Publié le 30 Mars 2021

La salle de la discipline à la prison de Clairvaux.

La salle de la discipline à la prison de Clairvaux.

Un isséen à Clairvaux.

Paul Monnier, isséen, est soldat au 25e bataillon de chasseurs pendant la Première Guerre mondiale. L’unité, créée en 1871, est en casernement à Saint-Mihiel en 1914 et son chef de corps est le commandant Guy. La devise du bataillon est « Toujours en avant ! » et sa marche, que les chasseurs ne peuvent oublier, commence ainsi : « Pas plus con qu’un autre, nom de Dieu ! Mais toujours autant ! ».

Au cours de la Première Guerre mondiale, le 25e BCP va être de toutes les batailles : en Lorraine et à la Woëvre en 1914 ; aux Eparges et en Champagne en 1915 ; à Verdun et dans la Somme l’année suivante ; au Chemin des Dames en 1917 et de nouveau en Champagne en 1918.

Paul Monnier a ceci de particulier : il ne va pas mourir au combat mais en tant que détenu à la prison de Clairvaux, dans l’Aube, le 5 novembre 1917, sans pour autant que sa fiche militaire apporte les circonstances de sa mort.

 

La justice militaire en 1914.

Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, les militaires sont toujours jugés selon les articles du Code de Justice militaire de 1857 ; justice indépendante de la justice civile.

En temps de paix, la justice militaire est fondée sur des bases géographiques : un tribunal militaire dans chacune des régions militaires. Des conseils de révision sont là pour examiner les recours des conseils de guerre. Chaque conseil de guerre est composé d’un commissaire du gouvernement, un rapporteur, un greffier et un commis-greffier ainsi que sept juges désignés par le général commandant la région militaire

En temps de guerre, tout est acté pour accélérer les jugements : les conseils de guerre sont attachés à un quartier général et les décisions – les juges ne sont plus que cinq – peuvent être rendue sans délai. Les soldats, sans instruction préalable, peuvent être amenés devant un conseil de guerre une journée après les faits qui lui sont reprochés.

 

Les conseils de guerre spéciaux.

Dès les premières semaines de la guerre, des mesures allant dans le sens d’une sévérité accrue sont adoptées. Ainsi, par décrets des 10 et 17 août 1914, la faculté de se pourvoir en révision contre les jugements des conseils de guerre aux armées est suspendue et les autorités militaires se voient conférer le droit de faire exécuter les sentences de mort sans attendre l’avis du Président de la République. Le 1er septembre 1914, une circulaire du ministère de la Guerre réserve l’usage du droit de grâce, déjà soumis à l’approbation de la majorité des juges, au seul officier ayant assuré la mise en jugement. Enfin, le décret du 6 septembre 1914 permet l’institution de conseils de guerre spéciaux à trois juges destinés à juger, suivant une procédure simplifiée et sans possibilité de recours, les auteurs de crimes pris en flagrant délit.

 

Plus de clémence dès 1915.

Un reflux se fait toutefois sentir, puisque dès le 15 janvier 1915 les dossiers de condamnés à mort en dehors de la zone des armées doivent à nouveau être soumis au Président de la République avant exécution, sauf nécessité absolue de répression immédiate. Dans le même ordre d’idées, le 12 février 1916, une circulaire du Grand Quartier général prévoit le recensement dans chaque armée des militaires les plus aptes, de par leur profession dans le civil ou leur formation, à servir de défenseurs dans les tribunaux militaires.

Par ailleurs, la sévérité initiale de la répression, traduite par une diminution générale des garanties accordées aux prévenus, ainsi que l’écho d’un certain nombre d’abus des conseils de guerre, avaient amené des parlementaires, parmi lesquels le député Paul Meunier, membre de la commission de la réforme judiciaire et de législation civile et criminelle, à œuvrer en vue d’une réforme de la justice militaire. Les travaux de la commission aboutissent à la loi du 27 avril 1916 relative au fonctionnement et à la compétence des tribunaux militaires, qui autorise l’application des circonstances atténuantes quel que soit le crime reproché, donne aux juges la faculté de prononcer des peines avec sursis et supprime les conseils de guerre spéciaux. Enfin, suite à une proposition de loi du même Paul Meunier visant à rétablir les conseils de révision aux armées, un décret du 8 juin 1916 rétablissait le recours en révision pour les peines de mort prononcées par l’ensemble des conseils de guerre. L’usage du droit de grâce redevient la règle et l’exécution immédiate, l’exception.

