indochine

Publié le 20 Décembre 2013

 

Chapelle That Khe aujourd'hui

La Chapelle de That Khê… aujourd’hui.

 

S’il est bien une terre étrangère où le sang de nos compatriotes a coulé en abondance, chacun sait que c’est celle de l’ex Indochine où sont tombés près de 50.000 soldats et civils originaires de l’ensemble des pays de l’Union française…

 

Du poste isolé qui succombe à court de munitions ou de défenseurs dans un coin perdu de brousse, aux grandes batailles qui ont enseveli des bataillons entiers, les lieux susceptibles de voir s’élever des stèles perpétuant la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés pour remplir leur mission ne manquent pas…

 

Certes, le mémorial des guerres en Indochine de Fréjus a accueilli les dépouilles ayant pu être rapatriées, et une stèle a bien été élevée sur le site de Diên-Biên-Phû à l’initiative privée de l’ex légionnaire Rolf Rodel pour rappeler le souvenir de nos anciens… En revanche, s’agissant des victimes de l’embuscade du Groupement mobile 100 en juin 1954 dans la région d’Ankhé ou de celles des combats de septembre – octobre 1950 sur la Route coloniale n° 4, il n’existe malheureusement à ma connaissance au Vietnam, aucun monument ou stèle rappelant la mémoire de ceux qui ont disparu à l’occasion de ces deux catastrophes militaires, trop souvent méconnues du grand public.

 

Je n’aborderai pas ici le drame du GM 100 que je ne connais pas suffisamment, préférant me limiter à l’évocation de la RC 4 dont je viens de parcourir à mon tour à pied en compagnie de deux camarades, une partie du tracé, sans doute le plus connu, je veux parler de la portion That Khê – Dong Khê… et des environs de ces lieux. Pourquoi ce choix ? Tout simplement, parce qu’en dépit des modifications apportées au tracé de la route, malgré l’urbanisation de plus en plus marquée qui remodèle ces localités désormais entrées dans notre histoire, voire dans notre jargon militaire comme ce hameau de Coc Xa qui a donné naissance au néologisme « coxer »… le paysage, les noms, les pierres, les vieux arbres… sentent encore la poudre et « prennent aux tripes » celui qui se donne la peine de prendre un peu de temps pour méditer sur le passé…

 

Elever aujourd’hui un monument officiel sur la RC 4 à la mémoire de nos soldats constituerait assurément un projet particulièrement noble mais il me semble quelque peu irréalisable… du moins dans un proche avenir, ceci pour une raison fondamentale… Une tentative pour élever une stèle sur la RC 4 avait été bien initiée il y a quelques années mais je crois savoir que cette démarche, pourtant relayée jusqu’aux plus hautes instances du pouvoir, n’a jamais abouti ou en est encore au stade de « l’étude » pour des motifs bien évidemment davantage politiques que matériels…

 

En effet, au-delà des sourires de convenance, en dépit de l’ouverture aux visites guidées « à vocation historique » et malgré les libations communes autour du thème de « l’amitié des peuples »… cette route a été, est et restera… pour longtemps encore, un des symboles de la lutte contre le colonisateur français, aussi fort que la mise en place du drapeau Vietminh sur les demi-lunes du PC GONO de Dien-Biên-Phû… Il suffit à celui qui en douterait de comptabiliser le nombre de monuments et de cimetières élevés aux soldats Vietminh tombés lors de la bataille de la frontière de Chine, pour se convaincre que la RC 4 constitue l’acte fondateur de l’armée populaire du Vietnam. La RC 4 et Dien Bien Phû revêtent en effet pour l’armée vietnamienne la même importance que chez nous Bazeilles, Camerone, Sidi Brahim… pour la coloniale, la Légion étrangère, les chasseurs… à ceci près diraient les esprits chagrins que ce sont là des défaites …

 

Au risque de choquer le lecteur, je rajouterai presque que dans l’esprit des Vietnamiens, élever un monument à nos disparus et à tous ceux qui ont souffert sur cette « route morte » serait assimilable à l’édification d’un monument commémoratif à la gloire des soldats allemands… sur un de ces lieux de martyre que sont Tulle ou Oradour sur Glane… Alors que faire dans ces conditions ?

 

Soixante ans après le drame de la RC 4, les citadelles de Cao Bang et de That Khê sont aujourd’hui des emprises militaires vietnamiennes difficilement accessibles, la citadelle de Dong Khê, n’est plus qu’un amas de pierres dont émergent quelques constructions à la gloire des soldats vietnamiens tombés en 1950 ou plus récemment lors de la guerre sino-vietnamienne de 1979… Le pont Bascou, porte d’entrée au col de Loung Phaï a disparu… L’ancien nid d’aigle du capitaine Mattei sur Na Cham est désormais perdu sous la végétation et les constructions, les forts de Lang Son élevés lors de la conquête du Tonkin ne sont plus que des ruines…

 

Force est donc de constater que le seul témoin encore visible de cette période sombre est la chapelle de That Khê qui elle, en revanche, a su résister au passage du temps… mais aussi à l’action des hommes comme l’attestent les multiples impacts qui constellent les murs extérieurs de cet édifice, stigmates de la guerre sino-vietnamienne de 1979… Me gardant bien de refaire l’historique du drame de la RC 4 que chacun d’entre nous connaît, je souhaiterais quand même rappeler qu’à l’issue du repli français avorté de Cao Bang, marqué par l’anéantissement des colonnes Lepage et Charton, nombre de nos soldats blessés ont été provisoirement hébergés en ce lieu, transformé pour la circonstance en infirmerie de fortune… avant de partir pour l’oubli derrière le rideau de bambou… Que l’on ait ou pas l’âme religieuse, il n’en demeure pas moins que pénétrer dans ce bâtiment revient à faire un saut dans le passé car tout ou presque y est resté dans l’état d’autrefois… Que ce soient l’autel, les bancs des fidèles, les gravures aux murs… tout ou presque est d’époque… un peu comme si le temps s’était arrêté en ce lieu où beaucoup de nos soldats se sont éteints ou ont agonisé en attendant une hypothétique évacuation aérienne vers Hanoï…

 

Compte tenu de l’impossibilité d’élever un monument à la mémoire de tous ceux, comme l’a écrit le docteur Serge Desbois , « dont la vie s’est arrêtée, un jour de l’automne 1950, sur les bords de la Route coloniale n° 4 », pourquoi ne pas saisir dans ces conditions l’opportunité de réhabiliter cette chapelle, véritable « cheval de Troie » du devoir de mémoire… Un projet de réhabilitation existe actuellement, relayé notamment par monsieur Thierry Servot-Viguier que l’on peut consulter sur internet.

 

Aux dernières nouvelles, l’église vietnamienne, en l’occurrence l’évêché de Lang Son, serait d’accord pour réhabiliter ce lieu sous réserve d’un financement français mais le devis (30.000 euros) fourni par l’évêché semble excessif… En outre l’utilisation des crédits risque de manquer de transparence…

 

Sous réserve d’une diminution du montant et d’un contrôle des travaux, la réhabilitation de cette chapelle constituerait une bonne opportunité pour tourner la réticence vietnamienne à nous laisser commémorer notre passé militaire et le souvenir de ceux qui sont tombés sur la frontière de Chine… tout en leur laissant sauver les apparences… donnée essentielle s’il en est en Asie…

 

 

 

Colonel (er) Jean Luc Martin

 

Sources:

 

Ce texte du colonel Martin, a été publié avec l’aimable autorisation de la Délégation du Souvenir Français de Chine (nous remercions son Délégué général, notre ami Claude R. Jaeck).

Chapelle That Khe 2

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 23 Novembre 2013

  Saigon 1941 - Entrée des troupes japonaises

 

Saigon : les Japonais entrent dans la ville.

 

Ascendance prestigieuse.

 

Personnages importants de la société française en Indochine, les frères Schneider occupent une place de premier plan dans le monde de l’édition à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème. François-Henri nait en 1852. Ce dernier arrive de France en 1883 alors qu’il vient d’être promu au grade d’Agent de 1ère classe, Chef d’atelier de l’Imprimerie coloniale du Protectorat à Saigon. Deux années plus tard, il développe une imprimerie indépendante, mais reprend à son compte les travaux de son premier employeur. Moins de dix ans après son arrivée, François-Henri Schneider compte près de 160 employés au sein de sa société : l’Imprimerie de l’Extrême-Orient.

 

En 1892, il fait venir son frère, Ernest-Hyppolite – né en 1843 – pour lui confier la gestion d’une fabrique de papier qu’il vient d’ouvrir à Hanoi. François-Henri s’est en effet aperçu que l’on peut tirer un excellent papier à partir de bambous et, de fait, avec son frère, organise une véritable filière : de la production, à l’impression, en passant par la vente d’articles de papeterie. Bientôt, les frères Schneider siègent à la Chambre de Commerce et au Conseil municipal d’Hanoi. A contrario d’un bon nombre d’entrepreneurs coloniaux, François-Henri Schneider semble particulièrement apprécié de ses collaborateurs et de son milieu professionnel. En 1923 – soit deux années après sa mort – des Vietnamiens lettrés édifient une statue commémorative à sa mémoire, à Daï-Ich, au Tonkin.

 

Outre les bulletins de l’Ecole française d’Extrême-Orient d’archéologie, François-Henri Schneider édite des auteurs français d’Indochine, connus en leur temps, comme Pierre-Gabriel Vallot, Gustave Dumoutier ou encore Alfred Raquez et il imprime le Journal Officiel de l’Indochine. Parallèlement, il lance la Revue indochinoise et créé L’Avenir du Tonkin, premier quotidien à paraître en vietnamien à Hanoi. Proche des milieux politiques pro-français, François-Henri Schneider aide le journaliste et écrivain Henry Chavigny de la Chevrotière à publier ses œuvres et son journal, La Dépêche, qui deviendra le quotidien le plus lu de Cochinchine et de sa capitale, Saigon.

 

Henry Chavigny de la Chevrotière est également connu pour ses prises de position contre André Malraux. Le futur ministre de la Culture du général de Gaulle est à l’époque un voyageur et écrivain remarqué, mais aussi condamné : au retour d’un premier voyage en Indochine, il s’est fait prendre à la frontière ayant dans ses bagages près de huit cent kilos de statues et des bas-reliefs arrachés à Angkor. De plus, ses amitiés communistes en font une cible privilégiée pour la Chevrotière, qui lui-même mourra pour ses idées et ses convictions en 1952, assassiné par le Vietminh.

