Capitaine Petit – Opérations au Sahara - 2.
Publié le 5 Janvier 2020
Reconnaissance à El Barka.
« Le 3 octobre 1957, une opération est montée pour reconnaître le terrain jusqu'à la frontière face à El Barka. Le groupement chargé de cette mission sous les ordres du Lieutenant Leproust est composé de trois pelotons de la 1ère l CSPL et du 4éme peloton de la CMA (compagnie méhariste des Ajjer) sous mon commandement.
Le Lieutenant Post à la tête de son peloton d'AM M8 ouvre la marche de la colonne. Arrivé dans la zone frontalière, tandis que les AM se déploient en ligne face au mouvement de terrain qui lui fait face, un avion d'observation MD 315 venu de Djanet nous épauler est vivement pris à partie par un grand nombre de rebelles installés sur les crêtes à droite du dispositif. Les salves des tirs de fusil crépitent, une balle perce un réservoir de l'avion qui retourne hâtivement à Djanet.
Les autres pelotons simultanément se sont déployés en ligne. Le peloton Post tire au canon de 37 des obus perforants sur la mechta du Caïd d'El Barka qui se détache sur la crête. Les obus traversent les parois sans dégâts apparents. Le Caïd qui se trouve à l'intérieur surpris par les événements prend la fuite dans sa voiture en direction de Ghat. Mon peloton s'est déployé à gauche du peloton Post et nous marchons maintenant dans la palmeraie d'El-Barka. Les rebelles très nombreux sur les crêtes au début de l'accrochage ont reflué en désordre puis se sont repliés en totalité vers El-Barka et Ghat.
Devant mon peloton, après quelques coups de feu, c'est le vide total. Nous trouvons abandonné dans la palmeraie le « guèche » (les affaires) d'une dizaine de rebelles touareg qui n'ont pas eu le temps de les emporter. Dans l'un des sacs, mêlé aux vêtements, un Coran gainé de cuir contient un reçu au nom de Corsera Ben Mohamed daté du 17/05/1942, établi par les autorités italiennes locales de l'époque.
Dans le secteur couvert par le Lieutenant Post, on dénombre 1 rebelle tué, 1 fusil récupéré et des documents relatifs à la destruction des camions Devicq. Nous sommes maintenant bien engagés en Territoire libyen et ne pouvons aller plus loin. Le Lieutenant Leproust donne le signal du retour, il est environ 13h00.
L'avion de reconnaissance qui avait été atteint par une balle est rentré sans encombre à Djanet. En fait, le réservoir percé n'était autre qu'une réserve d'eau. Si le bilan n'est pas spectaculaire, cette opération chez l'adversaire aura une portée psychologique très importante.
Dix jours plus tard quelques rebelles sont venus sur les crêtes du Tassili à 7 km nous harceler au mortier de 81 m/m. Au début nous avons été surpris d'entendre des explosions dans l'oued à environ 2 km devant nous. Il ne nous a pas été difficile de situer l'emplacement de tir sur la crête à 4 km au-delà des premiers impacts. Immédiatement notre fameux canon de 75 m/m est mis en batterie. Le premier coup fait mouche dans la zone prévue à 7 km, suivi de trois autres coups étalés en distance. Simultanément un groupe de combat s'élance en doge 6x6 pour aller au résultat.
Dans la zone d'impact de nos obus le sergent Pinel trouve abandonnés sur le terrain un goupillon, des relais de poudre et autres accessoires témoins de la fuite éperdue des servants du mortier. La situation s'est rapidement dégradée ces derniers jours. Les deux pelotons méharistes de la compagnie et un peloton à pied de la 1ère CSPL ont pris position sur le plateau du Tamrirt en vue d'intercepter une bande rebelle venue tenter un gros coup sur Djanet contre les français. Une quarantaine de rebelles ont rebroussé chemin sous la poussée de nos trois pelotons qui ont finalement rejoint Tin-Alkoum le 19 octobre.
Le Capitaine Marchand à l'issue de son temps de commandement est remplacé par le Capitaine Martin qui sera lui-même remplacé par le Capitaine Reffas un mois plus tard le 30 novembre 1957. A la suite de la tension sur la frontière libyenne, il a été créé un secteur opérationnel de Hadamard en Tunisie à Mezzanine, dont le PC est à Fort Polignac sous le commandement du Lt-colonel Devisse.
