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Publié le 17 Juillet 2015

L'Empire ottoman à son apogée, vers 1600.

L'Empire ottoman à son apogée, vers 1600.

Les Ottomans n’ont pas attendu 1453 pour assoir leur suprématie sur ce qui reste de l’Empire romain d’Orient. Dès le 11e siècle, ils s’emparent de l’Anatolie centrale puis d’un certain nombre de territoires dans les Balkans (Macédoine, Serbie, Kosovo).

 

Dès lors, trois sultans vont se succéder et permettre aux territoires ottomans de devenir un véritable empire : Mehmet II soumet l’Albanie, la Grèce ; son successeur Selim 1er conquiert la Perse, l’Irak puis l’Egypte. En 1520, Soliman monte sur le trône. Grâce à son alliance avec le roi de France, François 1er, il est maître de toute la Méditerranée orientale, domine les côtes nord de l’Afrique et bat le roi de Bohême. Les Ottomans mettent le siège devant Vienne. Siège qui va durer moins d’un mois mais coûter près de 15.000 morts aux musulmans. Par contre, en Asie, le Yémen et l’Azerbaïdjan passent sous leur domination.

 

Mais en 1570, face à la Sainte-Ligue (Espagne, Etats pontificaux, République de Venise, de Gênes, Savoie, Ordre de Jérusalem), à la bataille navale de Lépante, au large de la Grèce, les Ottomans sont défaits. Ils y laissent plus de 40.000 de leurs. Dès lors, l’expansion musulmane est pleinement combattue par les troupes chrétiennes et les musulmans doivent reculer : Vienne est assiégée mais en vain.

 

Au début du 17e siècle, l’armée ottomane est forte de 150 000 à 200 000 hommes. Elle comprend trois éléments : les odjaks, milices soldées par le Trésor (des janissaires, spahis, artilleurs, soldats du train, armuriers, gardes des jardins palatins), troupes irrégulières, de moins en moins recrutées et les troupes de province, fournies par les feudataires (les plus nombreuses). Les fiefs (timars et zaïms) attribués à des militaires (sipahi) qui doivent fournir un contingent passent progressivement aux serviteurs du seraï, ce qui les soustrait aux obligations du service. Les troupes de province fournissent de moins en moins de soldats. De1560 à 1630, les odjaks augmentent d’autant, surtout le corps des janissaires, multiplié par quatre. La pression fiscale augmente et alimente des troubles provinciaux. Les janissaires forment un État dans l’État et sont recrutés de plus en plus parmi les musulmans. Ils obtiennent le droit de se marier et s’installent dans la vie de garnison, spécialement à Constantinople. Les Turcs obtiennent l’autorisation de servir parmi les janissaires, autrefois composés exclusivement d’esclaves chrétiens. Le corps des janissaires devient une garde prétorienne et arbitre les compétitions dynastiques.

 

L’empire se réorganise, tente de trouver des parades aux complots et suspicions qui entourent le premier cercle du sultan. Cela ne suffit pas à Kahlenberg, en 1682, en Autriche, les Ottomans sont à nouveau battus. Ils ont 20.000 tués. En 1699, la Hongrie, la Croatie, la Transylvanie reviennent au Saint-Empire Germanique.

 

L’Empire ottoman entre alors dans une longue période d’agonie…

La guerre turco-autrichienne de 1716-1718.

La guerre turco-autrichienne de 1716-1718.

Le « malade de l’Europe ».

 

Lors de la guerre turco-autrichienne, en 1716-1718, les musulmans perdent en grande partie les territoires acquis sur le Danube ; l’Egypte et l’Algérie prennent des libertés vis-à-vis de leur pouvoir central, jusqu’à devenir quasiment indépendantes ; au nord, dans la Caucase, les Russes prennent le contrôle de vastes territoires.

 

Une nouvelle fois, les sultans tentent des réformes, baissent les impôts, organisent une diplomatie et envoient des émissaires partout en Europe, modernisent l’économie en créant des entreprises et des manufactures sur le modèle européen. Une nouvelle fois, en vain… Les janissaires bloquent toutes les réformes. En 1830, la Grèce, soutenue par les puissances occidentales, obtient son indépendance ; le gouverneur de l’Egypte dirige son pays sans plus en référer au sultan ; l’Algérie et la Tunisie sont prises par les Français. Français qui interviennent aux côtés des Sardes et des Anglais pour aider les Turcs à bloquer l’expansion russe. C’est la Guerre de Crimée qui dure près de trois ans, entre 1853 et 1856. Des batailles comme Sébastopol ou Malakoff sont restées célèbres dans la mémoire collective française (qui y ont laisse près de 95.000 morts – pour beaucoup de maladies).

