Le 11 novembre 1918 de Paul Tuffrau.

Publié le 7 Novembre 2018

Le 11 novembre 1918 de Paul Tuffrau.

Biographie.

Paul Tuffrau nait à Bordeaux le 1er mai 1887. Il effectue des études brillantes. Passionné par le pays basque, il écrit quelques nouvelles qui seront rassemblées après sa mort sous le titre d’Anatcho. Plus tard, le jeune homme monte à Paris et prépare, au lycée Louis-le-Grand, le concours de l’Ecole normale supérieure. En 1911, il est reçu au concours de l’agrégation de lettres. Il est nommé professeur à Vendôme, dans le Loir-et-Cher.

Mais la guerre éclate et Paul Tuffrau part en août 1914 comme sous-lieutenant de réserve. Blessé plusieurs fois, il refusera d’être évacué, sauf durant un mois en 1917. Il reçoit, sur le front des troupes, la Croix de guerre puis la Légion d’honneur. Il termine la guerre comme chef de bataillon dans l’armée du général Mangin, et achève l’année 1918 comme commandant de place à Sarrelouis.

Paul Tuffrau rejoint Vendôme après la guerre et reprend son métier de professeur. Par la suite il est nommé au lycée de Chartres, puis au lycée Louis-le-Grand, comme professeur de khâgne, enfin à l’Ecole polytechnique où il sera titulaire de la chaire d’histoire et de littérature jusqu’en 1958.

Réengagé en 1939, il prend part aux combats des ponts d’Orléans. Pendant l’occupation, il partage sa vie entre Lyon et Paris, où se trouve l’Ecole polytechnique. Au cours de ces années, il publie régulièrement des œuvres sur l’histoire de la littérature et renouvelle des textes médiévaux, comme La Légende de Guillaume d’Orange ou Les Lais de Marie de France ou encore une version du Roman de Renart.

Écrivain, critique littéraire, historien, sachant transmettre ses connaissances par son enseignement qu'il a poursuivi toute sa vie, avec une grande rigueur et un grand humanisme, Paul Tuffrau aura été non seulement un homme de lettres au sens plein du terme, mais aussi un homme d'une modestie peu commune, alliée à une extrême intelligence, une très grande culture. Paul Tuffrau meurt le 16 mai 1973. Il était commandeur de la Légion d'honneur.

 

Extrait des Carnets d’un combattant.

Le 11 novembre 1918.

« Hier nous avons reçu de nous porter à Neuviller. Marche de nuit, d’abord par clair de lune, puis par brouillard noir. Pas de convois sur les routes, mais beaucoup d’autos d’états-majors, phares allumés, des cantonnements pleins de troupes qui s’installent, une impression un peu fiévreuse et joyeuse à la fois. Un avion boche, très canonné, nous survole très haut, au départ. Plus tard, dans le grand silence de la campagne, Dumetz, qui me suit à cheval, me dit tout d’un coup : « Mon commandant, on entend encore le canon ». Coups sourds au loin. Toutes les pensées sont ainsi tendues pour deviner plus tôt le grand événement, qu’on sent imminent.

Installation de nuit à Neuviller. Une fois de plus, j’apprends que l’armistice serait signé, du major de zone lui-même. Mais on reste sceptique.

Réveil paresseux. Journaux. Davoigneau, un peu moins calme qu’à l’ordinaire, me dit que des artilleurs ont lu, à Bayon, un message capté par la TSF de là-bas, qui indique la signature de l’armistice ce matin à 5 heures. Inault, le cycliste du bataillon, est allé le copier. On me l’apporte : « Plénipotentiaires allemands à GQG allemand… ». Je veux continuer à douter. Mais un officier de l’armée a apporté la nouvelle au vieux colonel chez qui je reste. Et pendant que je me présente à celui-ci dans son bureau, un voisin remet la copie d’un message du préfet aux maires : « Aux conditions imposées par les alliés, armistice signé à 5 heures. Faites carillonner. » Les femmes courent, frappent aux vitres pour s’appeler et se donner la nouvelle ; par la rue montante qui mène à l’église, les petits enfants galopent à toutes jambes ; les rues se remplissent de poilus radieux ; et les drapeaux sortent partout des fenêtres (…).

On avait dit : ce jour-là, il y aura une saoulerie générale. Jamais la rue n’a été aussi calme. Rumeur heureuse mais insaisissable. (…) On avait dit aussi : il y aura une crise de la discipline. C’est une erreur. Les poilus « se gobent » trop pour cela. Jamais ils n’ont si correctement salué. Pour accentuer l’impulsion dans ce sens, et mieux savourer la joie de ces heures pleines comme un siècle, j’ai fait une prise d’armes ce matin. (…) Et une idée m’est venue.

Ceux qui ont fait les premiers combats, la Belgique, la Marne… mettez l’arme sur l’épaule. J’en ai à peine trouvé quarante-neuf, en comptant les officiers, qui tenaient à ne pas être oubliés. Ceux qui ont fait l’Yser… Ceux qui ont fait la Champagne et l’Artois en 1917… Ceux qui ont fait Verdun… A mesure que j’avançais les fusils montaient plus nombreux sur les épaules… Ceux qui ont fait l’Ourcq…les combats de l’Aisne, de l’Oise… Ceux qui ont fait l’Italie… Ceux qui ont fait l’Orient, Sedülh-Bar, Florina, Monastir. Il ne restait plus à la fin qu’une soixante d’hommes, l’arme au pied. Les recrues, regardez vos anciens. Ils comptent parmi les plus grands soldats de l’histoire ».

 

 

 

Sources :

  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Encyclopédie Larousse.
  • Œuvres de Paul Tuffrau :
    • Carnets d’un combattant, Payot, 1917 (paru dans un premier temps sous pseudonyme).
    • Nos jours de gloire : de la Moselle à la Sarre en novembre 1918, Cahier de la Quinzaine, 1928.
    • La Grande Guerre, Gauthier-Villars et Cie, 1930.
    • Les Lais de Marie de France, Piazza, 1923.
    • Le Merveilleux Voyage de Saint-Brandan, l’Artisan du Livre, 1925.

Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Première Guerre mondiale

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