A franco-american story - Part 1/2.

Publié le 15 Janvier 2012

 

J. Merchant - 2

March Air Force Base, Californie, 1966.

 

 

S’engager dans l’armée.

 

Notre histoire familiale a débuté par des voyages au long cours ! Mon ancêtre français, Jean Marchand, quitta La Rochelle au 17ème siècle pour s'installer dans la « Nouvelle France » au Canada. Puis, l’un de ses descendants quitta le Canada pour s'installer à Rutland, dans le Vermont aux Etats-Unis, là où mon propre père est né et a été élevé. C’est à cette époque que notre nom est changé en « Merchant » par une institutrice de l’école primaire car selon elle « Marchand » sonne trop « étranger ». Plus tard, mon père épousa une jeune irlandaise, Mary Elizabeth Whelan originaire de County, dans le Kilkenny. Je suis né en 1934 à Troy, état de New York. Depuis mon plus tendre souvenir, j'ai toujours voulu voyager, surtout en Europe, et plus particulièrement, en France.

 

A l’âge de 15 ans, j'abandonnai le lycée. A cette époque, les Etats-Unis étaient engagés dans la guerre de Corée, et tous mes camarades et moi-même ne rêvions que d'une chose : nous enrôler dans les forces armées et partir pour nous battre. Nous avions alors tout essayé – l'armée de terre, les "Marines", les forces navales, mais les effectifs étaient déjà au complet. On nous conseilla de nous présenter dans une nouvelle branche des forces armées, les forces aériennes (USAF pour United States Air Force). Nous suivîmes le conseil immédiatement, et nous fumes pris. Je n'avais que 16 ans à l'époque, et bien entendu je mentis sur mon âge – et cela fonctionna !

 

Pendant trois mois, se déroula la formation initiale. Elle avait lieu au nord de l'Etat de New York. Après une longue série d'examens et d'évaluations, on m'indiqua que j'étais mieux fait pour « l'Administration », et on m'envoya à l'Université A&M dans l'Etat d’Oklahoma pour apprendre à devenir secrétaire. Après l'obtention de mon diplôme en 1952, j'eus la chance d'être sélectionné pour partir à Wiesbaden en Allemagne au Quartier Général de l'USAF en Europe. Je fus affecté au Centre de la messagerie et mon travail servait à surveiller la machine à télé-impression qui recevait et envoyait toutes les correspondances classifiées (secrètes) et non-classifiées de et vers toutes nos bases militaires. Mon travail consistait à déterminer quelle agence avait besoin de telle ou telle information afin d'agir en concordance avec le message transmis. En conséquence, j'avais accès à des informations "top secret", ce qui limitait mes déplacements et mes voyages en Europe. Par exemple, je n'avais pas le droit d'aller à Berlin ou dans n'importe quel pays de l'Europe de l'est. La Guerre froide prenait de l'ampleur, et il était tout le temps question d'une éventuelle invasion des troupes de l’Armée Rouge. Je me souviens que j'avais aussi comme tâche de conduire un bus rempli d'Américains qui travaillaient au Quartier général, y compris le Vice-Commandant, le général Bradley (le vainqueur de la bataille de Normandie en 1944), à travers le Rhin vers des lieux plus sûrs à Mainz. C’était une mission de première importance à réussir en cas d’alerte. Dans un but d'entraînement, je recommençai l’exercice à plusieurs reprises. Nous étions vraiment sur le qui-vive à l’idée d’une invasion communiste. Cela n'arriva jamais. Cette mission et le lieu furent réellement intéressants pour le jeune célibataire que j'étais.

 

Mais célibataire, pas pour longtemps ! C’est également à Wiesbaden que je rencontrai ma future femme. Son père était citoyen français (d'origine italienne) et le responsable du Restaurant/Club des officier de l'USAF à Wiesbaden. Avec eux, je pus voyager à Paris et à Cannes. Après quatre ans, je fus envoyé à Albany dans l'Etat de Georgie aux Etats-Unis en tant que Clerc Principal (Chief Clerk) d'une branche de combat stratégique aérien. Malheureusement, ce n'était pas l'Europe. Aussi, dès que la première opportunité se présenta, je me portai volontaire. Ainsi fus-je muté à Paris…

 

A Paris.

 

Paris en 1957 : nul besoin de porter l'uniforme. Je le remplaçai volontiers par des vêtements de ville. D’un côté, je gagnai plus d'argent et l'économie française était en pleine croissance : une vie fantastique, quoi ! Mais d'un autre côté, la révolte hongroise venait d'être brutalement réprimée par l'Union soviétique quelques mois auparavant. La Guerre froide battait son plein et les tensions étaient fortes entre les Etats-Unis et l'Union soviétique. En France, beaucoup de gens avaient peur de la CGT. Le syndicat pouvait changer radicalement la politique dans le pays. De plus, tous les jours aux actualités, on entendait parler des heurts et violences en Algérie. Nous étions, nous militaires américains, censé gardé un œil très attentif sur tous ces événements. Nos supérieurs nous rappelaient systématiquement la manière dont nous devions nous comporter afin de ne pas attirer l'attention sur nous. Cela n'empêcha pas de nombreux citoyens français de nous lancer des cris « US Go Home ! ». Je me souviens des nombreuses alertes, avec des phares puissants scrutant le ciel à la recherche d'avions hostiles prêts à lâcher des bombes à cause des événements en Algérie.

 

En 1958, le général de Gaulle arriva pour former un nouveau gouvernement car la guerre en Algérie risquait de provoquer une guerre civile sur le territoire français entre ceux qui souhaitaient l'indépendance de la colonie et les autres qui voulaient que l'Algérie demeure une partie de la France.

 

Malgré ces événements inquiétants, j'arrivai à mener une vie relativement normale. J'épousai la jeune femme française que je fréquentais en Allemagne, et notre premier enfant naquit à l’hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. C’était une fille, que nous prénommâmes Jennifer. Je commençai également à suivre des cours du soir à l'université.

 

 

A la California Institute of Technology.

 

Après trois ans à Paris, on me proposa une mission d'enseignement à la California Institute of Technology à Pasadena pour les étudiants en ROTC (Reserve Officers Training Corps). Il s'agissait des meilleurs étudiants et futurs ingénieurs et scientifiques du pays, et notre but était de convaincre le plus grand nombre de se vouer à une carrière au sein de l'armée de l'air. Nous n'avions jamais eu beaucoup d'étudiants, par conséquent j'avais pas mal de temps libre, et mon commandant me suggéra de poursuivre mes propres études afin d’obtenir un diplôme. Mission accomplie et deux ans plus tard, j'obtins mon diplôme d’Associate of Arts (l'équivalent de l'ancien DEUG français). A l'époque, l'armée de l'air dispensait des bourses d'étude. En cas de sélection, l'on pouvait poursuivre ses études jusqu'à l'obtention d'une licence et suivre ensuite une formation de trois mois pour devenir officier. Je fus pris, et grâce à mes expériences en Allemagne et en France, mon travail dans le renseignement, je fus sélectionné pour obtenir mon diplôme en relations internationales avec comme objectif de travailler plus tard dans le domaine de l'intelligence militaire.

 

 

NDLR :

Ces articles sur Jack Merchant sont dus également à Jennifer Merchant-Weil – isséenne – que nous remercions vivement pour son aide précieuse et pour la traduction. Professeur d’anglais appliqué aux sciences politiques et administratives à la faculté de Paris Panthéon-Assas, Madame Merchant-Weil est l’épouse de François Weil, directeur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).