« Mon retour d’Afghanistan », par l’adjudant Lavaud, aide-soignant principal.
Publié le 20 Novembre 2022
L’aide-soignant principal, l’adjudant Fabien Lavaud, a été pendant sept ans le trésorier de notre comité du Souvenir Français, avant d’être muté à l’hôpital militaire de Toulon. Avant son départ pour le Var, Fabien a accepté de nous parler de son expérience d’opération extérieure (OPEX) en Afghanistan.
« Je voudrais témoigner de mon expérience d’OPEX en Afghanistan en 2011. Cette opération m’a beaucoup marqué. J’y pense souvent, et, heureusement, nous avons, avec quelques camarades, formé une équipe d’amis proches, ce qui nous permet de nous revoir a minima chaque année et de passer du bon temps ensemble. Pour oublier ce qui fut.
J’ai passé trois mois, du 28 juin au 5 octobre 2011, à l’hôpital de Kaia à Kaboul. Cette expérience fut riche en activités mais aussi en dureté. J’y étais affecté en tant qu’aide-soignant militaire en service de réanimation. Cette OPEX n’était pas ma première (j’avais déjà fait un séjour en Côte d’Ivoire) et, avec le recul, heureusement.
Au cours de notre mandat, douze militaires français ont été tués : trois capitaines (1er RCP, 152e RI, 17e RGP), un second-maître du commando Jaubert, cinq sous-officiers et trois militaires du rang. Pratiquement tous tués dans la vallée de la Kapisa, à environ cent-dix kilomètres au nord-est de Kaboul, là où se trouvait le Groupement tactique interarmes. Et nous avons eu, toujours au cours de la même période, autant de blessés graves (plaies par balles, amputations…), transférés pour la plupart en moins de 24 heures sur les HIA (Hôpitaux d’Instruction des Armées) en France. La chaîne opérationnelle pour les évacuations sanitaires a très bien fonctionné avec ses différents plans (MASCAL (1) ou MORPHEE (2) selon les circonstances).
Cette mission reste pour ma part la plus dure, avec un contexte de guerre permanent. Au début, de notre camp à l’aéroport de Kaboul, elle – la guerre – restait un peu éloignée. Cependant, dès l’arrivée des blessés et décédés, elle était là… avec les cris, les pleurs, les odeurs. Nous la prenions en pleine figure.
Grâce à la qualité humaine de nos officiers et de toute l’équipe, au sens du devoir de chacun, le dévouement était en nous. C’était essentiel car plus le temps avançait et plus nous étions sous pression du fait des attaques, des attentats, des IED (3). En fait, nous recevions beaucoup d’informations. Et même quand le problème ne nous concernait pas, nous le prenions comme un élément d’une chappe de plomb.
L’hôpital fonctionnait avec une cinquantaine de lits et les services suivants : trois salles de blocs, un service d’urgence, un service de réanimation, un de chirurgie, la radiologie et un scanner, ainsi que des consultations pour la population Afghane.
Un élément est important : les équipes de soignants étaient accompagnées, pour le fonctionnement et la logistique, par le régiment médical de La Valbonne (Ain) qui a largement contribué au bon rouage dans les équipes et les cérémonies. Je veux leur dire merci et leur présenter tout mon respect.
Mon grand regret est de n’avoir pas tenu un carnet de bord lors de cette opération extérieure. Cependant, rien ne s’oublie et c’est pour cela que nous devons témoigner de ce qu’est la guerre, de ce qu’elle représente. Il s’agit de transmettre pour notre mémoire collective.
Cette mission m’a douloureusement marqué. Mais les équipes sont soudées, unies, et parler n’est pas une honte. C’est ce qui fait notre force, notre richesse au sein du Service de Santé des Armées ».
Aide-soignant principal LAVAUD Fabien.
- MASCAL : Massive Casualties – Extraction des blessés, leur transport, triage, soins de sauvetages au combat prodigués dans les différentes zones et à l’entrée au bloc opératoire.
- MORPHEE : Module de Réanimation pour Patient à Hautes Elongation d’Evacuation – Mise en œuvre d’un hôpital mobile avec du matériel médical directement dans la soute d’un avion ravitailleur.
- IED : Improvised Explosive Device – Engin explosif improvisé.