 

Cela ne suffit pas. Près de vingt ans plus tard, la Roumanie, puis la Bulgarie, puis la Serbie obtiennent – par les armes – leur indépendance.

 

Le fond est touché au déclenchement de la Première Guerre mondiale. L’Empire ottoman – ou ce qu’il en reste – est battu sur tous les terrains. Sans l’aide de la puissante Allemagne, dont ils sont les alliés comme l’Empire austro-hongrois, l’effondrement aurait été plus rapide encore. Bien sûr, les Alliés vont connaître des défaites comme à Gallipoli en 1915, mais d’une façon générale, ils laissent des pans entiers de leur immense territoire à leurs ennemis ou aux populations locales : la grande révolte arabe de 1916 à 1918, grâce entre autres au fameux colonel Lawrence, libère l’Arabie, les futures Jordanie, Syrie et Irak. L’Egypte étant depuis longtemps sous domination britannique.

 

Pire : les Grecs, ennemis jurés – considérés encore comme des Romains, prennent pied en Turquie et s’y taille quelques mois une place importante.

 

L'effondrement de l'empire éveille le sentiment national turc. Les anciens combattants se rassemblent autour du maréchal Atatürk, qui chasse les Européens d'Anatolie et s'impose comme chef du gouvernement, reléguant le sultan à un rôle honorifique. En 1923, il abolit l'Empire ottoman et fonde sur le territoire restant, l'Anatolie, la grande partie ouest du haut plateau arménien et la Thrace orientale. Ainsi nait la Turquie moderne ou la République de Turquie, État successeur de l'Empire ottoman. En déposant Abdulmecid II, 101e et officiellement dernier souverain du monde musulman sunnite en 1924, il met fin au califat.

 

Mais des marques terribles restent attachées à cette époque : cette reconquête de la Turquie, et les quelques années précédentes, ont aussi été marquées par des génocides. Dans une volonté de purification ethnique (élimination des chrétiens), les populations grecques, assyriennes et surtout arméniennes ont été systématiquement chassées et éliminées, faisant au total plus de 2 millions de victimes.

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Publié le 27 Juin 2015

L'Empire romain sous Trajan.

L'Empire romain sous Trajan.

 

L’Empire romain.

 

A son apogée en 117 après Jésus-Christ, sous le règne de l’empereur Trajan, l’Empire romain couvre une superficie de 5 millions de km² et représente une population de 88 millions d’habitants (Paris à l’époque est une petite bourgade d’environ 5.000 habitants).

 

L’Empire s’étend de l’actuelle Angleterre (mur d’Hadrien) à l’ouest, l’Allemagne au nord, la mer Capsienne et le golfe persique à l’est et l’Afrique du Nord au sud. Parmi ses villes majeures, l’on compte les actuelles Londres, Paris, Aix-la-Chapelle, Vienne, Budapest, Rome, Istanbul, mais aussi Alger, Tunis, Alexandrie, Jérusalem, Bagdad ou Bassora.

 

Oui mais voilà, garder de telles frontières contre des mouvements de population s’avère vite illusoire. Au nord et à l’est, des peuples, comme les Goths, eux-mêmes poursuivis par des populations plus à l’est encore comme les Huns, tentent de percer la frontière fameuse. Ce que l’on va par la suite appeler « les invasions barbares ». En 285, l’empereur Dioclétien instaure le système de tétrarchie : à lui la partie orientale et à Maximien, un compagnon d’armes, la partie occidentale.

Dioclétien est né en Dalmatie (actuelle Croatie). D’origine modeste, il gravit un à un tous les échelons de la hiérarchie militaire romaine et devient commandant de la cavalerie de l’empereur Carus. A la mort de ce dernier, il est proclamé « Auguste » par les troupes et décide donc d’instaurer la tétrarchie : il ne s’agit pas encore de mettre en place deux empires mais d’installer des divisions administratives afin de gérer militairement au mieux les percées des peuples barbares. Maximien est en quelque sorte un coempereur. Chacun ayant un système de délégation de pouvoir, et des adjoints nommés « Césars ». Des décisions sont propres à chacune des deux parties de l’empire, d’autres sont communes.

 

Placé à Nicomédie (Izmit dans l’actuelle Turquie), Dioclétien suit les affaires d’Asie et d’Egypte ; il est appuyé par Galère (Sirmium – actuelle Serbie) qui gère l’Illyrie (Croatie – Bosnie) et les régions du Danube. Maximien est installé à Milan : il gère l’Italie, l’Afrique et l’Hispanie (Espagne) ; il est aidé par Constance Chlore, basé à Trèves (Allemagne) et est en charge de la Bretagne (Angleterre) et de la Gaule (France).

 

Le partage de 395.