Des mesures sont prises pour activer la mise en place de la SAS de Tin-Alkoum. Le 27 octobre une équipe de forage arrive à Tin-Alkoum et perce en une semaine un puits dans la roche pour atteindre 30 mètres plus bas la nappe phréatique. Et quelle joie de voir à l'aide d'une motopompe couler cette eau millénaire, abondante fraîche et pure. Le Lieutenant Bert a bon espoir pour l'installation d'une baraque Fillod ces jours prochains. En attendant, ses touaregs ont construit quelques zéribas. Le calme est revenu dans les Ajjer et les quelques touareg dissidents sont allés déposer les armes à Djanet. Les reconnaissances tous azimuts sont associées aux trois lettres RAS du compte-rendu quotidien. »
Retour à Djanet.
« Avec mon peloton nous rentrons à Djanet le 11 décembre après 3 mois 1/2 d'absence. A Djanet je retrouve la civilisation, une palmeraie magnifique, le bordj « Fort-Charlet » qui abrite le PC de la compagnie. A côté du mess, j'ai une chambre avec quelques affaires personnelles, y dormir ? J'y étouffe. Le grand air, la belle étoile, quand même, c'est merveilleux !
Le 22 décembre 1957 je vais en reconnaissance dans la région de Fort Gardel et du djebel Tazat en liaison avec le 1er peloton méhariste. Le Lieutenant Brossollet qui vient d'arriver à la compagnie prend le commandement de ce peloton. Dans les Etats-Majors, à la lumière des événements, on projette le remodelage des compagnies méharistes sur un nouveau type :
- 2 pelotons méharistes de 70 hommes chacun,
- 2 pelotons portés de 45 hommes chacun,
- 1 peloton de commandement et des services, l'ensemble comprenant 45% de français.
De tous temps, on a soigneusement équilibré les effectifs touaregs et chaamba dans les pelotons. Ces 2 communautés rivales sont la garantie de la stabilité. En effet, lorsqu'il se trame quelque chose d'anormal chez les touaregs, le renseignement vous parvient par l'intermédiaire d'un chaambi et vice-versa. Aujourd'hui le moral des troupes est tombé très bas. Les chaamba sont maintenant beaucoup plus travaillés par le FLN qu'il y a quelques mois. Propagande anti-française, mot d'ordre, appel à la guerre sainte, rébellion, sont à l'ordre du jour. Est-ce pour cette raison que les pelotons portés seront renforcés à 45% de français ? Oui, car les pelotons portés sont composés en presque totalité de chaamba et les laisser ainsi serait extrêmement dangereux.
La dernière semaine de janvier le Général Malagutti, Inspecteur général de l'infanterie est venu à Djanet visiter la compagnie. Avec le Capitaine Reffas nous l'avons accompagné jusqu'à Fort Gardel où sont rassemblés les 2 pelotons méharistes. Depuis 1937, les méharistes n'avaient pas vu un général. Le lendemain le Général se rend aux postes de Tin-Alkoura et Arrikine, puis rejoint Fort-Polignac. Le Général fait bonne impression, par son allant et sa bonne humeur, un peu aussi par son paternalisme.
Deux jours plus tard, nous recevons à Djanet, venant de Tamanrasset, Monsieur Raymond Cartier et sa femme ainsi qu'un journaliste prétentieux et snob, Monsieur Chargeleygue et le célèbre photographe parachutiste Camus. Toute cette équipe effectue un long périple saharien dans le but de se forger une opinion sur l'avenir de la France dans ce pays. A la popote la discussion s'anime entre nous (les officiers) et eux (les journalistes). Un conseil, méfiez-vous des journalistes. Votre interprétation des faits n'est pas là leur. Ils vous posent beaucoup de questions et vous poussent dans vos derniers retranchements. Le médecin Lieutenant Morvan « ce breton aux yeux bleus » laisse parler son cœur patriotique et s'insurge contre toute arrière pensée qu'il serait possible qu'un jour... la France ne puisse plus continuer à soutenir à bout de bras une Algérie sans ressources, à moins que la mise en valeur du Sahara ... puisse faire changer les choses. Pour Raymond Cartier, il déclare sans ambages que son analyse est économique. C'est une question d'argent. Le Sahara peut-il subvenir aux besoins de l'Algérie et de son développement ? Sous-entendu les richesses du sous-sol. Evidemment je n'avais jamais envisagé le problème de l'Algérie sous cet angle. Mais quoiqu'il en soit pour nous (les officiers) l'Algérie doit rester française.
