premiere guerre mondiale

Publié le 24 Octobre 2016

Auguste Gervais et Françoise-Marie Picoche.

Auguste Gervais et Françoise-Marie Picoche.

Une éducation militaire.

 

Auguste Gervais nait le 6 décembre 1857 à Paris VIIIe. Il est le fils d’un négociant parisien, Louis Aimable Gervais, et d'Adeline Joséphine Brochard. En 1870, il entre au lycée Charlemagne, où il entame des études supérieures. Cinq années seulement après la guerre franco-prussienne, il est admis à l’école militaire de Saint-Cyr, d’où il sort en 1877 avec le grade de sous-lieutenant d'infanterie. Il est alors affecté au 129e régiment d’infanterie. Il poursuit par la suite sa formation militaire en intégrant l'École spéciale militaire qu’il fréquente de 1877 à 1879. Dans l’armée, il occupe un rôle d’administrateur. Quelques années plus tard, Auguste Gervais intègre le cabinet du ministre de la Guerre, le général Jean Thibaudin, où il reste du 31 janvier au 9 octobre 1883. C’est à ce moment qu’il commence à côtoyer les principaux hommes politiques de son temps.

 

Entrée dans la vie journalistique.

 

Auguste Gervais quitte alors l’armée pour raisons de santé avec le grade de lieutenant de chasseurs à pied et se lance dans le journalisme. D’abord proche des idées socialistes qui apparaissent à cette époque, il va rejoindre progressivement la gauche républicaine animée par les radicaux. Spécialisé dans les questions militaires, il travaille successivement au sein de la rédaction du National (1882-1887), de La Petite République (1887-1888), période à laquelle Jean Jaurès commence à y collaborer, puis du Petit Journal (1888). Remarqué par Georges Clémenceau, député de Paris depuis 1876, Auguste Gervais adhère aux idées de ce dernier et part rejoindre les quotidiens le Matin, le Soir, puis enfin L'Aurore, journaux auxquels celui-ci collabore.

 

En reconnaissance de ses travaux (il a aussi écrit de nombreux ouvrages), Auguste Gervais est fait chevalier de la Légion d’honneur le 14 juillet 1892, avant de devenir également officier de l’Instruction publique. En marge de son activité littéraire, comme beaucoup d’hommes politiques de cette époque, Auguste Gervais est initié à la franc-maçonnerie et intègre la loge Thélème en juillet 1895. Par la suite, il sera membre de la société Philomathique de Paris et en deviendra son Président d'honneur en 1907.

 

C’est vers 1880 que la vie politique locale commence réellement à se développer à Issy-les-Moulineaux, à l’époque de la première vague d’industrialisation de la commune, tandis qu’on y observe une croissance démographique importante liée à cet essor économique. L’Isséen Auguste Gervais décide alors d’y prendre part.

 

L’homme politique.

 

Deux groupes politiques avec des tendances bien distinctes émergent à Issy-les-Moulineaux. Edouard Naud, maire d'Issy-les Moulineaux de 1871 à 1878, se situe plutôt à droite. Tendance opposée aux maires qui vont par la suite se succéder : Auguste Hude, maire de 1884 à 1888 ; Jean Baptiste Charlot, maire de 1888 à 1894 ; Henri-Oscar Mayer, maire de 1894 à 1903, puis de 1908 à 1911, et à Auguste Gervais, encore plus à gauche. La tendance politique de ce dernier tend alors à devenir majoritaire à mesure que la croissance industrielle et par là même la population ouvrière gagnent en importance.

 

Auguste Gervais se présente lors des élections communales du 1er et du 8 mai 1892 sur la liste conduite par le maire sortant Jean-Baptiste Charlot, qui remporte les élections.

 

Lors du premier conseil municipal organisé le 15 mai 1892, Auguste Gervais est élu maire-adjoint d’Issy-les-Moulineaux, en même temps qu’un dénommé Sourdive. Une de leurs premières initiatives est, lors de la séance du conseil municipal du 21 avril 1894, de changer l’appellation de vingt-quatre voies de la commune en choisissant des noms tirés de l’histoire révolutionnaire de 1789. C’est ainsi qu’apparaissent la rue de l’Egalité, les rues Danton, Chénier et Desmoulins, la rue de l’Abbé Grégoire. Les philosophes des Lumières sont aussi mis à l’honneur, notamment d’Alembert, Diderot, Rousseau et Voltaire. De ce fait, leur empreinte sur le territoire isséen est toujours visible à l’heure actuelle dans les rues de la ville.

 

Le 24 septembre 1894, suite à un désaccord avec sa majorité, Jean-Baptiste Charlot décide de démissionner de son fauteuil de maire. Henri-Oscar Mayer lui succède. Auguste Gervais renonce alors à son mandat de maire-adjoint. Il semble avoir suivi la décision de Jean-Baptiste Charlot en restant simplement l’un des vingt-sept conseillers municipaux de la commune. Lors du scrutin municipal de 1896, la liste conduite à Issy-les-Moulineaux par le maire sortant Henri-Oscar Mayer, sur laquelle figure Auguste Gervais, remporte les élections dès le premier tour avec 1196 voix contre 933 voix pour Fauch de l’Union républicaine et 475 voix pour Chéradame, menant une liste socialiste révolutionnaire.

 

Au-delà de ces élections locales, Gervais remporte de nouveaux mandats électoraux. Membre de la Gauche radicale socialiste, il est élu au Conseil général de la Seine et siège comme représentant du canton de Vanves de 1893 à 1898. Il est même élu président du Conseil général de la Seine de 1896 à 1897.

 

Lors des élections législatives des 8 et 22 mai 1898, Auguste Gervais est élu député dans l’arrondissement de Sceaux, à savoir la quatrième circonscription de la Seine nouvellement créée, qui regroupe alors Sceaux et Vanves. À la Chambre des députés, Auguste Gervais intervient largement sur les questions militaires. Il prend aussi des initiatives nationales en fonction des événements affectant directement la vie de ses administrés. Par exemple, après une explosion à la cartoucherie de munitions Gévelot le 14 juin 1901, qui fait dix-sept morts et de nombreux blessés, Auguste Gervais est à l’initiative d’une pétition – signée également par deux autres parlementaires, Emmanuel Chauvière et Georges Girou, députés de la Seine qui résident à Issy-les-Moulineaux –, à l’adresse des parlementaires afin de permettre d’indemniser les familles des victimes.

 

Lors des élections législatives suivantes du 27 avril et du 11 mai 1902, Auguste Gervais est réélu de justesse avec 8 552 voix face au candidat de la droite Dumonteil, qui recueille 7 523 voix. C’est sans doute en raison de sa courte victoire aux législatives de 1902 qu’Auguste Gervais, réélu conseiller municipal lors des élections de 1900, décide de briguer la direction du conseil municipal en 1903 en qualité de maire d’Issy-les-Moulineaux.

 

Maire d’Issy-les-Moulineaux.

 

Auguste Gervais devient maire d’Issy-les-Moulineaux le 22 mars 1903. Radical socialiste, il reste à la tête de la commune jusqu’en 1908. Pour mémoire, il faut rappeler qu’au moment du recensement de 1901, la commune compte 930 maisons reparties en 4 327 ménages, regroupant au total 16 639 habitants. Le nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales en 1903 est de 3 890 (les femmes n’ayant pas encore obtenu le droit de vote).

 

Suite aux élections législatives des 6 et 20 mai 1906, Auguste Gervais est réélu dans la 4e circonscription de la Seine. Il siège à la Chambre des députés dans le groupe des Républicains radicaux. Trois ans plus tard, Auguste Gervais est élu sénateur lors des élections du 3 janvier 1909. Devenu l’un des dix sénateurs du département de la Seine, il démissionne de son siège de député le 22 janvier 1909.

 

Membre du groupe de la gauche démocratique, Auguste Gervais fait partie de la commission militaire du Sénat. Il intervient fréquemment sur les textes de lois discutés au palais du Luxembourg, notamment sur le budget, le recrutement et les moyens matériels de l’armée. Alors qu’il continue à s’intéresser aux questions coloniales, il assure le secrétariat du groupe colonial du Sénat en 1910 et en 1914, et la vice-présidence du groupe d'études algériennes du Sénat en 1910.

 

Concernant les questions économiques, Auguste Gervais s’illustre particulièrement au sein de la commission des finances du Sénat. Il siège à la commission pour l’assistance aux familles en difficulté en 1909 et œuvre beaucoup en faveur de la mise en place d’un système de retraite pour les ouvriers et les paysans.

 

Mort pour la France.

 

Au cours de la Première Guerre mondiale, Auguste Gervais se fait remarquer par ses prises de position lors des séances publiques portant sur les questions militaires, étant lui-même un expert en ce domaine. Il convient également de rappeler que la commune d’Issy-les-Moulineaux regroupe plusieurs industries d’armement comme Gévelot et les usines d’aéronautique réparties le long du terrain militaire du Champ de Manœuvres. Le 14 juillet 1917, Auguste Gervais est promu officier de la Légion d’honneur.

 

Le 24 août 1917, au retour d’une mission d’inspection des avant-postes du front, effectuée en qualité de rapporteur de la commission de l'armée du Sénat, Auguste Gervais est victime d’un accident de voiture. Transporté en urgence à l’hôpital Boucicaut dans le XVe arrondissement de Paris, il y décède quelques jours plus tard, dans la nuit du 30 au 31 août 1917. Il a alors 60 ans.

 

Auguste Gervais est inhumé au cimetière communal d’Issy-les-Moulineaux. Un médaillon en bronze à son effigie est placé sur la stèle de son monument funéraire. Décoré de la Croix de guerre, Auguste Gervais obtient le titre de Mort pour la France. Suite à une délibération du conseil municipal d’Issy-les-Moulineaux en date du 25 novembre 1917, une rue de la ville porte aujourd’hui le nom de son ancien édile. D’une longueur de 305 mètres, la rue Auguste Gervais borde la place de la mairie.

 

« Mon arrière-grand-père », par Béatrice Liébard.

 

En complément du texte rédigé ci-avant par Monsieur Thomas Nuk, historien et qui été membre du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux, voici des éléments fournis par Madame Béatrice Liébard, arrière-petite-fille d’Auguste Gervais et que nous remercions vivement.

 

  • Auguste Gervais épouse en 1882 Françoise-Marie Picoche, avec laquelle ils auront six enfants :
    • Fernand, avocat, sous-préfet puis préfet, directeur de la Santé publique au Gouvernement général d’Algérie.
    • Villeneuve, secrétaire dans différents cabinets ministériels et qui deviendra publiciste.
    • Maurice, directeur de l’hôpital d’Argenteuil.
    • Raymond (peu de renseignements).
    • René-Pierre (idem).
    • Jacques, qui meurt en bas âge.
  • En 1911, il se trouve sur le terrain d’aviation d’Issy les Moulineaux au milieu de personnalités venues assister à la course d’aviation Paris-Madrid qui se termine tragiquement par la décapitation (accidentelle) du Ministre de la Guerre Maurice Berteaux.
  • Les Gervais habitaient une maison qui a été détruite et sur le terrain de laquelle a été construit le musée français de la Carte à jouer.
  • Le jour de ses obsèques, « le convoi s’étendaient sur plus de un kilomètre » !

 

Ci-dessous figure un album de photographies, rassemblées par Madame Liébard : Auguste Gervais à différentes époques de sa vie ; avec son épouse ; sa canne et ses emblèmes maçonniques ; son écharpe de maire ; la maison située dans l’actuelle rue Gervais ; Maurice Berteaux avec qui il se trouvait juste avant l’accident ; les présidents Fallières, Loubet, Faure et Poincaré ; sa tombe au cimetière d’Issy.

