Georges Segard en Algérie.
Publié le 7 Mai 2017
Histoire du 117e RI.
Il est toujours important de rappeler ce que fut l’histoire d’un régiment. C’est d’ailleurs l’une des premières choses que l’on apprend quand on intègre une unité : histoire et traditions !
Vieux régiment, son histoire remonte au 17e siècle quand il est de ces compagnies appelées « Vieux corps ». En 1656, cette unité forme un régiment du roi et l’un de ses bataillons passe au régiment de Bourgogne créé en 1668. Participant aux guerres de la Révolution française et au Premier empire, le 117e est dissous en 1814.
Récréé en 1872, le régiment a son casernement au Mans dans la Sarthe. Affecté au 4e corps d’armée, à la 8e division d’infanterie et à la 16e brigade, le 117 participe à la bataille de la Marne en 1914, est en Champagne l’année suivante, à Verdun puis à nouveau en Champagne en 1916. En 1918, il s’illustre à l’occasion de la seconde bataille de la Marne. Le 12 novembre 1918 à Charleville, le général Guillaumat, commandant la Ve armée, remet la Croix de guerre 1914-1918 au drapeau du 117e RI. Par décision du 30 novembre 1918 du maréchal Pétain, commandant en chef des armées de l’Est, le régiment est cité à l’ordre de l’armée. Le droit au port de la fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de guerre 1914-1918 lui est en outre accordé.
Au 1er septembre 1939 intervient la mobilisation générale. Après l’envahissement de la Pologne par l’Allemagne nazie, la France se déclare en état de guerre. Le 4 septembre, le 117e RI se trouve dans les Ardennes. Il est l’un des régiments qui pénètrent dans la Sarre. Mais cette occupation en Allemagne est de courte durée. En effet, en réaction à cette offensive, des divisions allemandes sont rapidement mobilisées et les Français décident de se replier derrière la Ligne Maginot. A la veille de la ruée massive des divisions de Panzer, fin mai 1940, le régiment occupe des positions au sud-ouest de Péronne.
Dans la nuit du 4 et 5 juin 1940, l’artillerie allemande pilonne les positions françaises. L’attaque des blindés allemands débute à l’aube du 5 juin. Le 117e, qui ne bénéficie de la protection d’aucun obstacle antichar naturel, supporte presque tout le poids de l’attaque blindée. Dès 3h30, après un redoublement des tirs de l’artillerie, le régiment voit arriver sur lui les vagues d’assaut de trois divisions blindées. Les chars bombardent, mitraillent puis dépassent les fantassins français qui voient apparaître les motocyclistes, puis les éléments portés débarquant au plus près. Entre deux vagues de chars, les stukas lancent leurs bombes en piqué. Les points d’appui et les centres de résistance sont neutralisés un à un après la destruction des lisières des villages par des obus incendiaires. Obligés d’abandonner leurs positions, les hommes du 117e se replient, bien souvent aux prix de sacrifices de dizaines d’hommes. D’ailleurs, l’âpreté de la résistance opposée par l’unité aux Allemands lui vaut des éloges : « Vos hommes ont combattu magnifiquement » dira plus tard un général de la Wehrmacht.
Le 1er août 1940, ce qui reste de la 13e compagnie de pionniers et le 21e bataillon sont dissous à Saint-Yriex dans la Creuse.
En Algérie.
Reconstitué le 17 avril 1956, à l’occasion du rappel de la classe 1953, le 117e régiment d’infanterie fait partie de la première vague des unités en vue du rétablissement de l’ordre en Algérie. Il appartient alors au 23e corps d’armée et à la 20e division d’infanterie.
Georges Albert Raymond Segard nait le 23 octobre 1924 à Mazingarbe dans le département du Pas-de-Calais. Habitant Issy-les-Moulineaux au moment de son service militaire, il est incorporé au 117e régiment d’infanterie et débarque en Algérie en mai 1956. Son séjour est malheureusement extrêmement bref. Il meurt des suites de blessures accidentelles reçues le 22 juin 1956 à Alger. Il est déclaré Mort pour la France. Trois jours plus tôt, les premiers membres du Front de Libération National condamnés à mort ont été exécutés.
Au cessez-le-feu du 19 mars 1962, le 117e RI constitue, comme quatre-vingt onze autres régiments, les 114 unités de la Force locale, en l’occurrence la 462e UFL-UFO, composée de 10% de militaires métropolitains et de 90% de militaires musulmans. Elle œuvre pendant la période transitoire entre les Accords d’Evian et l’indépendance de l’Algérie (5 juillet 1962) au profit de l’exécutif provisoire algérien.
Entre 1956 et 1962, le 117e régiment d’infanterie aura perdu 113 officiers, sous-officiers et hommes du rang.
Témoignage d’un ancien d’Algérie.