 

Alors qu’il est déjà avancé en âge, François-Henri Schneider épouse la jeune sœur d’Henry Chavigny de la Chevrotière. De cette union naissent quatre enfants, dont la mère de Jean-Pierre Jaillon, Denise Schneider.

 

Jean-Pierre Jaillon : «Je n’ai malheureusement connu ni connu mon grand-père, Monsieur Schneider, ni ma grand-mère, Henrilia Chavigny, décédée en 1914, l’unique sœur du journaliste, qui repose à La Thieu. Ma mère épousa à la fin des années 1930 Monsieur Robert Jaillon – originaire de Nancy – qui s’occupait d’une plantation de café aux Collines Rouges des hautes terres du Tonkin. Son travail l’amena à voyager dans toute la péninsule indochinoise, et avec ma mère nous le suivîmes ! La vie en Indochine à cette époque – et avec le regard d’un enfant – me paraissait paradisiaque. N’allez pas croire que nous étions englués dans une quelconque société française colonialiste refermée sur elle-même. Je passai mes journées à jouer avec de petits Annamites. Et comme d’habitude, les choses sont bien plus complexes qu’on ne veut bien l’admettre, surtout si l’on considère les événements d’Indochine avec une réflexion a posteriori. Ainsi, même dans les familles françaises, « blanches » pour être très clair, les débats faisaient rage entre les tenants d’une colonisation jusqu’au-boutiste et les partisans d’une émancipation, voire d’une liberté totale du peuple vietnamien. Et c’était sans compter les familles au sein desquelles parfois des hommes avaient épousé de jeunes femmes vietnamiennes.

 

 

Le coup de force des Japonais.

 

Présents depuis 1940, les Japonais n’ont que de faibles garnisons dans la péninsule. Ils se sont organisés avec les représentants locaux du Gouvernement de Vichy pour tirer les ficelles du pouvoir en maintenant un semblant d’autorité française. Les données changent en février 1945 quand en France, la victoire acquise, il est question de recouvrer la pleine et entière souveraineté sur les territoires coloniaux encore entre les mains de l’ennemi. Au premier jour de la fête du Têt, le 15 février 1945, le général de Gaulle déclare : « La France fera du développement politique, économique social et culturel de l’Union indochinoise l’un des buts principaux de son activité dans sa puissance renaissante et dans sa grandeur retrouvée ».

 

Le 9 mars 1945, les Japonais, qui se sont considérablement renforcés depuis quelques mois, attaquent toutes les garnisons françaises en Indochine. A Hanoi, Lang Son, Hué ou encore à Saigon, des milliers de Français sont passés par les armes – souvent décapités – qu’ils soient soldats, officiers ou civils. Qu’ils soient des hommes, des femmes ou des enfants. Des récits horribles, par dizaines, racontent ces journées terribles. Il y eut aussi des miracles comme celle de l’infirmier Cron qui survivra au coup de sabre qui lui entamé le cou et les cervicales mais sans totalement détaché la tête…

 

Jean-Pierre Jaillon : « En mars 1945, nous vécûmes des journées atroces au moment de l’occupation japonaise. L’envahisseur était présent depuis plusieurs années déjà, mais s’en tenait aux casernes, les ports et les aéroports où les soldats étaient somme toute assez discrets. La Gendarmerie japonaise était en face de notre maison à Saigon. D’étranges « infirmiers » venaient en « griller une » juste devant ma porte, entre deux drôles de soins qu’ils réservaient essentiellement aux Chinois d’Indochine. Il convient cependant d’ajouter qu’ils se dérangèrent quand le « comité d’assassinat » Binh Xuyen vint essayer de fracasser nos solides volets, à travers lesquels je pus observer d’ailleurs la première manifestation anti-française, ordonnée par le Vietminh. Des hordes de Vietnamiens passèrent dans la rue, avec des camions, bourrés à craquer d’ex-prisonniers du bagne de Poulo Condor. Ils hurlaient, brandissaient des armes. D’autres hommes en armes tentaient de ramener un semblant d’ordre. J’appris plus tard qu’ils avaient une mission pour le moins terrible : l’assassinat du Père Tricoire, de la cathédrale de Saigon ; épisode qui devait marquer le début de la Guerre d’Indochine.

 

Du jour au lendemain, nous vîmes de plus en plus de Japonais dans les rues. Les arrestations se multiplièrent. Quiconque cherchait à résister était abattu sur place, sans sommation, sans explication. Et nous avons découvert ce qui était pour nous insoupçonnable : globalement – encore une fois avec mon regard de jeune enfant – les Vietnamiens se comportaient bien avec les Français. Mais ce que nous pensions être une amitié certaine n’était que crainte. Du moment où les Japonais démontrèrent que nos soldats étaient facilement battables, nous vîmes dans leur attitude que cette amitié – cette crainte – avait disparu. Le temps de la « courbure d’échine », si je puis dire, était terminé. Les Japonais nous firent prisonniers pendant quelques jours.

 

Enfin, les premiers soldats français arrivèrent en provenance de métropole. Nous allions être libérés. Je me souviens parfaitement avoir été sauvé par des parachutistes. Et ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que je retrouvai certains de ces paras quelques quinze ans plus tard, alors que j’étais appelé du contingent en Algérie.

 

En septembre 1946 ; j’ai vu Henry Chavigny de la Chevrotière. Il était venu signer des papiers à la maison, et furieux de notre départ, son regard a croisé en une fraction de seconde le mien, dans une sorte d’interrogation mutuelle. Il était en tenue de cavalier, et son accoutrement était bien différent de ce que j’avais l’habitude de voir à la maison : nos domestiques, mais aussi des rescapés et prisonniers hollandais (dont je trouvais le premier caché dans un arbre), des soldats anglais, puis des Français, fraîchement débarqués et en transit pour se rendre sur le front, contre les « terroristes ».

 

En 1946 donc, nous avons pris le bateau à Saigon et nous nous sommes installés à Paris – rue de Saigon, comme un pied de nez de ma mère à sa famille restée là-bas – et j’ai terminé ma scolarité. Par la suite, j’ai fait carrière dans l’industrie pétrolière, aux achats chez Exxon-Mobil, et j’ai fondé une famille. Et je me suis installé à Coutances, dans le département de la Manche. Le climat est relativement doux et humide. Ce qui permet d’avoir une végétation luxuriante avec des palmiers et des plantes exotiques ! Et les côtes du Cotentin me rappellent celles de mon Vietnam natal…

 

Quant à mon grand-oncle, nous avons su son destin. Nous apprîmes son assassinat le 12 janvier 1951. Les restes d’Henry Chavigny de la Chevrotière furent rapatriés par la suite en France. Un fait est avéré : la très grande partie des Français qui sont morts en Indochine, qu’ils soient civils ou militaires – quand on a retrouvé les corps pour ces derniers – ne sont pas restés en Indochine ».

 

 

Le drame des sépultures françaises en Indochine.

 

Le 28 décembre 1993, le journaliste et écrivain Michel Tauriac a publié un remarquable article dans le journal Le Figaro sur la disparition des restes des Françaises et des Français inhumés en Indochine pendant la colonisation. Il est vrai que la République française, via le ministère des Affaires étrangères en collaboration avec les services de l’armée, avait procédé en 1986 et 1987, autant que possible, au rapatriement de ces enfants de l’ancien empire colonial.

 

Pour autant, dans plusieurs endroits du Vietnam, comme à Laï Thieu, à 25 km au nord de Saigon, des restes de milliers de Français ont été placés dans de petites urnes et laissées à l’abandon. Michel Tauriac : « Sont posées là, de chaque côté de ce couloir sans fenêtre ni éclairage, ces pauvres urnes d’argile au couvercle souvent entrebâillé, les unes sur une tablette de béton fixée au mur, les autres par terre. Certaines sont cassées et leur contenu, composé de cendres, d’ossements et de terre craque sous les semelles au milieu des tessons… Jetés au hasard, quelques menus bouquets de fleurs desséchées dans leur papier transparent, rappellent une cérémonie lointaine. »

 

  

Sources :

 

Entretiens avec Jean-Pierre Jaillon, 2010-2011.

Jacques de la Chevrotière : Les Chavigny de la Chevrotière en Nouvelle-France, à la Martinique.

Georges Fleury, La Guerre en Indochine, Perrin, 2000.

Recherches dans les archives des Bulletins de l’Ecole français d’Extrême-Orient d’archéologie.

Recherches biographiques André Malraux.

Recherches sur l’histoire de la presse française en Indochine.

Extraits du journal Le Figaro du 28 décembre 1993.

 

www.wikipedia.org/fr

www.myheritage.com

http://alain.j.schneider.free.fr/schneider_vietnam.htm

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 28 Août 2013

 

Denoix de St Marc - 2eme CIPLE

Indochine 1952 : le capitaine Elie Denoix de Saint-Marc à la tête de la Compagnie Indochinoise de Parachutistes de la Légion Etrangère du 2ème BEP.

 

 

Hélie de Saint Marc, qui vient de mourir, connut un destin exceptionnel. Ne serait-ce que parce qu'au cours de sa longue vie il fut successivement l'homme de l'humiliation, de l'engagement, de la proscription avant d'être finalement réhabilité.

 

Humiliation: au printemps 1940, un adolescent assiste à Bordeaux à l'arrivée de l'armée française en déroute. Peu après, il entre dans la Résistance, décide de gagner l'Espagne, avant d'être arrêté dans les Pyrénées et déporté en Allemagne, au redoutable camp de travail de Langenstein.

 

Engagement: en 1945, un rescapé mal à l'aise dans la France de la Libération délaisse le statut que peut lui conférer son passé incontestable de résistant déporté, pour endosser la défroque mal taillée d'officier de la Légion étrangère. Avec l'armée française, il plonge dans une guerre incertaine en Indochine.

 

Proscription: en avril 1961, le commandant en second du 1er REP choisit la sédition pour protester contre la politique algérienne du général de Gaulle. Après l'échec du putsch, il connaît la prison.