A compter du 15 février, nous nous sommes rendus, le Capitaine Rossi et mon peloton à Fort-Polignac via Tarat (1200 km aller et retour). A la suite des pluies sur la cuvette de Tarat, les pâturages sont arrivés à maturité. Toute la population des Ajjer est là avec les troupeaux pour le grand repas. Monsieur Max Lejeune, ministre du Sahara, est attendu à Djanet à la fin du mois. Le Capitaine Rossi prépare cette visite avec soin, car le ministre doit donner l'aman aux touaregs qui se sont ralliés récemment en déposant les armes.
A nouveau, le 27 février 1958, je rejoins Arrikine. Ici c'est le grand calme. Aucun passage ne vient troubler la quiétude des lieux. Seuls quelques chameaux errants dont on relève les traces sont la manifestation de la vie autour de nous. En reconnaissance dans l'oued Djerane le 27 mars à 75 km au sud, oued sauvage et grandiose, encaissé entre des falaises abruptes et très étroites, nous avons rencontré un pauvre campement de touareg libyens, deux femmes, un bébé, les hommes à notre arrivée se sont enfuis, des traces dans le sable indiquent la direction qu'ils ont prise. Où étions-nous nous-mêmes ? En Libye ? Allez savoir !
Cette fois-ci nous avons fait une nouvelle incursion dans l'oued Arrikine le 7 avril, jour de Pâques, toujours en direction de la Libye. Après avoir parcouru 40 km nous sommes arrivés devant un obstacle de pierres en travers de l'oued à un endroit très resserré. Cette barrière symbolique vient d'être placée par quelques rebelles, pour matérialiser la frontière. L'oued est grandiose avec ses chandeliers rongés aux formes bizarres, ses grottes imprévues, ses escarpements et ses couleurs. Ah! ces couleurs ! Du marron foncé au marron clair avec tous les intermédiaires du rose mélangés qui offrent des tons cuivrés. Oui, cette barrière symbolique dérisoire au fond d'un oued perdu où personne jamais ne passe nous rappelle la présence des rebelles au-delà de cette limite et qui n'ont pas désarmé. En effet les renseignements qui nous parviennent témoignent à nouveau de la présence à Ghat d'une forte bande rebelle et la menace d'une attaque en force sur nos installations resurgit. Aussi multiplions-nous les reconnaissances.
Le 11 avril, je suis avisé par radio de la visite d'un officier supérieur de l'EM des Territoires des Oasis à Ouargla. A l'heure convenue, je suis au terrain de Tazaït à une demi-heure d'Arrikine pour l'accueillir à sa descente d'avion et le mener au poste que nous occupons. Ce poste est situé sur un mouvement de terrain qui s'étend en demi-lune au confluent des oueds Arrikine et Essayene. Il domine toute la région d'une trentaine de mètres.
Aucun convoi ne peut passer sans être vu. L'officier supérieur me demande s'il serait opportun de construire ici des blockhaus équipés de canons de 105 pour interdire totalement le passage. Je demande simplement à cet officier de regarder avec moi le terrain, le confluent des oueds ici compte plus de 15 km de large. Il suffit de passer au-delà de la limite de portée des canons pour ne pas être inquiété. Par ailleurs, baser la défense du Sahara à partir de blockhaus, me semble une ineptie totale. Au contraire c'est par la mobilité et la surprise que l'on pourra le mieux intercepter l'adversaire avec un armement plus performant que celui dont nous disposons. L'Officier supérieur a repris son avion à Tazaït dans l'après-midi en direction d'Edjelé, Flatters et Ouargla, emportant avec lui mes convictions.