Un site Internet reprend l’histoire du 117e RI en Algérie et comporte des témoignages d’appelés (ou rappelés) du contingent. Voici celui de Gilbert T., publié sans modifications:
« Nous avons débarqué à Alger le 4 mai 1956 pour un séjour de 4 jours à Hussein-Dey et rejoindre ensuite Bou Saada pour une quinzaine de jours. C’est à la périphérie de cette cité que nous installons un camp de toiles et organisons notre bataillon. Les débuts ont été difficiles car il manquait de tout et nous ne comprenions pas la raison de notre rappel sous les drapeaux alors que nous étions tous bien engagés dans la vie civile, le service militaire était bien loin derrière nous. J'avais un camarade pharmacien qui venait d'ouvrir son officine et se tracassait à l'idée de pouvoir rembourser ses crédits.
Après avoir effectué les services d’usage en cantonnement, un événement majeur a failli tourner à l’émeute. La nourriture, à l’accoutumé bien chiche et peu appétissante, manqua brusquement et sans raison. Pas un cadre pour répondre à notre revendication, l’excitation était à son comble quand enfin le chef du bataillon paru sous une clameur d’hostilités et un concert de gamelles avec ce leitmotiv unanime : « à bouffer ! à bouffer… ». Il calma la foule en promettant de voir à cette anomalie et invita l’officier d’ordinaire à faire le nécessaire illico, malgré les plaintes d’impuissance de ce dernier qui avait tout fait selon ses moyens. J’immortalisai la scène avec mon appareil photos et je pris soin d’envoyer par la poste la pellicule à faire développer. Jamais je ne reçus les épreuves ?!!! Décidément les débuts du régiment furent pittoresques et bien mal engagés pour être crédible au regard des missions à venir.
Le 4° Bataillon quitte Bou Saada pour Alger et se scinde en deux groupements pour occuper les djebels entre L’arba et Aumale. Nous avions coutume de dire alors « Que nous étions les derniers de la dernière compagnie du dernier bataillon du 117». Cette fois ce n’est plus le cas, car nous passions de la 16e compagnie à la 4e.
Installation sur le Piton et l’occupation des fermes et caves vinicoles par la 4e Compagnie : Cette fois on s’installe enfin, on le devine car rien ne filtre de la part du commandement de la 4e Compagnie. Nous sommes au nord de L’arba, direction la moyenne montagne, transbahutés sur une mauvaise piste. Au lieu dit « Tazarine » nous recevons l’ordre de débarquer et de dresser nos tentes individuelles par deux. On nous fait comprendre que c’est notre cantonnement et qu’il va falloir l’organiser. Le lieu est idyllique dans une forêt de chênes-lièges, pas d’âmes qui vivent aux alentours. Peu à peu le cantonnement prend forme, on y a érigé une tour en dur, de celle-ci on voit la grande et belle plaine de L’arba, au loin Alger et la mer scintillante au soleil. Pas le temps de se lamenter, nous sommes sollicités pour des opérations de contrôle de la population dans les douars environnants. On y recueille des renseignements utiles pour découvrir des caches qui prouvent de l’activité nocturne des rebelles. Des suspects sont arrêtés et interrogés par la gendarmerie qui nous accompagne partout. Le séjour se passe sans heurts avec l’ALN qui n’a pas encore pris possession du territoire pour nous nuire véritablement.
Dans le cadre des missions tactiques du quadrillage destinées à assurer la sécurité des personnes et des biens, nous sommes affectés dans la ferme-coopérative vinicole « Torrez » du nom de son propriétaire, non loin de Fondouck. Nous sommes mieux lotis, le quotidien se révèle plus agréable. On se fait même des amis avec les Européens du cru. Je passe mes dimanches de liberté à Hussein-Dey chez un nouvel ami pied-noir. Un camarade ayant une marraine de guerre à Alger nous introduit dans le cercle du docteur Bonnafous, respecté par les autochtones soignés par lui. Mon camarade et moi avons été invités au mariage de sa fille sur les hauteurs d’Alger. J’avais honte de ma tenue militaire de drap affreusement fripée et mal taillée. Arrivés en retard nous n’avions pas le temps de nous excuser que le docteur invita les 300 convives à faire silence afin de nous présenter. Geste élégant d’un homme courtois et philanthrope qui nous a mis tout de suite à l’aise. La jeunesse nous a pris en charge pour rendre l’invitation mémorable. Nous étions en 1956, la symbiose était totale, notre présence nécessaire afin de poursuivre l’exploitation des vignobles. Dans des fermes moins protégées, les propriétaires avaient armés les employés musulmans pour sécuriser la propriété. Le séjour des réservistes arrive à son terme, je regagne la Métropole sur un bananier, je me bats pour obtenir une cabine alors que mes camarades sont en fond de cale ».
Sources :
- Bachaga Boualam " Les Harkis au service de la France" ; Editions France Empire, 1962.
- Nicolas d'Andoque "Guerre et Paix en Algérie. L'épopée silencieuse des SAS" ; Edité par SPL Société de Production Littéraire 10 rue du Regard 75006 Paris.
- Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), La Découverte & Syros, 2004.
- Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Fayard, 1994.
- Pierre Montagnon, Histoire de l’Algérie : des origines à nos jours, Pygmalion, 1998.
- Georges Fleury, Comment l’Algérie devint française, Perrin, 2004.
- Encyclopédies en ligne : Larousse, Britannica, Wikipedia.
- Site Internet d’anciens du 117e RI en Algérie.