Réhabilitation: longtemps, Hélie de Saint Marc reste silencieux, muré dans ses souffrances, acceptant son manteau de paria. Jusqu'à ce que l'amitié quasi paternelle qu'il porte à son neveu, l'éditeur Laurent Beccaria, le pousse à accepter de témoigner.

 

En 1989, Hélie Denoix de Saint Marc témoigne dans l'émission Apostrophes en 1989, après la sortie de sa biographie.

 

L'ancien officier, sorti de prison en 1966, qui vit paisiblement à Lyon, en pratiquant avec bonheur l'art d'être grand-père, devient en quelques livres l'icône d'un pays en mal de références.

 

Un mélange de tradition et de liberté

 

Hélie Denoix de Saint Marc incarnait la grandeur et la servitude de la vie militaire. De tout, il tirait des leçons de vie. Il relatait des faits d'armes oubliés, décrivait des héros inconnus. Il avait fait du Letton qui lui avait sauvé la vie à Langenstein, de son frère d'armes l'adjudant Bonnin mort en Indochine, du lieutenant Yves Schoen, son beau-frère, de Jacques Morin, son camarade de la Légion, des seigneurs et des héros à l'égal d'un Lyautey, d'un Bournazel, d'un Brazza. Au fil de souvenirs élégamment ciselés, il dessinait une autre histoire de France, plus humaine, plus compréhensible que celle des manuels scolaires.

 

Écouter ou lire Saint Marc, c'était voir passer, par la grâce de sa voix étonnamment expressive et de sa plume sensible et claire, une existence riche et intense.

 

Né en 1922, Hélie Denoix de Saint Marc était un fruit de la société bordelaise de l'avant-guerre, et de l'éducation jésuite. Il avait été élevé dans un mélange de tradition et de liberté (n'est-ce pas le directeur de son collège qui l'avait poussé à entrer dans le réseau Jade-Amicol?). De sa vie dans les camps, de son expérience de l'inhumanité, de ses séjours en Indochine, puis en Algérie, il faisait le récit sobre et émouvant, jusqu'aux larmes. Et de son geste de rébellion, il parlait toujours avec retenue, mezza voce, comme s'il était encore hanté par les conséquences de celui-ci.

Ses milliers de lecteurs, ses admirateurs, tous ceux qui se pressaient à ses conférences, aimaient en lui ceci: par son histoire se retrouvaient et se réconciliaient plusieurs France: celle de la Résistance, celle de la démocratie chrétienne et celle de l'Algérie française. Aux diverses phases de son existence, Saint Marc avait su donner une unité, en martelant: «Il n'y a pas d'actes isolés. Tout se tient.» C'était un être profond qui cherchait davantage à comprendre qu'à condamner. D'une conversation avec lui, on tirait toujours quelque chose sur soi-même, sur ses passions, ses tentations ou ses errements.

 

Cortège d'horreur, d'héroïsme et de dilemmes

 

La grande leçon qu'administrait Saint Marc, c'était que le destin d'un homme - et plus largement celui d'un pays - ne se limite pas à une joute entre un Bien et un Mal, un vainqueur et un vaincu. Il avait comme personne connu et subi la guerre, avec son cortège d'horreur, d'héroïsme et de dilemmes: en Indochine, que faire des partisans auxquels l'armée française avait promis assistance, maintenant qu'elle pliait bagage? En Algérie, que dire à ses hommes en opération, alors que le gouvernement avait choisi de négocier avec le FLN?

 

Son parcours chaotique, abîmé, toujours en quête de sens, n'avait en rien altéré sa personnalité complexe et attachante qui faisait de lui un homme de bonne compagnie et lui valait des fidélités en provenance des horizons les plus divers.

 

L'une d'elles, parmi les plus inattendues (et, au fond, des plus bouleversantes), s'était nouée il y a une dizaine d'années avec l'écrivain et journaliste allemand August von Kageneck. Cet ancien officier de la Wehrmacht avait demandé à s'entretenir avec son homologue français. Leur conversation, parsemée d'aveux et de miséricorde, devint un livre, Notre histoire (2002). Kageneck était mort peu de temps après, comme si avoir reçu le salut (et pour ainsi dire l'absolution) d'un fraternel adversaire l'avait apaisé pour l'éternité. Sa photo en uniforme de lieutenant de panzers était dans le bureau de Saint Marc, à côté de celle de sa mère, qu'il vénérait.

 

Rien d'un ancien combattant

 

D'autres admirations pouvaient s'exprimer dans le secret. Ce fut le cas dès son procès, où le commandant de Saint Marc suscita la curiosité des observateurs en se démarquant du profil convenu du «réprouvé». Des intellectuels comme Jean Daniel, Jean d’Ormesson, Régine Deforges, Gilles Perrault, un écrivain comme François Nourissier lui témoignèrent leur estime. Se souvient-on que ses Mémoires, Les Champs de braises, furent couronnés en 1996 par le Femina essai, prix décerné par un jury de romancières a priori peu sensibles au charme noir des traîneurs de sabre?

 

En novembre 2011, Hélie de Saint Marc fut fait grand-croix de la Légion d'honneur par le président de la République. Dans la cour des Invalides, par une matinée glaciale, le vieil homme recru d'épreuves et cerné par la maladie reçut cette récompense debout, des mains de Nicolas Sarkozy. Justice lui était faite. Commentant cette cérémonie, il disait d'une voix où perçait une modestie un brin persifleuse: «La Légion d'honneur, on me l'a donnée, on me l'a reprise, on me l'a rendue…»

 

À ces hommages s'ajoutèrent au fil des ans les nombreux signes de bienveillance de l'institution militaire (notamment grâce à une nouvelle génération d'officiers libérée des cas de conscience qui entravaient leurs aînés), qui furent comme un baume au cœur de cet homme qui prenait tout avec une apparente distance, dissimulant sa sensibilité derrière l'humour et la politesse.

 

Histoire authentique ou apocryphe, il se raconte qu'un jour l'ex-commandant de Saint Marc avait été accosté par une admiratrice qui lui avait glissé: «Je suis fière d'habiter la France, ce pays qui permet à un ancien putschiste de présider le Conseil d'État.» La bonne dame confondait Hélie avec son neveu Renaud (aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel). Cette anecdote recèle quelque vérité. La France contemporaine l'avait pleinement adopté, ayant compris que cet homme lui ressemblait, avec ses engagements heureux ou tragiques, ses zones d'ombre, ses chagrins et ses silences.

 

Hélie de Saint Marc n'avait rien d'un «ancien combattant». S'il avait insolemment placardé à la porte de son bureau le mandat d'arrêt délivré contre lui en mai 1961, il parlait de ceux qui avaient été ses adversaires avec mansuétude. Quand un article lui était consacré dans Le Figaro, il ne manquait jamais de demander à son auteur, avec ironie: «Avez-vous eu une réaction des gaullistes?» Son épouse, Manette, et leurs quatre filles s'attachaient à lui faire mener une vie tournée vers l'avenir. Il n'était pas du genre à raconter ses guerres, s'enquérant plutôt de la vie de ses amis, les pressant de questions sur le monde moderne, ses problèmes, ses défis. Ce vieux soldat bardé d'expériences comme d'autres le sont de diplômes n'avait jamais renoncé à scruter son époque pour la rendre un tant soit peu plus intelligible.

 

Énigme insondable

 

L'existence humaine restait pour lui une énigme insondable. À Buchenwald, Saint Marc avait laissé la foi de son enfance. L'éclatement de tout ce qui avait été le socle de son éducation l'avait laissé groggy. Une vie de plus de quatre-vingt-dix ans n'avait pas suffi pour reconstituer entièrement un capital de joie et d'espérance. C'était un être profondément inquiet, qui confessait que sa foi se résumait à une minute de certitude pour cinquante-neuf de doute. Le mal, la souffrance, le handicap d'un enfant, ces mystères douloureux le laissaient sans voix.

Attendant la fin, il confiait récemment avec un détachement de vieux sage: «La semaine dernière, la mort est encore passée tout près de moi. Je l'ai tout de suite reconnue: nous nous sommes si souvent rencontrés.»

 

 

 

Etienne de Montety – Le Figaro – Le 26 août 2013.

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 2 Novembre 2012

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Soldats du 1er bataillon Muong s’asseyant au mortier.

 

Incorporer des troupes locales.

 

Dès le début de la guerre d’Indochine se pose un double problème : faire face au manque d’effectifs et impliquer les populations locales pour, entre autres, bénéficier de leurs connaissances. Le général Leclerc fait donc appel en 1946 aux Indochinois et propose d’en incorporer dans le cadre du CEFEO : Corps Expéditionnaire Français d’Extrême-Orient.

 

Ainsi, des milliers d’hommes, venant principalement des minorités ethniques des montagnes du Tonkin, hostiles aux visées des partisans communistes, s’enrôlent dans cette armée française, et forment des Compagnies de Supplétifs Militaires. Ce ne sont pas les seuls coloniaux, car ils y retrouvent des Algériens, des Marocains et des Sénégalais.

 

Arrivé à la fin de l’année 1950, le général de Lattre de Tassigny théorise le concept et, en accord avec les autorités locales, monte une armée vietnamienne et des bataillons dans toutes les armes pour appuyer le CEFEO et doter le pays d’une force qui lui est propre.

 

Peuple des montagnes.

 

Les Muongs représentent la plus importante des 53 minorités ethniques reconnues aujourd’hui dans le cadre de la population du Vietnam. Ils sont environ 1,2 millions. Proches du peuple Thaï, ils ont subit l’influence des Chinois, que ce soit dans leurs coutumes ou dans leurs langues. Ils vivent dans les montagnes du nord du Vietnam, à l’ouest d’Hanoi, dans les provinces d’Hoa-Binh et de Thanh Hoa.

 

A l’époque, et c’est bien souvent le cas encore, ces minorités sont exclues des milieux d’affaires et des centres de décision de l’Indochine. Non pas particulièrement par les Européens, mais plutôt par le peuple vietnamien, habitant les plaines et les côtes du pays. Une haine s’est ainsi développée entre ces deux peuples au cours des siècles.

 

Aussi, leur incorporation aux côtés des troupes françaises s’en trouve facilitée.

 

Les bataillons Muong.