Après cette date, le fonctionnement de la justice militaire ne connait plus de transformation fondamentale. L’institution reste toutefois considérée comme un instrument disciplinaire, comme en témoignent les modalités de son action lors des mutineries du printemps 1917 : à la demande du général Pétain, un décret en date du 8 juin 1917 supprime toute voie de recours pour les militaires reconnus coupables de rébellion, insubordination et embauchage de militaires. Mais même cette crise ne remet pas fondamentalement en cause les acquis des années précédentes.

Pendant toute la durée de la guerre, la justice militaire continue également à fonctionner à l’arrière, qu’il s’agisse des conseils de guerre de Paris ou de ceux des régions militaires, de même qu’en outre-mer.

 

 

 

Sources :

 

Voir les commentaires

Publié le 14 Mars 2021

Brouet et les camps de la mort en Indochine.

 

Au 1er BEP.

Le 1er BEP est formé en 1948 par le chef de bataillon Pierre Segrétain, qui choisit le capitaine Jeanpierre, q’uil a connu au Levant, comme adjoint.

L’unité embarque sur le Pasteur le 24 octobre à Mers el-Kébir et arrive en Indochine le 12 novembre 1948 à Haiphong. Durant toute la guerre d’Indochine, le bataillon, dispersé dans plusieurs postes, interviendra principalement au Tonkin, dans le nord de l’Indochine. Il intègre en son sein la compagnie parachutiste du 3e REI du lieutenant Morin, qui a été l’unité test pour la création des légionnaires parachutistes le 1er juin 1949.

Les 17 et 18 septembre 1950, le bataillon saute sur That Khé, afin de rejoindre le groupement d’unités commandé par le lieutenant-colonel Lepage, parti de Lang Son pour secourir les éléments évacués de Cao Bang (bataille de la RC4). Il est anéanti presque entièrement au cours des combats dantesques qui ont lieu autour de Dong Khé et il est dissous le 31 décembre. Ses pertes sont de 21 officiers, 46 sous-officiers et 420 légionnaires dont le chef de corps, le chef de bataillon Segrétain. Seuls une trentaine de parachutistes parviennent à rejoindre les lignes françaises, parmi lesquels le capitaine Jeanpierre qui deviendra, plus tard en Algérie, le chef de corps du 1er REP.

Jean Brouet nait le 11 mars 1926 à Nizy-le-Comte dans le département de l’Aisne. Après la Seconde Guerre mondiale, il s’engage dans la Légion étrangère et rejoint Khamisis en Algérie, lieu de cantonnement du 1er BEP.

Prisonniers des soldats du Vietminh, l’isséen Jean Brouet, meurt en captivité au Camp n°3.

 

Prisonnier des Viets.

Marcel Bigeard, prisonnier au Camp n°1, après la bataille de Diên Biên Phù. Extraits de son livre Ma vie pour la France, écrit au début des années 2000, alors qu’il a près de 90 ans.

« Quatre mois entassés dans des huttes en paille. De chaque côté, des planches. Vingt sur la droite, vingt sur la gauche, aucun soin médical et huit cents grammes de riz par jour. Quotidiennement, les Viets tentent d’opérer des lavages de cerveau, généralement inefficaces.

Je ne suis pas le plus mal loti. Plus jeune que les autres, mes années de bandera en Pays Thaï m’ont habitué à la frugalité. Je suis endurci. J’essaie de maintenir ma discipline. Tous les matins jogging, gymnastique. Certains officiers me suivent. La plupart n’en sont plus capables. Ils maigrissent, ne peuvent plus tenir debout, meurent de dysenterie ou de fièvre sous le regard indifférent des Viets. Le sort des hommes de troupe a été encore pire. Ils ont fait des centaines de kilomètres jusqu’au camp à pied, après cinquante-sept jours de combats incessants dans des conditions épouvantables. On les a fait marcher jusqu’à ce qu’ils en crèvent. C’est le sort de beaucoup d’entre eux. Les blessés sont abandonnés et meurent au bord des routes. Je l’ai déjà dit, je le répéterai jusqu’à ma mort : pendant ces quatre mois de captivité et d’horreur, les deux tiers d’entre nous sont morts. Partis à douze mille, nous reviendrons à quatre mille. Ça, c’est impardonnable. Il aurait suffi qu’on donne à ces hommes une seule banane par jour, et on aurait ramené presque tout le monde. Certains d’entre nous ne sont plus des hommes. A peine des cadavres ambulants. La faim, la mort lente pour tant de camarades. J’y pense tous les jours. J’en ai encore les larmes aux yeux aujourd’hui, en écrivant ces souvenirs qui défilent dans ma mémoire ».

