Yvette Farnoux, "grande héroïne de la Nation".
Publié le 25 Novembre 2015
Yvette Farnoux n’est plus. Décédée le 7 novembre 2015 à Vanves, ville qu’elle habitait avec son époux Abel depuis longtemps. Résistante et déportée française, survivante du camp d’Auschwitz, Yvette Farnoux faisait partie des quelques françaises devenues Grand’Croix de la Légion d’honneur comme Germain Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Jacqueline de Romilly et Madame le général Valérie André.
Un hommage lui a été rendu aux Invalides en présence d’un grand nombre de représentants d’associations d’anciens combattants et patriotiques, parmi lesquels le Contrôleur général des armées Serge Barcellini, président général du Souvenir Français. Des représentants des hautes autorités de l’Etat étaient également présents. A cette occasion le président de la République, a indiqué : « Cette combattante de la liberté est devenue après la guerre une militante de la mémoire qui n’a jamais cessé d’œuvrer pour la transmission de l’esprit de Résistance aux jeunes générations ». Puis, Manuel Valls, Premier ministre, a ajouté : « Nous saluons ce jour ses combats, son courage, ses souffrances. Elle aura été un grande héroïne de la nation ».
Yvette Farnoux, née Baumann, voit le jour en Alsace, le 10 septembre 1919, au sein d’une famille juive. Ses parents s’installent sur Paris dans le 16e arrondissement. Etudiante au lycée Molière de Paris, la jeune Yvette s’oriente très tôt vers le service aux autres et décide de travailler pour le Secours national. Arrive la Seconde Guerre mondiale : elle s’engage dans la Résistance dès 1941 – elle n’a pas alors 22 ans – et devient une collaboratrice de Berty Albrecht.
Berty Albrecht est alors l’une des figures des mouvements clandestins. Ancienne surintendante aux usines Fulmen de Clichy et de Vierzon, elle participe aux premiers mouvements de la Résistance, en compagnie de Pierre Fresnay (qui fonde le Mouvement de Libération Nationale), Pierre de Froment et Robert Guédon. Mais arrêtée en 1942, Berty Albrecht réussit à s’évader et entre en clandestinité. Arrêtée de nouveau en 1943, transférée à la prison de Fresnes, elle est retrouvée pendue dans sa cellule le jour même. Un suicide pour ne pas parler sous la torture. Les Mouvements Unis de la Résistance (MNR) se tournent alors vers Yvette Baumann et lui demande de prendre la responsabilité nationale de ses services sociaux. Profitant de ce poste, elle monte des actions visant à l’évasion des résistants.
Mais en janvier 1944, alors qu’elle est enceinte de huit mois d’un premier mari qui disparaîtra dans les camps de concentration, Yvette est arrêtée pour fait de résistance. Elle tente de se suicider en se tailladant les poignets, est transférée vers l’hôpital de Blois, accouche d’un enfant mort-né, puis cherche à s’évader. Reprise, elle est déportée vers Auschwitz-Birkenau puis Ravensbrück. Les nazis lui tatouent le numéro 80583 sur le bras. Tatouage qu’elle ne fera jamais effacer.
Le camp est libéré par les Soviétiques le 30 avril 1945. Yvette rencontre Abel Farnoux, évadé du camp de Buchenwald après 22 mois de captivité. Il a été intégré à l’armée américaine et est chargé du rapatriement des déportés. Ils se marient l’année suivante et auront trois enfants.
Après la guerre, Abel fait carrière aux Postes et Télécommunications. Il travaille aux liaisons téléphoniques entre l’Afrique et l’Europe et n’a de cesse de promouvoir la technologie française en matière d’électronique et d’une toute nouvelle activité, l’informatique. Viennent ensuite l’aventure de la télévision en couleur – Abel Farnoux est à l’origine du procédé de télévision Vidéocolor – et l’aventure politique : en 1991 il est nommé conseiller spécial de Madame le Premier ministre Edith Cresson. Quant à Yvette, assistante sociale, elle créé des associations de défense de la mémoire et œuvre pour les anciens déportés. Entre autres, elle fonde l’association Mémoire des déportés et des résistants d’Europe.
En 2009 au magasine Le Déporté, elle déclare : « Malgré les interrogations disons… musclés, ma seule gloire, ainsi que celle de mon mari, c’est qu’après mon arrestation, personne n’a été capturé ». Puis d’ajouter : « Avoir eu des enfants fut une grande revanche. Mais quand ils ont grandi, j’ai toujours eu peur pour eux. Peur que ça recommence… En fait, depuis la Libération, j’ai cette peur-là ».
Bertold Brecht, in La Résistible Ascension d’Arturo Ui, a écrit ceci :
« Vous apprenez à voir, plutôt que de rester
Les yeux ronds. Agissez au lieu de bavarder.
Voilà ce qui aurait pour un peu dominé le monde !
Les peuples en ont eu raison, mais il ne faut
Pas nous chanter victoire, il est encore trop tôt.
Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. »
Source :
- Blog de Bernard Gauducheau, maire de Vanves.
- Journal Le Parisien.
- Journal Le Monde.
- Journal Le Figaro.