 

Reprenant les idées du général Leclerc, le général Alessandri – il est alors commandant en chef des forces en Extrême-Orient – propose un premier statut d’autonomie pour les Muongs. Il s’inspire du modèle retenu pour les Thaïs, autre peuple des montagnes du Tonkin. Dans un premier temps, il s’agit de rassembler des hommes, de leur confier un fusil – pas à tous – et de bénéficier, pour une solde moindre par rapport aux soldats de la métropole et aux autres coloniaux, de toutes les connaissances de ces hommes sur leur propre territoire.

 

Puis, le 1er mars 1950, le général Vanuxem – bientôt proche collaborateur du général de Lattre de Tassigny – créé le bataillon Muong. Une année plus tard, l’unité devient le 1er bataillon Muong et un 2ème bataillon est à son tour créé le 6 avril 1951.

 

Le 1er opère à Xom-Giam, Dao-Tu, et surtout à Vinh-Yen lors de la grande victoire du général. L’unité attaque un village à la baïonnette et après avoir mené de très durs combats, revient dans les lignes françaises en ramenant le corps de l’un de ses commandants de compagnie. Par la suite, il intervient dans la région de Hoa-Binh et libère celle de Bich-Du (Tonkin). Après la chute du camp retranché de Diên-Biên-Phù, le bataillon est dissous le 11 août 1954.

 

Quant au 2ème, il se signale à Phat Diem, Tri Le et également Bich Du. Le 24 décembre 1952, l’unité attaque le village de Nghi Xa. Les combats de ne cessent de la journée et de la nuit. Ils vont jusqu’au corps à corps. Au lendemain, le 2ème se reforme à l’arrière. A l’Etat-major on apprend qu’il a, à lui tout seul, stoppé puis anéanti l’équivalent d’un bataillon vietminh. Plus tard, fort de cette réputation, le 2ème est dissous pour devenir 73ème bataillon de l’Armée nationale vietnamienne.

 

Les soldats Muongs sont particulièrement efficaces dans leur région d’origine et ils permettent bien souvent de repérer avant tout le monde la présence des forces du Vietminh. Ce sont des éclaireurs de premier ordre. Ils savent approcher l’ennemi sans se faire repérer. Ils connaissent chaque parcelle du district d’Hoa-Binh. C’est évidemment moins le cas lorsqu’il s’agit pour eux de faire la guerre loin de leur territoire et selon des conventions qui sont imposées par certains officiers, pour qui « il n’est de guerre que celle qui est enseignée à Saint-Cyr ! ».

 

 

1er Muong- de Lattre

 

Le fanion du 1er Bataillon Muong est décoré par le général de Lattre de Tassigny après la bataille de Vinh Yen (document ECPAD).

 

Les combats de Décembre 1953.

 

Emile Maurice Magnaval nait le 5 juin 1920 dans le 15ème arrondissement de Paris. Habitant Issy-les-Moulineaux, il s’engage dans l’armée par un bureau de recrutement du département de la Seine. Puis, il suit une école d’officier et, volontaire pour l’Indochine, fait son apprentissage dans le 1er bataillon Muong, alors basé au Tonkin.

 

Novembre 1953. L’Etat-major du CEFEO est entièrement tourné vers son objectif de l’Opération Castor : attirer un maximum de régiments du Vietminh dans la cuvette de Diên-Biên-Phù pour les battre, et faire plier définitivement l’armée du général Giap et d’Hô Chi Minh. Pour autant, partout au Tonkin, des combats sporadiques et des embuscades subsistent. Dans la région de Ninh Binh par exemple, située à quelques 300 kilomètres au sud d’Hanoi.

 

Ainsi, à la tête de sa compagnie, Emile Magnaval trouve la mort au front, le 18 décembre 1953, entre Nam Than et Nam Buang. Après la défaite de Diên-Biên-Phù – 7 mai 1954 – et les accords de Genève, les Français survivants des camps du Vietminh sont libérés courant septembre de la même année. Beaucoup de corps sont rapatriés en métropole. C’est le cas d’Emile Magnaval, dont les restes reposent dans la crypte se trouvant sous le monument aux morts du cimetière municipal.

 

Il est à noter qu’Emile Magnaval avait également des attaches à Courbevoie, car son nom figure sur le monument aux morts de cette commune.

 

  1er bataillon muong

 

Soldats du 1er Bataillon Muong.

 

Sources :

 

 

  • - Patrice Gélinet, émission de France Inter 2000 ans d’Histoire : Indochine 1945-1954, histoire d’une guerre oubliée.
  • - Général Bigeard, Ma vie pour la France, Ed. du Rocher, 2010.
  • - Georges Fleury, La guerre en Indochine, Tempus, Perrin, 2003 et Nous, les combattants d’Indochine, Bourin Editeur, 2011.
  • - Michel Bodin, Dictionnaire de la guerre d’Indochine, 1945-1954, Economica, 2004.
  • - Michel Bodin, La France et ses soldats, Indochine 1945-1954.
  • - Gérard Brett, Les supplétifs en Indochine, L’Harmattan, 1996.
  • - Site de l’association des Anciens combattants et des Amis de l’Indochine : www.anai-asso.org (dont article écrit par le colonel Maurice Rives).
  • - Bibliothèque et photothèque de l’ECPAD.

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 23 Février 2012

 
De la Chevrotiere - 1930
 
Henry Chavigny de la Chevrotière, dans les années 1930.
 
     

Au mois de novembre 2009, le Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux avait publié un article sur le journaliste Henry Chavigny de la Chevrotière, dont le nom orne le monument aux morts de la ville (section Extrême-Orient). Nous avions terminé cette publication par ces mots : « Une seule question subsiste : pourquoi le nom d’Henry Chavigny de la Chevrotière se trouve-t-il sur le monument aux morts de la ville d’Issy-les-Moulineaux ? »

 

A la suite de cet article, Monsieur Jean-Pierre Jaillon a pris contact avec notre Comité pour évoquer longuement son aïeul et son enfance en Indochine.

 

 

Les frères Schneider.

 

Personnages importants de la société française en Indochine, les frères Schneider occupent une place de premier plan dans le monde de l’édition à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème. François-Henri nait en 1852. Ce dernier arrive de France en 1883 alors qu’il vient d’être promu au grade d’Agent de 1ère classe, Chef d’atelier de l’Imprimerie coloniale du Protectorat à Saigon. Deux années plus tard, il développe une imprimerie indépendante, mais reprend à son compte les travaux de son premier employeur. Moins de dix ans après son arrivée, François-Henri Schneider compte près de 160 employés au sein de sa société : l’Imprimerie de l’Extrême-Orient.

 

En 1892, il fait venir son frère, Ernest-Hyppolite – né en 1843 – pour lui confier la gestion d’une fabrique de papier qu’il vient d’ouvrir à Hanoi. François-Henri s’est en effet aperçu que l’on peut tirer un excellent papier à partir de bambous et, de fait, avec son frère, organise une véritable filière : de la production, à l’impression, en passant par la vente d’articles de papeterie. Bientôt, les frères Schneider siègent à la Chambre de Commerce et au Conseil municipal d’Hanoi. A contrario d’un bon nombre d’entrepreneurs coloniaux, François-Henri Schneider semble particulièrement apprécié de ses collaborateurs et de son milieu professionnel. En 1923 – soit deux années après sa mort – des Vietnamiens lettrés édifient une statue commémorative à sa mémoire, à Daï-Ich, au Tonkin.

 

Outre les bulletins de l’Ecole française d’Extrême-Orient d’archéologie, François-Henri Schneider édite des auteurs français d’Indochine, connus en leur temps, comme Pierre-Gabriel Vallot, Gustave Dumoutier ou encore Alfred Raquez et il imprime le Journal Officiel de l’Indochine. Parallèlement, il lance la Revue indochinoise et créé L’Avenir du Tonkin, premier quotidien à paraître en vietnamien à Hanoi. Proche des milieux politiques et pro-français, François-Henri Schneider aide le journaliste et écrivain Henry Chavigny de la Chevrotière à publier ses œuvres et son journal, La Dépêche, qui deviendra le quotidien le plus lu de Cochinchine et de sa capitale, Saigon.

 

 

Remariage.

 

Alors qu’il est déjà avancé en âge, François-Henri Schneider épouse la jeune sœur d’Henry Chavigny de la Chevrotière. De cette union naissent quatre enfants, dont la mère de Jean-Pierre Jaillon, Denise Schneider.

 

Jean-Pierre Jaillon : «Je n’ai malheureusement connu ni connu mon grand-père, Monsieur Schneider, ni ma grand-mère, Henrilia Chavigny, décédée en 1914, l’unique sœur du journaliste, qui repose à La Thieu. Ma mère épousa à la fin des années 1930 Monsieur Robert Jaillon – originaire de Nancy – qui s’occupait d’une plantation de café aux Collines Rouges des hautes terres du Tonkin. Son travail l’amena à voyager dans toute la péninsule indochinoise, et avec ma mère nous le suivîmes ! La vie en Indochine à cette époque – et avec le regard d’un enfant – me paraissait paradisiaque. N’allez pas croire que nous étions englués dans une quelconque société française colonialiste refermée sur elle-même. Je passai mes journées à jouer avec de petits Annamites. Et comme d’habitude, les choses sont bien plus complexes qu’on ne veut bien l’admettre, surtout si l’on considère les événements d’Indochine avec une réflexion a posteriori. Ainsi, même dans les familles françaises, « blanches » pour être très clair, les débats faisaient rage entre les tenants d’une colonisation jusqu’au-boutiste et les partisans d’une émancipation, voire d’une liberté totale du peuple vietnamien. Et c’était sans compter les familles au sein desquelles parfois des hommes avaient épousé de jeunes femmes vietnamiennes.

 

Si je n’ai pas connu François-Henri Schneider, il n’en est pas de même d’Henry Chavigny de la Chevrotière. Je l’ai vu – une seule fois – juste avant notre départ en septembre 1946 pour l’Ile de France. Il était venu signer des papiers à la maison, et furieux de notre départ, son regard a croisé en une fraction de seconde le mien, dans une sorte d’interrogation mutuelle. Il était en tenue de cavalier, et son accoutrement était bien différent de ce que j’avais l’habitude de voir à la maison : nos domestiques, mais aussi des rescapés et prisonniers hollandais (dont je trouvais le premier caché dans un arbre), des soldats anglais, puis des Français, fraîchement débarqués et en transit pour se rendre sur le front, contre les « terroristes ».

