Lieutenant Blanc – 3 – La mort, par le lieutenant Forhan.
Publié le 20 Février 2020
Le 2 mai 1948, depuis Cao Bang (Tonkin), le lieutenant Forhan du 1er RCP (régiment de chasseurs parachutistes) dont, faut-il le rappeler, la devise est : Vaincre ou mourir, écrit cette lettre à l’attention d’Henri de Dessauger, chef de bataillon dans l’arme du génie et qui était le beau-père du lieutenant Paul Blanc. Paul Blanc savait de qui tenir puisque son beau-père avait été maintes fois cité et décoré, au cours des deux guerres mondiales.
« Mon commandant,
Je viens de recevoir votre télégramme et je vous ai confirmé la triste nouvelle par la même voie.
Je comptais écrire à votre fille, n’ayant votre adresse ni votre nom qu’un mois après le décès, c’est-à-dire le 7 mai.
BLANC est mort dans mes bras le 7 avril vers 16h30 sans souffrir, le sourire aux lèvres, allant au secours de blessés, il fut atteint d’une seule balle (sniper) qui le prit du côté droit de la cage thoracique (à la hauteur du sein) pour le transpercer de part en part venant sortir à gauche à la hauteur de la ceinture, 5 secondes après il était mort.
J’aimerais pouvoir vous dépeindre la sérénité qui illuminait son visage. Cette conscience qu’il a dû avoir au dernier moment, d’avoir fait son devoir jusqu’au bout. La veille, il avait communié, 5 minutes avant sur la route balayée par quelques rafales, nous avions ri ensemble, il me disait « c’est au poil ». Le convoi que nous protégions étant passé sans casse.
Je ne puis vous exprimer, mon commandant, toute la peine que j’ai, que nous avons tous.
BLANC reste pour moi, le seul ami que j’ai jamais eu, je le pleure comme un Frère. Pour moi qui suis croyant, je suis certain que de l’autre côté il est là, nous attendant, souriant de ce sourire mi-moqueur, mi-affectueux.
Ici à Cao-Bang, il avait conquis tout le monde, tous les Officiers, de quel corps que ce soit, le connaissaient et l’estimaient. Sa droiture, et son Honnêteté, son Courage, l’avaient placé à notre tête. Son enterrement fut magnifique, tous les Corps étaient représentés, musique de la Légion, Colonels. Lui qui était sensible à ces marques extérieures… Nous avons pris des photos que je vous ferai parvenir.
BLANC devait comme moi rentrer en France en juillet prochain. Je garde ses affaires personnelles que je vous ferai parvenir dès mon retour, la voie « réglementaire » étant très longue et peu sûre.
D’autre part, le chef de bataillon va faire parvenir à votre fille le montant de deux mois de solde que BLANC n’avait pas encore perçu.
Voici, mon commandant, tout ce que je sais de la fin de sa fin. BLANC est mort en soldat, la seule mort qu’il jugeait digne de lui. Pour moi, il est toujours là. Si notre douleur peut un peu atténuer celle de votre fille, dites-lui que nous le pleurons tous.
Je reste à votre disposition pour tout ce que vous jugeriez utile de faire à ce sujet.
Recevez, mon commandant, tous mes respects.
Lt FORHAN S.P. 64.425
3e Cie – T.O.E.”
Sources :
Archives familiales.