 

 

 

Principales sources :

 

  • Ce texte a pour partie été rédigé par Thomas Nuk, qui a été membre du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux.
  • Archives nationales, Légion d’honneur, dossier individuel Auguste Gervais ;
  •  Becchia Alain, Issy-les-Moulineaux, Histoire d’une commune suburbaine de Paris, Chez l’auteur, 1977 ;
  • Beis Pierre, Issy-les-Moulineaux au jour le jour il y a 100 ans ;
  • Centre de recherches historiques d’Issy-les-Moulineaux, Lettre d’information, Hors-série, 1994 ;
  • Collectif, Issy-les-Moulineaux, 2 000 ans d’histoire, Issy média, 1994 ;
  • Collectif, Issy-les-Moulineaux, Notice historique et renseignements administratifs, Conseil général de la Seine, Montévrain, 1903 ;
  • Jolly Jean (sous la dir. de), Dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940, Paris, Presses universitaires de France 1960, notice sur Auguste Gervais.

 

 

Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.
Au temps d'Auguste Gervais.

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Publié le 1 Octobre 2016

La stèle de l'entrée de la Forêt des Combattants.
La stèle de l'entrée de la Forêt des Combattants.

A Vanves.

André du Fresnois, nait Casinelli à Vanves le 1er avril 1887. En ce temps-là débute la construction de la Tour Eiffel à Paris, et les salles d’asile – comme on les appelle alors – deviennent des écoles maternelles.

André Casinelli est le fils d’un économe du lycée Michelet, alors établissement prestigieux, qu’il est resté d’ailleurs. Le jeune homme, très attiré par les lettres, commence sa carrière relativement jeune. Il écrit deçà delà dans des revues qui disparaissent assez rapidement. Puis il devient critique de théâtre à la Revue critique des idées et des livres. On dit de lui qu’il a le teint brouillé, que ses yeux sont « clignotants » et qu’il donne l’air sans arrêt d’être surmené. Il est vrai que le jeune homme doit écrire et réécrire de nombreuses avant que ses papiers ne soient acceptés.

Pour autant, le succès vient. On remarque son intelligence et son esprit pétillant. Dans son livre de mémoires, paru en 1947 (Ed. Arthème Fayard), André Billy (1882-1971) dit d’André du Fresnois : « André du Fresnois appartenait par ses goûts et ses tendances à l’école néo-classique, laquelle relevait de l’Action française, et je crois bien qu’en effet, André du Fresnois était royaliste, mais sans fanatisme et plutôt à la façon voltairienne et sceptique de Bainville qu’à celle de Maurras. Il avait l’intelligence vive et déliée et il écrivait d’une plume éclatante et cursive que je lui ai toujours enviée. Il admirait beaucoup Jules Lemaître et c’est un point sur lequel nous étions d’accord. Il n’a été publié de du Fresnois qu’un livre, recueil de ses meilleurs articles : Une année de critique ».

En effet en 1913, alors qu’il n’a que 26 ans, il publie ce recueil qui est remarqué par la critique. L’année suivante, il est rappelé sous les drapeaux.

La Grande Guerre.

André du Fresnois ne va pas connaître une guerre très longue. Il est malheureusement porté disparu dès le 22 août 1914 dans les combats de Courbesseaux, en Lorraine. L’armée française est alors en train de vivre ce qui sera plus tard appelé « la bataille des frontières » : il s’agit de l’une des premières vagues de combat en ce mois d’août. D’un côté les Allemands entrent en Belgique et en France, de l’autre l’armée française tente une offensive en Lorraine, alors allemande. Mais les victoires allemandes entraînent à partir du 23 août la retraite de l’aile gauche française et du contingent britannique jusqu’en Champagne. Cet épisode, connu sous le nom de « Grande Retraite » se terminera un mois plus tard par la victoire française de la bataille de la Marne. Dans son ouvrage publié en 1995 « 14-18 Mille images inédites » (Ed. Chêne), l’historien Pierre Miquel indique : « Les Français sont tout de suite surpris par les techniques allemandes d’offensive. Ils sont écrasés par les canons à tir long et refluent bientôt en désordre. Toutes les offensives dans le Nord-est ont échoué. La bataille des frontières est un sanglant désastre : les « pantalons rouges » se sont fait hacher par les mitrailleuses allemandes, écraser par les obus lourds, avant même d’être entrés au contact de l’ennemi. La puissance de feu a empêché les charges à la baïonnette et l’esprit offensif recommandé par les généraux de l’école de guerre n’a pas résisté à la guerre de mouvement. Psichari et Péguy sont tombés dans les blés murs ».

Ce ne sont pas les seuls écrivains à tomber à ce moment-là (Ernest Psichari était le petit-fils de Renan). Entre août et septembre 1914, ils sont 85 « Ecrivains Combattants » à tomber sous le feu de l’ennemi, l’un des plus connus étant sans conteste Alain Fournier.

Les Ecrivains combattants.

Dès 1914 est publié un bulletin, appelé Bulletin des écrivains, publication mensuelle dans laquelle se trouvent des récits, poèmes, journaux, romans écrits par les écrivains mobilisés. Une association est formellement créée le 27 juin 1919 et réunit tous les écrivains qui ont porté les armes. Cinq années plus tard, une anthologie de cinq volumes des écrivains morts à la guerre est publiée. Deux à trois fois par an, un bulletin, reprenant souvent les publications des membres, est édité par l’association. De même, des prix littéraires sont annuellement remis.

Le 15 octobre 1927, le président de la République, Gaston Doumergue inaugure au Panthéon, à Paris, des plaques de marbre portant les noms de 560 écrivains morts pendant la Première Guerre mondiale (197 noms seront ajoutés en 1949, après la Seconde Guerre mondiale).

En 1930, des inondations dans le sud-ouest de la France obligent à déboiser de nombreuses forêts. Une campagne de reboisement est orchestrée par le gouvernement. L’association des Ecrivains Combattants, alors présidée par Claude Farrère, décide de participer à ce reboisement. Ainsi est baptisée la Forêt des Ecrivains Combattants : elle se situe dans le massif montagneux du Caroux-Espinousse, dans le département de l’Hérault, sur les communes de Combes et Rosis, au nord de Béziers. Plusieurs stèles sont placées dans cette forêt : à l’entrée ; une à la mémoire d’Alain Fournier ; une à celle d’Erwan Bergot (Indochine – Algérie) ; une à la mémoire de Jean-Marc Bernard (Première Guerre mondiale).

Depuis 1952, cette forêt a été donnée par l’association à l’Etat, qui en a fait un lieu de promenade.

Sources :

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Publié le 10 Juillet 2016

Et Pétain devint chef de guerre.

« Les bombardements de l’artillerie lourde allemande, du 21 février et de la nuit du 21 au 22, précédèrent la ruée des divisions d’assaut ; nulle part encore, sur aucun front et dans aucune bataille, on n’en avait connu de pareils. Ils visaient à créer une « zone de mort », dans laquelle aucune troupe ne pourrait se maintenir. Une trombe d’acier, de fonte, shrapnells et de gaz toxiques s’abattit sur nos bois, nos ravins, nos tranchées, nos abris, écrasant tout, transformant le secteur en un champ de carnage, empuantissant l’atmosphère, portant l’incendie jusqu’au cœur de la ville, s’attaquant même aux ponts et aux localités de la Meuse jusqu’à Génicourt et Troyon. De formidables explosions secouaient nos forts, les empanachaient de fumée. On ne saurait décrire une telle action, qui n’a sans doute jamais été égalée en violence et qui concentra, sur le triangle étroit compris entre Brabant-sur-Meuse, Ornes et Verdun, le feu dévastateur de plus de 2 millions d’obus !

Lorsque les troupes allemandes se portèrent en avant, par petits éléments, le 21 après-midi, puis le 22 au matin – après une nuit où l’artillerie avait repris sans interruption son « pilonnage » infernal – par colonnes se poussant les unes les autres, elles espéraient progresser l’arme à la bretelle. Quelles ne furent pas leur stupéfaction et leur désillusion de voir que partout, sur leur chemin, des Français surgissant des décombres et – loqueteux, épuisés, mais redoutables quand même – défendaient les ruines de tous leurs points d’appui !

La résistance des chasseurs de Driant, le député-soldat, l’écrivain célèbre, vaut qu’on la rappelle.

Dans le bois des Caures, veillaient les 56e et 59e bataillons de chasseurs, avec quelques éléments du 165e régiment d’infanterie, en tout quelques 1.200 hommes ; 6 batteries de 75 et 8 batteries lourdes les appuyaient. Ils furent assaillis par les quatre régiments, soit 8.000 à 10.000 hommes, que soutenaient 7 batteries de 77 mm et environ 40 batteries lourdes. Le bombardement préparatoire les avait littéralement écrasés ; la plupart des abris s’étaient effondrés sous les explosions ; les pertes, avant la prise de contact avec l’assaillant, atteignaient un chiffre très élevé. Nos chasseurs tinrent cependant, à l’intérieur du bois, cernés et traqués de tous côtés, pendant près de vingt-quatre heures. Les troupes du 30e corps déployaient une vaillance étonnante et presque invraisemblable. Chaque centre de résistance – bois, village, lacis de tranchées éboulées ou groupement chaotique de trous d’obus – permettait à nos unités de renouveler les exploits des chasseurs de Driant et contribuait pour sa part à briser la ruée.

D’abord en camions-autos, par la route Souilly – Verdun, puis à pied par petites colonnes, les éléments prélevés sur les deux divisions de réserve générales se rapprochaient des lignes. Mais, dès leur débouché au-delà de la Meuse, ils étaient saisis, ralentis et désarticulés par le bombardement, entravés par les évacuations des blessés et par les convois de ravitaillement, engourdis par le froid au cours des longs arrêts que leur imposait le brusque engorgement des arrières. Aux rendez-vous indiqués, à l’entrée de leurs secteurs d’engagement, les unités montantes cherchaient les chefs des fractions déjà au feu et les guides désignés pour les conduire ; or, ceux-ci, pourchassés de place en place par les explosions et par les gaz, errant eux-mêmes dans la bagarre, faisaient souvent défaut…

Alors, les sections et les compagnies de renfort marchaient à l’aventure, droit au nord, progressaient sous les fumées et parmi les bruits assourdissants de la bataille, et soudain se heurtaient à l’adversaire, l’accrochaient, lui opposaient, en attendant mieux, le rempart de leurs corps. Sans contacts à droite et à gauche, sans liaison avec l’artillerie, sans mission précise, sans tranchées pour s’abriter, sans boyaux pour assurer leurs communications, sans savoir à qui et comment adresser leurs comptes rendus ou demander des instructions, elles formaient barrage là où le sort les amenait.

Me trouvant disponible avec mon quartier général à Noailles, je considérais comme extrêmement probable ma désignation pour le front de Verdun, où l’importance de la lutte engagée et des renforts envoyés à la bataille justifiait l’entrée en ligne d’une armée nouvelle. Je ne fus donc point surpris de recevoir, le 24 au soir, l’ordre de mettre immédiatement mon quartier général en route vers Bar-le-Duc et de me présenter moi-même au général Joffre le 25 au matin.

J’arrivai à Chantilly à 8 heures et fut aussitôt introduit auprès du général en chef qui, dans une ambiance quelque peu fiévreuse et agitée, conservait son calme coutumier. Le général Joffre, sans longues phrases, me fit connaître son impression sur la situation qui lui paraissait sérieuse, mais non alarmante ; il me prescrivit de me rendre en toute hâte à Bar-le-Duc pour me tenir prêt à remplir telle mission que le général de Castelnau, mandaté à cet effet, me préciserait. Je me hâtai vers Dugny, au sud de Verdun, où se trouvait le poste de commandement du général. A Dugny, j’appris un grave événement : le 20e corps s’était courageusement battu toute la journée autour du village de Douaumont, mais le fort venait de tomber par surprise au pouvoir de l’ennemi. Nous perdions ainsi le meilleur et le plus moderne de nos ouvrages, celui qui résumait les raisons de notre confiance, le splendide observatoire qui nous aurait permis de surveiller et de battre le terrain des approches allemandes et d’où, maintenant, l’ennemi pourrait diriger ses regards et ses coups vers les moindres replis du cirque sacré de Verdun !

