lucratif. Lissagaray et son ami Juette deviennent les fondateurs des conférences publiques avec les Conférences de la rue de la Paix. Il écrit également une Revue des études littéraires, destinée aux élèves.
En 1864, il est l’auteur d’une conférence houleuse sur Alfred de Musset, mort en 1857 et toujours très populaire. Pour Lissagaray, Musset est « un homme sans opinion, sans conviction, sans principes, qui prétend incarner dans lui-même l’esprit de cette époque ». Il y dénonce les côtés vicieux et débauchés du poète et de ce fait n’est point un modèle pour la jeunesse : « Nous n’avons plus le temps d’être jeune. Soyons vieux à 25 ans, si nous ne voulons pas être serfs à 30… ». La conférence est très mal accueillie par la jeunesse elle-même…
En 1868, il confirme son engagement contre le Second empire en créant le journal L’Avenir, à Auch dans le Gers ; journal qui veut : ‘rallier dans le Gers toutes les forces éparses du grand parti de la révolution ». Deux ans plus tard, il créé avec Henri Rochefort La Marseillaise. Mais très rapidement les condamnations pleuvent : une pour un duel à Auch et l’autre pour « offenses envers les personnes de l’empereur et de l’impératrice ». En prison, il continue à écrire et mène son combat contre Napoléon III. Les rédacteurs de La Marseillaise finissent par être tous arrêtés. Libéré, Prosper Lissagaray prend part aux réunions publiques contre le gouvernement de l’empereur. De nouvelles condamnations arrivent. Le journaliste s’enfuie en Belgique. Il rentre à Paris le 4 septembre 1870, jour de la proclamation de la République. En effet, après le désastre de Sedan, l’empereur Napoléon III a abdiqué deux jours plus tôt.
Au Fort d’Issy.
Pendant toute la Commune, Prosper-Olivier Lissagaray use autant de la plume que du fusil. Il crée dès le 18 mars 1871 l'Action, un journal dans lequel il défend les communards et condamne le gouvernement. Puis, c'est autour du Tribun du peuple de sortir sans interruption du 17 mai au 24 mai.
En 1876, il publie son Histoire de la Commune de 1871, le premier ouvrage de témoignages sorti sur ces terribles événements. Voici ce qu'il écrit sur les combats dans Issy et la chute du fort qu'il défendit jusqu'au bout, armes à la main. Nous sommes le 1er mai : « l'orgueilleuse redoute n'était plus un fort, à peine une position forte, un fouillis de terre et de moellons fouettés par les obus. Les casemates défoncées laissaient voir la campagne ; les poudrières se découvraient ; la moitié du bastion 3 était dans le fossé ; on pouvait monter à la brèche en voiture. Une dizaine de pièces au plus répondaient à l'averse des soixante bouches à feu versaillaises ; la fusillade des tranchées ennemies visant les embrasures, tuait presque tous les artilleurs. Le 3, les Versaillais renouvelèrent leur sommation, ils reçurent le mot de Cambronne. Le chef d'état-major laissé par Eudes avait filé. Le fort resta aux mains vaillantes de deux hommes, l'ingénieur Rist et Julien, commandant du 141e bataillon - XIe arrondissement. A eux et aux fédérés qu'ils surent retenir, revient l'honneur de cette défense extraordinaire ».
Le fort résiste jusqu'au 9 mai. Lissagaray défend les barricades de Paris jusqu'au 24 mai 1871.
La fuite et la suite.
Une nouvelle fois, Lissagaray parvient à s’enfuir. D’abord à Bruxelles, où il publie la première version de son Histoire de la Commune de 1871, justement sous-titrée : « Pour qu’on sache ». C’est en Belgique qu’il apprend, le 18 juin 1873, qu’il est condamné en France à la déportation par contumace. Il part ensuite à Londres, où il fréquente assidûment Eleanor, la troisième fille de Karl Marx. C’est elle qui traduit sa principale œuvre en anglais. Mais des divergences, en premier lieu politiques, l’ont éloigné du père du Capital et de la convoitée. Prosper-Olivier Lissagaray est en effet plutôt de sensibilité anarchiste, proche des blanquistes anticléricaux. Tensions qui se sont muées en haine lorsque ses fiançailles avec Eleonor ont été brisées.
Sur la liste des amnistiés du 14 juillet 1880, Lissagaray rentre en France. Il partage alors son temps entre le journal, la Bataille, politique et sociale, et l’éternel remise sur l’ouvrage de son Histoire de la commune. Lissagaray est historien rigoureux, sans cesser d’être partisan. Il rassemble les faits, collecte les témoignages, les classe, les hiérarchise. Et tire des conclusions. Et bien qu’amoureux de la Commune, il n’en est pas moins lucide et sévère. Ne pas avoir occupé le mont Valérien, avoir hésité à marcher sur Versailles, avoir trop tardé à couvrir Paris d’un réseau de barricades… Autant de fautes militaires qu’il repère et condamne. Il n’épargne pas non plus certains travers politiques comme la mollesse du commandement, le désordre dans l’administration… Mais surtout il déplore d’avoir, par un scrupule de légalité déplacé en période révolutionnaire, respecté la banque, dont les millions pouvaient tout sauver ! Il en pointe sévèrement cette absurdité : « La Commune abolit le budget des cultes… et resta en extase devant la caisse de la haute bourgeoisie qu’elle avait sous la main. » Mais l’Histoire de la Commune est surtout un hymne à la gloire des ouvriers parisiens en même temps qu’une déclaration d’amour à la ville de Paris « qui avait fait trois Républiques et bousculé tant de dieux ».
Lissagaray n’a pas perdu sa verve dans ses vieilles années. Il dirige le seul journal révolutionnaire de Paris, la Bataille, qui paraît par intermittence jusqu’en 1893. Journal dédié à la défense des travailleurs, il attaque successivement et avec vigueur Jules Ferry, qualifié de « roi » et son dauphin Clemenceau, puis enfin Boulanger, qu’il considère comme une réelle menace pour la République. Lissagaray s’éteint peu après, en 1901. Pour son incinération, deux mille personnes saluent sa mémoire.
Sources :
- Encyclopédie Larousse.
- Encyclopédie Wikipedia.
- Encyclopédie Universalis.
- Louise Michel, La Commune.
- Site Rebellyon : www.rebellyon.info
- Site Historim (une partie de cet article a été écrit par Madame Maestracci, présidente de cette association) : www.historim.fr
- Site de la ville d’Issy-les-Moulineaux : www.issy.com
- Site Internet du journal L’humanité : www.humanite.fr