"Ma guerre d'Algérie", par le général Glavany - 3/4.

Publié le 19 Décembre 2009


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Barricade à Alger – 1960.

 

« L’affaire des barricades ».

 

« Le 20 janvier 1960, une courte permission me permit de regagner Paris après avoir eu, fort heureusement, le temps de prendre une douche à Alger chez mes oncle et tant Delye. Le bonheur familial du retour, pour aussi bref qu’il fut, ne se décrit pas. Durant cette permission, éclatèrent, le 24 janvier, les premières émeutes d’Alger. Joseph Ortiz, Pierre Lagaillarde, et leurs amis algérois, qui ne pouvaient admettre l’auto-détermination annoncée par le général de Gaulle, avaient bâti leur petit camp retranché dans le quartier des facultés et la 10ème D.P., une fois de plus, avait été appelée à la rescousse.

 

De retour à Alger, j’allai saluer le général Gracieux qui avait établi son PC provisoire dans une villa du haut de la ville et faisait donner le 1er REP du colonel Dufour et le 1er RCP du colonel Broizat. Je le trouvai un peu tendu, mais aussi amical qu’à l’accoutumée et j’allai rejoindre en Kabylie, sur le vrai terrain, le reste de la division aux ordres de mon cher colonel Ceccaldi.

 

Cette affaire d’Alger, petite affaire au demeurant, eut de graves conséquences. Le général Gracieux, au bout de quelques jours, avait obtenu la reddition de ces nouveaux rebelles sans effusion de sang. Mais on lui reprocha d’avoir un peu trop laissé traîner les choses et d’avoir toléré un certain degré de fraternisation entre les hommes d’Ortiz et les deux régiments. Alors, les sanctions tombèrent. Le 1er RCP nous quitta pour rejoindre la 25ème D.P. Il fut remplacé par le 9ème RCP alors commandé par un colonel presqu’aussi fameux que Bigeard, bien qu’il eut plus de réserve, le colonel Bréchignac. Mais surtout le général Gracieux dut quitter le commandement de la 10ème D.P. et ce fut une erreur impardonnable. Le général Gracieux d’un loyalisme, pour moi, au-dessus de toute crainte, avait sa division parfaitement en mains et ses officiers lui obéissaient presque aveuglément. Son absence, dix-huit mois plus tard, fit le jeu du destin. »

 

 

Bernard Saint-Hillier.

 

« En Kabylie, au moment où, enfin, la neige disparaissait, la boue séchait, les premières couleurs du printemps embellissaient les montagnes, la D.P. continua son combat. Le général Saint-Hillier en prit le commandement. Massif, ironique, gaulliste de la première heure, héros de Bir-Hakeim, Bernard Saint-Hillier était un beau soldat que j’admirais et que je servis avec plaisir. Après lui, nous rejoignit, sur nos crêtes, le commandant de Saint-Mars, ancien de la division, qui avait pris un congé pour tenter une reconversion dans les affaires mais qui n’avait pu résister à un nouvel appel des armes. C’était un homme d’une grande courtoisie, agréable camarade, soldat incontesté, dont le rôle devait être prééminent en 1961.

 

Nous eûmes aussi l’honneur de la visite de notre nouveau ministre des Armées, Pierre Messmer, qui venait de succéder à Pierre Guillaumat et qui, quelques semaines auparavant, effectuait une période auprès du 2ème REP que commandait Jacques Lefort, mon ami. Je n’aurai pas l’outrecuidance de présenter Pierre Messmer, qui fut des années durant mon voisin de Saint-Gildas de Rhuys, dans le Morbihan. Il eut l’obligeance de m’accorder à part un assez long entretien sur les problèmes aéronautiques, ce qui surprit mes camarades. Combien eut-il été utile qu’il mit les points sur les « i ».

 

Après un saut de trois jours à Paris pour recevoir la Grande Médaille d’Or de l’Aéro-club de France pour mon vol Mach 2 – le baron des Mach, disait Saint-Hillier – je revins pour démonter les tentes. Le « PC Artois » avait vécu. Nous quittâmes ces sommets le 4 avril 1960 et je ramenais mon cirque, cahin-caha, à Blida. Je venais de passer six mois inoubliables. Notre guerre continuait dans l’incertitude et l’amertume grandissante de mes camarades parachutistes. »

 

Combats à la frontière tunisienne.

 

« Nous mîmes le cap à l’est vers Guelma et la frontière tunisienne, où l’on craignait une pénétration en force de l’A.L.N. (Armée de Libération Nationale), bien abritée en Tunisie. Nous survolions en Alouette des zones interdites, sans âme qui vive, vertes et boisées, où les cerfs, les biches et les sangliers s’enfuyaient au bruit de nos voilures tournantes. Parfois, l’A.L.N. tentait, par petits groupes, un coup de main et revenait rapidement derrière la frontière. Le 16 mai 1960, la 10ème D.P. leur courut après. Ce fut au nord-est de Munier, par une belle journée de printemps et le 1er REP conduisit la chasse qui le mena très vite à la frontière et à l’accrochage. Le patron me demanda l’appui aérien et je le fis donner massivement à partir de Bône avec tous les moyens disponibles jusqu’aux B26 « Invader ». Le général X, chef du corps d’Armée, vint en hélicoptère au PC avancé et me demanda courtoisement quelques explications sur ces fumées qu’on voyait s’élever à la frontière. Je les lui donnai, il en eut l’air satisfait. Le lendemain ne fut pas pour moi un jour de fête puisque le général X m’accusait d’avoir outrepassé mes limites d’intervention, d’avoir risqué l’incident avec la Tunisie (un nouveau « Sakiet ») et exigeait à mon encontre les arrêts de rigueur. Mais « Calumet zéro » veillait. Qui était « Calumet zéro » ? C’était l’indicatif personnel bien connu du général Philippe Maurin, alors commandant du Groupement Aérien Tactique de Constantine. Il prit tout sur lui comme il savait le faire et je passai à travers les gouttes une fois de plus. »

 

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Alger 1960 - Gala de solidarité - Au centre : le général Bernard Saint-Hillier.