En ce 19 avril, c'est la fin du Ramadan mais l'ambiance n'y est pas. Les mots d'ordre du FLN ont infiltré la compagnie. Les relations ne sont plus les mêmes, les regards fuyants sont les signes d'un malaise profond. Le 21 avril, je suis de retour à Djanet, le Capitaine Reffas étant en permission, je commande la compagnie. Le Capitaine Rossi, chef d'annexe me confie une mission particulière ».
Missions particulières.
« En effet, le dimanche 27 avril 1958, je quitte Djanet à 5h00 du matin avec deux véhicules Dodge 6x6 et une douzaine d'hommes dont cinq français, cinq chaamba et deux touaregs. Ces deux derniers connaissant bien la région où nous allons nous rendre.
Dans un premier temps nous allons à la rencontre des deux pelotons méharistes dans l'oued Ounane. La mission confiée par le Capitaine Rossi consiste à me rendre au nord-ouest d'Ounane où se trouve actuellement un nommé x.... touareg originaire de l'Aïr (à 1.000 km) venu de Kidal au Niger, une sorte de marabout, qui passe de campement en campement, prêchant la dissidence, la rébellion contre la France, semant le désordre. Il s'agit donc de retrouver ce personnage pour ensuite le conduire à Serouenout en direction de Tamanrasset où il sera pris en charge par un peloton porté de la compagnie méhariste du Hoggar qui le conduira par relais successifs dans ses foyers au Niger.
Mais comment retrouver un homme sur un territoire aussi vaste qu'un département où rien ne dit qu'il soit là plutôt qu'ailleurs. Cette marche d'approche s'est pourtant faite en douceur après de multiples contacts pris auprès de nomades aux environs d'un puits, dans un campement qui nous avait été signalé et où l'homme était passé ! Enfin au bout d'une matinée à remonter la piste, nous sommes arrivés dans une cuvette avec en face de nous deux lignes de thalwegs qui se rejoignent et forment un Y. A gauche, derrière ce mouvement de terrain aux formes molles, 1 km environ, c'est là. Il est là-bas dans un campement que l'on ne voit pas.
J'envoie pour le chercher et lui dire que je veux lui parler, le caporal-chef Ahmed, un chaamba, accompagné d'un targui- Ils disparaissent tous deux derrière la ligne de crête, puis l'attente commence. Je dispose les hommes restés avec moi en surveillance. Au bout d'un certain temps, ressenti comme relativement court, je vois revenir à moi mes deux émissaires accompagnés de l'homme recherché, qui vient me saluer militairement. Je lui signifie sans ménagement ni aucune explication que je dois le conduire à Sérouenout. A-t-il des affaires à prendre au campement ? Rien me dit-il. Aussitôt embarqués nous avons pris la piste et avons roulé jusqu'au soir. A Sérouenout nous attendait le peloton venu de Tamanrasset. Le prisonnier une fois transféré, nous avons formé le carré pour la nuit à quelques kilomètres de là avant de rejoindre Djanet le lendemain dans le courant de l'après-midi.
Seuls, les marabouts peuvent se déplacer sans autres aides que celle de l'hospitalité, c'est pourquoi cet homme respecté en tant que personnalité religieuse avait beaucoup d'influence sur les nomades.
Les intentions du FLN dans notre secteur en ce mois de mai 1958 ne semblent plus axées sur des actions d'envergure, mais plutôt sur des actions de harcèlement partout où cela est possible. Les permissions sont suspendues. Si de Gaulle reprend le pouvoir, l'unité peut se faire autour de lui. Quoiqu'il arrive, l'Algérie veut rester française, l'enthousiasme de ces derniers jours à Alger et partout ailleurs le prouve. A la mi-mai, avec le médecin Lieutenant Morvan, le breton aux yeux bleus, nous nous rendons à Issalane à 200 km nord du puits d'In-Azzaoua au devant du peloton Brossolet qui s'est rendu dans l'Air (1.000 km) recruter quelques touareg, acheter des naïls, des rahlas et qui maintenant rentre au bercail après plus de 3 mois d'absence.