 

Sources :

 

  • Encyclopédies Wikipédia et Larousse.
  • Site : https://www.memorialgenweb.org/ et fiche individuelle Jean Brouet
  • Général Marcel Bigeard, Ma vie pour la France, Editions du Rocher, 2010.
  • Crédit photographique : Gérard Brouet

Voir les commentaires

Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 7 Mars 2021

Le 9 mars 1945 à Hanoi n’était pas un « coup de force » des Japonais mais bien un massacre !

Le 8 mars 1980, Pierre Darcourt, grand-reporter au Figaro, écrivait un remarquable article sur ce que l’on a appelé le « coup de force des Japonais » en Indochine. Cela s’est passé il y a exactement 76 ans. On parlait de coup de force, alors qu’il eut été préférable de prononcer les mots véritables : massacre systématique des soldats français et de nombreux civils européens.

 

Sur ce site, nous avons déjà écrit à propos de cette tragédie. Il est loin d’être inutile de le rappeler, comme l’a fait notre adhérent et ami, Alain Bétry d’Atlante-Editions.

 

Voici, in extenso, l’article de Pierre Darcourt.

 

 

« Depuis plus de quatre ans — totalement coupée de la métropole — l’Indochine française, en vertu des accords passés avec le Japon (autorisant le stationnement des troupes impériales nippones), vit à l’écart de la guerre. L’amiral Decoux soutenu par la majorité de la population (25 millions de Vietnamiens, de Khmers, de Laotiens et 45 000 Français) gouverne le pays. Il espère qu’un jour pas très lointain l‘empire du Soleil-Levant recevant un coup mortel (les armées alliées sont déjà entrées en Allemagne), il se trouvera alors en mesure de négocier avec ses représentants une libération de l’Indochine sans effusion de sang. Mais déjà de Paris et de Calcutta, où vient de se mettre en place une antenne S.R. et Action, le général de Gaulle et ses envoyés poussent à la résistance. Des parachutages d’armes et d’explosifs ont déjà eu lieu dans la brousse du Tonkin et certaines plantations. Des réseaux en contact avec l’O.S.S. et l’Intelligence Service existent, transmettant par radio des renseignements sur les bases japonaises. Les bombardements alliés se font de plus en plus précis. Des convois de bateaux sont coulés. Les revers subis par les troupes nipponnes en Birmanie, la perte des Philippines, la menace que fait peser l’avance américaine dans le Pacifique sur le territoire insulaire du Japon inquiètent l’état-major impérial. Les généraux japonais savent toute l’importance stratégique que revêt l’Indochine, unique voie terrestre de communication et de repli pour leurs troupes encore stationnées à Singapour, en Malaisie, en Thaïlande. En moins de trois mois, dans le plus grand secret, les Japonais ont quadruplé leurs effectifs en Indochine. Un plan d’attaque surprise est déjà prêt. Reste à trouver le prétexte. Le 9 mars, en fin de journée, l’ambassadeur Matsumoto présente à l’amiral un ultimatum inacceptable : « Le rattachement des troupes françaises au commandement nippon et l’assurance de défendre l’Indochine jusqu’au bout contre toute agression des forces anglo-américaines. » Decoux rejette sèchement le diktat. C’est la rupture et la guerre.

 

9 mars 1945 — 20 heures.

