Cérémonie hommage aux déportés juifs – Issy-les-Moulineaux, le 29 janvier 2023.

Publié le 11 Février 2023

Cérémonie hommage aux déportés juifs – Issy-les-Moulineaux, le 29 janvier 2023.

Une cérémonie particulière s’est déroulée le dimanche 29 janvier devant le monument aux morts d’Issy-les-Moulineaux. Un hommage a été rendu à sept personnes déportées, mortes pour la France, dont les noms ont été inscrits sur le monument aux Morts pour la France, et à vingt-six autres habitants d'Issy, juifs déportés pendant la Seconde Guerre mondiale. Une plaque commémorative a été installée, à côté́ du monument aux Morts, pour ces derniers.

A la suite de cette cérémonie, a eu lieu le vernissage de l’exposition « L’apport des cultures juives en France depuis 1791 », et présentée par l’association B’nai B’rith France.

Cette inauguration a été faite en présence de nombreuses personnalités politiques et était organisée par M. André Santini, maire, et M. Alain Lévy, maire-adjoint délégué à la Communauté juive ; avec la présence d’Haïm Korsia, grand rabbin de France et membre du conseil d’administration du Souvenir Français ; Serge Klarsfeld, fondateur de l’Association des fils et des filles des déportés juifs de France ; Elie Korchia, président du Consistoire de France ; Joël Mergui, président du Consistoire de Paris ; Philippe Meyer, président du B’nai B’rith France.

 

Après la cérémonie, M. André Santini a pris la parole. Voici son discours :

 

« Monsieur le Ministre, cher Roger Karoutchi,

Madame la Députée, chère Claire,

Monsieur le Grand Rabbin de France,

Monsieur le Président du Consistoire de France,

Monsieur le Président du Consistoire de Paris,

Monsieur le Président du B’nai B’rith France,

Chers collègues,

En réfléchissant à ce qui doit être dit dans des moments comme celui-ci, une phrase de Marc Bloch m’est revenue et j’aimerais vous la partager. « Les brumes, qu’autour du plus atroce effondrement de notre histoire commencent, dès maintenant, à accumuler tantôt l’ignorance et tantôt la mauvaise foi, se lèveront peu à peu ». Cette phrase est tirée de la première page de L’étrange défaite que l’historien résistant a rédigée en 1941, trois ans avant d’être fusillé par les Allemands. Mort au combat, lui aussi.

Cette profonde conviction qu’avait Marc Bloch est désormais notre héritage ; il est de notre devoir le plus catégorique de dissiper ces brumes funestes. Il nous faut nous y atteler, avec diligence et efficacité parce qu’aujourd’hui, le poids de l’ignorance semble peser plus lourd que jamais. Seulement, l’ignorance est un terreau fertile sur lequel prospèrent bien d’autres maux : le repli sur soi, le populisme, la manipulation, la haine et la violence.

Il est des horreurs qui doivent hanter la conscience humaine pour l’éternité. Pourtant, la mauvaise conscience de notre société vis-à-vis du génocide juif semble s’effacer. Je m’effraie de voir combien de voix y accordent aujourd’hui une attention nonchalante, au mieux, méprisante, au pire. La barbarie, tapie dans l’ombre, guette les fragilités de nos mémoires, de notre histoire, de notre culture. Elle guette nos inconstances et nos faiblesses. Elle guette les dissensions du vivre ensemble.

Il y a plus de 80 ans, les millions d’âmes prises au combat, chez elles ou dans les camps n’ont pas empêché l’antisémitisme de perdurer, tantôt au grand jour, tantôt en se dissimulant. Le danger qui nous guette aujourd’hui est son retour, sous couvert de normalisation ou de « notabilisation ».

Depuis des dizaines d’années, la longue série de crimes antisémites devrait nous rappeler que la haine ne dort jamais et qu’il nous faut, toujours et partout, nous efforcer de la désarmer. Je vous invite à vous souvenir des tragédies vécues par chacune et chacun, en France et ailleurs. Ilan Halimi, Mireille Knoll, Sarah Halimi, les victimes de Mohammed Merah, de l’Hypercasher mais aussi du Musée juif de Bruxelles ou de la synagogue de Pittsburgh. A chaque fois, ces attaques haineuses portaient atteinte à nos valeurs, à la liberté absolue de conscience, au respect impérieux de la dignité humaine ; à ce qui nous unit. C’est l’analyse de Sartre qui me revient maintenant en tête : « L’antisémitisme, c’est la peur devant la condition humaine ». Avec ces crimes, ce ne sont pas seulement les juifs qui sont visés, mais aussi l’humanité tout entière.

