Les écrivains d'Indochine - 3 - Les militaires.

Publié le 9 Août 2016

Les écrivains d'Indochine - 3 - Les militaires.

3 – Les militaires.

 

Francis Garnier.

Né à Saint-Etienne en 1839, Francis Garnier meurt à Hanoi en 1873, lors d’une attaque des Pavillons noirs. On retrouve son corps avec la tête tranchée, émasculé et le cœur arraché…

 

Officier de marine, il devient célèbre pour avoir passé l’essentiel de sa vie à explorer le Mékong. Sa carrière d’officier et sa fin héroïque en ont fait une figure de premier plan de l’histoire de la Marine française. Sa participation à la mission d'exploration du Mékong, sous le commandement du capitaine de frégate Ernest Doudart de Lagrée, accompagné, notamment, de l'anthropologue Lucien Joubert, médecin de la Marine de 2e classe, du botaniste Clovis Thorel, médecin de la Marine de 3e classe du photographe Emile Gsell, du dessinateur Louis Delaporte, enseigne de vaisseau et de Louis de Carné (fils) du Ministère des Affaires étrangères, le rend illustre. L'expédition part de Saigon en juin 1866, sous le haut patronage du vice-amiral Pierre-Paul de La Grandière et entreprend de remonter le Mékong. Commandant en second, Garnier est chargé notamment des travaux d'hydrographie, de météorologie ainsi que du tracé de la carte du voyage. À la mort de Doudart de Lagrée, dans le Yunnan, il prend la direction de la mission, gagne la vallée du Yang Tsé Kiang qu'il descend jusqu'à Shanghai. Il rallie Saigon deux années après en être parti, en juin 1868. Il rejoint aussitôt la France où il est affecté au Dépôt des cartes et plans de la Marine. Il y achève la rédaction de son rapport de mission. En 1871, il partage avec David Livingstone la Médaille d'Honneur de la Société de géographie dont il était membre depuis son retour.

 

Pierre Loti.

Né en 1850 à Rochefort, Pierre Loti s’engage et devient officier de marine. Ecrivain ou militaire ? Impossible de séparer l’un de l’autre. Il effectue trois séjours dans les eaux asiatiques. Du premier était né l’Affaire de 1883 dont sera extrait plus tard Un vieux missionnaire d’Annam (paru séparément dans les Annales du 14 novembre 1897). Loti repassera en Indochine, sur la route de la Chine et du Japon, en 1885 et en 1900-1902, son dernier retour lui valant une excursion à Angkor en novembre 1901.

 

Une grande partie de son œuvre est d’inspiration autobiographique. Il s’est nourri de ses voyages pour écrire ses romans, par exemple à Tahiti, pour le Mariage de Loti (1882), au Sénégal pour le Roman d’un spahi (1881) ou au Japon pour Madame Chrysanthème (1887). Il a gardé toute sa vie une attirance très forte pour la Turquie, où le fascinait la place de la sensualité : il l’illustre notamment dans Aziyadé (1879) et sa suite Fantôme d’Orient (1892).

 

Membre de l’Académie française, il est enterré sur l’ile d’Oléron (1923) à Saint-Pierre d’Oléron dans le jardin de la maison de son enfance après des funérailles nationales. Sa maison à Rochefort est devenue un musée.

 

Pierre Sergent.

Le capitaine Pierre Sergent (1926 1992) fut un soldat français et un chef de l'Organisation armée secrète (OAS).

 

Il commence sa carrière militaire dans le maquis à l'âge de 17 ans, puis suit une carrière d'officier dans la Légion étrangère après un passage à Saint-Cyr-Coëtquidan. A sa sortie de l'ESM en 1949, il est affecté au 1er régiment étranger, à Saïda (Algérie). Lieutenant, il combat au 1er bataillon étranger de parachutistes durant la guerre d'Indochine (1951-1953), où il est grièvement blessé, puis comme capitaine pendant la guerre d'Algérie au sein du 1er régiment étranger de parachutistes (1958-1961), après avoir été affecté au 1er régiment étranger d’infanterie en 1956.

 

Après l'échec du putsch d'Alger en avril 1961, il passe à l'OAS dont il devint le chef pour la métropole (OAS-métro). Pendant sept ans, il échappe aux recherches policières tandis qu'il est condamné à mort par contumace deux fois. Il est finalement amnistié après les évènements de mai 1968. Proche des milieux solidaristes, en particulier du Mouvement jeune révolution et de Jean-Pierre Stirbois, il est élu en 1986 député des Pyrénées-Orientales sous l'étiquette du Front national, après un passage au Centre national des indépendants et paysans.