Au centre du Petit Lac, le pagodon posé sur son socle d’herbe cerné de lotus paraît flotter sur l’eau grise où tremble un reflet de toit cornu. Le ciel s’assombrit. La nuit tombe sur Hanoi. Une sourde explosion, retentit et l’électricité s’éteint. Dans la ville, soudain plongée dans l’obscurité, des camions bâchés, les phares masqués d’un « loup » bleu qui filtre la lumière, convergent vers le centre urbain, déposent à chaque carrefour des paquets de soldats casqués et trapus.

Rapides, disciplinés, ces soldats disposent des sacs de sable en demi-cercles, mettent mortiers et mitrailleuses en batterie. A 20 heures précises, la fusillade éclate, mêlée de hurlements qui déchirent la nuit. Rafales de traçantes, tonnerres de canons, lueurs fulgurantes des lance-flammes. Dix mille Japonais, surgis de l’ombre se ruent à l’assaut de la citadelle. Le calvaire de l’Indochine française commence. En Cochinchine, au Cambodge, au Laos, les faibles garnisons françaises sont vite submergées.

A Hué, retranchée dans « La Légation », une vingtaine d’hommes et trois sous-officiers commandés par deux officiers remarquables, le capitaine Bernard et le lieutenant Hamel, résisteront toute la nuit à trois compagnies japonaises appuyées par deux pièces d’artillerie et des chenillettes blindées. Mais c’est au Tonkin, où se trouve la majorité des vingt-cinq mille hommes que comprend l’armée française en Indochine (dont vingt-mille Indochinois) que se déroulent les plus durs affrontements.

A Hanoi, marsouins et tirailleurs de la citadelle tiennent vingt heures à un contre dix, sous un déluge de feu. Les neuf canons de 75 servis par les assiégés tirent hausse à zéro sur les Japonais qui se présentent aux « portes ouest et nord » en rangs serrés. Les tirs nippons redoublent d’intensité, mortiers lourds, obus de 77), des troupes fraîches relèvent les unités décimées. Trois fois les Japonais précédés de lance flammes ouvriront une brèche dans le dispositif français. Trois fois les marsouins les repousseront. La troisième contre-attaque menée par un officier sorti du rang, le capitaine Omessa, est un extraordinaire fait d’armes. En moins de quarante minutes, un bataillon japonais retranché dans les cours et les grands bâtiments du 9e R.I.C. est taillé en pièces… par huit groupes de combat (une centaine d’hommes). Pendant toute la durée de l’assaut, le vieux capitaine Omessa, une musette de grenades en bandoulière, a marché en tête de ses marsouins. Et il s’accrochera au terrain jusqu’au moment où lui et ses hommes auront épuisés leurs cartouches et leurs « quadrillées ».

Alors les marsouins incendieront leurs camions et saboteront les pièces d’artillerie.

Au quartier Balny, une grande partie des cadres étaient absents, mais des éléments de défense franco-indochinois on été mis en place. Le lieutenant Roudier, commandant la compagnie d’alerte, réussit à franchir plusieurs barrages japonais et rejoint son poste. La défense est organisée dans les deux bâtiments et la « tour chinoise » des transmissions. Les Japonais soutenus par un tir de mortiers, attaquent à découvert, le lieutenant Roudier armé d’une mitraillette, fauche les premiers rangs des attaquants et gagne la tour. Il se heurte à des Japonais infiltrés. Blessé d’un coup de baïonnette dans la poitrine, il s’écroule sans lâcher son arme, se redresse peu après et abat deux soldats japonais occupés à mettre une mitrailleuse en batterie contre nos troupes. Une balle explosive lui brise le bras (dont il devra par la suite subir l’amputation). Ses sous-officiers et ses tirailleurs défendront les positions jusqu’à l’aube.

 

« Faites votre devoir ! »

Le 10 mars à 16 heures, un clairon sonne le cessez-le-feu. Le général Okada, commandant les troupes d’attaque japonaises, accorde aux survivants de la citadelle les honneurs de la guerre. La cérémonie aux couleurs avec salut aux morts ; le défilé des troupes françaises en armes hors de la citadelle tandis que les Japonais leur présentent les armes. Les pertes françaises et indochinoises dépassent  cinquante pour cent des effectifs engagés… en moins de vingt-quatre heures de bataille sans répit !

