La guerre franco-chinoise.
Publié le 14 Mai 2016
Les origines de la guerre.
Les origines de la conquête française de l’Indochine remontent aux implantations françaises sous Louis XVI en 1785 (entre autres des missions catholiques). Elle est véritablement lancée par Napoléon III sous le Second Empire et systématisée par Jules Ferry, sous la Troisième République. Des premières tentatives d’occupation eurent lieu dans le delta du Mékong. La France, depuis 1860, s’était lancée dans une politique active de colonisation en Extrême-Orient. Dès l’année 1862, un premier traité de Saigon signé avec l’empereur d’Annam reconnaissait la souveraineté des Français sur les provinces du Sud, qui formèrent la Cochinchine.
Bien qu’un deuxième traité de Saigon signé en 1874 ouvrit le fleuve Rouge à la libre circulation, les Pavillons Noirs harcelaient les navires de commerce français au début des années 1880. Cette milice, levée par Liu Yongfu (un Chinois originaire du Guangxi) gênait fortement le commerce français.
Aussi, le gouvernement de la République, en la personne de Jean-Bernard Jauréguiberry (à l’origine un officier de marine basque devenu homme politique), ministre de la Marine, envoya un petit corps expéditionnaire au Tonkin pour nettoyer la vallée du fleuve Rouge des Pavillons Noirs. La cour de l’empereur Qing vit l’arrivée de cette armée européenne comme une menace pour ses frontières, émit une protestation et se prépara à la guerre.
La prise du Tonkin.
Le capitaine de vaisseau Henri Rivière, commandant trois canonnières et sept cents hommes, prit la citadelle d’Hanoï, capitale du Tonkin, le 25 avril 1882, comme l’avait fait Francis Garnier en 1873 (aussitôt reprise, le corps de l’officier ayant été retrouvé quelques jours plus tard, tué par les Pavillons Noirs, qui l’avait décapité, émasculé et dont ils avaient retiré le cœur !). Le 27 mars 1883, il prit Nam Dinh, mais la faiblesse des effectifs dont il disposait entraîna la répétition des événements de 1873.
Deux mois plus tard, Les Pavillons Noirs encerclèrent Hanoï. Rivière fit une sortie le 16 puis une autre le 19, au cours de laquelle il fut tué. La mort de Rivière déchaîna les bellicistes de la Chambre des Députés à Paris. Jules Ferry confia alors les deux divisions navales d’Extrême-Orient au contre-amiral Courbet qui arriva le 18 août 1883 à l’improviste devant Thuân-an, le port de Hué, qu’il bombarda.
Le 25 août 1883, par le traité de Hué, l’empereur d’Annam cédait le Tonkin à la France, sous la forme d’un protectorat. La Chine rejeta le traité et envahit la province du Tonkin. Bien qu’aucun des deux pays n’eût formellement déclaré la guerre, les opérations militaires commencèrent à l’automne 1883. Lors de la campagne de Bac Ninh, les forces françaises s’emparèrent des citadelles de Son Tay et Bac Ninh sur le fleuve Rouge.
La guerre.
Le 11 mai 1884, la Chine acceptait la convention de Tianjin puis le 9 juin, le traité de Hué, qui assurait le protectorat français sur l’Annam et le Tonkin. Ce protectorat s’organisait avec la création de l’Escadre d’Extrême-Orient et du Corps du Tonkin.
Cependant, le 23 juin 1884, des forces chinoises attaquèrent par surprise une colonne française à Bac-Lé. Cette colonie, menée par le lieutenant-colonel Dugenne, avait été envoyée pour occuper le pays, en accord avec le traité de Hué. Au cours de l’accrochage, 20 soldats français furent tués dont le lieutenant Genin et les capitaines Jeannin et Clemenceau. Du côté chinois, on releva plus de 300 cadavres. Cela mena à une prolongation de la guerre, surtout quand il apparut que les Chinois n’avaient nullement l’intention de payer l’indemnité de guerre.
Bien que les commandants des forces terrestres et navales françaises aient fortement sollicité une attaque directe sur Pékin, la capitale des Qing, le Président du Conseil, Jules Ferry restreignit les opérations à l’Indochine et au sud de la mer de Chine méridionale, craignant qu’une telle agression provoque une réaction des autres puissances européennes, et particulièrement du Royaume-Uni et de l’Empire de Russie. La marine nationale mit sur pied l’Escadre d’Extrême-Orient pour la durée de ce conflit.
La Marine française, sous le commandement du vice-amiral Amédée Courbet, bloqua les ports de Kilung (Keelung) et Tamsui sur l’île de Formose (aujourd’hui Taïwan), avant de tenter un débarquement contre les troupes impériales (auquel Joseph Joffre, futur maréchal de France, participa en tant que capitaine du génie) qui échoua le 6 août 1884 (NDLR – il existe toujours un cimetière militaire français à Keelung).