 

En mars 1945, nous vécûmes des journées atroces au moment de l’occupation japonaise. L’envahisseur était présent depuis plusieurs années déjà, mais s’en tenait aux casernes, les ports et les aéroports où les soldats étaient somme toute assez discrets. La Gendarmerie japonaise était en face de notre maison à Saigon. D’étranges « infirmiers » venaient en « griller une » juste devant ma porte, entre deux drôles de soins qu’ils réservaient essentiellement aux Chinois d’Indochine. Il convient cependant d’ajouter qu’ils se dérangèrent quand le « comité d’assassinat » Binh Xuyen vint essayer de fracasser nos solides volets, à travers lesquels je pus observer d’ailleurs la première manifestation anti-française, ordonnée par le Vietminh. Des hordes de Vietnamiens passèrent dans la rue, avec des camions, bourrés à craquer d’ex-prisonniers du bagne de Poulo Condor. Ils hurlaient, brandissaient des armes. D’autres hommes en armes tentaient de ramener un semblant d’ordre. J’appris plus tard qu’ils avaient une mission pour le moins terrible : l’assassinat du Père Tricoire, de la cathédrale de Saigon ; épisode qui devait marquer le début de la Guerre d’Indochine ».

 

 

Le départ.

 

« Du jour au lendemain, nous vîmes de plus en plus de Japonais dans les rues. Les arrestations se multiplièrent. Quiconque cherchait à résister était abattu sur place, sans sommation, sans explication. Et nous avons découvert ce qui était pour nous insoupçonnable : globalement – encore une fois avec mon regard de jeune enfant – les Vietnamiens se comportaient bien avec les Français. Mais ce que nous pensions être une amitié certaine n’était que crainte. Du moment où les Japonais démontrèrent que nos soldats étaient facilement battables, nous vîmes dans leur attitude que cette amitié – cette crainte – avait disparu. Le temps de la « courbure d’échine », si je puis dire, était terminé. Les Japonais nous firent prisonniers pendant quelques jours.

 

Enfin, les premiers soldats français arrivèrent en provenance de métropole. Nous allions être libérés. Je me souviens parfaitement avoir été sauvé par des parachutistes. Et ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que je retrouvai certains de ces paras quelques quinze ans plus tard, alors que j’étais appelé du contingent en Algérie.

 

En 1946, ce fut le déchirement. Nous avons dû quitter l’Indochine. Nous nous sommes installés à Paris – rue de Saigon, comme un pied de nez de ma mère à sa famille restée là-bas – et j’ai terminé ma scolarité. Par la suite, j’ai fait carrière dans l’industrie pétrolière, aux achats chez Exxon-Mobil, et j’ai fondé une famille. Et je me suis installé à Coutances, dans le département de la Manche. Le climat est relativement doux et humide. Ce qui permet d’avoir une végétation luxuriante avec des palmiers et des plantes exotiques ! Et les côtes du Cotentin me rappellent celles de mon Vietnam natal…

 

Quant à mon grand-oncle, nous avons su son destin. Nous apprîmes son assassinat le 12 janvier 1951. Les restes d’Henry Chavigny de la Chevrotière furent rapatriés par la suite en France et, probablement parce qu’une personne de sa famille habitait la ville d’Issy-les-Moulineaux, son nom figure dans les Morts pour la France d’Extrême-Orient. Un fait est avéré : la très grande partie des Français qui sont morts en Indochine, qu’ils soient civils ou militaires – quand on a retrouvé les corps pour ces derniers – ne sont pas restés en Indochine ».

 

 

Le drame des sépultures françaises en Indochine.

 

Le 28 décembre 1993, le journaliste et écrivain Michel Tauriac a publié un remarquable article dans le journal Le Figaro sur la disparition des restes des Françaises et des Français inhumés en Indochine pendant la colonisation. Il est vrai que la République française, via le ministère des Affaires étrangères en collaboration avec les services de l’armée, avait procédé en 1986 et 1987, autant que possible, au rapatriement de ces enfants de l’ancien empire colonial.

 

 

 

Pour autant, dans plusieurs endroits du Vietnam, comme à Laï Thieu, à 25 km au nord de Saigon, des restes de milliers de Français ont été placés dans de petites urnes et laissées à l’abandon. Michel Tauriac : « Sont posées là, de chaque côté de ce couloir sans fenêtre ni éclairage, ces pauvres urnes d’argile au couvercle souvent entrebâillé, les unes sur une tablette de béton fixée au mur, les autres par terre. Certaines sont cassées et leur contenu, composé de cendres, d’ossements et de terre craque sous les semelles au milieu des tessons… Jetés au hasard, quelques menus bouquets de fleurs desséchées dans leur papier transparent, rappellent une cérémonie lointaine. »

 

 
Sources :
Entretiens avec Jean-Pierre Jaillon, 2010-2011.
Jacques de la Chevrotière : Les Chavigny de la Chevrotière en Nouvelle-France, à la Martinique.
Recherches dans les archives des Bulletins de l’Ecole français d’Extrême-Orient d’archéologie.
Recherches biographiques André Malraux.
Recherches sur l’histoire de la presse française en Indochine.
Extraits du journal Le Figaro du 28 décembre 1993.
Site de la ville d’Issy-les-Moulineaux : www.issy.com

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 18 Novembre 2011

Pilotes US DBP

 

Au milieu des éclatements de DCA, un C-119 Packet effectue un largage lourd sur le camp retranché de Dîen Bîen Phu  (photo DR).

 

 

A Issy-les-Moulineaux, Place des Combattants d'Indochine et de Corée, le 8 juin dernier : comme tous les ans, et comme partout en France en ce jour de commémoration, la sonnerie aux morts retentit pendant que s'inclinent les drapeaux des associations patriotiques. Devant les autorités qui viennent d'y déposer gerbes et coussins, la simple plaque porte ces mots :

 

« A NOS COMPAGNONS MORTS POUR LA FRANCE

EN INDOCHINE ET EN COREE »

 

Et parmi ces compagnons, je pense à ces pilotes américains abattus sous les cocardes françaises...

 

Là, beaucoup d'entre vous m’arrêteraient : « Mais non ! Votre mémoire s'égare ! C'est à Marnes-la-Coquette que se trouve le mémorial de l'Escadrille Lafayette que nous fleurissons chaque année le dernier lundi de mai, jour du « Memorial Day », en souvenir de ces aviateurs américains venus combattre et, pour plus d'une soixantaine d'entre eux, mourir en France, à partir de 1916, avant même l'entrée en guerre officielle de leur pays ! ».

 

Et pourtant, écoutez ce témoignage du lieutenant Bertin (*), alors pilote de transport en Indochine, la veille de la chute de Dîen Bîen Phu :

 

« Les Américains, comme chaque jour, vont parachuter sur « Isabelle ». Dès leur arrivée, un des leurs a dû être touché. Ils sont canonnés violemment sur leur DZ. Le gouvernail de profondeur du n°125 est emporté. Le n°149 est atteint par un et sans doute deux obus de 37. L'avion perd de l'altitude, le pilote sort de la cuvette par le sud mais se trouve de plus en plus en difficulté. Son dernier message est capté par un de ses camarades qui l'a rejoint, Steve Kusak : « On dirait que ça y est, fiston ! ». Et il s'écrase dans la région de Muon Guet à cent vingt kilomètres à l'est de Dîen Bîen Phù.

 

Les deux pilotes américains, Buford et Mac Govern, sont tués. Les quatre autres membres de l'équipage sont français, trois sont tués et le quatrième, un jeune sous-lieutenant parachutiste, fraîchement débarqué en Indochine, n'est que blessé. Les Viets le font prisonnier».

 

Ces deux américains faisaient partie d'un groupe de pilotes de la compagnie aérienne civile CAT, crée à Formose après la 2ème guerre mondiale par le général Claire L. Chennault, ancien patron des « Tigres Volants », ces pilotes américains volontaires qui avaient combattu, au côté du général nationaliste Tchang Kaï-chek, d'abord contre les Japonais, puis contre les communistes de Mao Tsé-toung.

 

Lorsque, en 1953, le Haut commandement français en Indochine demanda à l'armée de l'air américaine un renfort en avions de transport, il lui fut accordé un détachement de C-119 Packet mis en œuvre par une forte équipe de mécaniciens de l'U.S. Air Force. Mais il n'était pas question que des pilotes d'active soient engagés aux côtés des équipages français qui avaient été qualifiés sur ce nouveau type d'avion. D'où l'appel à ce contingent d'une petite quarantaine de pilotes « civils » volontaires, mais composé de baroudeurs qui allaient faire preuve, dans l'enfer de la D.C.A. Viet Minh, des mêmes qualités de courage et de professionnalisme que leurs camarades du transport aérien militaire français.

 

L'unité mixte ainsi constituée, le « Détachement C-119 », comptera à la mi-mars 1954 jusqu'à 29 appareils, pilotés par vingt-deux équipages, dix de l'armée de l'air française et douze américains, chacun à deux pilotes. C'était la plus importante unité du transport aérien de l'époque et elle permettait, grâce à la capacité de la soute du Packet et la possibilité de les effectuer « par l'arrière », des parachutages ou des largages lourds sur les points d'appui de Diên Biên Phù, allant des rouleaux de barbelés aux canons de 105m/m et aux bulldozers en passant par du carburant ou des munitions.

 

Plus de quarante appareils de l'U.S. Air Force, mais volant sous cocardes tricolores, seront successivement affectés au détachement dont les pilotes américains effectueront près de 700 sorties au dessus du camp retranché. L'un d'eux, Paul R. Holden en place copilote droite, reviendra sur le n°536, le 24 avril, un bras déchiqueté par un obus de 37 et, le 6 mai 1954, c'était l'équipage McGovern / Buford qui disparaissait.