Je rapportai moi-même la nouvelle de la chute du fort aux généraux de Castelnau et de Langle, à Souilly. Le général de Castelnau estimait qu’il n’y avait plus une minute à perdre pour « organiser » le commandement et éviter les erreurs comme celle qui caractérisait les événements de la journée. Dans l’après-midi, il avait téléphoné à Chantilly pour proposer de me confier le commandement des fronts de Verdun sur les deux rives de la Meuse, « avec mission d’enrayer l’effort prononcé par l’ennemi sur le front nord de Verdun ». Le général Joffre approuvait sa décision.

A 11 heures, je prenais donc la direction de la défense de Verdun, déjà responsable de tout et n’ayant aucun moyen d’action… Dans une salle vide de la mairie, je me mettais en communication téléphonique avec le général Balfourier, commandant les forces engagées dans le secteur d’attaque : « Allo ! C’est moi, général Pétain. Je prends le commandement. Faites-le dire aux troupes. Tenez ferme. J’ai confiance en vous… ». « C’est bien mon général. On tiendra ! Vous pouvez compter sur nous comme nous comptons sur vous ! ».

Aussitôt après, j’appelais le général de Bazelaire, commandant les secteurs de la rive gauche, et je lui donnais les mêmes avertissements, en lui indiquant le prix exceptionnel que j’attachais à la conservation de nos positions à l’ouest de la Meuse. Il me répondait, comme venait de le faire le général Balfourier, sur le ton d’une confiance affectueuse et absolue.

La liaison morale, du chef aux exécutants, était assurée.

Un peu plus tard, vers minuit, arrivait le colonel de Barescut, mon chef d’état-major. Sur une carte à grande échelle plaquée au mur, je marquais au fusain les secteurs des corps d’armée en position, ainsi que le front à occuper, et je dictais l’ordre que l’on devrait faire parvenir à toutes les unités le lendemain matin.

Tels furent, à Verdun, mes premiers actes de commandement ».

Des années après la bataille de Verdun, le maréchal Pétain se confia au journal L’Illustration. Le texte ci-dessus est un extrait du journal.

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Publié le 21 Février 2016

Les Isséens tués à Verdun 2/2.

Juin 1916.

  • 4 juin : Georges Souchet, 2e classe au 101e RI (casernement à Saint-Cloud et Paris – en 1914, au moment de la retraite, le 101e reviendra jusqu’à Paris, à la porte de Pantin ; des soldats repartiront au front dans les fameux Taxis de la Marne). Né le 17 septembre 1895 à Paris. « Disparu au combat en date du 4 juin 1916. Date fixée par le Tribunal civil de la Seine en date du 6 mai 1921 ».
  • 15 juin : Joseph Cosmeur, soldat de 2e classe au 410e RI (régiment de réserve ayant le camp Coëtquidan pour lieu de rassemblement de réservistes bretons, normands et de l’est de la France). Né le 19 mars 1880 à Floutech dans les Côtes du Nord (Côtes d’Armor). « Mort des suites de ses blessures à l’hôpital temporaire de Revigny dans la Meuse.
  • 23 juin : Joseph Lanaud, soldat de 2e classe au 407e RI (régiment de réserve ayant pour lieu de regroupement le camp de Châlons à Cuperly dans la Marne). Né le 22 mars 1885 à Peintre dans le Jura. « Tué à l’ennemi à Vaux ».
  • 26 juin : Maurice Motto, soldat de 2e classe au 220e RI (venu du 11e RI). Né le 26 juin 1895 à Paris. A Verdun, en 20 jours, le régiment perd 820 hommes. « Tué à l’ennemi à Fleury (Meuse) ».

Juillet 1916.

  • 7 juillet : Paul Bailly, soldat de 2e classe au 407e RI (se reporter plus haut). Né le 25 septembre 1895 à Nevers dans la Nièvre. « Blessure de guerre à Fleury dans la Meuse ».
  • 11 juillet : Alexandre Trochon, soldat de 2e classe au 370e RI (ce régiment sera dissous après les mutineries de 1917). Né le 18 mai 1878 à Chartres. « Tué à l’ennemi au Bois de Vaux (Verdun) ».
  • 15 juillet : Marcel Boudet, soldat de 2e classe au 130e RI (casernement à Mayenne – en Champagne, en 1915, le régiment perd 1.500 hommes). Né le 7 avril 1897 à Sablé dans la Sarthe. « Mort sur le terrain à Douaumont dans la Meuse ».

Août 1916.

  • 4 août : Martial Chabiron, soldat de 2e classe au 96e RI (casernement à Béziers et Agde). Né le 1er mars 1889 à Ardilly. « Disparu à Thiaumont (Meuse) ».
  • 7 août : Marcel Boissy, soldat de 2e classe au 134e RI (13 citations – le régiment est anéanti en 1914 où il perd près de 3.000 hommes, et à nouveau en 1915 avec 1.200 hommes). Né le 17 mars 1896 à Paris. « Tué à l’ennemi à Fleury-devant-Douaumont ».
  • 15 août : Jacques Riviero, soldat de 2e classe au 134e RI (se reporter avant). Né le 27 février 1879 à Cannes. « Mort des suites de blessures de guerre à l’ambulance 4/54 de Landrecourt dans la Meuse ».
  • 18 août : François Jean, soldat de 2e classe au 143e RI (se reporter avant). Né le 12 mai 1893 à Alfortville dans le Val de Marne (département de la Seine à l’époque). « Tué à l’ennemi à Vaux Chapitre (Meuse) ».
  • 24 août : Albert Zolla, 2e canonnier conducteur au 105e régiment d’artillerie lourde. Né le 17 octobre 1897 à Paris. « Mort des suites de blessures de guerre à l’ambulance 3/5 de Froides (Meuse) ».
  • 25 août : Alfred Crouet, soldat de 2e classe au 80e RI (casernement à Narbonne). Né le 9 décembre 1897. « Tué à l’ennemi à Fleury (Meuse) ».

Septembre 1916.

  • 5 septembre : Joseph Steiner, soldat de 2e classe au 24e régiment d’infanterie territoriale (casernement au Havre). Né le 1er janvier 1875 à Dabo en Alsace-Lorraine. « Disparu au tunnel de Tavannes – Tué à l’ennemi ». La tragédie du tunnel de Tavannes a fait l’objet d’un article sur ce site.
  • 7 septembre : Augustin Blanc, sous-lieutenant au 346e RI (régiment de réserve du 146 avec Toul pour lieu de regroupement). Né le 23 mai 1881 au Puy-en-Velay en Haute-Loire. « Mort de blessures de guerre à la Ferme de Maujouy dans la Meuse ».
  • 12 septembre : Camille Haurigot, soldat de 2e classe au 104e RI (le 104 était l’un des régiments de Paris – il participa à l’épisode des taxis de la Marne). Né le 2 janvier 1895 à Meudon. « Tué par éclats de grenades à Fleury-Thiaumont. Tué à l’ennemi ».

Octobre 1916.

  • 6 octobre : Edouard Ablin, soldat de 2e classe au 507e RI. Né le 27 juin 1888 à Paris. « Tué à l’ennemi à Vaux Chapitre (Meuse) ».
  • 26 octobre : Jean Henry, sergent au 4e régiment de zouaves (régiment de Tunis et Bizerte). Né le 19 février 1890 à Issy. « Tué à l’ennemi à Douaumont (Meuse) ».

Novembre 1916.

  • 8 novembre : Paul Petitpa, caporal au 4e RI (régiment ayant pour casernement la ville d’Auxerre). Né le 7 février 1882 à Paris. « Tué à l’ennemi à Vaux (Meuse) ».
  • 17 novembre : Léonide Wallerand, aspirant au 8e régiment de tirailleurs de marche (régiment décimé et reconstitué à cinq reprises – 5 citations à l’ordre de l’armée). Né le 12 septembre 1896 à Denain (Nord). « Tué à l’ennemi à Douaumont ».

Décembre 1916.

  • 5 décembre : Louis Delcorde, soldat de 2e classe au 246e RI (régiment de réserve avec Paris pour lieu de regroupement). Né le 10 décembre 1876 à Paris. « Tué à l’ennemi à Esnes (Meuse) ».
  • 11 décembre : Albert Guitton, caporal au 8e régiment de tirailleurs de marche (se reporter ci-avant). Né le 18 février 1889 à Tremblay en Ille-et-Vilaine. « Disparu à la Côte 318 (Meuse) ».
  • 15 décembre : Henri Guinet, sous-lieutenant au 2e régiment de tirailleurs de marche (régiment établi en Algérie – 7 citations dont une reçue pour ses combats à Verdun tout au long de l’année 1916). Né le 1er 1889 à Chaville dans le département de Seine-et-Oise (aujourd’hui Hauts-de-Seine). « Tué à l’ennemi à Douaumont ».

Sources :

  • Analyse du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux.
  • Site Internet : « Mémoire de hommes » du Service historique de la Défense.
  • Les photographies viennent des archives de l’ECPAD.
  • Site Chtimiste – www.chtimiste.com
  • Archives de la Grande Guerre.
  • Inventaire sommaire des archives de la Guerre, de J. Nicot et J.C. Devos, 1975.
Les Isséens tués à Verdun 2/2.

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Publié le 21 Février 2016

Les Isséens tués à Verdun - 1/2

Terribles statistiques.

En 1914, la population française est d’environ 39,5 millions d’habitants. Près de 8.000.000 d’hommes seront mobilisés entre 1914 et 1918 dont 565.000 environ sont originaires des colonies. A la fin de la guerre, la France compte près de 1.400.000 tués et 4.300.000 blessés (coloniaux compris).

Le Comité du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux a étudié le monument aux morts de la ville, place Bonaventure Leca. Celui-ci compte 860 noms d’Isséens morts pendant la Première Guerre mondiale. Ce nombre est à rapprocher avec la population locale de l’époque qui oscillait entre 22.000 et 23.000 habitants. Si l’on répartit celle-ci entre 50 % de femmes et 50 % d’hommes, et que l’on retire tous les jeunes garçons et les plus de 40 ans (législation de l’époque – plus tard les soldats de la territoriale seront appelés aussi et certains auront jusqu’à 50 ans), 860 morts devient un nombre terrifiant en rapport d’une population masculine mobilisable de peut-être 5.000 à 6.000 hommes !

Si l’on continue cette comparaison – sans aucune vérité scientifique – alors on peut appliquer les statistiques nationales à la population locale : 860 morts, cela implique environ plus de 2.500 blessés pour la commune. Soit, peut-être, 50% des appelés !

Tous ne sont pas morts à Verdun. Mais Verdun fut la plus terrible des batailles de la Première Guerre mondiale (se reporter à l’article qui vient d’être publié sur ce site). Pour illustrer ce qui a été indiqué, voici une partie de la liste des Isséens (donc ceux qui habitaient la commune au moment de leur incorporation) qui sont morts pendant cette bataille de Verdun, soit du 21 février 1916 à décembre de la même année, en ordre chronologique. Liste non exhaustive, car il convient d’indiquer que notre Comité du Souvenir Français a pu étudier 604 fiches individuelles sur 860 tués, soit environ 70%

Février 1916.