A Dong-Dang, poste clé de la frontière du Tonkin formé d’une série de blockhaus, couronnant un mamelon et en contre-bas de quatre casemates enterrées, la garnison de cent cinquante hommes, sous les ordres du commandant Soulié repousse trois assauts et contre-attaque en pleine nuit. Le commandant Soulié est tué. Le capitaine Anosse prend le commandement. Durant deux jours et trois nuits, la garnison brise l’une après l’autre toutes les vagues d’assaut japonaises.

Les Nippons, qui attaquent à dix contre un, amènent de l’artillerie lourde. Les blockhaus sautent l’un après l’autre. La garnison décimée, munitions épuisées, cesse le feu. Le général qui commandait les troupes nipponnes félicite le capitaine Anosse pour son courage… l’assomme d’un violent coup de fourreau sur la nuque et l’achève d’une balle de révolver qui lui fait éclater la tête. Les cinquante-cinq survivants du poste (dont quarante Indochinois) sont ensuite décapités au sabre ou éventrés au sabre ou éventrés à la baïonnette.

A Hanoi, près de la mer de Chine, le capitaine Regnier, athlète superbe (champion d’Indochine du 110 m haies et du saut en longueur) et fin lettré (il est titulaire de trois diplômes : chinois, vietnamien, et japonais), invité par les officiers nippons à disputer un match de basket, est fait prisonnier. Torturé, criblé de coups de baïonnettes, il refuse de signer un ordre de reddition destiné à la garnison qu’il commandait. Les Japonais l’amènent devant le poste et somme son officier adjoint « d’ouvrir les portes ». Le capitaine Regnier crie au lieutenant Damez : « Faites votre devoir ! » Le feu éclate de partout. Les combats dureront près de quatre-vingt-dix heures. Les Japonais, qui ont exécuté le capitaine Regnier, ont eu plus de deux cents morts. Le 13 mars, le lieutenant Damez reçoit l’ordre de se replier dans la brousse. Il incendie le poste et réussit à forcer les lignes japonaises avec tous les rescapés.

A Hagiang, après une nuit de durs combats, où les Japonais, appuyés par de canons, ont subi des pertes sévères, le lieutenant Marioka frappe les prisonniers à coups de sabre et abat d’une balle dans la tête le capitaine Bertard. Puis le massacre des prisonniers, mains liées dans le dos, commence : à coups de crosses, de baïonnettes et de pistolet. Des râles et des plaintes montent de ce tas informe et sanglant, donnant exactement l’impression d’un abattoir pendant l’égorgement des bêtes.

Sur un effectif de cinquante et un, quarante-cinq officiers, sous-officiers et soldats ont été massacrés. A Moncay, le colonel Lecoq est tué en emmenant ses hommes à la contre-attaque.

Le poste de Quang Yen, occupé par une compagnie commandée par le capitaine Mallet, assailli par deux bataillons japonais, repoussera six attaques et résistera jusqu’au 10 mars. Le capitaine Mallet, quatre fois blessé au cours de l’action — coup de sabre au bras (se dégage et abat un officier japonais d’une balle en pleine tête) ; au matin, une balle au cou ; à dix heures, une balle qui lui perfore le poumon ; à onze heures une autre balle lui traverse les deux cuisses —, refuse malgré tout de hisser le drapeau blanc. Le poste est écrasé sous les obus.

 

Le traquenard de Langson.

A Langson, verrou de la porte de Chine, tant de fois secoué par le fracas des armes, les Japonais commencent par tendre un traquenard « souriant » aux autorités civiles et militaires du territoire : l’administrateur Auphelle, le général Lemonnier et le colonel Robert sont arrêtés au cours d’un « repas d’amitié ». Au même moment, vers 21 heures, dix mille soldats nippons partent à l’attaque des positions françaises.

Sur tous les ouvrages, citadelles, fortins, points d’appuis, casemates isolées, casernement, le combat s’engage, tantôt à distance, tantôt au corps à corps : à la mitrailleuse, au canon débouchant à zéro, puis au lance-flammes. Marsouins, bigors, légionnaires se battent à un contre cinq, parfois un contre dix, sans reculer d’un pouce.

Devant la résistance que leur opposent les troupes franco-indochinoises, les Japonais essaient en vain d’extorquer au général Lemonnier, à M. Auphelle et au colonel Robert un ordre de reddition. Devant leur refus, les trois chefs français sont décapités.