 

James McGovern était une des figures de ce détachement. Dans son livre de souvenirs le lieutenant Bertin fait de lui ce portrait :

 

« Mac Govern était une figure haute en couleur pesant bien au-delà du quintal. Il était le seul Américain parlant français. Cet énorme personnage, surnommé « Mac Goon » ou « Earthquake » (**) s'était glorifié à une autre époque de quelques neuf victoires contre les Japonais (***), mais il était tombé plus tard, prisonnier des Chinois communistes. Ils ne le retinrent d'ailleurs que six mois en captivité, n'ayant pas les moyens, affirmaient quelques-uns de ses collègues, de le nourrir. C'était un bon vivant, un bon et solide pilier de bar... »

 

Les restes de James McGovern, retrouvés en 2002 dans une tombe anonyme du nord-Laos grâce aux efforts d'anciens de la CAT, seront formellement identifiés en septembre 2006  et quelques semaines plus tard, le 28 octobre, « Earthquake McGoon » rentrait enfin au pays après plus d'un demi-siècle d'exil en terre étrangère...

 

L'année précédente, le 24 février 2005, les sept pilotes américains encore en vie, sur les trente-sept ayant participé à cette opération, avaient reçu, des mains de notre ambassadeur de France aux États-Unis, la croix de Chevalier de la Légion d'honneur.

 

 

 

Général Jean-Claude Ichac.

Président honoraire du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux.

 

 

 

Sources :

 

(*) En remerciant le Colonel (er) Marc Bertin qui a autorisé pour ce texte l'utilisation d'extraits et d'informations tirés de son livre : « Packet sur Diên Biên Phù » (1991).

 

(**) « Eathquake » : Tremblement de terre !

 

(***) En fait quatre victoires en combat aérien auxquelles il faut ajouter cinq avions japonais détruits au sol.

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 9 Juin 2011

 

Supplétifs Indochine

Supplétifs en Indochine (copyright www.chemin-de-memoire-parachutistes.org )

 

 

Hier, le 8 juin 2011, a eu lieu la commémoration nationale pour les morts en Indochine. De cette guerre, trop longtemps oubliée, certains actes, certaines batailles sont néanmoins restés dans la mémoire collective comme Diên Biên Phù, le désastre de la RC4 ou encore le Roi Jean, cher à Lucien Bordard. Par contre qui se souvient qu’au commencement de cette guerre, les suppôts du Vietminh ne représentaient qu’une faible partie de la population et que des peuples et des ethnies entières soutenaient la France coloniale ? Parmi eux se trouvaient ceux que l’on appelait les Supplétifs, ou parfois indigènes.

 

Etymologiquement, le terme « supplétif » vient de suppléer, à savoir « qui complète ». Cela est vrai dans tous les conflits : manquant d’hommes, l’empereur Napoléon 1er forme sa Grande armée d’Allemands, d’Italiens, de Belges… C’est vrai pendant la conquête des colonies, ou le recrutement d’hommes locaux permet une vraie intégration au cœur des pays concernés, ne serait-ce que pour des questions de langues, de connaissance du terrain et des coutumes. Les officiers sont généralement européens ; il n’en pas de même des sous-officiers : les archives et documents abondent et montrent souvent des brigadiers, caporaux, sergents (…) issus des populations locales. Et c’est encore vrai au cours de la Première Guerre mondiale, quand la France doit puiser des soldats dans ses colonies pour faire face à un déficit d’homme par rapport aux Empires centraux.

 

En Indochine, ces même éléments font jour rapidement. Dès 1946, le général Leclerc fait appel à la population indochinoise pour combattre le Vietminh communiste. Le lieutenant-colonel Jean-Vincent Berte, du collège Interarmées de Défense explique dans une étude sur cette question trois facteurs essentiels :

 

  • - Une question d’effectifs : quand le général Leclerc débarque en Indochine en 1945, il se trouve à la tête d’une force de quelques milliers d’hommes, qui va passer à environ 50.000 soldats puis peu à peu doubler. Mais il en faudrait dix ou quinze fois plus pour surveiller un territoire montagneux, marécageux, difficile d’accès qui s’étend sur plus de 1.500 kilomètres du golfe de Thaïlande à la Chine.

 

  • - Une question de moyens financiers : un soldat de la métropole doit être transporté depuis Marseille, être formé pendant de longues semaines et il touche une solde supérieure à celle que peut percevoir un autochtone (le coût de la vie est estimé moindre en Indochine par rapport à la France, sans compter les autres aspects, difficile à admettre aujourd’hui…).

 

  • - Une question d’intégration : bien avant le général de Lattre, qui militera en 1951 pour la constitution d’une armée vietnamienne digne de ce nom, le général Leclerc parle de « vietnamisation du conflit ». Les paysans thaïs ou muongs connaissent le terrain ; ils sont familiers du climat et endurent plus que ne le peuvent les soldats de métropole, en dépit de leur entrainement intensif. De plus, la France joue de la haine des peuples des montagnes vis-à-vis des Vietnamiens qui peuplent les plaines et les côtes.

 

En 1950, plus de 40.000 hommes composent les effectifs des forces supplétives : ils sont intégrés dans des CSM (Compagnies de Supplétifs Militaires) des unités du CEFEO (Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient) comme les bataillons de parachutistes, la Légion étrangère (CIPLE – Compagnie Indochinoise de la Légion Etrangère), les unités classiques de la Coloniale et d’autres unités dont les noms sont évocateurs : bataillons de marche d’Extrême-Orient, bataillons de marche indochinois, régiments de tirailleurs tonkinois, le bataillon annamite, le bataillon des forces côtières du Tonkin, les bataillons muongs, les bataillons thaïs, les bataillons de chasseurs laotiens, le régiment mixte du Cambodge.

 

Mais ils sont aussi intégrés dans des maquis ou des commandos, dans une perspective chère au contre-espionnage français et à ses « forces spéciales ». Ainsi, le groupement de commandos mixte aéroporté (GCMA) implante les maquis Colibri, Aiglon, Calamar et Cardamone en Haute-région (Tonkin), sous la responsabilité du lieutenant-colonel Trinquier. Leur mission : « préparer, organiser, mettre en place et commander des éléments susceptibles de : réaliser des maquis ; des guérillas itinérantes ; des missions spéciales (en particulier de sabotage) par éléments individuels ou équipes très légères infiltrées clandestinement ; monter des filières d’évasion ; participer sur ordre à la guerre psychologique ». Et parmi les commandos, l’un des plus célèbres est le Commando 24, dirigé par l’adjudant-chef Vandenberghe, qui sera cité à l’ordre de l’Armée.

 

Les CSM participent généralement à des missions d’encadrement : surveillance de villages, accompagnement d’unités métropolitaines, ouvertures de voies, repérages, positions d’éclaireurs… De par leur connaissance du terrain, il est assez rare qu’ils passent de secteurs en secteurs. Ils sont actifs dans les combats, connaissent les types de réactions de l’adversaire : « Ils tiennent leur rang » ajoute le lieutenant-colonel Berte. Même si parfois des difficultés d’enrôlement se font sentir ou, pire, des délicats mélanges d’ethnies se terminent par des rixes ou des désertions. Il n’empêche : leurs actions d’éclat sont partout remarquées, mais elles ne font pas – il faut bien l’avouer – souvent l’objet de communiqués de la part de l’Etat-major. Le colonel Rives, dans une publication pour le site internet de l’association ANAI (Association nationale des anciens et des amis de l’Indochine), relève cet exploit : « Le 3 octobre 1953, au Laos, 600 maquisards sous les ordres du lieutenant supplétif Se Co An entreprennent l’opération Chau Quan Tin du nom de Ly Truong, assassiné à Cha Pa par le Vietminh. Assisté d’un commando de 60 hommes, parachuté avec le lieutenant Pham Duc Long, les maquisards reprennent Coc Leu près de Lao Kay, en tuant 150 adversaires ».

 

Au début des années 1950, le développement des armées nationales (Vietnam de l’empereur Bao Daï, Laos et Cambodge) se fait parfois par le transfert de supplétifs. Cela n’empêche pas l’armée française de continuer ses recrutements. En 1954, le CEFEO compte environ 235.000 hommes dont 55.000 supplétifs et les armées nationales (Vietnam, Laos, Cambodge) de l’ordre de 300.000 hommes (dont 45.000 supplétifs). 1954, c’est aussi l’année de l’ultime bataille de la guerre d’Indochine : Diên Biên Phù. A l’issue, les Français qui ont déposé les armes – ils n’ont pas hissé de drapeau blanc ni se sont rendus – sont emmenés dans des camps. Ils sont 11.721 et il en reviendra moins de 3.000. Par contre, nul ne sait, en occident, ce qu’il est advenu des 3.300 prisonniers supplétifs. Les historiens et les anciens d’Indochine pensent qu’ils ont été globalement tous liquidés. Néanmoins, quelques-uns s’en sortent : ils rejoignent les maquis et continuent la guerre contre les vietnamiens. Mais le 21 juillet 1954, après les accords de Genève, les cadres français du GCMA abandonnent leurs hommes aux mains de bodoïs.

 

Le lieutenant Alexandre Le Merre a fait la guerre d’Indochine entre 1950 et 1952 avec des supplétifs. Il raconte la découverte de sa compagnie du 3ème bataillon thaï en 1950 : « Une compagnie de supplétifs avait un tableau d’effectifs de 120 bonshommes. L’armement était léger : 4 FM, 9 PM, 3 pistolets et le reste en fusils (…). Restait la troupe qui, à première vue, était un ramassis ou un troupeau de braves nha qués, désignés comme volontaires par leur chef de village. Mais, à l’usage, ils se révélèrent tous fidèles, gentiment disciplinés, et très fiers d’être des « partisans », terme sous lequel ils se désignaient ; par ailleurs, ils étaient tout contents d’échapper aux corvées et impôts du villageois moyen et à la tutelle des notables locaux, étaient sûrs de manger tous les jours à leur faim, et avaient la fierté de porter un fusil. Aucun sentiment politique, sinon la haine du Viet, c’est-à-dire de l’annamite, venu porter la guerre et ses désolations chez eux, alors qu’ils vivaient en paix depuis cinquante ans, sous l’égide d’une France très lointaine et plutôt mythique. Les Viets ne leur ont pas pardonné cet attachement à notre pays, et la littérature publiée à Hanoi est éloquente : fortement encadrés par les commissaires politiques, organisés en brigades de choc, « on leur a appris à mettre en valeur un pays qu’ils négligeaient ». Puis on les a peu à peu noyés sous des vagues d’émigrants amenés du Delta. Enfin, restait à les accabler moralement, en dressant contre eux les malheureuses minorités, comme les Méos ou les Xas, qu’en bons disciples des colonialistes ils opprimaient et même décervelaient en leur niant toute culture ».

