En Indochine, les Opérations Léa et Ceinture.

Publié le 5 Novembre 2017

Paras du 1er RCP pendant l'Opération Léa.

Paras du 1er RCP pendant l'Opération Léa.

La conciliation du général Leclerc.

 

Après l’échec du coup de force du Vietminh le 19 décembre 1946, le général Leclerc est envoyé en Indochine pour une mission d’information. Le rapport qu’il rédige lors de son retour à Paris conseille une négociation par voie politique, avant d’être contraint par les armes. Le gouvernement signe alors les accords Jean Sainteny – Ho Chi Minh : la France reconnait la république du Viêt-Nam comme Etat libre faisant partie de la Fédération indochinoise et de l’Union française. Les troupes françaises peuvent revenir à Hanoi.

 

Mais les choses s’enveniment, de part et d’autre. Un peu comme si Français et communistes vietnamiens avaient dès le départ su que seule la guerre pouvait être la solution. Les premiers bombardent Haiphong quand les seconds multiplient coups de mains et attaques de colons.

 

L’instruction du 27 mars 1947.

 

L’instruction que le gouvernement adresse le 27 mars 1947 au Haut commissaire de France en Indochine et au commandant supérieur des troupes d’Indochine est claire, concise et ferme. Les zones passées sous le contrôle du Vietminh seront reprises et celui-ci sera coupé de ses bases de ravitaillement chinoises.

 

Les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif ne sont pas définis. Il appartient donc aux destinataires de les évaluer et de les demander. Le général Valluy, commandant supérieur des troupes, estime qu’il faut porter l’effectif du corps expéditionnaire à 50.000 hommes (ce qui est peu vu l’étendue du territoire) auxquels il faut ajouter les formations régulières et supplétives se recrutant localement. Le gouvernement satisfait cette demande. Mais une partie de ce renfort est détournée de sa destination initiale. Il va combattre à Madagascar la partie de la population qui s’est soulevée en avril 1947. Valluy disposera seulement de 35.000 hommes pour remplir sa mission. Sauf en de rares occasions, les conquêtes coloniales en Afrique subsaharienne et en Indochine s’étaient faites avec des effectifs modestes. Pourquoi ne pas continuer face au Vietminh ?

 

La stratégie de Giap.

 

En décembre 1946, Vo Nguyen Giap, le commandant de l’armée du Vietminh, se croit assez fort pour contraindre l’armée française à évacuer le Tonkin et le nord de l’Annam. Tirant la leçon de cet échec, il fait sien un principe napoléonien : être le plus fort en un point donné. La situation militaire du Vietminh l’amène à le reformuler ainsi : « L’ennemi se trouvant en face d’une contradiction : sans disperser ses troupes, il lui était impossible de conserver le terrain envahi ; en les dispersant, il se mettait lui-même en difficulté… S’il concentrait des troupes pour faire face à notre action, il lui devenait difficile, impossible de garder le terrain acquis ». Fort de ces renseignements, qu’il recueille par de nombreuses sources, il va opposer cette stratégie à la stratégie de reconquête suivie par les troupes françaises pendant les opérations Léa et Ceinture.

 

Le plan du général Salan.

 

Le général Valluy délègue au général Salan, commandant les troupes françaises en Indochine Nord, la conception et la conduite des opérations destinées à chasser le vietminh des territoires qu’il contrôle (au nord du Tonkin) et à implanter une ligne de poste le long de la frontière chinoise. Dans ce but, Salan monte une opération principale : Léa, mobilisant plus de 16.000 hommes des trois armées. Elle doit prendre le contrôle de deux axes routiers : les routes coloniales (dénommées RC) 4 puis 3 et de la région de Phu Doan – Tuyen Quang – Backan – Vietri. Il se greffe autour de Léa des opérations annexes. L’opération Geneviève, simultané à Léa réimplante les troupes françaises en pays Thaï. L’opération Ceinture prend la suite de Léa dans le quadrilatère Tuyen Quang – Thaï Nguyen- Phu Lang Thuong – Vietri. La préparation de Léa est d’une extrême minutie. La planification logistique de l’action du groupement aéroporté est faite selon un modèle américain : elle remplit plusieurs centaines de pages.