  • 22 février : Juste Bezet, soldat de 2e classe au 233e régiment d’infanterie (RI – casernement à Arras dans le Pas-de-Calais). Né le 18 mai 1880 dans le Pas-de-Calais. « Tué à l’ennemi ».
  • 23 février : Félix Favelot, soldat de 2e classe au 327e RI (casernement à Valenciennes dans le Nord). Né le 14 septembre 1879 à Paris. « Tué à l’ennemi au bois de Wavrille (Meuse) ».
  • 28 février : Marie-Jules Valtin, soldat de 2e classe au 44e régiment territorial d’infanterie (casernement à Verdun – le régiment sera dissous en mars 1918). Né le 24 novembre 1872 dans le département de Meurthe-et-Moselle. « Mort des suites de ses blessures à l’ambulance 3/5 de Clermont-en-Argonnes ».
  • 29 février : Auguste Barbé, soldat de 2e classe au 303e RI (casernement à Alençon – régiment de réserve du 103e – en octobre 1915, plusieurs explosions de mines ensevelissent près de 200 hommes). Né le 28 août 1886 à Grazay en Mayenne. « Tué à l’ennemi ».

Mars 1916.

  • 3 mars : Gustave Reisser dit Thomas, caporal au 22e régiment d’infanterie territoriale (casernement à Rouen). Né le 3 mars 1876 en Alsace-Lorraine (alors occupée par les Prussiens). « Tué à l’ennemi à Douaumont ».
  • 7 mars : Auguste Moutard, soldat de 2e classe au 34e régiment d’infanterie territoriale (casernement à Fontainebleau). Né le 18 octobre 1873 à Ris-Orangis. « Tué à l’ennemi dans les combats de Verdun ».
  • 10 mars : Marcel Laudé, soldat de 2e classe au 3e bataillon de chasseurs à pied (casernement à Saint-Dié). Né le 4 novembre 1889 à Crépy-en-Valois dans l’Oise. « Tué à l’ennemi au fort de Vaux ».
  • 13 mars : Adrien Patry, soldat de 2e classe au 16e bataillon de chasseurs à pied (casernement à Labry en Meurthe-et-Moselle – à l’automne 1915, seuls 150 hommes du régiment sont encore valides). Né le 16 octobre 1888 à Paris dans le 15e arrondissement. « Mort de blessures de guerre à l’ambulance 1/2 de Verdun ».
  • 14 mars : Achille Bicheray, soldat de 2e classe au 3e bataillon de chasseurs à pied (se reporter ci-avant). Né le 21 mai 1889 à Asnières. « Tué à l’ennemi ».
  • 16 mars : Alfred Maraldi, soldat de 2e classe au 154e RI (casernement à Lérouville dans La Meuse – fin 1916, quelques soldats en premières lignes tentent une approche de fraternisation avec des soldats allemands, séparés de seulement quelques mètres). Né le 26 août 1892 à Paris. « Tué au Mort-Homme à Verdun. Décès fixé disparu au combat par décision du 30 septembre 1920 ».
  • 23 mars : Alfred Lemaire, 2e canonnier servant à la 2e batterie du 45e régiment d’artillerie (casernement à Orléans). Né le 7 décembre 1893 à Vanves. « Décédé à l’hôpital de Sainte-Menehould des suites de blessures de guerre ».

Avril 1916.

  • 8 avril : Albert Gladines, soldat de 2e classe au 160e RI (casernement à Toul – en 1915 le régiment perd 1.000 hommes dans l’offensive en Artois). Né le 8 août 1888 à Paris. « Tué à l’ennemi ».
  • 8 avril : Charles Piesses, soldat de 2e classe au 24e RI (casernement à Paris et Fort d’Aubervilliers). Né le 26 décembre 1895 à Paris. « Tué à l’ennemi à Vaux ».
  • 9 avril : Robert Ribot, 2e classe au 32e RI (casernements à Tours et Châtellerault). Né le 2 septembre 1880 à Issy. « Tué à l’ennemi ».
  • 14 avril : Louis Delcey, 2e classe au 227e RI (casernement à Dijon – fin 1916, le régiment part faire la guerre en Orient). Né le 11 mai 1882 à Dôle dans le Jura. « Mort des suites de blessures, à Brocourt dans la Meuse ».
  • 18 avril : Gilbert Bourdelier, 2e classe au 287e RI (casernement à Saint-Quentin – régiment de réserve du 87e RI). Né le 3 août 1878 à Cossaye dans la Nièvre. « Tué à l’ennemi, au Mort-Homme dans la Meuse ».

Mai 1916.

  • 5 mai : Xavier Laforêt, 2e classe au 290e RI (régiment de réserve du 90e RI – casernement à Châteauroux – à Verdun le régiment perd 800 hommes). Né le 18 mai 1877 à Gelon dans le département de l’Indre. « Tué à l’ennemi à la Côte 304 dans la Meuse ».
  • 14 mai : Honoré Gralle, soldat de 2e classe au 2e RI (casernement à Granville dans la Manche). Né le 4 novembre 1879 à Saint-Servan en Ille-et-Vilaine. « Mort pour la France le 14 mai 1916, des suites de ses blessures à l’hôpital de Sainte-Menehould ».
  • 16 mai : Pierre Dugué, 2e classe au 354e RI (casernement à Bar-le-Duc – régiment de réserve du 154e RI). Né le 22 août 1885 à Vitry-sur-Seine. « Tué à l’ennemi à Verdun dans la Meuse ».
  • 22 mai : Jean Jetain, soldat de 2e classe au 151e RI (casernement à Verdun – en 1914, entre août et octobre, le régiment a plus de 1.500 tués). Né le 8 avril 1892 à Plestin-les-Grêves dans les Côtes du Nord (Côtes d’Armor). « Tué à l’ennemi au Mort-Homme dans la Meuse ».
  • 23 mai : Etienne Billard, 2e classe au 69e bataillon de chasseurs à pied (casernement à Epernay). Né le 20 septembre 1884 à Igornay en Saône-et-Loire. « Porté disparu dans les Carrières d’Houdromont à Verdun (Meuse) ».
Les Isséens tués à Verdun - 1/2

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Publié le 19 Février 2016

Un tranchée à Verdun - Copyright: Wikimedia.
Un tranchée à Verdun - Copyright: Wikimedia.

« La plus grande bataille du monde ».

On l’a surnommé ainsi. Peut-être. Mais il est certain qu’elle fut l’une des plus effroyables.

Ce ne sont pas seulement les morts qui donnent à Verdun sa place particulière dans l’histoire. Lancée en plein hiver, le 21 février 1916, Verdun fut l’offensive la plus longue de toute l’histoire de la Première Guerre mondiale et devint un symbole de la volonté de la France. La boucherie se poursuivit pendant dix longs mois. L’hiver céda la place au printemps, puis à l’été, puis à l’automne, et ce fut à nouveau l’hiver. Peut-être 150.000 soldats français tués et presque deux fois plus de blessés ; autant du côté allemand. Pourtant, à la fin, les lignes étaient à peu près au même endroit qu’au commencement.

L’architecte de cette bataille, l’homme qui avait promis que trois Français mourraient pour chaque Allemand, était le général Erich von Falkenhayn, commandant en chef de l’état-major. Cet aristocrate junker, avait pris la place de von Moltke, fin 1914, après la dépression de ce dernier à la suite de l’échec du Plan Schlieffen. Falkenhayn était relativement jeune pour ce poste : il n’avait que 53 ans au début de la guerre. Stricte et sévère, même pour un Prussien, il ne se confiait à personne, ce qui ne l’empêchait pas d’être un des favoris à la cour du Kaiser. Peut-être plus que tout autre général allemand, il était capable de discerner, au-delà des événements immédiats, la perspective à long terme du conflit. Il n’envisageait pas avec optimisme les chances de l’Allemagne.

A la Noël 1915, il présenta au Kaiser la meilleure stratégie selon lui pour que l’Allemagne remporte la victoire. D’après ses arguments : la France était « à bout de résistance ». La Russie ne valait guère mieux : « Ses forces offensives ont été écrasées au point qu’elle ne pourra jamais remettre sur pied quoi que ce soit qui ressemble à son ancienne puissance… Même si nous ne devons pas nous attendre à une révolution dans la grande tradition, nous sommes en droit de penser que les problèmes internes à la Russie la forceront à se rendre dans un délai assez bref. Mais une avancée sur le front oriental ne nous mènerait à rien ».

Poursuivant son raisonnement, il affirmait que le véritable danger venait de la Grande-Bretagne. Et s’il hésitait à attaquer un ennemi fort, il jugeait cependant indispensable de passer très vite à l’attaque, avant que l’Allemagne ne soit submergée par le blocus naval mis en place par la Grande-Bretagne et par les ressources humaines et matérielles des Alliés. Dans ce contexte, Falkenhayn se prononçait en faveur d’une offensive, l’une des rares que déclencherait le Reich pendant cette guerre : « Il ne reste que la France. Derrière le secteur français du front occidental, il existe, à notre portée, des objectifs pour la défense desquels l’état-major français sera obligé d’employer jusqu’à son dernier homme. Dans ce cas, les forces françaises seront saignées à blanc ! ».

Pourquoi Verdun ?

Verdun représentait quatre atouts majeurs pour les troupes du Reich : premièrement, c’était une ville proche de la ligne de front, en Lorraine. Le sentiment pro-français y était très fort. C’est à Verdun qu’eut lieu le partage de l’empire de Charlemagne, établissant les futures zones franques et germaniques. Une attaque sur Verdun entrainerait des régiments entiers à défendre ce symbole. Donc, aisés à pilonner par l’artillerie allemande car les unités d’attaques et de réserve étaient proches, a contrario des Flandres ou de la Picardie.

Deuxième point : Verdun représentait un nœud ferroviaire et un bassin industriel avec des usines de fabrication d’obus. Troisième élément : Verdun formait une sorte de saillant, entourés de positions allemandes et le terrain, mouvementé et séparé par la Meuse, ne se prêtant pas à une défense facile. Enfin, le Reich savait que le GQG (Grand Quartier Général) du général Joffre cherchait, lui, à faire la différence sur la Picardie. Et qu’il n’hésitait pas à retirer çà et là des batteries de canons pour les placer sur le front de la Somme. Le général Gallieni, gouverneur militaire de Paris, avait mis en garde le généralissime français : « Toute rupture du fait de l’ennemi dans ces conditions engagerait non seulement votre responsabilité, mais celle du gouvernement ».

Le 21 février 1916 au matin.

Le haut commandement français fut pris par surprise lorsqu’une offensive allemande massive fut lancée sur un front de 13 kilomètres le 21 février. On n’avait jamais rien vu de pareil. Le premier jour, un million d’obus avaient déjà été tirés.

Le bombardement le plus intense fut dirigé contre une position défensive clé en première ligne, qui devint zone de mort, le bois des Caures, sous le commandement du lieutenant-colonel Emile Driant. En temps de paix, cet officier de réserve était député d’une circonscription proche de Verdun. C’était aussi un écrivain militaire. Ironie du sort, huit ans auparavant, il avait écrit sous le pseudonyme « Danrit » un roman pour enfants où il décrivait sa mort sur un champ de bataille. Pendant la guerre, il avait été presque le seul à élever la voix pour prévenir de la concentration de matériels militaires allemands ; et personne n’avait tenu compte de ses remarques…

Après deux jours de bombardements, notamment aux gaz toxiques, les troupes allemandes mirent les lignes françaises à l’épreuve d’une arme nouvelle : le lance-flammes. Les rares survivants français émergèrent de leurs trous pour s’apercevoir qu’il ne restait plus de la forêt qui les avait entourés que quelques rares fagots et souches d’arbres. Les hommes de Driant résistèrent une journée, dirigeant le feu de moins en moins nourri de leurs mitrailleuses contre les Allemands qui ne cessaient d’avancer. Driant, qui dès la fin de la première journée de bombardements avait demandé à un prêtre de l’aider à « faire sa paix avec Dieu », prit le commandement du 59e bataillon d’infanterie légère et réussit à renforcer quelque unités qui tenaient toujours dans le bois des Caures. Le 22 février, vers 16 heures, il fut touché à la tête. Il s’écria « mon Dieu » et mourut, rejoignant ainsi la liste sans cesse plus longue des héros de légende français.