 

 

Antoine Junqua.

Membre du Souvenir Français.

 

Sources :

 

 

  • - Patrice Gélinet, émission de France Inter 2000 ans d’Histoire : Indochine 1945-1954, histoire d’une guerre oubliée.
  • 
  • - Général Bigeard, Ma vie pour la France, Ed. du Rocher, 2010.
  • - Lieutenant-colonel Jean-Vincent Berte, Indochine : les supplétifs militaires et les maquis autochtones, Collège Interarmées de Défense.
  • - Georges Fleury, La guerre en Indochine, Tempus, Perrin, 2003 et Nous, les combattants d’Indochine, Bourin Editeur, 2011.
  • - Alexandre Le Merre, Lieutenant en pays Thai, Indo Editions, 2008.
  • - Michel Bodin, Dictionnaire de la guerre d’Indochine, 1945-1954, Economica, 2004.
  • - Gérard Brett, Les supplétifs en Indochine, L’Harmattan, 1996.
  • - Site de l’association des Anciens combattants et des Amis de l’Indochine : www.anai-asso.org (dont article écrit par le colonel Maurice Rives).
  • - Francis Agostini, les Unités Thaïes dans la bataille de Diên Biên Phù.

 

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Publié le 23 Octobre 2010

La bataille de Nghia Lo.

 

 

Denoix de St Marc - 2eme CIPLE

 

Le capitaine Denoix de Saint Marc à la tête de la CIPLE.

 

 

Pierre Dufour, dans son ouvrage Indochine (ED. Lavauzelle) décrit la situation : « Nghia Lo est le poste clé du système défensif français en Haute Région. Il commande l’accès aux pays thaï, au Laos et aux contrées bordant le Moyen-Mékong. Situé entre le Fleuve Rouge et la Rivière Noire, dans une cuvette de dix kilomètres sur quatre, à environ deux cent cinquante mètres d’altitude, Nghia Lo est un bourg entouré de hautes montagnes atteignant parfois 1.500 mètres. L’endroit présente une topographie faite de massifs granitiques couverts d’épaisses forêts, séparés par des vallées encaissées. Les voies de communication sont limitées : la route fédérale 13, des pistes de montagne praticables seulement avec des guides et un terrain d’aviation qui permet de ravitailler la vallée perdue. La population se compose essentiellement de Thaïs et de quelques hameaux muongs ou annamites ; la montagne est le domaine des Mans et des Meos réputés hostiles au Vietminh ».

 

La garnison française de Nghia Lo est formée par les mille hommes du 1er bataillon thaï, dirigé par le commandant Girardin.

 

Le 28 septembre 1951, la région du poste Sai Luong est attaquée. Ses défenseurs se replient sur la vallée. Deux jours plus tard, les TD 141 et 209 sont signalés. Ils convergent vers la cuvette de Nghia Lo. A l’est, le TD 165 approche également. Les TD sont des Trung Doï ; ils sont composés de quatre bataillons qui peuvent contenir chacun mille hommes. Les TD appartiennent à la division de montagne 312, commandée par le colonel Le Trong Tan.

 

En l’absence du général de Lattre, occupé à demander de l’aide aux Etats-Unis après un passage en métropole, le commandement français est sous l’autorité du général Salan, qui s’y connaît en matière de troupes coloniales ! Il décide de soulager les défenseurs de la cuvette de Nghia Lo en larguant, sur les arrières de l’ennemi, le 8ème BPC (bataillon parachutiste colonial) du capitaine Gauthier et ses cinq cent soixante-treize hommes. C’est l’opération Rémy.

 

La 312 réagit en jetant toutes ses forces dans la bataille. A Nghia Lo, le commandant Girardin est tué, mais ses hommes tiennent bon. Le 4 octobre, le 2ème BEP est à son tour largué (opération Thérèse). Avec le 8ème BCP, il forme le GAP (Groupement aéroporté) nord-ouest sous les ordres du colonel de Rocquigny. Le 2ème BEP est alors composé d’une compagnie de commandement de base, sous les ordres du lieutenant Longeret, du 2ème CIPLE (compagnies indochinoise de la Légion étrangère – capitaine Hélie Denoix de Saint Marc), la 3ème compagnie (lieutenant Lemaire), la 4ème compagnie (lieutenant Louis-Calixte).

 

Le 5 octobre, Rocquigny donne l’ordre au 2ème BEP de se rendre à Bac Co, à six kilomètres du point de chute du bataillon. Les hommes mettent plus de neuf heures à atteindre leur objectif. Le lendemain, le bataillon accroche les bo-doïs à plusieurs endroits. Les combats sont terribles. Face à un ennemi que rien n’arrête, les légionnaires de Lemaire et les paras de Saint Marc usent de toutes leurs armes : baïonnettes au canon, ils repoussent les Vietnamiens dans les attaques incessantes de l’après-midi et de la nuit. Le 8ème n’est pas en meilleure posture : le capitaine Gauthier est grièvement blessé et les pertes sont importantes.

 

Le 6 octobre encore, le 10ème BPCP (bataillon parachutiste de chasseurs à pied), dirigé par le commandant Weil est lui-aussi largué en renfort.

 

Le 2ème BEP subit à nouveau des attaques tout au long de la journée du 7 octobre. Raffalli décide de se replier et de rejoindre le 8ème , en direction de Tan Kouen. Mais les coloniaux ne sont pas là où on les attend. Ils se sont positionnés sur la crête de la cote 405. Avec des blessés, portés sur des brancards de fortune, Raffalli reprend la piste, fait tailler un passage dans la forêt de bambous au coupe-coupe et parvient, seulement le lendemain, à retrouver le 8ème BPC du colonel Rocquigny. Ce dernier annonce à Raffali que la division 312 se retire, laissant sur « le carreau » entre 1.500 et 4.000 morts chez les bo-doïs, selon les sources. Le 2ème BEP compte quant à lui au moins au moins une trentaine de tués ou disparus.

 

Hélie de Saint Marc : « Les troupes de Giap repassèrent à l’attaque. Elles ne voulaient pas laisser sur leurs arrières un adversaire qui risquait de les gêner dans leur offensive. Durant d’interminables heures, enterrés, nous avons subi les assauts des bo-doïs qui avançaient au coude à coude, en rangs serrés. Giap n’économisait jamais les vies humaines de son camp. Il profitait du nombre. En 1946, Hô Chi Minh avait prévenu le ministre français des colonies, Marius Moutet : « Cette affaire peut se régler en trois mois ou en trente ans. Si vous nous acculez à la guerre, vous me tuerez dix hommes quand je vous en tuerai un. A ce prix, c’est encore moi qui gagne… ». Ce jour-là, le Vietminh voulait anéantir le 2ème BEP à n’importe quel prix. Le syndrome de Cao Bang hantait les esprits de part et d’autre. Nos hommes tombaient, morts ou blessés. Les cadavres vietminhs s’amoncelaient. Nous eûmes le dessus. Les bo-doïs s’éloignèrent ».

 

 

 

Sur la RC6.

 

 

Bo-doïs - Pont Doumer - hanoi - 1954

 

Des bo-doïs franchissent le pont Paul Doumer à Hanoi, en 1954.

 

 

1952 marque une nouvelle rupture dans la guerre d’Indochine.

 

Le 11 janvier, le général Raoul Salan devient commandant en chef des forces françaises en Extrême-Orient en lieu et place du général Jean de Lattre de Tassigny, qui vient de mourir d’un cancer. Une très grande émotion envahit les soldats du CEFEO : leur « patron » vient de les laisser à leur sort.

 

La Guerre froide bat son plein : en Corée, la Chine accuse les Etats-Unis d’utiliser des armes bactériologiques. Dans le même temps, l’empire du Milieu accentue son aide au Vietminh comme les Américains appuient massivement en matériels et en logistique les troupes françaises. Des pays communistes – Chine, URSS, Allemagne de l’Est – se sont associés pour envoyer des instructeurs assister les bo-doïs dans la conduite de la guerre. Michel Bodin, spécialiste reconnu de la période indochinoise indique même que la Chine donne l’ordre à une dizaine de bataillons de son armée de soutenir le Vietminh pour des coups de main et la logistique.

 

Quant au 2ème BEP, il connaît une relative accalmie. Après la bataille de Nghia Lo, il est d’abord envoyé en convalescence en Cochinchine. Il est basé à Ba Kéo. Le repos n’est que de courte durée : du 13 janvier au 22 février 1952, il est placé sur la RC6 (la route qui part d’Hanoi en direction de l’ouest vers le Laos et Luang Prabang) dont il assure la protection d’une partie. Le 2ème prend position au col de Kem et participe à l’opération Speculum qui vise à nettoyer la route coloniale des éléments ennemis. En quelques jours, au prix de très violents combats, plus d’un millier de soldats communistes sont retrouvés morts.

 

Dans les semaines qui suivent, le 2ème BEP trouve encore l’occasion de faire parler de lui lors des opérations de dégagement du Delta grâce, entre autres, à l’opération Turco, qui se déroule en avril 1952. Toutes ces batailles du premier semestre sont un calvaire pour Giap qui voit disparaître près de 10.000 de ses hommes. Le général Salan peut savourer sa victoire. Mais elle est de courte durée : dès la fin de l’été 1952, les Services secrets français mentionnent la reconstitution des unités anéanties…

 

Robert Flageul est bien loin de ces préoccupations. Prisonnier, le soldat de 2ème classe meurt en plein jungle, au Camp C13 en juin 1952. Après le conflit, sa fiche est transmise aux Autorités françaises et la transcription est réalisée sur la commune d’Issy-les-Moulineaux. Robert Flageul est déclaré « Mort pour la France ».