 

Les forces en présence.

 

Pour Léa, les forces terrestres s’articulent en trois groupements. Le groupement S aux ordres du lieutenant-colonel Sauvagnac est formé de trois bataillons parachutistes et une section du génie parachutiste soit 1.200 hommes. Agissant par détachements isolés, il est aéroporté et ravitaillé par 35 avions. Le groupement C aux ordres du colonel Communal comprend deux bataillons d’infanterie, un escadron blindé, un groupe d’artillerie et une compagnie du génie. Il est mis en place par voie fluviale par trois flottilles alignant 20 bâtiments de débarquement. Enfin, le groupement B du colonel Beaufre interviendra par voie terrestre à partir de Langson. Fort de 8.000 hommes, il comprend 5 bataillons d’infanterie, les blindés du RICM, deux groupes d’artillerie et plusieurs compagnies du génie.

 

Ces groupements sont opposés à 26.000 hommes du Vietminh. La moitié d’entre eux est incorporée dans quatre régiments de réguliers. L’autre moitié forme un ensemble disparate mêlant l’école d’infanterie du Vietminh, des services et des milices mobilisables sans délai, sur place. Cet ensemble n’est pas motorisé et son artillerie se limite à quelques mortiers de 81. Il est susceptible de se renforcer dans un bref délai par des armes provenant de Chine. C’est pourquoi le commandement estime qu’il y a urgence à intervenir.

 

Deux mois d’opération.

 

Le 7 octobre 1947, deux détachements sont parachutés à Bac Kan et Cho Moï. Le groupement B part de Langson pour Cao Bang. Le groupement est bloqué à Hanoi par une crue du Fleuve Rouge qui interdit à la flottille le passage sous le pont Doumer. Le 9, le troisième détachement parachutiste s’empare de Cao Bang. Le lendemain, il prend la direction du sud pour faire liaison avec le groupement C qui prend Tuyen Quang le 13 octobre.

 

Jusqu’à présent, le Vietminh a refusé le combat. A partir du 22 octobre, il se fait plus mordant. Par des attaques et des embuscades, il fait 38 morts dans les rangs français qui entreprennent le nettoyage systématique de la zone. Léa se termine le 14 novembre.

 

Le 19 novembre, les mêmes troupes, du moins celles qui ne sont pas immobilisées par la garde des postes, s’attaquent aux troupes et aux installations du Vietminh implantées dans le quadrilatère Tuyen Quang – Thaï Nguyen – Phu Lang Thuong – Viétri. L’opération Ceinture s’achève le 14 décembre.

 

Bilan.

 

La maîtrise de la logistique, le contrôle de la RC4 et de la RC3, les pertes humaines du Vietminh ne doivent pas faire illusion : Léa et Ceinture sont des échecs. Le gouvernement du Vietminh n’a pas été démantelé. En dépit des morts, le dispositif politique et militaire du Vietminh n’est pas sérieusement atteint. Soit, les RC4 et RC3 ont été reconquises, mais c’est inutile : l’expérience apprend qu’il faudrait, pour bloquer la frontière chinoise, réaliser des travaux très lourds et au moins 50 hommes par kilomètre à la garde de la frontière. Cela représente bien plus que la totalité des troupes présentes alors en Indochine. L’enlisement que prévoyait le général Leclerc n’a pas mis un an pour se réaliser.

 

 

 

 

 

Sources.

 

  • Texte UNC 52 – Henry Dutailly.
  • Georges Fleury, La Guerre en Indochine, Perrin, 2000.
  • Recherches dans les archives des Bulletins de l’Ecole français d’Extrême-Orient d’archéologie.
  • Encyclopédie en ligne Wikipédia.
  • Encyclopédie en ligne Larousse.
  • Jacques Chancel, La nuit attendra, Flammarion.
  • Site Internet du Souvenir Français d’Asie et de Chine : www.souvenir-francais-asie.com
  • Site Internet du journal La Dépêche pour la photographie.
  • Site Internet « Legio Patria Nostra ».

 

 

 

Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

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