Le 24 février, la 37e division d’Afrique, formée de Marocains et d’Algériens jouissant d’une belle réputation de combattants, fut lancée dans la bataille. Le lendemain, les Allemands attaquèrent le fort de Douaumont. Cette gigantesque forteresse polygonale était l’élément clé de la ligne de défense française, mais n’abritait inexplicablement qu’une équipe de canonniers squelettique. Douaumont fut pris sans presque livrer bataille et sa capture suscita d’importantes célébrations en Allemagne.

L’enfer de Dante.

Ayant désespérément besoin de chefs, Joffre se tourna vers un commandant pour lequel il n’éprouvait aucune sympathie : Henri Philippe Pétain.

Lorsque Pétain arriva à Verdun il eut l’impression « d’entrer dans un asile de fous ! Tout le monde parlait et gesticulait en même temps ! » Agé de 60 ans, proche de la retraite au début de la guerre, Pétain se faisait un avocat loquace de la puissance de feu : « Le canon conquiert, l’infanterie occupe ! ». En cela, il s’opposait à de nombreux chefs de l’armée française. Mais c’est bien grâce à son insistance sur l’importance de coordonner le feu d’artillerie que Verdun resta aux mains des Français.

A la fin de février, l’offensive allemande s’enlisa pour une raison simple : malgré la taille stupéfiante des obus et des canons, le bombardement restait toujours en deçà de ce qu’aurait nécessité l’entreprise. Falkenhayn cherchait à continuer à aller de l’avant. Le 1er avril le Kaiser proclama publiquement que la guerre se terminerait à Verdun. Mais si l’artillerie allemande avait créé une zone de mort dans le périmètre bombardé, le terrain à l’extérieur grouillait d’artilleurs français. Et lorsque l’infanterie allemande avançait pour occuper le terrain dévasté par les obus de son armée, elle était cueillie par un féroce contre-feu. Ce fut la raison pour laquelle l’offensive se solda aussi par un bain de sang pour l’armée allemande.

Très vite, le secteur situé au nord de la ville devint un lieu de désolation. Un pilote qui le survola eut l’expression suivante : « je pénètre dans l’enfer de Dante ».

Le printemps venu, les combats semblaient avoir acquis une vie propre, peu soucieuse de stratégie favorable à un camp ou un autre. Il est difficile d’imaginer qu’une bataille puisse provoquer à elle seule un nombre total de victimes (morts et blessés) de près d’un million de soldats. Et il n’est pas moins difficile de concevoir comment les Français, qui subirent la moitié de ces pertes, résistèrent à ces bombardements jour après jour. Tout au long de la bataille, une quarantaine de millions d’obus d’artillerie furent tirés par les deux armées – soit près de 200 par soldat tué.

Une victoire à la Pyrrhus.

Bien avant la fin des combats, Verdun était déjà devenu une légende en France. En tant que lieu où s’exprima un courage impossible à imaginer, Verdun est unique. Mais en termes militaires, lorsqu’au bout de dix mois, la ligne de février 1916 fut rétablie, qu’y avait-on gagné ? Pour l’Allemagne, Verdun représente un échec. Falkenhayn avait certes saigné à blanc l’armée française, mais il n’avait pas pu éviter d’entraîner ses propres forces dans un enfer où l’Allemagne sortait au moins aussi affaiblie, sinon plus, que le France. Il fut remplacé en août 1916 au haut commandement par le maréchal Hindenburg, qui dirigea l’armée conjointement avec son premier quartier-maître général, Erich Ludendorff.

Pour la France, Verdun représente au mieux une victoire à la Pyrrhus. La ville, avec tout ce que cela représentait pour la France, avait tenu bon, mais les trois quarts de l’armée française avaient été envoyées à l’abattoir. La France poursuivrait le combat, mais, jusqu’à la fin de 1916, le poids de la contribution alliée au front occidental allait reposer sur les Britanniques, sur leur empire et sur les armées de civils qu’ils enverraient à la guerre.

Sources :

Ce texte a été repris pour parties de l’ouvrage de Jay Winter et Blaine Baggett.

  • 14-18, le grand bouleversement, Jay Winter & Blaine Baggett, Presses de la Cité, 1996.
  • Pétain, Marc Ferro, Fayard, 1987.
  • Foch, Jean Autin, Perrin, 1987 et 1998.
  • Les Poilus, Pierre Miquel, Plon, 2000.
  • 14-18 Mille Images Inédites, Pierre Miquel, Chêne, 1995.
  • Paroles de Poilus, collectif, Taillandier Historia, 1998.
  • L’album de la Grande guerre, Jean-Pierre Verney et Jérôme Pecnard, Les Arènes, 2004.
  • 1916 – Verdun et la Somme, Julina Thompson, Gründ, 2006.
  • Les clichés proviennent des archives de l’ECPAD.
Copyright ECPAD.

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Publié le 11 Novembre 2015

La lettre.

« Bien chers parents,

La lettre que je vous écris est une lettre d’adieu et lorsqu’elle vous parviendra, je serai probablement tombé sous les balles de l’ennemi. Mais qu’importe, ne pleurez pas, ma mort sera bien peu de chose si elle peut contribuer à la victoire de mon pays. Mon seul regret aura été de mourir sans avoir pu jouir du beau spectacle de son triomphe.

Vous achèterez une petite couronne ou un rameau de laurier que vous mettrez sur la tombe de mon frère et vous lui direz un dernier adieu pour moi.

Embrassez-bien mes sœurs, frères et beaux-frères s’ils reviennent sains et saufs. Dites-leur que si ma vie a été courte, mon rôle aura été suffisamment rempli, car j’aurai disparu au champ d’honneur sous les plis du drapeau, en faisant mon devoir de Français.

Chers parents, j’écris cette lettre avant de partir au feu, demain, nous arriverons sur le champ de bataille. Et, avant d’y aller, j’ai voulu vous faire mes adieux ; pour le moment, je suis en parfaite santé et désire qu’il en soit de même pour vous tous.

Je vous embrasse bien tous.

Marcellin. »

Extrait de la revue du Souvenir Français – Octobre 2015 – Lettre écrite par Marcellin Porteix, tombé au champ d’honneur à Lankhof (Belgique), le 24 décembre 1914.

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Publié le 9 Novembre 2014

Journal d'un poilu 5/5 - Papa, mon si jeune papa.

 

 

Journal du caporal Eugène Chaulin (104e RI).

  

Septembre 1914 :

 

Lundi 14 septembre 1914 : dès 6h du matin, nous nous mettons en route sous une pluie battante. Tout le long, nous rencontrons des blessés et des morts français et allemands.

 Nous poursuivons par Tracy-le-Mont, Tracy-le-Val, Bailly, Ribecourt. Dans tous ces pays, nous sommes bien reçus, on nous donne du vin, du cidre, du pain, des confitures, du café. Spécialement, par une bonne sœur à Tracy-le-Mont, nous avons du café, des pommes cuites, du pain, de l’eau de vie… Vers 10h, près de Bailly, nous faisons une grande halte, nous touchons les distributions et faisons cuire de la viande et buvons du café. Nous traversons l’Oise à Bailly sur un pont suspendu qui n’a pas été détruit par les Allemands parce qu’ils n’en ont pas eu le temps. Nous n’allons pas jusqu’à Ribecourt, nous redoublons à Bailly où vers 3h30 nous venons nous installer en tirailleurs. Nous voyons deux hussards allemands qu’une patrouille vient de faire prisonnier.

 Nous allons alors prendre position en tirailleurs pour garder un petit pont. Nous y restons jusqu’à la nuit, les cuisines nous y apportent la soupe et du riz. Nous y restons jusqu’à 3h, puis l’on vient nous rechercher, nous regagnons le bourg de Bailly et nous allons cantonner dans une maison inhabitée. Nous sommes assez bien installés et nous dormons bien. Dans Bailly, se trouvent quelques évacués de Verdun.

 Mardi 15 : réveil dès 4h30 et départ dès les 5h environ. Nous repassons le pont suspendu de Bailly et venons prendre les positions que nous avons occupées la veille sur la route de Ribecourt. Nous faisons du café. Nous passons une partie de la matinée à cet endroit où nous touchons les distributions. Puis, vers 1h, nous nous remettons en route pour Bailly.

 Nous dépassons cette localité, nous reprenons la direction de Tracy-le-Val, mais avant d’arriver là, nous prenons à droite dans la direction de Mampcel. Vers 3h, nous nous arrêtons. Nous entendons le canon tonner avec intensité. Il parait que nous avons un ordre de cerner une armée allemande.

 Je goûte du pain allemand qu’un camarade a trouvé la veille. Ce pain est plus noir que le nôtre, il doit être fait de seigle et a un goût sûr. Nous restons jusqu’au soir en réserve au bord de la route. La pluie se met à tomber, et l’on se met à l’abri au bord du bois. Le soir, nous nous mettons en marche en avant. Puis après 1 km, l’ordre est donné de se replier et d’aller cantonner à Tracy-le-Val. Il est environ 9h, quand nous pouvons nous installer. Pour ma part, je le suis très mal. Il me faudrait dormir assis sur un sac de grains. Aussi, je quitte ma section pour aller avec un camarade d’une autre section qui m’offre une place. Je suis alors assez bien et je me repose, couché dans un grenier par terre. La nuit, il tombe de l’eau.

 Mercredi 16 : réveil dès 4h et le départ doit avoir lieu à 4h30. Mais il est retardé d’un bon moment et l’on part faire le café. Le temps est pluvieux. Nous reprenons la route suivie la veille et nous stationnons un moment dans un champ pendant qu’on entend les canons et les mitrailleuses. Les Allemands tirent à la même place pour permettre à leur troupe de s’embarquer. Au bout d’une heure, nous quittons cet emplacement pour en occuper un plus avant dans un bois.

 Vers 11h, nous quittons le bois et nous dirigeons par la route de Carlepont. Nous prenons position dans un champ à la lisière d’un bois occupé par l’ennemi. Nous installons des tranchées et nous mettons à l’abri derrière. Toute la journée, le canon tonne des deux côtés ainsi que la fusillade. C’est surtout dans le bois que la lutte est vive. Plusieurs régiments d’infanterie sont engagés, entre autres le 104e qui ce jour devait être en réserve de division. Notre compagnie étant en réserve de régiment, nous n’avons pas donné, mais étions en position avec ordre de résister à outrance pour permettre à deux brigades d’infanterie de prendre l’ennemi du côté de Bailly. Nous restons dans nos tranchées assez tard dans la soirée puis nous nous replions pour venir cantonner à Tracy-le-Val dans nos emplacements de la veille. Les voitures de distributions étant parties, notre compagnie ne touche aucun vivre. Le soir, nous faisons un peu de riz et du café. Il est environ 11h quand nous nous couchons.

 Jeudi 17 : le réveil a lieu vers 4h30. Nous préparons le café, puis nous restons à attendre à notre cantonnement.

 ½ heure plus tard, nous quittons Tracy pour aller occuper un village dans la direction de Manpcel. Nous nous installons là, comme soutien d’artillerie. Comme nous n’avons touché aucun vivre, nous faisons cuire des pommes de terre à l’eau. La pluie se met à tomber vers les 11h30 et dure toute la journée. Nous sommes traversés et rien à manger. Un camarade et moi, vers les 6h, refaisons cuire une gamelle de pommes de terre. A la nuit, nous reprenons la direction de notre cantonnement de Tracy-le-Val. Les routes déformées par les voitures et les canons, sont couvertes de boue, on en a jusqu’au dessus de la cheville. Il est difficile à la nuit, de marcher dans ces chemins étroits et boueux. Enfin, vers 9h, nous arrivons. Nous faisons les distributions, mais interdiction de faire du feu. On se couche vers 10 heures.

 Vendredi 18 : réveil dès 3h30 pour préparer la cuisine. Nous faisons un peu de soupe avec la moitié de la viande, et le reste en beefsteak. Nous mangeons la soupe à la hâte.

