A Thierry Gandolfo.
Publié le 3 Janvier 2021
Décidément, qui pourra regretter cette année 2020…
Elle se termine comme elle a commencé, dans la tristesse et les larmes. Il y a un an, notre Comité du Souvenir Français d’Issy-Vanves perdait en quelques semaines plusieurs de ses adhérents : Robert Choffé, Paul Richard, Christian Poujols. Puis ce fut au tour de Robert Dubot, de Pierre Borde et du général Michel Forget.
Cette fois-ci, il s’agit de Thierry Gandolfo, mort le 30 décembre 2020. Notre Comité perd l’un de ses premiers membres, et son secrétaire depuis plus de dix ans. Je perds un ami très cher. C’est Thierry qui m’a accueilli au Souvenir Français, en compagnie de Gérard Riblet. C’est Thierry qui m’a expliqué comment se comporter dans une association, alors que je venais de présenter devant des anciens combattants médusés un programme de perspective à trois ans, sous la forme de tableaux Excel et de Power Point !
Thierry était un ami, un frère. D’abord, il était sous-officier dans l’artillerie, ce qui est un gage de bonne compagnie ! Thierry était un authentique ancien combattant, viscéralement patriote, ayant côtoyé la chose militaire depuis sa tendre jeunesse, en tant qu’enfant de troupe. Il intégra l’armée, se dirigea vers l’artillerie, rejoignit le 32e régiment d’artillerie, spécialisé dans les missiles nucléaires Pluton. L’unité était alors un maillon essentiel du dispositif des Forces Françaises en Allemagne.
Mais Thierry ne se contenta pas seulement de cela. Il participa à de nombreuses opérations extérieures dont la Mauritanie où il exécuta les ordres qui lui étaient donnés. Ordres que l’on peut très bien imaginer quand on est un tireur d’élite. Il participa également à la FINUL, cette force des Nations Unies chargée de faire respecter au mieux – ou au moins pire – une fragile paix entre les différentes factions religieuses et les interventions des pays voisins. Thierry me parlait souvent du Liban. Et parfois avec des larmes dans les yeux car il n’avait pu sauver un camarade blessé, qui allait mourir devant ses yeux. C’était au temps où les casques bleus de l’ONU étaient des cibles particulièrement faciles, car elles ne pouvaient pas répliquer.
Thierry gardait cela en lui et bien souvent pour lui seul. L’armée, ses copains, la camaraderie militaire. Mais aussi les atrocités de la guerre. Il se sortait de ces idées noires en multipliant les passions, les intérêts. Ainsi, sa collection de soldats de plombs, celle des cartes postales d’échanges amoureux qui ont illustré un numéro spécial de Paris Match sur Verdun, grâce à nos amis Patricia et Alain Bétry.
Thierry avait quitté l’armée, couvert de médailles, mais avec un gout amer. Après, il fit plusieurs métiers avant d’entrer au sein des Pompes Funèbres Générales, avec les Hauts-de-Seine pour secteur. D’abord chargé des convois, voilà plus de vingt-deux ans qu’il était au cimetière d’Issy-les-Moulineaux. Nous lui devons les décorations magnifiques du 11 novembre et l’aspect du carré militaire. Mais comme à l’armée, la mort n’était jamais loin…
Alors, encore une fois, il s’échappait en peignant des tableaux, en vagabondant d’un sujet à l’autre sur Internet. Toujours passionné par le fait historique, et les rencontres qu’il faisait au cimetière où il était particulièrement apprécié et respecté. Je pense ici à Gildo qui parlait du Tanger international qu’il avait connu. Et puis, l’armée et l’Histoire de France revenaient toujours. Pendant des années, nous avons organisé des visites du cimetière et du carré militaire pour les jeunes élèves d’Anatole France : il s’agissait d’expliquer l’Histoire au moyen de sépultures de soldats. Là en parlant de la guerre aérienne avec un officier aviateur ; ici, en glorifiant le rôle des infirmières par l’intermédiaire de la tombe de Marguerite Montet, là encore, le rôle des fantassins, des travailleurs indochinois ou musulmans. Il lui arrivait aussi de mener des conférences, en parlant très intelligemment des troupes coloniales à des jeunes issus de l’immigration.
Chaque année, ou presque, nous nous rendions sur des champs de bataille de la Première Guerre mondiale, et notamment Rancourt, où nous connaissions bien Jean-Pierre et Marie-Thérèse Desain, les gardiens de la Chapelle du Souvenir Français. Il m’avait appris l’archéologie militaire et régulièrement, après un repas au Tommy’s à Pozières dans la Somme, nous revenions avec des kilos d’éclats d’obus, de douilles, ou autres souvenirs trouvés ici et là, juste en regardant le sol et en suivant les lignes d’antiques tranchées.
Nous devons aussi à Thierry la mise en valeur des tombes des victimes civiles des bombardements de 1942 et 1944 à Issy-les-Moulineaux et de six sépultures, contenant les restes d’un ou plusieurs Morts pour la France.
Ces dernières années, je voyais un Thierry qui riait moins, plus triste et se remémorant toujours ses souvenirs noirs qu’il me confiait au gré de nos sorties. En écrivant ces lignes, je pense à Giovanni et Elisa Gandolfo. Je veux leur dire ma peine, mon chagrin et ma compassion.
Thierry avait 59 ans et se préparait à la retraite avec sa compagne, Suzanne, au nord du Portugal. Je veux aussi dire ma compassion à Suzanne et sa petite Sabrina.
Les obsèques de Thierry Gandolfo se dérouleront le jeudi 7 janvier 2021, en l’église Saint-Etienne d’Issy-les-Moulineaux, à 14h30.
Frédéric RIGNAULT
Président du Comité d’Issy-Vanves du Souvenir Français
Délégué général adjoint pour les Hauts-de-Seine
Lieutenant-colonel ad honores au sein de la Réserve Citoyenne du Gouverneur Militaire de Paris