 

Hélie de Saint Marc : « Ceux qui prétendent aimer la guerre ont dû la faire loin du carnage des champs de bataille, des cadavres épars et des femmes éventrées. La guerre est un mal absolu. Il n’y a pas de guerre joyeuse ou de guerre triste, de belle guerre ou de sale guerre. La guerre, c’est le sang, la souffrance, les visages brûlés, les yeux agrandis par la fièvre, la pluie, la boue, les excréments, les ordures, les rats qui courent sur les corps, les blessures monstrueuses, les femmes et les enfants transformés en charogne. La guerre humilie, déshonore, dégrade. C’est l’horreur du monde rassemblée dans un paroxysme de crasse, de sang, de larmes, du sueur et d’urine ».

 

 

 

 

Sources.

 

- Pierre Dufour, Indochine, Lavauzelle.

- Erwan Bergot, Bataillon Bigeard, Presses de la Cité.

- Erwan Bergot, La Légion au combat, Presses de la Cité.

- Hélie de Saint Marc, Mémoires : les champs de braises, Perrin.

- Paul Bonnecarrère, Par le sang versé, Fayard.

- Lucien Bodard, l’Illusion, l’Aventure, Gallimard.

- Michel Bodin, Dictionnaire de la guerre d’Indochine, Economica.

- Pierre Montagnon, La guerre d’Indochine, Pygmalion.

- Jules Roy, la bataille de Dien Bien Phu, Julliard.

- Général Yves Gras, Histoire de la guerre d’Indochine, Plon.

- Général Marcel Bigeard, Ma guerre d’Indochine, Hachette.

- Bernard Simiot, De Lattre, Flammarion.

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 16 Octobre 2010

 

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La section indochinoise à l’Exposition coloniale internationale de 1931.

 

L’Exposition coloniale.

 

Le 2 mai 1931, Robert Pierre René Flageul nait à Paris, dans le quatorzième arrondissement.

 

Quelques heures plus tard, à dix kilomètres de là, le maréchal Lyautey inaugure l’Exposition coloniale internationale. Elle est située dans le bois de Vincennes, autour du lac de Daumesnil. Le vieux militaire, couvert de gloire au Maroc, est accompagné de Paul Reynaud et Gaston Doumergue, alors président de la République.

 

L’œuvre est grandiose. Elle doit être à l’image de la puissance coloniale française. Elle s’adresse aux métropolitains, ravis de côtoyer leurs cousins « Français » de l’autre bout du monde, aux peuples du monde entier, aux aventuriers et aux industriels en leur expliquant les bienfaits du développement économique international : l’Empire colonial français est et restera l’une des premières puissances de la planète.

 

Les moyens mis en action sont considérables : pour se rendre à la Porte Dorée, les visiteurs ont le choix entre un chemin de fer, spécialement construit pour l’occasion, des centaines de cars et des bateaux. De plus, la République a multiplié les constructions : création d’un zoo, du musée des Colonies, de la Section des attractions, de la Cité des Informations. Enfin, des dizaines de villas sont bâties et louées aux entreprises présentes en Afrique, en Asie ou dans les Antilles françaises. C’est le temps de « Y’a bon Banania ! ».

 

Près de 300.000 personnes s’affairent pour que l’ensemble fonctionne. Et c’est un succès phénoménal : en quelques mois près de 10 millions de visiteurs viennent « faire le tour du monde en une journée » comme l’indiquent les publicités.

 

Sur plus de 110 hectares, l’Exposition coloniale présente des pavillons de toutes les colonies et des protectorats : Afrique Occidentale Françaises, Afrique Equatoriale Française, Antilles, Nouvelle-Calédonie, Algérie française, Maroc, Tunisie, Etats du Levant (Syrie, Liban, Etat des Alaouïtes), Inde française (…) et bien entendu l’Indochine avec le Tonkin, l’Annam, la Cochinchine, le Laos et le Cambodge (le pavillon d’Angkor est d’ailleurs resté dans la mémoire collective).

 

Bien sûr, le petit Robert Flageul ne peut imaginer qu’il va nouer son destin à celui de cet Empire colonial majestueusement représenté.

 

* * *

 Légionnaires 2eme BEP

Légionnaires du 2ème BEP en Indochine.

 

 

Au 2ème BEP.

 

Robert Flageul s’engage dans la Légion étrangère, à Marseille. Il porte le matricule 79.515 et, intègre le 2ème BEP (Bataillon Etranger Parachutiste).

 

Cette unité est créée à Sétif en Algérie en 1948 (elle deviendra 2ème REP en 1955). Sa devise est : More Majorum (« A la manière des anciens »). Sous le commandement du capitaine Solnon, elle débarque à Saigon le 9 février 1949. De nombreux para sortent de leur période de formation. D’autres n’ont derrière eux que les derniers combats de la Seconde Guerre mondiale. Mais plusieurs cadres sont aguerris par près de deux ans de guerre en Indochine.

 

Jusqu’en septembre 1950, le bataillon réalise des opérations en compagnies isolées au Cambodge – pour y maintenir l’ordre –, au Laos, dans le centre de l’Annam ou encore sur la presqu’île de Go-Gong. Celles-ci s’appellent Tigre, Glycine, Datura, Saint-Germain, Bernadette, Flore.

 

Arrive l’année 1951, « l’année du général de Lattre ».

 

« L’année de Lattre ».

 

Schématiquement, les périodes peuvent être ainsi résumées : jusqu’en 1949, la tactique du Vietminh – du fait de forces limitées – se condense en une série de coups de main et une guérilla « des champs ». Si les Français tiennent les villes, ce n’est pas toujours le cas dans les campagnes.

 

1949 marque un tournant, avec l’avènement de la Chine communiste de Mao, qui arme et finance puissamment ses cousins idéologiques du Vietnam. La guérilla devient une guerre faite de batailles avec des régiments de bo-doïs, eux-mêmes rassemblés dans des divisions. La victoire majeure du Vietminh est la prise de Cao-Bang et de la Route coloniale 4, en septembre 1950. Les Français y laissent plusieurs milliers d’hommes.

 

Le gouvernement français décide d’intensifier la guerre et fait nommer son meilleur général : Jean de Lattre de Tassigny. « Je ne sais qu’une chose, c’est que maintenant vous allez être commandés ! » proclame-t-il en arrivant à Hanoi, au mois de décembre 1950.

 

Le général Giap, commandant en chef de l’armée vietminh, décide de frapper fort en attaquant en plusieurs endroits la zone du delta du Fleuve Rouge, autour de Hanoi. Face à cette approche, de Lattre fait élever des centaines de blockhaus et de points d’appui qui sont autant de postes d’observation. L’avantage de la stratégie du général français consiste en une mobilisation totale du CEFEO (Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient) dans le but de « casser du Viet ». Il s’agit de redonner le moral aux troupes, déjà lasses des atermoiements politiques. Et de Lattre sait surtout qu’il n’a pas les moyens de placer des forces suffisantes partout où il en faudrait.

 

1951 marque également un tournant pour le 2ème BEP, grâce à la nomination de son nouveau chef : le capitaine Raffalli. Un cavalier sorti de Saint-Cyr puis de Saumur en 1936, qui sait galvaniser ses hommes pour leur faire accomplir des dizaines de kilomètres à pied, les orienter et les placer au mieux pour les coups de main, les embuscades et les attaques aéroportées.

 Raffali

Le capitaine Raffalli.

 

 

Attaques sur le delta du Fleuve Rouge.

 

Donc, depuis le début de l’année 1951, le général de Lattre de Tassigny « marque des points ». Toutes les attaques des forces communistes sont repoussées. La reconquête des terrains perdus arrive. Elle commence par la victoire de Vinh Yen où les troupes de Giap laissent sur le terrain près de 1.300 tués, plus de 3.000 blessés. Sa division 308 – la plus aguerrie, la mieux formée - subit là des pertes très sévères. Pour la première fois dans l’Histoire, les bombes au napalm sont employées massivement.

 

Mao Khé est le deuxième épisode. Il se déroule courant mars-avril 1951. Les bo-doïs sont encore défaits. Le Delta reste aux mains des Français.

 

La « bataille du Day », du 28 mai au 7 juin 1951, frappe les soldats français au plus profonds d’eux-mêmes. Le Vietminh tente encore une fois de faire la différence dans le Delta. L’un des points stratégiques non loin du fleuve Day, est Ninh Binh. Le poste est tenu par un escadron du 1er chasseur, commandé par un certain Bernard de Lattre, fils unique du général en chef. Les combats font rage. Alors qu’il subit des pluies incessantes d’obus, le poste tient plusieurs jours, permettant la victoire du CEFEO. Mais c’est au prix de la mort du jeune Bernard. On retrouve son corps, criblé d’éclats d’obus. « Jeune officier, tombé héroïquement en plein combat, donnant l’exemple des plus belles vertus militaires à l’aube d’une carrière exceptionnellement brillante, ouverte en France dans la Résistance dès l’âge de 15 ans ». En recouvrant le cercueil de son fils du drapeau tricolore, le général de Lattre, que certains surnomment « le roi Jean », ajoute : « En dépit de la promesse faite à sa mère, je n’ai pas su le protéger ».

 

En juillet 1951, à l’occasion d’un discours à Saigon, le général s’adresse aux soldats vietnamiens incorporés dans le CEFEO (son idée étant de créer une armée vietnamienne digne de ce nom) : « Si vous êtes communistes rejoignez le Vietminh : il y a là des individus qui se battent bien pour une mauvaise cause. Mais si vous êtes des patriotes, combattez pour votre patrie car cette guerre est la vôtre ».

 

Bien sûr, Giap ne l’entend pas ainsi. Le quatrième volet des batailles de l’année 1951 se déroule à Nghia Lo.

 

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Bernard de Lattre de Tassigny.

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Publié le 8 Janvier 2010

 

Parachutistes en Indochine




Le 11 janvier prochain, cela fera 58 ans que disparaissait le général Jean de Lattre de Tassigny, héros de la guerre d'Indochine. L'Indochine, c'était loin ; cela ne concernait que les militaires de carrière et c'était un temps où les Français étaient bien divisés sur le fait de conserver, ou pas, des colonies. Il a fallu attendre un film, en 1993, puis les témoignages se sont multipliés. Enfin, dans les années 2000, la République a reconnu cette guerre en une commémoration officielle. Retrouvez les héros de la guerre d'Indochine, quel que soit leur camp, et les images de ce qui fut "la Perle de l'Empire colonial français", dans l'album de photographies intitulé "007 - Indochine". N'oublions pas.

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