 Vers 4h30, nous partons après avoir distribué la viande. Nous retournons à notre place de la veille. Mais à peine un quart d’heure après nous nous remettons en marche à travers bois. En chemin, nous croisons la brigade marocaine (chameaux, zouaves, sénégalais…). Là, nous faisons une petite halte, nous entendons le canon et la fusillade.

 Nous quittons ce lieu pour revenir par Tracy-le-Val puis Tracy-la-Mure. Nous nous arrêtons à peu de distance du pays, dans un champ de courses. Là, nous préparons des pommes de terre et du café, nous touchons les distributions, y compris du vin. Des lettres nous sont distribuées, et nous en adressons d’autres. Vers 6h30, nous partons. Nous repassons par Breuil-sur-Aisne, Cuise-la-Motte et allons à Compiègne en traversant la forêt sous une pluie battante. Nous arrivons à 2h de Compiègne où nous attendons le cantonnement sous la pluie. En route, à la dernière pause, le capitaine commandant le bataillon me frappe parce que je réclame la pause étant malade et fatigué. Enfin, vers 3h, nous logeons tout le bataillon dans le manège de la Caserne de Cavalerie. Nous dormons dans la soirée avec peu de paille. Nous sommes traversés, entièrement.

  Samedi 19 : dès 4h30, nous sommes réveillés. Il faut repartir. Nous traversons l’Oise sur un pont de bateaux puis nous traversons la ville et nous dirigeons par Bouegy. Là, nous restons une demi-heure et profitons pour acheter eau-de-vie, vin. Une brave femme nous donne des pommes, des noix.

 Nous continuons encore 4h et allons nous installer à garder une ferme de la commune d’Antheuil. Il est environ 10h. Nous nous installons dehors. Nous allons faire des tranchées dans un champ de betteraves. Puis, nous préparons du café, faisons cuire des pommes de terre. Moi, je fais une compote de poires et le soir une compote de pommes. Je ne suis pas dans un meilleur état de santé, surtout du côté du ventre et de l’estomac. Le soir, nous allons nous coucher dans un grenier dépendant de la ferme, où nous passons une assez bonne nuit. Malgré tout, on a un peu froid. Vers 6h, nous touchons les distributions réglementaires. La journée se passe sans pluie, mais avec du vent. On se chauffe, et on se sèche autour des feux.

 Dimanche 20 septembre 1914 : réveil dès 4h30. La pluie s’est remise à tomber dès le matin. Nous préparons le café. Nous touchons de l’eau-de-vie. Puis nous restons dans nos cantonnements. Je me lave, je ne l’avais pas fait depuis le séjour de Gagny.

 Nous mangeons du rata. A 10h, nous partons et stationnons dans un champ pour protéger le passage d’une division. A 1h30, nous nous mettons en marche et venons cantonner à Gournay où nous nous installons vers 3h30. Nous trouvons à acheter peu de choses, car tout a été pris par les Allemands, et les troupes qui ont passé. J’achète du miel, du vin, de l’anisette, des grillades de lard, du cresson. Nous touchons notre prêt. Le soir, nous nous couchons d’assez bonne heure et reposons bien dans une sorte de remise garnie de gerbes.

 Lundi 21 : réveil dès 4h. Mais on ne se lève guère que vers 5h, heure du rassemblement. La compagnie réunie, nous attendons le départ qui doit avoir lieu après 6h. Je bois un doigt d’eau-de-vie. J’ai acheté des pruneaux et une sorte de cache-nez. Je me fais cuire à la boucherie, une grillade de mouton que je mange avec plaisir. Je trouve Gauthier qui me prend une lettre, nous trinquons ensemble avec de la crène de noyau et de la prunelle. Avant, je bois du cassis et de la cerise.

 Nous quittons Gournay vers 9h moins le quart. Nous prenons la direction de Rennes puis La Neuville. Là, nous stationnons jusqu’à la nuit, nous faisons la distribution. Puis nous allons cantonner à Roye. Nous couchons dans un grenier sans beaucoup de paille, je me fais un lit de vieux chiffons. Toute la nuit, on entend le canon et la fusillade.

 Mardi 22 septembre 1914 : réveil dès 4h. Puis rassemblement. Nous prenons le café. Nous profitons que le départ n’a pas lieu immédiatement pour faire cuire des beefsteaks. Le départ a lieu à 7h. Nous allons sans doute nous engager dans une bataille…

 Nous passons par Canny-sur-Matz. A quelques centaines de mètres de ce pays, près du pays de Fresnières, nous nous installons dans un champ de betteraves. Nous restons couchés là, étant soutien d’artillerie.

  

* * *

 Madame Keraudren : « Avec cette dernière ligne du 22 septembre 1914, s’achève la rédaction du petit carnet de bord de mon grand-père, relatant, jour après jour, d’une écriture fine, sans faute d’orthographe, au crayon, avec des mots presque effacés (après de si longues années) et difficiles à déchiffrer, le déroulement des faits importants.

 J’ai recopié mot à mot, scrupuleusement, respectant même la présentation, ce précieux document.

 Au cours de cette bataille annoncée le 22, il a été blessé à Conchy-les-Pots, à proximité de Canny-sur-Matz, d’un éclat d’obus au haut de la cuisse, c’est-à-dire dans l’aine, ainsi que me l’a appris ma grand-mère et non en Belgique comme la Déclaration au Journal Officiel  du 18 mai 1922 le stipule pour l’attribution de la Médaille militaire qui a été décernée au caporal Chaulin.

 Il a été transporté dans des wagons à bestiaux, à la suite de cette blessure à l’hôpital maritime de Brest. Dans le compte rendu si méticuleux  de sa correspondance, on note le 24 septembre une lettre écrite d’Aubervilliers, le 25 une lettre écrite de Rennes, et la dernière sans précision de lieu, rédigée le samedi 26…

 Ma grand-mère, avertie, s’est rendue de Saint-Fraimbault-sur-Pisse, dans l’Orne, où ils étaient tous les deux instituteurs, à Brest où à son arrivée, on lui a appris que son mari était décédé le 29. La gangrène avait envahie sa plaie au cours de ce si long transport, et causé sa mort. Le 19 septembre, il signalait dans son carnet son mauvais état de santé… sa résistance devait être bien amoindrie.

 On a remis à ma grand-mère, un petit porte-monnaie contenant un petit éléphant porte bonheur en ivoire et un petit couteau, que je conserve précieusement ; ainsi que toute la correspondance qu’elle lui avait adressée au cours de ces deux mois. Avant de quitter pour toujours son mari, ma grand-mère lui a coupé une épaisse mèche de cheveux, contenue dans une enveloppe, que je possède également.

 Celle-ci a jugé bon de faire enterrer son époux dans le petit cimetière de Saint-Martin-des-Landes, dans l’Orne dont étaient originaires les parents de mon grand-père, eux-mêmes enterrés à cet endroit et disparus à cette époque. Je précise que le nom de mon grand-père figure sur la petite colonne érigée dans le cimetière et où sont inscrits les noms des soldats morts pour la France.

 Il existe, à ma grande surprise, un fil symbolique qui me relie à mon grand-père. Mes parents ont habité Verdun, je suis née à Troyes, et dans ce petit carnet ce nom est souligné, par quel hasard ? J’ai habité Noisy-le-Sec, où mon père, du nom de Guillaume (Eugène avait un camarade du même nom à la 11e escouade) a été chef de district à la SNCF de Pantin. Il a terminé sa carrière à la gare de l’est, et nous avons habité le 10e arrondissement depuis l’année 1953. A Bobigny, ma grand-mère était propriétaire d’un pavillon dont elle avait hérité. Mon grand-père avait fait son service militaire à La Tour-Maubourg comme caporal secrétaire. Je demeure à Châtillon. Mon grand-père est passé dans tous ces endroits…

 Ma grand-mère n’a pas eu d’autres enfants. Elle a terminé sa carrière à Châlons-sur-Marne comme directrice d’école maternelle, et où elle a connu la Seconde Guerre mondiale. Elle avait remis à sa fille, les précieux souvenirs de ce père disparu à l’âge de 24 ans. Ma grand-mère est décédée le 14 mars 1980. J’ai retrouvé ces documents et témoignages à la mort de ma mère (qui a eu trois enfants) le 31 décembre 1996 dans ses papiers personnels.

 Mais je n’ai jamais eu connaissance des lettres écrites par mon grand-père. Que sont-elles devenues ? »

 

 

Journal d'un poilu 5/5 - Papa, mon si jeune papa.

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Publié le 5 Novembre 2014

Les taxis sur la place des Invalides (AFP).

Les taxis sur la place des Invalides (AFP).

Journal du caporal Eugène Chaulin (104e RI).

 

Septembre 1914 :

 

Mardi 1er septembre 1914 : dès 2h ou 2h30 du matin, nous repartons et nous remettons en marche pour compléter notre mouvement de se replier. Nous repassons par Remonville et prenons la direction de Landres. Nous stationnons à 800 m au nord de ce pays. Toute la division réunie se repose.

 Nous préparons un plat de pomme de terre et une tasse de café. Nous quittons cet emplacement pour en occuper un peu plus loin 200 m environ. Là, nous faisons toutes les distributions de pain, de viande, de vivres de réserves et d’eau de vie. Les réservistes du dépôt d’Argentan viennent compléter notre effectif. On reforme les sections de la compagnie. Je passe à la 3e section, 12e escouade.

 Vers 5h00, notre ½ section va occuper pendant 1 heure le poste de soutien d’artillerie. Les obus allemands éclatent peu loin de nous. Le soir, vers 7h, nous quittons notre poste pour aller s’installer à 200 m au sud de Landres. Là, on refait des distributions, à cause des réservistes. Puis tout le monde bivouaque et se repose en plein champ sur un peu de paille. Il ne fait pas chaud du tout et l’on sommeille plutôt que l’on ne dort.

 Mercredi 2 :dès 4h du matin, nous nous remettons en marche. Nous nous replions et laissons passer en avant de nous le 5e corps. Il paraît que l’on se replie pour se reformer.

 Nous suivons l’itinéraire : Landres – Sommerance – Fleville – Cornay. Là, nous faisons une pause d’une demi-heure. Ensuite, nous reprenons notre route dans la direction de Lançon. Nous stationnons dans un bois où nous restons un moment pour préparer notre repas. J’en profite pour me laver, car voilà 8 jours que je ne l’ai pas fait. Nous nous remettons en route à travers bois, nous en sortons et nous suivons l’itinéraire de Binarville et nous stationnons à Vienne-le-Château. Nous rencontrons beaucoup de troupes d’autres corps d’armée, des cuirassiers, spécialement des cyclistes. Je vois Gautier à une halte avant le campement, il me donne quelques nouvelles et une carte de correspondance. Le soir, nous touchons les distributions ordinaires et de vin ainsi que le prêt. Je bois un peu de vin et mange des confitures ce qui me semble bien bon. Nous couchons dans un grenier.

 Jeudi 3 : réveil dès 4h puis départ vers 5h par l’itinéraire de Vienne-le-Château, la Ville-Noiremont et Sainte-Menehould. Dans cette ville, nous arrivons vers 9h30 et stationnons dans une espèce de terrain vague où nous préparons un petit repas et du café.

 Vers 11h, nous nous mettons en marche pour aller nous embarquer pour une destination inconnue. A peu de distance de la gare, nous nous arrêtons. Nous formons les faisceaux et nous attendons. Nous en profitons pour prendre quelques rafraîchissements car il fait bien chaud. Je mange une salade de tomates, ce que je trouve excellent. Je profite de l’instant d’arrêt à Sainte-Menehould pour acheter du papier à lettres et des enveloppes.