Alors, quelle solution adopter pour lutter contre la haine sous toutes ses formes ? Encore une fois, Marc Bloch nous donne la réponse : l’éducation. Ce n’est pas un hasard si le professeur, l’un des plus grands historiens de notre pays, voyait dans celle-ci le salut de notre démocratie. Sans une éducation à l’altérité, à l’hospitalité, aux histoires mémorielles, il n’y a de place que pour les racismes et les extrémismes qui font hypothèque au travail de pensée, empêchent le discernement critique et occultent l’exigence d’un enseignement digne de sens et de conscience. Cette conviction est aussi celle d’Issy-les-Moulineaux. C’est pourquoi nous avons souhaité transmettre nos idéaux démocratiques et promouvoir une éthique de la responsabilité, porteuse de sens et d’émancipation, dans le cadre de notre engagement citoyen, en partenariat avec le CLAVIM.

A ce titre, j’aimerais remercier notre Conseil communal des jeunes pour leur engagement qui les grandit. Puisque je parle des jeunes, je veux remercier les enfants du Groupe scolaire Rambam Maimonide pour leur interprétation émouvante de la Marseille, ainsi que sa directrice, Jeannine Levy. Nous ne pouvons faire l’économie de la transmission aux jeunes générations. Voilà l’unique condition pour que, plus tard, les discours de haine ne reçoivent pas des bénédictions d’ignorants.

La ville est très attachée au devoir de mémoire, comme en témoigne la signature prochaine d’une convention de partenariat avec le Camp des Milles ; mais elle souhaite également aller au-delà. L’éducation à l’altérité, à la différence, doit être pensée dans le cadre d’une construction, d’une acquisition culturelle. Nous sommes donc très heureux d’accueillir l’exposition de l’association B’nai B’rith qui rappelle les contributions exceptionnelles des cultures juives dans les champs littéraire, philosophique, sociologique, médical, artistique et scientifique tout en insistant sur la fidélité aux valeurs de la République française.

Je remercie d’ailleurs le Président de l’association, Philippe Meyer, et sa directrice culturelle, Claire Rubinstein, pour leur aide précieuse dans l’organisation de cette exposition qui ouvrira demain et se terminera le 9 février. De Rachi de Troyes et Moïse Maïmonide à la Révolution française avec les apports de Baruch Spinoza ou de Moses Mendelssohn, de 1789 à Napoléon et à nos jours… On y croise des personnalités emblématiques de notre histoire, comme Jean Zay, Marc Bloch, Claude Lanzmann, Annette Wieviorka, Serge et Beate Klarsfeld, Simone Veil et Robert Badinter.

N’oublions pas que les cultures juives ont irrigué la littérature avec des écrivains de premier plan : Marcel Proust, Joseph Kessel, Romain Gary, Albert Cohen, Patrick Modiano... Les sciences humaines ont bénéficié des contributions exceptionnelles des philosophes : Emmanuel Levinas, Raymond Aron, Henri Bergson et Alain Finkielkraut, du fondateur de la sociologie Émile Durkheim ou de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss. Le monde artistique réunit de très grands peintres comme Chagall, Soutine, Zadkine ou Modigliani. Les univers du théâtre et du cinéma rassemblent des personnalités, comme Sarah Bernhardt, Claude Lelouch, Gérard Oury, Olivier Nakache, Éric Tolédano, François Weber et Alain Chabat. Qui n’a pas chanté sur les airs de Jean Ferrat, Jean-Jacques Goldman, Serge Gainsbourg, Georges Moustaki et Barbara ?

Vous l’avez compris, cette exposition est d’une importance capitale, si ce n’est vitale, pour le salut de notre société. Ensemble, collectivement, nous devons veiller chaque jour à agir en humanité avec fraternité.  Dans le combat contre la haine se joue simplement la vie ou la mort de nos idéaux.

Mes amis, ce combat doit être l’une des marques distinctives de notre époque. Soyons dignes de l’héritage qui nous a été transmis par ceux qui ont souffert l’inimaginable. »

 

 

André Santini

Ancien Ministre - Maire d’Issy-les-Moulineaux

 

 

Sources :

  • Service protocole de la mairie d’Issy-les-Moulineaux (que le Souvenir Français remercie vivement).
  • Crédits photographiques : Souvenir Français – Site : issy.com
Cérémonie hommage aux déportés juifs – Issy-les-Moulineaux, le 29 janvier 2023.
Cérémonie hommage aux déportés juifs – Issy-les-Moulineaux, le 29 janvier 2023.
Cérémonie hommage aux déportés juifs – Issy-les-Moulineaux, le 29 janvier 2023.
Cérémonie hommage aux déportés juifs – Issy-les-Moulineaux, le 29 janvier 2023.
Cérémonie hommage aux déportés juifs – Issy-les-Moulineaux, le 29 janvier 2023.
Cérémonie hommage aux déportés juifs – Issy-les-Moulineaux, le 29 janvier 2023.