"Je suis de Verdun".
Publié le 21 Janvier 2010
Un régiment révolutionnaire.
En 1794, le gouvernement de la 1ère République française créé la 166ème demi-brigade de Bataille, ancêtre du 166ème régiment d’infanterie.
L’année suivante, sous le commandement du général Schérer puis du général Kellermann, l’unité participe à la Première Campagne d’Italie. Il s’agit pour la France d’aller combattre l’Autriche sur plusieurs fronts : le Main, le Danube et en Italie du nord. L’engagement dans cette région est confié au tout jeune général Bonaparte, avec les succès que l’on sait…
La demi-brigade prend part ensuite aux guerres de l’Empire. Beaucoup plus tard, en 1913, l’unité devient le 166ème régiment d’infanterie et établit ses quartiers dans la caserne Chevert à Verdun, dans la Meuse. Sa devise est : Je suis de Verdun. Régiment de forteresse, l’unité reçoit dans sa formation des bataillons des 132, 150, 151 et 154ème RI. Les soldats qui le composent sont donc originaires du nord et de l’est de la France auxquels sont ajoutés des Normands et des Parisiens. Le régiment de réserve porte le numéro 366.
Etre du Bourbonnais.
Commune du sud du département de l’Allier, dans l’arrondissement de Montluçon, aux confins du Bourbonnais et de l’Auvergne, Blomard est de ces petits villages qui représentent bien la France rurale du début du 20ème siècle, chère à l’historien Pierre Miquel, avec ses paysans, ses cafés et autres échoppes modestes, son église, son école et son instituteur, hussard noir de la République, et ses commerçants ambulants.
C’est là que le 21 septembre 1896 nait Ferdinand Pontet. Il a pour frères Albert et Louis. Ferdinand apprend le métier de maçon et « monte sur Paris », comme bon nombre de jeunes à la recherche d’un emploi et s’installe à Issy-les-Moulineaux, alors commune du département de la Seine.
La Première Guerre mondiale.
Un document exceptionnel (« Mon régiment ») a été retrouvé et numérisé par Monsieur Marc Terraillon en 2007. Il s’agit de l’histoire du 166ème régiment d’infanterie racontée par l’un de ses soldats pendant la Première Guerre mondiale. Le document a été publié à l’issue du conflit par l’imprimerie Berger-Levrault.
En août 1914, donc installé dans la caserne Chevert de Verdun, le 166 est placé en état d’alerte. Sa première mission consiste en une défense active du secteur de Verdun. Pour contrecarrer l’offensive allemande, le 166 est appelé sur le secteur de la ville d’Etain. C’est là, à la tête de ses hommes, que le chef de corps, le colonel Jacquot, est tué d’une balle en plein front, dès les premiers engagements.
Plusieurs combats se déroulent ensuite autour de le secteur d’Haudiomont. A la fin de l’année 1914, le régiment a déjà perdu 7 officiers, 22 sous-officiers et près de 300 soldats.
En mars et avril 1915, le 166ème RI participe aux attaques dans l’Argonne, sur la plaine marécageuse de la Woëvre. Le bilan est terrible : en octobre de la même année, le régiment est transporté à l’arrière pour se refaire. Près de 1.200 hommes manquent à l’appel.
En février de l’année suivante, le 166 est au cœur de la bataille de Verdun : « En dépit de la conjuration des éléments naturels et des inventions les plus meurtrières de la science humaine, nous tenons tête aux attaques réitérées des Allemands ». En septembre suivant, après une période de repos, il est transporté sur le front de la Somme et fait preuve, dès les premiers engagements, d’un courage inouï en repoussant des troupes du IIème Reich, bien souvent au prix de corps à corps sauvages.
1917 voit le 166ème régiment d’infanterie se battre dans la Somme à Bouchoir puis à Avocourt, avant d’être intégré à la IVème Armée et de passer en Champagne : « A la plus mauvaise époque de l’année, sur les positions où il faut, dans la boue et l’eau, tenir sans relâche au prix de souffrances héroïques, le régiment va subir presque à son arrivée en ligne, de furieuses attaques ».