 Nous embarquons vers 5h. Au moment de notre départ, un aéroplane circule au-dessus de la gare. Nous partons vers 5h15. Une heure environ après notre départ, nous croisons un train du 304 où j’ai le plaisir de trouver M. Behuet. Nous avons tout juste le temps d’échanger un bonjour. Nous circulons toute la nuit dans une direction qui doit être celle de Paris. Nous dormons comme nous pouvons.

 Vendredi 4 septembre : toute la matinée, nous restons à la même place et ignorons le lieu où nous sommes. Nous allons à un pays voisin de l’arrêt pour faire quelques provisions de pain et de fromage, des gâteaux et du vin. Un camarade m’offre une tranche de melon. Notre train ne se remet en route que vers 6 heures du soir. Il ne fait pas grand chemin pendant la nuit. Nous sommes plutôt mal installés et ne dormons pas très bien.

 Nous avons quelques nouvelles car nous lisons les journaux.

 Samedi 5 : dès le matin, le train se remet un peu en marche. Nous sommes toujours dans une région inconnue. Nous remarquons que nous allons vers l’ouest, sans doute vers Paris, mais nous ignorons le nom du pays où nous sommes arrêtés. Le train fait peu de chemin, il a de nombreux et longs arrêts. Nous arrivons à Troyes vers 9 heures.

 A partir de ce moment, les arrêts sont moins longs. Nous croisons beaucoup de trains qui conduisent des émigrés et des troupes vers l’est. Nous continuons notre voyage toute la nuit. Nous sommes couchés toujours dans les mêmes conditions. Nous reposons très mal. Nous continuons d’être renseignés par les journaux.

 Dimanche 6 : au réveil, nous sommes dans une petite gare à quelque distance de Montereau. Notre train marche toujours à son allure régulière. Nous passons plusieurs stations, entre autres Fontainebleau. Là, une infirmière distribue des gâteaux, des cartes postales ; des hommes viennent apporter du tabac aux soldats. Il est alors 2 heures.

 Nous passons ensuite à Melun. Là, nous croisons un détachement anglais qui cantonne dans la gare. Il y a un grand échange de marques de sympathie entre les soldats des deux pays. L’uniforme des Anglais se rapproche beaucoup de celui des Allemands. La couleur est seulement un peu plus claire.

 Aux différents arrêts, nous trouvons des femmes, des enfants, des soldats qui nous distribuent de l’eau et des pommes. Nous croisons beaucoup de trains remplis de voyageurs et de voyageuses. On sent notre approche de Paris, car les uns et les unes font un heureux contraste avec les habitants de la Meuse. Beaucoup de dames charitables apportent des victuailles et des boissons aux blessés. Nous passons à Noisy-le-Sec et nous débarquons en gare de Pantin vers 10 heures du soir. Nous nous mettons en route pour Bobigny pour la direction de Gagny où nous arrivons au petit jour. Nous couchons dans une usine à plâtre où nous reposons un peu car nous sommes bien fatigués. Nous sommes bien contents d’être près de Paris.

 Lundi 7 : dès le réveil tardif, je vais faire un bon casse-croûte pour me remettre. Nous changeons de cantonnement. Je vois beaucoup de femmes qui viennent voir leurs maris ; j’envie bien fort le sort de ces derniers. Enfin, j’ai l’espoir que ce sera bientôt mon tour. Le matin, nous déjeunons au restaurant pour nous changer de l’ordinaire.

 Je profite de notre matinée de repose pour laver grosso modo mon linge que je fais sécher. Je perds ainsi un mouchoir… Le caporal Gueslin me prête 10 francs car je n’ai plus d’argent. L’accueil des gens est très bon à notre égard. Nous sommes bien fêtés. Dans les restaurants, on nous fait cuire les aliments qu’on achète et tout le monde s’empresse à nous servir. On sent un air de sincère affection.

 Le soir, vers 6 heures, l’ordre de départ est donné. Nous montons tous dans des taxis et nous mettons en route vers 6 heures 30.

 Tout le monde est dans les rues, les appels les plus sympathiques nous sont lancés. On sent tous ces cœurs vibrer à l’unisson devant l’approche de l’ennemi. Nous quittons Gagny, nous traversons Ivry, là, c’est le même accueil. Les femmes nous apportent des roses, pour ma part j’en reçois une blanche et une rouge. Notre course en taxis se continue marquée par l’incident qui résulte de ce que la colonne se trouve coupée et qu’un taxi va se jeter dans un fossé. Il faut alors ensuite retrouver sa route.

 Enfin, à 1 heure du matin, nous débarquons et allons bivouaquer dans un champ contigu du village de Silly-l-Long (Oise). Ce transport en taxis était très pittoresque. Grande différence entre ces Français et ceux de la Meuse.

 

 Mardi 8 septembre 1914 : notre réveil a lieu au jour et nous nous réchauffons en préparant un bon quart de café.

 Il paraît que le pays, qui a été occupé par les 10.000 Allemands pendant trois jours, est dans un état lamentable. Le champ où nous sommes, a été occupé par les Allemands : nous y reconnaissons tout le ravage qu’ils ont fait. Ils ont tué une multitude de poules, lapins, un porc dont on retrouve toute la peau. On trouve des bouteilles vides en quantité. En me promenant, j’ai trouvé des cartes à jouer allemandes, des cartes postales, une lampe électrique qui ne fonctionnait plus.

 Vers 10 heures, nous quittons notre bivouac, nous traversons la bourgade où nous constatons tout le pillage, carreaux cassés, portes défoncées, maisons mises sens dessus-dessous. Nous prenons alors une direction à travers champs pour nous rapprocher de l’ennemi dans la direction de Nanteuil. Nous renforçons des bataillons de chasseurs alpins et servons de soutien d’artillerie. Toute la soirée, les obus éclatent. Les Allemands tirent des bombes sur deux aéroplanes français.

 Le soir, nous couchons dans un champ de trèfle ; près de la crête, deux sentinelles veillent. Nous nous couvrons avec du foin puis dans des tas qui sont dans les champs. Dans ce même champ, à quelques mètres de nous, se trouvent quelques morts français de précédents combats (un caporal et un adjudant). La nuit est fraîche, le temps à l’air de vouloir devenir pluvieux. Tous, toute la journée, nous n’avons touché qu’un peu de pain.

 Mercredi 9 septembre : notre réveil a lieu vers 5h. On entend quelques coups de fusil. On nous apporte de la viande cuite. On aperçoit plus tard un gamin qui ramène un officier prussien.

 Vers 7h, nous quittons notre position et nous replions en suivant le chemin de veille. Nous passons par Sennievière (Chèvreville). Nous stationnons longuement dans une vaste prairie où se trouve aussi le 108e. Dans les plaines, nous voyons beaucoup de lièvres qui se sauvent au bruit de la canonnade. A notre compagnie, des camarades en attrapent deux.

 Nous quittons notre emplacement vers 3h pour continuer un mouvement de repli. En attendant, de notre cantonnement, nous voyons passer sur la route une quantité de blessés d’un bataillon du 102e qui s’est trouvé aux prises avec l’ennemi. Nous venons de cantonner au pays d’Ognes. Nous couchons dehors dans le village sur la paille. Nous n’avons pas eu dans la journée, le temps de faire la cuisine. Il a fallu se contenter de pain sec et d’eau.

 PS : je n’ai pas de carte car les villages que nous traversons ont été occupés par les Allemands et il ne reste plus rien. J’entre dans plusieurs maisons pour trouver une carte, mais je n’en trouve pas.

 Jeudi 10 : réveil dès 4h du matin. On prépare le café. Je visite quelques maisons pillées par les ennemis dans ce village d’Ognes. Les maisons sont sens dessus-dessous, tout est bouleversé : les armoires sont vidées, les tiroirs fouillés, les meubles, les objets d’art brisés, les lits, les matelas enlevés, les papiers personnels jetés pêle-mêle. C’est un spectacle vraiment attristant.

 Nous avons, dans la matinée, un moment d’accalmie, nous n’entendons ni le canon, ni la fusillade, on ne sait pourquoi. Nous en profitons pour faire une bonne soupe de légumes, de mouton, des légumes et du café. Vers 3h, nous nous remettons en route en direction de Nanteuil. A Ognes, deux uhlans sont ramenés prisonniers. Entre Silly et Nanteuil, nous rencontrons un blessé allemand. A Nanteuil, nous voyons le désastre causé par la guerre. Entre Nanteuil et Versigny, on rencontre une voiture de blessés allemands (il y en avait environ une douzaine. Avant de tourner vers Rosières, nous voyons un Français mort sur le bord de la route). De Nanteuil, nous prenons la direction de Versigny, puis nous tournons vers le nord en direction de Rosières. Nous allons cantonner dans une ferme près de ce pays. Notre section couche dans une bergerie. Il est environ 10 ou 11 heures. Tout au long de la route on voit qu’il y a eu des batailles. Au village de Groseilles, il y a eu un lieutenant français blessé et trois Allemands que le régiment emmène avec lui. Dans la nuit, vers 2h, nous sommes réveillés pour toucher la viande. Nous la faisons cuire et vers 3h30 nous mangeons une bonne gamelle de soupe et buvons du café.

 Vendredi 11 : dès 7 heures environ, nous nous remettons en route. En chemin, l’on nous transmet l’ordre général n°5 du général Maunoury, commandant la VIe armée qui félicite les troupes de leur endurance et les remercie pour la grande victoire remportée sur toute la ligne après 6 jours de fatigues, de privations et d’ardeur au combat.

 Le temps est fort couvert, la veille vers 4h30, nous avons eu une forte ondée.

 Nous marchons toute la journée, sans aucun répit pour faire la chasse à l’ennemi. Par Duvry, Crépy-en-Valois, Fresnoy, Roy-Saint-Nicolas (Aisne). C’est une journée très pénible. Nous restons sur pied depuis 7h du matin jusque vers minuit où nous arrivons pour nous reposer au cantonnement dans un grenier. Nous ne faisons aucune halte, repas, et ne touchons aucun vivre dans la journée. D’autre part, la pluie nous prend vers 3h30 et dure assez longtemps avec intensité. Nous sommes traversés.

 Heureusement que nous avons un peu de viande du matin et qu’en passant à Crépy, on peut acheter un peu de pain et de vin (c’est ce que je fais pour ma part). Nous sommes exténués en arrivant à Saint-Nicolas (Aisne) où nous tombons de fatigue. Beaucoup restent en chemin et ne rejoignent que le lendemain matin. J’ai trouvé une carte en passant à Duvry. Nous poursuivons l’ennemi à quelques heures de marche.

 Samedi 12 : dès le réveil vers 5h30, le temps est pluvieux. En attendant le départ, nous préparons le café, puis nous préparons un peu de riz. J’achète dans une ferme un pot de confitures et un litre de cidre, puis du beurre.

 Le canon se fait entendre vers les 9h, le temps est gris. Vers 7h, nous nous mettons en route, nous rentrons dans l’Oise par Chelles. A 500 m du village, nous prenons position comme soutien d’artillerie. La canonnade dure toute la journée. Les obus éclatent tout près de nous. Pendant la distribution, nous sommes obligés de nous déplacer pour éviter les obus. Nous sommes par colonne de compagnie à 50 m. vers 5h30, un obus éclate entre la 12e Cie et la 10e Cie. Plusieurs soldats sont blessés, d’autres tués. A la 12e un soldat de la 2e section reçoit un éclat en plein poitrine et est tué, un autre, un éclat en haut de la cuisse. Martin, de mon escouade, un éclat au mollet, deux autres légèrement atteints à la tête.

 Nous nous mettons à l’abri d’un bois pendant un instant et nous nous remettons en route pour rentrer dans nos cantonnements de la veille à Saint-Nicolas sous une pluie battante. La journée a été très pluvieuse. Nous sommes trempés. Les routes sont boueuses. Le soir, la pluie est si intense, qu’on se couche et n’allumons pas de feu pour la cuisine. Chacun utilise ses réserves. Nous touchons nos vestes, ce dont nous sommes heureux car nos capotes sont traversées. Enfin, on passe une bonne nuit de repose malgré la pluie et le vent qui font rage. Le matin, au cantonnement, je vois et manie un fusil allemand.