 

Pierre Sergent est l'auteur de nombreux livres sur la Légion étrangère et sur la guerre d'Algérie : Ma peau au bout de mes idées, La table ronde, 1967 ; La bataille, La table ronde, 1968 ; Je ne regrette rien, Fayard, 1972 ; Le malentendu algérien, Fayard, 1974 ; Lettre aux officiers, Fayard, 1975 ; Les maréchaux de la Légion : l'odyssée du 5e étranger, Fayard, 1977 ; La Légion saute sur Kolwezi, Presses de la cité, 1978 ; Camerone, Fayard, 1980.

 

Erwan Bergot.

Né à Bordeaux en 1930, de parents bretons, Erwan Bergot fait de brillantes études chez les Jésuites avant d'obtenir une licence en faculté de lettres.

 

Son tempérament d'homme d'action le pousse cependant vers le monde militaire et en 1951, après son service militaire, il part pour l'Indochine. Il a le coup de foudre pour ce lieu.

 

Aux côtés de soldats annamites qu'il trouve courageux et fraternels, il vit une année entière dans une plantation analogue à celle décrite dans le Courrier de Saigon. Puis, les hasards des affectations l'envoient dans le Nord. Le Tonkin rude et froid, le Laos indolent et paisibles servent de cadre aux grandes opérations auxquelles il participe, de 1952 à 1954, en compagnie, toujours, de parachutistes indochinois. Avec eux et une poignée de légionnaires, il partage le sort des combattants de Diên Biên Phù à quoi, bientôt, vient s'ajouter la terrible épreuve des camps de «rééducation» du Viêt-Minh.

 

En 1955, il est rappelé pour servir en Algérie. Activé en 1957, il servira d'abord au 47e bataillon d'infanterie, puis après un bref passage d'un an en France au deuxième bataillon étranger de parachutiste. Il est grièvement blessé à l'œil droit lors d'un accrochage dans le Constantinois en 1961. Il quitte définitivement le combat armé pour se tourner vers l'écriture et le journalisme.

 

En 1962, il devient le premier rédacteur en chef du magazine de l'armée de Terre, et écrit son premier roman en 1964 " Deuxième classe à Dien-Bien-Phù "qui remporte un succès immédiat.

 

Erwan Bergot quitte l'armée en 1965 pour se consacrer à l'écriture. Il écrira une cinquantaine d'ouvrages consacrés à ses frères d'armes. Ecrivain récompensé par de nombreux prix littéraires dont le prix de l'Académie Française et le prix Claude Farrère, commandeur de la légion d'honneur à titre militaire honoré par dix titres de guerre (trois blessures et sept citations) Erwan Bergot aura excellé comme soldat et comme romancier.

 

Erwan Bergot meurt en 1993. Parmi ses ouvrages les plus célèbres, on peut citer : Sud Lointain ; Les 170 jours de Diên Biên Phù ; 2e classe à Diên Biên Phù ; Bataillon Bigeard ; Sentiers de guerre ; Bigeard ; L’héritage…

 

Jean Pouget.

Né en 1920 et mort en septembre 2007, Jean Pouget entre à l’Ecole de Saint-Cyr dont il sort pendant l’Occupation. Il rejoint le maquis du lieutenant Morel (colonel Tom) en Haute-Savoie en décembre 1942 puis celui de Corrèze en 1944. Entré dans la 1ère armée française, il franchit le Rhin à la tête d’un peloton blindé de reconnaissance et est grièvement blessé quelques jours avant l’armistice. Il est envoyé en Indochine en tant qu’aide de cap du général Henri Navarre. A sa demande, il est parachuté à Diên Biên Phù alors que la bataille parait déjà perdue. Il y est fait prisonnier et racontera ses souvenirs de captivité dans Le Manifeste du Camp n°1. Après la guerre d’Indochine, il est envoyé en Algérie où il prend le commandement du 228e bataillon d’infanterie, « …ce bataillon qui ne valait rien… » pour en faire au bout de quelques mois une unité d’élite, ainsi que du 584e bataillon du train à Bordj-El-Agha. Il participe au mouvement du 13 mai 1958.

 

A l’issue de sa courte carrière militaire, il devient grand reporter au Figaro et écrivain. Il fut le modèle et l’inspirateur de Jean Lartéguy pour son ouvrage Les Centurions. Nous lui devons Le Manifeste du Camp n°1, l’Histoire des prisonniers français internés dans les camps du Viet Minh, Nous étions à Diên Biên Phù et Bataillon RAS, la fameuse histoire des bons à rien transformés en soldats…

 

Général Marcel Bigeard.

