Henry Karayan.
Publié le 27 Novembre 2011
Issy-les-Moulineaux – 21 Février 2010 – Inauguration de la place Missak Manouchian. André Santini, député-maire, est entouré d’Arsène Tchakarian (à gauche) et d’Henry Karayan (à droite). Cliché F. E. Rignault.
Extrait du journal Le Monde du 25 novembre 2011 ; article écrit par Dominique Buffier.
"Je n'ai jamais tué d'Allemands, je n'ai tué que des nazis", répondait-il lorsqu'on l'interrogeait sur ses actions armées durant la Résistance. Avant-dernier survivant du groupe Manouchian, vice-président de l'Association Nationale des Anciens Combattants et Résistants arméniens, Henri Karayan est mort le 2 novembre, à Paris, à l'âge de 90 ans.
Né en 1921 à Istanbul, d'une famille arménienne victime du génocide de 1915, Henri Karayan arrive en France à l'âge d'un an et demi. La famille Karayan s'installe à Décines (Rhône) près de Lyon. Son père est responsable, en 1921, du comité de secours pour l'Arménie, une association qui vient en aide à l'Arménie soviétique isolée, alors, par le blocus des armées alliées.
Union populaire franco-arménienne.
En 1938, quand ce comité est dissous, Missak Manouchian, militant communiste depuis 1934, met en place une nouvelle structure sous le nom d'Union populaire franco-arménienne et fait la tournée des communautés arméniennes en France. C'est dans ce cadre que le jeune Henri Karayan, âgé de seulement dix-sept ans, fait sa connaissance.
"La première fois que j'ai rencontré Manouchian, rappelait-il, nous avons passé l'après-midi ensemble. Tout ce qu'il me disait résonnait en moi. Nous partagions les mêmes convictions". "Je pensais ne jamais le revoir. Nos routes avaient peu de chances de se croiser de nouveau. C'était compter sans la pression des événements", ajoutait Henri Karayan, dans un entretien avec le journaliste Jean Morawski publié en 2000 par L'Humanité. Ces "événements" se traduiront d'abord, en mai 1940, par son incarcération à la prison de Saint-Paul de Lyon comme – faute d'autres charges - "individu douteux".
Opérations armées à partir de 1943.
Après un transfert au camp de Loriol (Drôme) puis celui de Vernet (Ariège), il est contraint d'aller travailler en Allemagne, où, dans la région de Dortmund, il retrouve un jeune communiste juif, Léo Kneler, ancien des Brigades internationales et dont il avait fait connaissance à Vernet. C'est en sa compagnie qu'il s'évade et, en mars 1942, rejoint Paris où il reprend contact avec Manouchian. Participant d'abord aux distributions clandestines de tracts ou de l'Humanité, il rejoint en avril 1943 le groupe de jeunes FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – main d'œuvre immigrée) sous le commandement de Manouchian et participe à de nombreuses opérations armées.
C'est de justesse qu'il échappe, avec son camarade Arsène Tchakarian, à la rafle qui mena au peloton d'exécution 23 membres du groupe le 21 février 1944 au Mont-Valérien. C'est en hommage à cet épisode tragique que Louis Aragon devait écrire en 1955 le poème Strophes pour se souvenir, plus connu sous le nom de l'Affiche rouge, qui sera mis en musique et chanté, en 1959, par Léo Ferré. Arsène Tchakarian, 95 ans, est désormais le dernier survivant du groupe Manouchian.