Au cours de la bataille acharnée et sauvage, un officier d’un calme prodigieux, le lieutenant Duronsoy, conduit toutes les contre-attaques et récupère les blessés. Après quinze heures de combat, et malgré un bombardement aérien, la citadelle tient toujours. Duronsoy, blessé par plusieurs éclats de grenade, profite d’une accalmie pour se faire panser, et reprend la tête de ses combattants. A treize heures, les survivants se replient sur le fort Brière-de-l’Isle, en escaladant, sous le feu ennemi, les pentes abruptes de l’ouvrage. Le fort ne tombera que le 11 mars au matin, après avoir essuyé plusieurs salves d’obus toxiques. Les pertes ont été lourdes, deux cent cinquante « Européens » presque tous blessés.

Les Japonais alignent tous les blancs attachés avec de grosses cordes au pied des remparts du fort. Les tirailleurs indochinois ont été séparés de leurs frères d’armes « blancs ».

Un canonnier eurasien, Jean Nguyen, du 4eR.A.C. a été mis de côté, à cause de son faciès asiatique. « Tu n’es pas blanc, toi ! » lui jette un officier nippon, en le repoussant d’une bourrade. Nguyen secoue la tête et rentre volontairement dans le peloton des condamnés. Deux fois écarté, il reviendra deux fois en disant : « J’ai toujours vécu avec les Français. Ils m’ont toujours traité comme un frère. Je mourrai avec eux. »

 

Une mort atroce et glorieuse.

Les mitrailleuses japonaises ouvrent le feu sur les prisonniers, en tirant bas, à hauteur des jambes. Le lieutenant Duronsoy, les tibias éclatés, tombe à genoux, en entonnant « La Marseillaise », reprise spontanément par tous ses camarades. Deux compagnies de fusiliers « japs » poussant leur furieux  « Banzaï», se précipitent sur les Français fauchés et les lardent de coups de baïonnettes. Le carnage dure deux heures. Puis ayant coupé les liens qui unissaient encore leurs victimes, les Japonais, à coup de pied, font rouler tous les corps dans le profond ravin bordant le fort, où les cadavres sanglants des héros de Langson, dispersés au hasard de la pente … ne connaîtront jamais de sépulture.

Tandis que, dans les garnisons de la haute région tonkinoise, se commettent ou se poursuivent ces tueries monstrueuses, d’autres troupes ayant échappé au  piège, se replient dans la brousse. Des maquis se forment, des colonnes tendent des embuscades ou font sauter les convois ennemis. Ce sera le cas du groupement du général Alessandri, dont l’encadrement est renforcé par les jeunes officiers de l’Ecole militaire interarmes de Tong. Mais ce qu’il faut retenir de ces terribles événements du 9 mars 1945, c’est qu’en quarante-huit heures de combat, les forces françaises d’Indochine — six mille hommes, à peine — attaquées par soixante mille Japonais, ont perdu plus du tiers de leurs effectifs ! Les tirailleurs indochinois compteront quatre mille tués. Oubliés de la plupart des historiens qui ne l’ont même pas enregistré comme une péripétie de la guerre du Pacifique… les héros du 9 mars ont écrit une des plus belles pages de notre histoire militaire.

Ils savaient qu’en acceptant le combat, dont ils connaissaient d’avance le dénouement, qu’ils ne l’engageaient que pour mourir, pour l’honneur et le drapeau de leur patrie si lointaine !...

A quelques centaines de kilomètres de leurs garnisons, des milliers d’avions américains, basés en Chine, dont les fameux « Tigres volants », avaient reçu l’ordre formel de la Maison-Blanche de ne pas intervenir. Ils auraient pu écraser les divisions japonaises en quelques heures, ou parachuter des armes et des munitions aux Français qui luttaient dans les forts ou dans la jungle. Mais le ciel tonkinois resta étrangement vide…

Ce n’est que plus tard, les Américains, avec l’utilisation de la bombe atomique anéantiront les Japonais le 6 août 1944 à Hiroshima et le 8 août 1944 à Nagasaki ».

 

 

Sources :

Voir les commentaires

Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine