Deux héros du Normandie-Niemen à Issy.

Publié le 17 Janvier 2011

Yves Mahé

Yves Mahé

En avril 1942, trente pilotes et des membres du personnel technique, basés en Syrie, sont recrutés par les Forces Aériennes Françaises Libres dans le but de combattre aux côtés de l’Armée rouge, l’ennemi nazi. Alors que le général Petit, nommé par Charles de Gaulle, prépare l’arrivée sur Moscou, les pilotes et les mécaniciens s’installent au Liban, à Rayack, pour former ce qui deviendra l’une des escadrilles aériennes françaises les plus célèbres : Normandie-Niemen. Quelques mois plus tard, ils débarquent en Union Soviétique et commencent leur entraînement sur la base d’Ivanovo, à 250 km au nord de Moscou.

 

L’escadrille qui sera successivement commandée par les commandants Tulasne, Pouyade et Delfino comptera dans ses rangs de nombreux Compagnons de la Libération et des héros de l’Union soviétique. Le cimetière d’Issy-les-Moulineaux a reçu les sépultures de deux de ces héros.

 

 

Yves Mahé.

 

Le lieutenant-colonel Yves Mahé nait en 1919 à Nantes. Titulaire d’un brevet de pilote civil, il s’engage en octobre 1939 pour la durée de la guerre et est nommé à la base d’Istres. Il y obtient son brevet de pilote militaire.

 

Refusant l’armistice de 1940, se trouvant alors sur la base d’Oran, il réussit, après plusieurs échecs, à rejoindre Gibraltar à bord d’un appareil « Caudron-Simoun ». Là, il se rallie à la France Libre, et accoste en Angleterre à bord du cargo l’Anadyr. A Londres, il retrouve son frère aîné, Jean Mahé, pilote lui-aussi (et les deux frères seront faits Compagnons de la Libération). Après une année de formation, Yves Mahé est affecté à la Royal Air force comme pilote de chasse. Il est nommé dans un groupe, en tant que chef de patrouille, au 253 Fighter Squadron, à la défense de l’île et à des missions de protection de convois maritimes. En avril 1942, il abat coup sur coup un Heinkel 111 puis un Junkers 88 au dessus de York.

 

Volontaire pour le groupe de chasse Normandie-Niemen, il parvient en URSS pour combattre sur le front de l’Est aux cotés des Soviétiques. Alors, il prend part à toutes les opérations du groupe jusqu’au 7 mai 1943 ou il est abattu par la défense anti-aérienne  ennemie dans la région de Smolensk.

 

Fait prisonnier, Yves Mahé est enfermé au camp de Smolensk, d’où il s’évade le 28 mai 1943. Reprit le 10 juin suivant, il se retrouve interné au camp de Lodz, en Pologne, où il tente en vain de s’échapper. Evacué en juillet 1944 devant l’avance de l’Armée rouge, il est emmené au camp de Mühlberg-sur-Ebre. Le lieutenant Mahé est condamné à mort par le tribunal de la Luftwaffe, pour tentatives répétées d’évasion. En apprenant le verdict, il fausse compagnie à ses gardiens, mais ne parvient pas à franchir les clôtures du camp. S’ensuit une histoire incroyable : il survit à l’intérieur de l’enceinte en clandestin pendant près de neuf mois, grâce à la complicité d’autres prisonniers. Le 25 avril 1945, Mühlberg-sur-Ebre est libéré. Yves Mahé rejoint sa patrie au mois d’août 1945. Il retrouve alors sa place au sein du groupe Normandie-Niemen.

 

Promu capitaine, Yves Mahé reçoit des affectations successives, toujours au sein du « NN », comme l’appellent les initiés, et est nommé en 1949 commandant en second de l’escadrille puis sert en Extrême Orient avant de prendre le commandement de l’unité en 1952. Par la suite, il est versé à la 10ème escadre en tant que commandant en second, puis en 1956 devient commandant de la 5ème escadre.

 

Le 29 mars 1962, le lieutenant-colonel Yves Mahé meurt en service aérien commandé à Boussu-en-Fagne, en Belgique.

 

Officier de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération, croix de Guerre avec six citations, médaillé de la Résistance, de la Coloniale et de l’Aéronautique, Yves Mahé était aussi titulaire de l’Ordre de la Victoire soviétique et croix de Guerre Tchécoslovaque.

 

 

Albert Mirlesse.

 

 

 Albert Mirlesse

 

 Albert Mirlesse.

 

Albert Mirlesse nait à Suresnes le 12 décembre 1914, dans une famille juive originaire de Moscou, qui a fuit la Russie en 1905. Après une scolarité à l’Ecole alsacienne et au lycée Saint-Louis, il devient militant pacifiste du comité Franco-Allemand d’Otto Abetz. Mais il découvre l’antisémitisme nazi, s’en détourne, et se rapproche de l’Armée française. Il poursuit ses études et est nommé ingénieur au ministère de l’Air, inventant notamment des systèmes de dégivrage pour les avions.

 

Le 18 juin 1940, il répond à l’appel du général de Gaulle, et le rejoint en Angleterre. Il est alors est nommé chef du deuxième bureau des FAFL (Forces Aériennes Françaises Libres). Sa connaissance du russe le fait associer à l’envoi d’un groupe d’aviateur en URSS, et sa renommée le désigne comme le père du GC3 Normandie-Niemen.

 

C’est avec rigueur qu’il met au point la structure et les conditions d’engagement du groupe, jusqu’au choix des uniformes et signes distinctifs, de même que le modèle d’avion, le Yak-3.

 

Dans la revue Espoir, en 1994, Albert Mirlesse a raconté cette mise en place : « À mon arrivée à Moscou, d'autres embûches m'attendaient. Le général Petit, qui s'était trouvé complètement isolé sans connaître la langue, avait demandé aux autorités soviétiques, l'assistance d'une secrétaire interprète. Celle-ci fut immédiatement mise à sa disposition... avec la bénédiction du KGB ! C'est ainsi que le chiffre du Général avait disparu et il m'a fallu le remplacer et le sauvegarder. Plus tard, en l'absence du général Petit, connaissant moi-même la langue, j'ai renvoyé notre interprète, qui revint huit jours après complètement éplorée, car, dit-elle « elle ne savait plus rien ». Devant un tel aveu, nous sommes convenus de prendre le thé une fois par semaine pour lui permettre de garder sa place de « liaison » avec le KGB, tout en faisant passer les messages qui nous convenaient. Auprès du Haut-commandement soviétique, la liaison était bonne. Néanmoins, il fallait procéder à une mise au point rigoureuse de la structure et des conditions d'engagement du Groupe Normandie. Il convenait de définir les uniformes, les signes distinctifs des avions, ainsi que d'établir le modèle des cartes d'identité que porteraient les pilotes pour pouvoir circuler librement sur le front. Pour ce qui est des avions, j'ai été amené à choisir le « yack » que nous offraient les Soviétiques, et ceci, malgré les protestations véhémentes des ambassadeurs américains et britanniques. Les nez de ces avions furent peints aux couleurs françaises. Les Allemands, d'ailleurs, ne s'y trompaient pas. On les entendait distinctement donner l'alerte par radio « Achtung Franzôsen ! ». Pour la carte d'identité, son libellé fut très laborieux, et nous sommes arrivés à la formule suivante : « Armée de la France combattante. Groupe de chasse Normandie-Niemen, combattant aux côtés de l'Armée rouge. »

 

Après la Seconde Guerre mondiale, Albert Mirlesse poursuit une carrière dans l’aéronautique civile. Il décède le 12 janvier 1999 à Genève.

 

 

 

 

 

Thierry Gandolfo.

 

Membre du bureau du Souvenir Français à Issy-les-Moulineaux.

Conservateur du cimetière municipal.

Ancien sous-officier du 32ème RA.