Jusqu’en juin 1918, l’unité tient « avec zèle » (général Lebrun) son rang dans le secteur de Saint-Hilaire le Grand (département de la Marne).
Les combats de la Lys.
Le 166ème régiment d’infanterie est appelé à relever le 128ème RI le 17 octobre 1918, dans les Flandres belges, proche de la rivière de la Lys. La tâche du 166 consiste à enfoncer l’ennemi qui partout recule.
« Dans la nuit du 19 au 20 octobre, le bataillon Lecocq relève le bataillon Mazoyer. Gardant toujours le contact avec l'ennemi, et manœuvrant avec habileté et opiniâtreté, nos fractions avancées font tomber les résistances successives ; elles abordent maintenant l'obstacle principal : la Lys, rivière de 30 mètres de largeur et d'une profondeur uniforme de 3 à 4 mètres, aux bords encaissés, au courant assez rapide.
Il n'existe aucun gué, aucune passerelle à proximité. Une vieille barque découverte dans les décombres d'une maison est mise à l'eau, et le capitaine Lecocq, prêchant d'exemple, effectue le premier le passage, protégé par le feu de nos mitrailleuses qui combattent les mitrailleuses ennemies. Avec des moyens aussi précaires, le passage est long et difficile, ce n'est qu'au bout de deux heures que la compagnie Lacour, tête d'avant-garde, aura pu franchir le cours d'eau. Elle se déploie aussitôt et prend sous son feu la ligne avancée ennemie, de façon à permettre à la 4e compagnie du 43e B. T. S. (NB : bataillon de soutien) de passer à son tour. Le mouvement terminé, de concert, ces deux compagnies essaient de progresser, mais l'ennemi constatant la faiblesse de notre situation, déclenche une violente contre-attaque avec un effectif bien supérieur au nôtre, et par un violent bombardement de la rive ouest, empêche l'arrivée des renforts. Pendant plusieurs heures, l'adversaire est maintenu ; il renouvelle ses efforts et lance des troupes fraîches à l'attaque. Les ailes commencent à céder et nos pertes sont sensibles. L'ennemi arrive au corps à corps, la lutte est menée sauvagement des deux côtés, mais la supériorité numérique de celui-ci rejette dans la rivière la 4e compagnie sénégalaise.
La barque a coulé ; le centre de la compagnie Lacour, acculé à la rivière, se cramponne désespérément à la position, et, grâce à l'appui de nos mitrailleuses de la rive gauche, cause de telles pertes à l'ennemi, que celui-ci est contraint d'abandonner son projet et de se replier. La 5e compagnie organise alors une solide tête de pont, pendant que la section du génie construit avec les sacs Hébert une passerelle de fortune. Grâce à l'énergie, à la bravoure et à la ténacité du 166e, le débouché sur la rive droite de la Lys est conservé et la progression va pouvoir reprendre.
Le 21, la compagnie Charrois relève la compagnie Lacour, repousse énergiquement une nouvelle contre-attaque ennemie et, reprenant l'offensive, s'empare de la ferme Peereboon, capturant 27 Allemands. Le 23, le bataillon Anglaret remplace le bataillon Lecocq et, malgré les mitrailleuses ennemies, réussit par son ardeur et son mordant à gagner la route de Courtrai à Gand, objectif assigné au régiment. Le 25, le régiment est relevé par dépassement et porté sur la rive ouest de la Lys, où il reste en réserve de corps d'armée.
II avait perdu, au cours de cette brillante avance, 5 officiers et 242 hommes. »
Parmi ces 242 hommes, figure le soldat de 2ème classe, Ferdinand Jean Baptiste Pontet, de la classe 1916, matricule 10927 au 3ème Bureau du Recrutement de la Seine. « Tué à l’ennemi » est-il indiqué sur la fiche remplie par les services administratifs du 166ème RI.
Aujourd’hui, l’une des descendantes de Ferdinand Pontet habite Issy-les-Moulineaux. Il s’agit de sa petite-nièce, et qui n’est autre que Lucette Pontet, porte-drapeau depuis des années de la section de notre commune de l’association FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés Internés Résistants Patriotes).