Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.

Publié le 10 Juin 2018

Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.

Notre ami et adhérent Giacomo Signoroni vient de nous quitter le 22 mai 2018, à la veille de ses 97 ans. Ancien d’Indochine et d’Algérie, Giacomo Signoroni était pensionnaire de l’Institut National des Invalides depuis la fin de l’année 2016.

 

Voici ci-après son éloge funèbre par le général de corps d’armée Christophe de Saint-Chamas, Gouverneur des Invalides, le 25 mai 2018.

 

« Mon Adjudant, voici venu le moment des adieux que vous adresse la famille de l’Institution Nationale des Invalides, cette famille des Pensionnaires que vous aviez rejointe il y a un an et demi, et que vous quittez au terme d’une vie marquée par de magnifiques aventures et par de douloureuses épreuves.

 

C'est l’émotion que nous ressentons alors que, dans quelques instants, vous allez franchir le seuil de cette Cathédrale Saint Louis des Invalides, l’Eglise des Soldats, pour traverser la Cour d’Honneur des Invalides porté par des soldats du détachement d’honneur, pour rejoindre le carré militaire du cimetière de Vaugirard où vous allez pouvoir reposer au milieu des Pensionnaires qui vous y ont précédé. Il me revient l'honneur d'être l'interprète de tous ceux qui vous entourent aujourd’hui, pour vous exprimer notre considération et notre chaleureuse affection.

 

Giacomo SIGNORONI, votre vie tout entière fut une épopée. Vous êtes né le 23 mai 1921 à Castagneto Po, un village situé à quelques kilomètres de Turin au cœur du Piémont italien, où votre père est cultivateur. Votre mère meurt en vous donnant naissance et vous perdez votre père à l’âge de huit ans. Orphelin, c’est votre marraine qui vous élève et qui vous inculque les valeurs de la patrie. C’est donc tout naturellement, que lorsque l’Italie se range aux côtés des Forces de l’Axe, vous décidez de vous engager et servez alors au sein de l’armée italienne.

 

Après avoir assisté à pas mal d’atrocités et constaté le démantèlement de votre nation, vous émigrez dans le sud de la France à la fin de la guerre. Devenu apatride, vous décidez en décembre 1945 de vous engager dans les rangs de la Légion Etrangère. Affecté à la 13e Demi-brigade de la Légion Etrangère, vous rejoignez votre unité stationnée à Bizerte en Tunisie. Désignée pour combattre en Extrême-Orient, la « 13 » commandée par le Colonel de SAIRIGNÉ, débarque à Saïgon le 3 mars 1946. Engagé en Cochinchine au sein de la 2e compagnie, vous êtes rapidement nommé caporal. Votre comportement au feu vous vaut de recevoir la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures avec une première citation à l’ordre du régiment dès novembre 1946.

 

Promu caporal-chef le 1er mars 1947, vous êtes nommé sergent en octobre de la même année. Vous vous faites remarquer à nouveau le 6 mars 1948, en vous élançant à la tête de votre groupe pour venir en renfort des éléments de tête de votre compagnie. Blessé par balle à la poitrine au cours de cette action, vous êtes cité une nouvelle fois à l’ordre de la division.

A peine remis de votre blessure, vous vous portez volontaire pour rejoindre les premiers légionnaires parachutistes et êtes affecté en mai 1948 à la compagnie parachutiste du 3e REI à Hanoï. Au sein de cette unité, vous vous distinguez à maintes reprises et notamment le 28 janvier 1949 à Kham Thien dans la région d’Hanoï au Tonkin, où vous êtes une nouvelle fois blessé et cité à nouveau à l’ordre du régiment.

 

Vous assistez alors à la dissolution de cette compagnie parachutiste du 3e REI et à la création du 1er BEP. Arrivé au terme de votre séjour, vous embarquez en juin 1949 sur le Pasteur pour rentrer en Afrique du Nord. Après quelques mois passés à Sidi-Bel-Abbès, la Maison mère de la Légion Etrangère, vous êtes réaffecté à la 13e DBLE où vous rejoignez le 4e Bataillon en décembre 1949. Au cours de ce second séjour en Indochine, vous êtes promu sergent-chef en juin 1950. Vous rentrez sans encombre en Afrique du Nord en janvier 1952.

 

Vous repartez pour un troisième séjour indochinois en mars 1953. Affecté comme chef de la section pionniers au 1er Bataillon de la 13e DBLE, vous rejoignez en fin d’année le camp retranché de Dien Bien Phu. Quand on vous interrogeait à ce sujet, vous aviez coutume de dire « Là-bas, nous avons tous fait notre travail en soldat ». Au risque de froisser votre modestie, je voudrai tout simplement reprendre le texte de la citation qui accompagnait la concession de votre Médaille Militaire : « Sous-officier d’une bravoure faisant l’admiration de tous, lors des attaques qui se sont succédées pendant les mois de mars et d’avril 1954 à Dien Bien Phu (Vietnam du Nord), a fait preuve d’un rare sens du devoir en remplissant sans défaillance toutes les nombreuses missions qui lui étaient confiées, malgré les tirs particulièrement violent de l’artillerie et des armes de tout calibre. A combattu jusqu’à l’extrême limite de ses forces. Digne des plus belles traditions de la Légion Etrangère… ».