Impossible de résumer en quelques lignes le général Marcel Bigeard. Depuis le soldat engagé en 1939 jusqu’au général d’armée, en passant par l’écrivain… Marcel Bigeard est né en 1916 et mort le 18 juin 2010, jour anniversaire de l’Appel du général de Gaulle. Soldat de 2e classe, il s’illustre dans la Résistance au cours de la 2e Guerre mondiale. Il part ensuite pour l’Indochine où, à la tête du 6e BPC il participe et remporte de nombreuses batailles. Il échoue néanmoins à Dien Bien Phu et fait partie des 3.000 survivants sur 10.000 militaires prisonniers du Vietminh. En Algérie, il remporte la bataille d’Alger et fait des miracles avec des bataillons de rappelés qu’il transforme en soldats d’élite. Il est ensuite nommé en république centrafricaine et à Madagascar puis à l’état-major de l’armée de terre. Il quitte le service armé en 1975 et devient secrétaire d’Etat attaché au ministre de la Défense, Yvon Bourges. En 1978, il se fait élire député de Meurthe-et-Moselle. A partir de 1975, il écrit de nombreux ouvrages relatant ses souvenirs et ses mémoires de guerre, de même que des livres politiques sur son engagement et ses convictions. Grand’Croix de la Légion d’honneur, entre autres, il aura été l’un des militaires français les plus décorés. Sa sépulture se trouve au mémorial des guerres d’Indochine, à Fréjus.

 

Pierre Schoendoerffer.

Né en 1928 et mort en 2012, Pierre Schœndœrffer est un scénariste, réalisateur et romancier français. Lauréat de l'Académie française, primé par un Oscar et un César, il est membre de l'Institut (Académie des beaux-arts). Après quelques mois sur un chalutier à voile, Pierre Schoendoerffer s'engage dans le Service Cinématographique des Armées en 1952, en tant que caméraman. Fait prisonnier à Diên Biên Phu, il devient reporter-photographe de guerre après sa libération, et travaille pour plusieurs magazines américains. Marqué par ses expériences de combats, il se lance dans le cinéma de guerre et réalise 'La Passe du diable' en Afghanistan, puis 'Than le pêcheur' au Vietnam. Dès lors, Pierre Schoendoerffer partage sa vie entre les reportages et le cinéma. Il réalise deux adaptations des romans de Pierre Loti : 'Ramuntcho' et 'Pêcheurs d'Islande'. En 1963, il tourne 'La 317e section' - adaptation de son propre ouvrage sur le conflit vietnamien - puis 'Objectif 500 millions' et le documentaire 'La Section Anderson' en 1965, sur la guerre d'Indochine, qui remporte l'Oscar dans sa catégorie. En 1977, Pierre Schoendoerffer adapte 'Le Crabe tambour' - un autre de ses romans - interprété par Jean Rochefort et Jacques Dufilho. Les deux acteurs remporteront respectivement le César du meilleur acteur et du meilleur second rôle masculin. En 1982, le réalisateur tourne 'L' Honneur d'un capitaine'. Pierre Schoendoerffer s'accorde ensuite une pause d'une dizaine d'années, et revient avec une autobiographie, 'Dien Bien Phu', basée sur son expérience au Vietnam. En 2004, il adapte à nouveau un de ses romans, 'Là-haut', et choisit Jacques Dufilho pour interpréter son propre rôle.

 

Enfin, il est indispensable d’évoquer tous les militaires marqués à jamais par leur passage en Indochine, qui ont écrit et décrit ce qu’ils y ont vécu : Louis Stein, capitaine Dominique Bonelli, colonel Pierre Charton, commandant Jean Cornuault…

 

 

 

Sources :

  • Georges Fleury, La Guerre en Indochine, Perrin, 2000.
  • Recherches dans les archives des Bulletins de l’Ecole français d’Extrême-Orient d’archéologie.
  • Recherches biographiques André Malraux.
  • Recherches sur l’histoire de la presse française en Indochine.
  • Extraits du journal Le Figaro du 28 décembre 1993.
  • Encyclopédie en ligne Wikipédia.
  • Encyclopédie en ligne Larousse.
  • Site Internet : « papiers-de-chine.over-blog.com »
  • Jacques Chancel, La nuit attendra, Flammarion.
  • Articles de l’écrivain Pierre Loti, in Le Figaro.
  • Louis Malleret, l’Exotisme indochinois dans la littérature française depuis 1860, Larose, 1934.
  • Eugène Pujarniscle, De la littérature coloniale, Firmin-Didot, 1931.
  • Victor Segalen, Essai sur l’exotisme, Le Livre de Poche, 1986.
  • Site Internet sur la littérature : www.babelio.com
  • Archives du journal Paris Match : www.parismatch.com .
  • Site Internet du Souvenir Français d’Asie et de Chine : www.souvenir-francais-asie.com
  • Site Internet de l’Académie française.
  • Site Internet du journal Le Monde.
  • Site Internet « Les Lettres du Mékong ».

 

 

Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

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