 Dimanche 13 septembre 1914 : dès 6h environ, nous sommes réveillés et rassemblés pour le départ. J’ai juste le temps de prendre ¼ de café et mettre un bout de viande sur la braise.

 ous nous mettons en marche et refaisons l’itinéraire de la veille. Nous poursuivons en suite par Guise et Berneuil-sur-Aisne. Là, nous passons l’Aisne sur un pont de bateau construit par le génie. Le pont ordinaire ayant été détruit la veille par les Allemands. Nous continuons par Berneuil-sur-Aisne et passons ce pays le soir, nous allons cantonner dans un village près de Tracy-le-Mont. Près d’arriver, nous rencontrons un détachement de 200 Allemands. Nous rencontrons une multitude de soldats blessés français et allemands.

 Le soir, au moment de se reposer, nous avons eu une forte alerte causée par la fusillade d’une patrouille ennemie. Une débandade s’ensuivit à travers champs, les balles nous sifflaient fort aux oreilles, plusieurs ont été blessés. Arrivés sur la route, un commandant nous a rassurés, nous a fait reformer. Nous sommes alors revenus à notre cantonnement où nous nous sommes reposés plutôt mal. D’autre part, la pluie a pris dans la nuit et des rafales avec le vent pénétraient sous le hangar, ce qui fait que nous n’avions pas chaud.

 - Tous les habitants sont heureux de nous voir. Ils détestent les Allemands qui leur prennent tout ce qu’ils ont.

 

 

Une batterie de 75.

Une batterie de 75.

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Publié le 31 Octobre 2014

Journal d'un poilu - 3/5 - Les combats d'Ethe en Belgique.

Journal du caporal Eugène Chaulin (104e RI).

  Août 1914 :

 Dimanche 23 août : vers 8h du matin, nous nous groupons. Les régiments se reforment. On fait l’appel. On reconnait alors la quantité d’absents morts ou blessés, laissés sur le champ de bataille. Il parait que les Allemands circulent le soir et achèvent les blessés. Dans le régiment de plus de 3.000 hommes, on en compte environ 900. Dans notre compagnie, manquent le lieutenant, le sergent major, 4 sergents, bon nombre de caporaux et de soldats.

 Nous commençons à bivouaquer au bas du pays. L’ordre est alors donné de se replier plus en arrière car les Allemands sont signalés comme s’avançant toujours. Nous allons établir notre bivouac à Villers-le-Rond. Quelques heures après nous repartons à nouveau pour aller passer notre nuit dans un champ d’avoine, près d’un petit bois de sapins à quelque distance du hameau de Petit Failly. Nous dormons avec plaisir et bien que peu confortablement installés, nous reposons tout de même bien. Toute la journée, nous entendons le canon au loin.

 11e escouade :

 Présents : Chaulin – Bruche – Onfray – Geslin – Martel – Bellec – Guillaume – Calloc.

Manquants : Vormon – Souchot – Deshaye – Sielsberg – Noireaucourt – Saulieure.

 12e escouade :

 Présents : Caoral Chaulin – Martin (évacué) – Ray – Behuet – Sable – Chenu – Tourneri – Potter – Mormand.

Manquants : Helie – Onfroy – Gannier.

 Lundi 24 :dès 4h du matin, le réveil est sonné. Quelque temps après, nous partons. Nous passons à Marvelles, nous prenons la direction nord-est de ce pays. Toutes les crêtes sont occupées par l’artillerie. Notre régiment va occuper une crête à gauche pour soutenir les dernières lignes d’artillerie.

 Notre section est détachée vers 10h pour aller occuper et défendre le passage d’une rivière près du petit village de Flassigny. Nous sommes là, en attente, cachés dans un buisson. On entend seulement notre artillerie qui tire de temps en temps. Vers le soir, nous quittons le buisson pour aller prendre position de nuit à la lisière d’un bois tout proche.

 Nous installons de la paille sous un arbre après avoir rabattu les branches pour passer la nuit. A 8h, je fais une patrouille. De toute la journée, nous ne touchons ni pain ni viande. Nous mangeons nos vieilles croûtes et les morceaux de viande qui nous restent de la veille. La nuit se passe cependant tranquillement. A signaler, dans l’après-midi, le passage de deux aéroplanes allemands sur lesquels l’infanterie et l’artillerie tirent vainement.

 Mardi 25 : de bonne heure, nous sommes debout. La canonnade et la fusillade reprennent très intenses. Bien que ne recevant pas d’ordre, nous insistons auprès de l’adjudant pour quitter ce lieu périlleux où nous sommes pris entre les obus français et allemands pour rejoindre notre compagnie dans les tranchées. Nous arrivons dans ces dernières accompagnés de maints obus qui, heureusement, ne nous causent aucun dommage. Après un moment passé dans les tranchées, nous nous replions dans un bois que nous traversons pour gagner la route de Jametz et nous traversons le village de Remoiville. A peu de distance de ce village, nous nous installons en ligne de tirailleurs par section à l’abri d’une crête.

 On repart environ 1h après pour aller cantonner au village de Breheville mais on ne fait que bivouaquer et à 9h du soir on se remet en route. On dîne avec les pains de gruau et les boîtes de conserves, bien que nous ayons des légumes et de la viande que nous ne pouvons faire cuire, les feux pouvant éveiller l’attention de l’ennemi.

 Nous marchons toute la nuit par Brandeville – Dun-sur-Meuse et nous arrivons au jour à Brieulles-sur-Meuse après avoir marché longtemps sous bois. Nous sommes bien fatigués et avons grand besoin de dormir. Aux haltes, nous nous couchons sur la route.

 Mercredi 26 août 1914 : nous nous installons à Brieulles-sur-Meuse. J’avale deux œufs, j’achète une bouteille de vin blanc et avec un camarade, nous nous faisons faire un bol de café. Nous passons notre matinée et une partie de l’après-midi en repos. Vers 3h, nous repartons par Nantillois et venons nous coucher à Gesnes où nous passons une bonne nuit.

 Jeudi 27 : réveil dès 4h en vue d’un départ à 5h qui n’a pas lieu. Nous restons toute la journée dans notre cantonnement. Nous en profitons pour faire quelques repas un peu reconstituant et on se repose un peu. L’eau qui tombait vers le matin, cesse aussitôt vers 10h et la journée se termine par du beau temps.

 Je vais voir Serée et Denis au 26e d’artillerie. Nous faisons un bon repas. Nous apprenons le succès de nos armes et le rôle de notre IIIe armée. Quelques soldats rejoignent le régiment après avoir pu échapper au combat du 22.

 

Vendredi 28 : à minuit, l’ordre de départ d’urgence est donné. Nous quittons Gesnes et marchons par Remagne-sur-Meuse, puis nous laissons la Meuse pour entrer dans les Ardennes par Andevanne et passons par Taillis. Là, nous stationnons à environ 1 km au nord. Nous sommes en réserve pour défendre la Meuse que veulent traverser les Allemands.

 Deux corps d’armée ; six régiments d’artillerie attaquent les Allemands. Nous préparons le café pendant que défilent le 26e et le 44e d’artillerie. Je vois passer Serée. Il est environ 7h45 quand on passe à Taillis où je demande une carte des Ardennes. Nous restons là, toute la matinée. Nous préparons notre repas. Nous quittons notre emplacement vers 2 heures, pendant qu’on prépare le logement.

 Nous allons nous installer 1 km plus loin et nous attendons le départ pour aller occuper nos cantonnements. Nous allons nous installer vers 6h du soir au pays de Beauclair. Notre compagnie en entier et le groupe des brancardiers, logeons dans la même grange. Nous soupons donc avec du riz, des boîtes de conserves et des pommes de terre cuites à l’eau.

 Samedi 29 : réveil à 3h30 – départ. Nous allons occuper un emplacement à 500 m en avant de Beauclair. Nous y restons à peine une heure puis nous nous replions sur Beauclair, Taillis et suivons la route faite la veille. A Taillis, nous voyons des blessés allemands faits prisonniers, 35 dans une ambulance et 1 dans une petite voiture.

 Nous prenons position à 3h de Taillis. Nous y restons en tirailleurs. Environ 1 heure. Nous recevons les distributions mais pas de viande. Nous quittons alors nos positions pour en occuper d’autres où nous faisons des tranchées. Nous restons une bonne partie de l’après-midi sous les chauds rayons du soleil. Nous mangeons du pain et du singe et nous manquons d’eau.

 Vers 4 h, nous quittons ces positions pour en occuper d’autres un peu plus éloignées. Puis vers 5h30, nous allumons des feux. A peine ceux-ci sont-ils prêts qu’il faut tout détruire. L’heure du départ étant donnée. Nous faisons environ 6 km pour aller en cantonnement à Remonville où nous arrivons vers 8 heures. Nous préparons un peu de cuisine et du café, puis vers minuit, nous reposons toute la compagnie dans une grange. Nous marchons toujours à travers les champs d’avoine, de trèfle, de guéret et les chemins de terre ainsi que les bois. Rarement nous suivons les routes.

 Dimanche 30 : vers 3 heures, nous sommes réveillés par les distributions. Nous préparons un peu de viande et du café. Puis vers 4h30, nous quittons Remonville pour aller occuper des positions au sud du pays à quelques cents mètres.

 Nous opérons alors une série de mouvements tournants d’aller et de retour. Enfin vers 9h30, l’ordre de marche en avant est donné. Il paraît que toutes les troupes en 1ère ligne doivent prendre l’offensive. Nous repassons donc par Remonville, Barricourt. Là, nous devons encadrer l’artillerie. Notre section s’installe à la lisière d’un bois. Au loin, on aperçoit une patrouille de uhlans qui prend contact avec une patrouille française.

 Vers 1h, nous allons dans un petit plan près du village où nous préparons notre repas. Les obus allemands éclatent près de nous, nous craignons de ne pouvoir faire notre cuisine. Nous préparons des beefsteaks et du café. Nous restons à cette place jusque vers 4 heures. Puis nous partons dans la direction de Taillis. Nous avons vu un prisonnier poméranien amené par des cyclistes. En venant vers Taillis, nous voyons sur un brancard, un Allemand blessé. Nous arrivons au cantonnement à Taillis vers 9 heures. Il faut amener les distributions et l’on ne dort pas avant 1 heure du matin – après avoir mangé un beefsteak et bu ¼ de café. Je couche dans un petit réduit sur la terre, protégé par quelques sacs.

 Lundi 31 août : nous prenons la direction de Beauclair. Le 101e et le 102e sont partis en avant. Ils vont attaquer les Allemands qui ayant passé la Meuse sont installés dans le pays. Nous partons vers 5 heures. Il y a encore beaucoup de brouillard lorsque la bataille s’engage. Le 104e est en réserve comme soutien d’artillerie. Peu de temps après la bataille engagée, nous voyons le 101e et le 102e qui se replient. Toute la division suit le mouvement et nous nous replions jusqu’à Taillis. Là, vers 1 heure nous préparons un peu de riz ou du café. Les obus des Allemands éclatent près du village.

 Je profite de cet instant pour me changer de linge, ce que je n’ai pas fait depuis le commencement de la campagne. Une demi-heure après, nous quittons le Taillis et notre bataillon s’en va explorer et occuper un bois pour permettre le rassemblement du régiment. Nous rejoignons ce dernier, puis après plusieurs marches et contre marches, nous arrivons vers 11 heures à la lisière d’un petit taillis, où nous nous couchons la valeur de 2 à 3 heures, un peu enfermés dans les haies pour être à l’abri du froid.

   

 

Journal d'un poilu - 3/5 - Les combats d'Ethe en Belgique.

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