 

Blessé grièvement le 10 avril 1954, vous êtes nommé adjudant au feu six jours plus tard. Le 8 mai, à la chute du camp retranché, vous êtes fait prisonnier par le Viet Minh et malgré vos blessures, emmené en captivité dans des conditions épouvantables. Vous allez alors vivre l’enfer pendant plus de trois mois et demi avant d’être enfin libéré le 22 août. Rapatrié sanitaire en Afrique du Nord, vous bénéficiez d’une période de convalescence, avant d’être affecté au 5e Régiment étranger d’infanterie avec lequel vous effectuez un quatrième et dernier séjour en Indochine entre juillet 1955 et mars 1956.

 

Ensuite, ce sera la campagne d’Algérie, où vous prenez part à de nombreuses opérations au sein du 2e Régiment étranger d’infanterie puis au sein du 1er Régiment étranger de cavalerie dont vous me parliez ces derniers mois avec fierté et émotion.

 

Dans la même période, après avoir reçu la nationalité française en janvier 1956, vous avez épousé Mademoiselle Vincenza MARZIANO le 2 août 1958. Votre foyer accueille deux enfants qui vous entourent aujourd’hui, Elisabetta et Marcel. Le 30 novembre 1961, vous êtes rayé des contrôles de l’armée d’active, après avoir servi avec « honneur et fidélité » pendant 16 années dans les rangs de la Légion Etrangère. Retiré pendant quelques mois à Saïda où votre beau-père tient une pêcherie, vous rentrez en France en 1962 et installez votre famille à Saint Mandé.

 

Pendant près de vingt-cinq ans vous alternez différents emplois comme pigiste dans la publicité puis dans le domaine de la sécurité et du gardiennage. Vous consacrez également votre temps libre à votre famille que vous emmenez l’hiver sur les pistes de ski et l’été à Port-la-Nouvelle en bord de mer.

 

En 1987, vous faites valoir vos droits à la retraite et vous allez enfin pouvoir vous consacrer à votre passion de la lecture des livres d’histoire, ainsi qu’aux voyages. Très attaché au devoir de mémoire, vous êtes particulièrement impliqué dans les associations d’Anciens Combattants et au Souvenir Français de la Ville d’Issy-les-Moulineaux où vous résidez.

 

Victime d’un accident vasculaire cérébral à l’automne 2016, vous demandez votre admission à l’Institution Nationale des Invalides où vous êtes accueilli en qualité de Pensionnaire le 8 décembre suivant. Aux Invalides, vous retrouvez cette ambiance militaire que vous appréciez tant, en particulier les activités où vous retrouviez vos camarades Pensionnaires anciens légionnaires à Noël ou à Camerone. Depuis quelques temps nous constations avec tristesse la lente dégradation de votre état de santé. Vous nous avez quittés mardi après-midi à la veille de vos 97 ans.

 

A votre épouse Vincenza, à votre fille Elisabetta et votre fils Marcel, à leurs conjoints, à vos petits-enfants Océane, Maxence, Sébastien et Warren, à tous vos proches et amis, j’adresse en mon nom personnel, au nom du médecin général inspecteur Directeur de l’Institution, au nom de tous les médecins et du personnel, au nom de tous les bénévoles qui œuvrent dans le cadre de l’Institution, et surtout au nom de tous vos camarades Pensionnaires, nos plus vives et nos plus sincères condoléances.

 

Adjudant Giacomo SIGNORONI, vous êtes commandeur de la Légion d’honneur, Médaillé Militaire, titulaire de la croix de guerre des Théâtres d’opérations extérieures avec quatre citations dont une à l’ordre de l’armée, de la médaille coloniale avec agrafe Extrême-Orient, de la médaille commémorative de la campagne d’Indochine, de la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord et de la croix du combattant.

 

En nous associant dans le recueillement à la peine de votre famille, et à celle de tous vos amis, de vos frères d’armes légionnaires, de tous ceux qui vous ont entouré ces derniers mois, nous allons vous rendre un dernier hommage, en nous levant pour entendre résonner, en présence de l'Etendard des Invalides, la sonnerie qui vous honore en cet instant : « Aux Morts ! »

 

 

Général de corps d’armée Christophe de SAINT CHAMAS

Gouverneur des Invalides »

 

 

 

Crédit photographiques :

 

  • Jacques Tchirbachian – Président de l’ANACRA
  • Gérard de Boissieu – Membre du Comité d’Issy-Vanves du Souvenir Français

 

 

Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.
Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.
Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.
Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.
Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.
Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.
Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.
Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.
Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.
Eloge funèbre de Giacomo Signoroni, par le général de Saint-Chamas.

Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Portraits - Epopées - Associations

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article