Comme prévu nous faisons notre jonction à Issalane. A l'ombre d'un tahla, par une chaleur torride au milieu des mouches qui sans arrêt tournent autour de nous, nous échangeons nos impressions sur les événements survenus au cours de la période écoulée et la grande aventure d'une randonnée dans l'Aïr avec la traversée du Ténéré. Brossolet a vécu là des heures extraordinaires. Nous avons chargé sur nos véhicules tout le « guèche » (toutes les affàires) acheté dans l'Aïr pour soulager au maximum les chameaux très fatigués après ce périple de plus de 2000 km. A l'aube du quatrième jour après notre liaison à Issalane, le peloton Brossolet fait son entrée à Djanet.
Un message radio expédié d'Arrikine par le Sergent-chef qui commande actuellement le peloton porté en ce lieu m'informe de la désertion d'un jeune chaambi, le plus jeune du peloton. Pour rejoindre Ghat en Libye, il faut parcourir une centaine de kilomètres ce qui n'est pas facile à faire compte tenu des fortes chaleurs en cette période de l'année qui précède l'été. Dès le moment où son absence a été signalée, le Sergent-chef x... Commandant le peloton est parti sur les traces du fugitif retrouvées dans l'oued et remontées sur plus de 40 km. Là, les traces se perdent dans le djebel rocailleux inaccessible aux véhicules.
Compte tenu du temps écoulé depuis son départ, il était impossible que le déserteur ait pu atteindre El Barka, l'endroit le plus près pour être à l'abri des recherches. Sur les lieux où l'on perd ses traces, il n'y a aucun point d'eau dans un environnement suffisamment proche pour se ravitailler. Après de multiples recherches l'espoir de le retrouver s'est complètement estompé. Une chose est sûre, il n'a jamais rejoint Ghat. Tout se sait au Sahara, la seule hypothèse sérieuse est celle de sa mort par épuisement, mort de soif, ayant sous estimé la distance à parcourir.
Etant arrivé sur les lieux vers 13h00, j'ai aussitôt fait venir à moi le plus ancien des chaamba du peloton, le Caporal Ahmed qui interrogé a dit ne rien savoir sur cette affaire. Bien sûr je suis persuadé que c'est lui l'instigateur de cette entreprise. Je lui fais connaître aussitôt ma décision, lui retirer son arme et son retour immédiat à Djanet avec moi. Ceci afin de créer au sein du peloton un effet surprise, laissant à penser que le coupable était arrêté. Il n'y eut par la suite aucun autre incident de cette nature à déplorer.
A la recherche d’un PC fellagha.
Le 13 septembre 1958, en permission à Cagnes-sur-Mer chez mes parents, je suis rappelé pour rejoindre Djanet au plus tôt. Le 16 septembre, c'est chose faite après une journée d'avion. Alger 8h00, Ouargla 10h00, à Fort-Flatters 13h15, Polignac 14h30 et enfin Djanet à 16h00. Une quarantaine de fellaghas sont signalés sur le plateau du Tamrirt. Le 23 septembre, à 8h00 un avion JU 52 m'emporte d'un coup d'ailes à Tazaït où il me dépose à 10h00. Je rejoins aussitôt mon peloton à Tin-Alkourn et reprends le commandement du sous-quartier.
Sur place, je fais la connaissance du Capitaine Gatti (un ancien officier de Légion) envoyé pour renseigner l'EM 3ème bureau d'Alger sur la situation aux Ajjer.
Une nouvelle mission m'a été confiée lors de mon passage à Djanet. En effet, un targui venant de Ghat est venu informer le Capitaine Rossi de l'existence d'un PC fellagha dans les dunes de la palmeraie de Fehouet près de Ghat. La mission consiste tout simplement à anéantir ce PC. Aussitôt avec mon encadrement nous avons constitué le commando chargé de cette mission. Outre le Capitaine Gatti qui nous accompagnera, nous serons six à participer à cette opération : sous mes ordres le Sergent Pinel et quatre appelés du contingent triés sur le volet. Avec nous le guide targui, à l'origine du renseignement, qui nous mènera au but.