La bataille de Fuzhou se plaça au cœur des opérations effectuées sous le commandement de Courbet sur la rivière Min entre le 23 et le 29 août 1884. Elle vit la destruction en une demi-heure de la marine chinoise ancrée dans cette rade, récemment construite sous la supervision d’un Français, Prosper Giquel. Courbet bombarda ensuite l’arsenal de Fuzhou, écrasa les batteries de la passe Mengam et détruisit les forts de la passe Kimpaï. Cette victoire, la dernière victoire navale française du 19e siècle, se fit au prix de seulement dix tués et quarante-neuf blessés. Le 1er octobre 1884, Courbet – qui venait de recevoir ses galons d’amiral – revint une deuxième fois devant Kilung et enleva la ville, puis le 29 mars 1885, il occupa les îles Pescadores, chapelet d’îles au large de Formose, qui commande le détroit de Fou-Kien, entre Formose et le continent. Courbet fut dès lors considéré comme un héros national, mais sa santé déclinait, rongé depuis deux ans par le choléra. Il mourut à bord de son navire, le Bayard, le 11 juin 1885. Le docteur Doué annonça : « Messieurs, l’amiral Courbet est mort ».
Au Tonkin, la mousson mettait fin aux offensives françaises, permettant aux Chinois d’avancer dans le delta. Ils firent le siège de la forteresse de Tuyën Quang qui fut défendue par un bataillon de la Légion étrangère pendant 36 jours. Cette bataille est toujours célébrée dans la marche officielle de la Légion.
En février 1885, un corps expéditionnaire français, composé de deux brigades, marcha vers le haut Tonkin et conquit Lang Son. Une des deux brigades quitta la ville pour venir en aide aux assiégés de Tuyên Quang. Le commandant de la brigade restante cherchant à contrer l’offensive des Chinois, lança une attaque de l’autre côté de la frontière et fut défait à la bataille du col de Zhennan. Se retirant de Lang-Son, les Français stoppèrent une contre-attaque à la bataille de Ky Lua. Cependant, son commandant, le général de Négrier étant blessé dans l’action, son remplaçant ordonna, peut-être sous l’effet de la panique, que Lang Son soit rapidement abandonnée le 28 mars 1885. Alors, la brigade se débanda vers le delta du fleuve Rouge, abandonnant l’essentiel des gains réalisés durant la campagne de 1885. Quant à la ville de Lang Son, elle fut reprise quelques mois plus tard.
Ce revers militaire conduit le commandant du corps expéditionnaire, le général de division d’infanterie de marine Louis Brière de l’Isle, à croire que le delta lui-même était menacé. Ses rapports alarmistes à Paris entraînèrent la chute du ministère Ferry le 30 mars 1885, sous d’effroyables huées politiciennes.
Dans les jours suivants, Brière de l’Isle réalisé que la situation était moins compromise qu’il ne le pensait. Cependant, le nouveau gouvernement s’efforça de mettre fin aux opérations. La défaite, que les Français appelèrent « l’affaire du Tonkin » fut un scandale politique majeur pour les partisans de l’expansion coloniale. Ce ne fut que dans les années 1890 que le parti colonial reprit l’ascendant dans l’opinion.
L’Indochine française.
Malgré cette retraite, les opérations terrestres virent le succès des Français au Tonkin, tandis que les victoires navales de la France forcèrent la Chine à reconnaître sa défaite. Le traité de paix, d’amitié et de commerce mettant fin à la guerre fut signé le 9 juin 1885. La Chine reconnaissait alors le traité de Hué et abandonnait sa suzeraineté sur l’Annam et le Tonkin.
La France était déjà présente en Cochinchine et au Cambodge. Avec l’Annam (et le Laos), elle contrôlait tout l’est de la péninsule indochinoise. En 1887, fut créée l’Indochine française, réunissant la Cambodge et les trois entités issues du territoire vietnamien.
Il est à noter que cette épopée fut racontée par le lieutenant de vaisseau Pierre Loti. Il avait embarqué en mai 1883 sur l’Atalante pour participer à la campagne du Tonkin. Il fit publier le récit, heure par heure, de la prise de Hué dans Trois journées de la guerre en Annam, dans le journal Le Figaro.
Sources :
- Georges Fleury, La Guerre en Indochine, Perrin, 2000.
- Recherches dans les archives des Bulletins de l’Ecole français d’Extrême-Orient d’archéologie.
- Recherches biographiques André Malraux.
- Recherches sur l’histoire de la presse française en Indochine.
- Extraits du journal Le Figaro du 28 décembre 1993.
- Encyclopédie en ligne Wikipédia.
- Encyclopédie en ligne Larousse.
- Site Internet : « papiers-de-chine.over-blog.com »
- Jacques Chancel, La nuit attendra, Flammarion.
- Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française, Rennes Editions Ouest-France.
- Michel Vergé-Franceschi, Dictionnaire d’histoire maritime, Ed. Robert Laffont.
- Les Français en Indochine, des années 1830 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, par Jean-Pierre Duteil, professeur à l’université de Paris VIII.
- Articles de l’écrivain Pierre Loti, in Le Figaro.