Nous sommes partis de Tin-Alkoum en véhicules jusqu'à la frontière devant El Barka une heure environ avant la tombée de la nuit. Les véhicules sont ensuite rentrés avec mission de revenir nous chercher le lendemain matin à 6h00 au même endroit. Dès l'obscurité accomplie, nous nous sommes mis en marche vers notre objectif distant de plus de 20 km. Nous étions équipés très léger, short, chemisette, pataugas, bretelles de suspension supportant les chargeurs de PM et deux bidons d'eau. Pour armement, chacun un PM et deux grenades offensives. Le tout à l'épreuve des cliquetis, aucun bruit métallique ne devait être entendu. Aussi chacun avait-il pris les dispositions adéquates.
En septembre, il fait encore très chaud, 40' le jour, 30' et plus la nuit, si bien que notre réserve d'eau était à peine suffisante, mais légèreté et rapidité d'action avaient pris le pas sur le confort. Cette marche d'approche quasiment dans le sable devient très rapidement fatigante, et je ne vous dis pas l'envie de boire ! Le ciel est clair et l'on peut se repérer à l'horizon pour prendre le cap.
Avant d'entrer dans la palmeraie d'ailleurs clairsemée et à l'approche du mouvement de terrain où est censé se trouver le PC fellagha, nous avons fait le point sur la façon d'agir de chacun. Nous buvons les dernières gouttes d'eau de notre 1ère réserve. PM armé, prêts à tout, nous sommes repartis avec le guide qui donne la direction. Après avoir passé la dernière ligne de crête, le guide nous fait signe négativement. Il n'y a personne et je constate qu'il n'y a aucune trace d'occupation des lieux. Donc pas de PC en ce lieu auparavant. Le guide nous a-t-il mené en bateau ? C'est un coup d'épée dans l'eau, aussi une grosse déception.
Il est maintenant environ minuit et déjà l'on entend le ronron de l'avion d'Air France qui se rend à Fort-Lamy. Ah! Ces voyageurs du ciel savent-ils !... Sans plus attendre nous faisons demi-tour. Durant la première heure nous avons accéléré notre marche de plus en plus difficile à supporter. Dans le sable le pied n'entraîne pas le corps vers l'avant. Il faut marcher plus verticalement que la normale pour que la semelle se pose à plat pour ne pas s'enfoncer dans le sable et riper. A mi-parcours vers les 3 à 4 heures du matin, nous avons tous plus ou moins terminé notre 2ème réserve d'eau et déjà la température nous semblait avoir repris quelques degrés.
Au lever du jour, vers 5h00, nous étions arrivés à notre point de départ. Un nuage de poussière au loin du côté d'Essayene nous indique que les véhicules sont en route vers notre point de ralliement, avec un solide casse-croûte, car nous en avons bien besoin. Relevant nos traces, les libyens sont restés longtemps perplexes. En tout cas, ils ont compris qu'ils n'étaient pas à l'abri d'une intervention sur leur propre terrain.
Le FLN en infiltrant quelques groupes rebelles pratiquement inoffensifs sur le plateau du Tamrirt tente à nouveau de nous intimider. Une nouvelle opération de nettoyage est entreprise, le 7 octobre, sur le plateau et jusqu'à Essayene. Les fellaghas refluent en Libye où ils sont désarmés par les autorités libyennes (source AI). Le Tassili a retrouvé sa quiétude.
Le 25 novembre, de retour à Djanet, j'apprends la mutation du Lieutenant Seznec du 46ème BI, à Berlin, à la CMA, pour me remplacer à compter du 1er décembre 1958. Pour ma part, je dois rejoindre le 5éme REI (Régiment étranger d'infanterie) à Arzew et quitte Djanet le 5 décembre 1958.
Photographies et sources :
Les photographies des parties 1 et 2 liées au Sahara présentent le bordj Irehir ; la carte d’opérations des méharistes ; présentation des armes au colonel d’Arcimolles ; le fanion ; les méharistes des Ajjer ; le Fort Gardel ; le lieutenant Petit ; le puits d’Idriss ; la région du Tamrirt avec Henri Lhote.
Les textes sont issus des mémoires du Capitaine Petit, sous la forme de recueils envoyés au Comité du Souvenir Français d’Issy-Vanves. Nous remercions le capitaine Petit pour sa confiance.