 

Le système de tétrarchie parvient à trouver son équilibre pendant près d’un siècle. Mais sous le règne de Constantin (qui donnera son nom à sa ville, Constantinople) puis de Théodose le Grand, devant une situation intenable, l’Empire romain est définitivement partagé en une partie orientale et une partie occidentale.

 

Le fils cadet de Théodose, Honorius établit sa capitale à Ravenne, en Italie, tandis que l’aîné, Arcadius, installe son nouveau pouvoir à Constantinople. A sa mort, son fils Théodose II monte sur le trône et devient à son tour Empereur romain d’Orient (dynastie des Théodosiens). Cent trente ans plus tard, l’empereur Justinien 1er fait publier le Corpus Juris Civilis ou Code Justinien, compilation de textes de droit civil, mais prenant en compte l’ensemble des obligations et coutumes chrétiennes, nouvelle religion de l’empire. Pour assoir son pouvoir et celui de la nouvelle religion, il fait construire la plus grande basilique de tous les temps dans sa capitale Constantinople, la basilique Sainte-Sophie. Au même moment, l’empire continue à lutter contre les envahisseurs barbares, repoussant les Goths et s’emparant, au milieu du 6e siècle de l’Italie, perdue peu de temps auparavant avec la chute de l’Empire romain d’Occident.

 

En 620, Héraclius remporte contre les Perses une victoire incertaine (victoire « à la Pyrrhus ») mais qui permet la diffusion à la fois du code Justinien, de la langue grecque et du christianisme. Par la suite, et pendant trois siècles, les Romains d’Orient vont sa battre pour conserver leurs possessions dans les Balkans. Mais une autre affaire se présente mal pour les Romains : leurs greniers à blé que sont l’Egypte et la Syrie sont bientôt envahis et pris par musulmans de la dynastie des Omeyyades, en provenance de la péninsule arabique.

 

En 1071, à la bataille de Manzikert, battus par les Turcs Seldjoukides, l’Empire romain d’Orient perd une grande partie de l’Anatolie. Les Seldjoukides, provenant des steppes de l’Asie centrale (Kazakstan, Turkménistan, Ouzbékistan) s’étant d’abord installés en Iran (Perse) dès le début du 11e siècle. Contenir un territoire aussi vaste que celui de l’Empire romain d’Orient s’avère une nouvelle fois affaire délicate : en 1186, dans les Balkans, les Bulgares et les Valaques se libèrent de la tutelle romaine et recréent l’Empire bulgare. Entre 1097 et l’an 1200, les croisades de l’occident ajoutent de la confusion, même si initialement le but consistant à venir en aide aux populations chrétiennes est tout à fait louable. Malheureusement, ces buts vont être dévoyés et peu à peu les intérêts économiques et/ou politiques de certains vont l’emporter. Ainsi, en 1204, lors de la Quatrième Croisade, plutôt que d’aller reprendre Jérusalem, les occidentaux s’emparent de Constantinople, de ses richesses et établissent l’Empire latin de Constantinople. Les familles grecques restées indépendantes se taillent des fiefs dans ce qu’il reste de l’Empire romain d’Orient. Ainsi naissent l’Empire de Nicée (Iznik), celui de Trébizonde (sur la mer Noire) et despotat d’Epire (côte occidentale de l’actuelle Grèce, Croatie).

 

Mais cet éclatement favorise de plus en plus les attaques des Ottomans, qui ont profité du délitement de la puissance des Seldjoukides. En 1453, le sultan Mehmed II entre avec ses troupes dans une Constantinople qui n’en peut plus de mourir à petits feux…

 

Le christianisme : de la clandestinité à la religion d’Etat.

La proclamation de Constantin 1er, Empereur des Romains (d’Occident et d’Orient) en 306 marque la fin d’une période terrible pour les Chrétiens qui jusque-là étaient persécutés. Le nouveau dirigeant de l’Empire aide l’Eglise à prendre son essor en établissant la liberté de culte, par l’édit de Milan en 313.

 

Bien entendu, la conversion de la société est loin d’être immédiate et les coutumes romaines se mélangent à la nouvelle religion. Dans son ouvrage Histoire de la destruction du paganisme en Occident, Arthur Beugnot indique : « Presque imperceptiblement, les coutumes païennes s'introduisirent dans l'Église ; la conversion nominale de l'empereur au début du IVe siècle causa de grandes réjouissances : le monde, couvert d'un manteau de justice, entra dans le christianisme de Rome. Alors, l'œuvre de la corruption fit de rapides progrès. Le paganisme paraissait vaincu, tandis qu'il était réellement vainqueur : son esprit dirigeait à présent l'Église romaine. Des populations entières qui, malgré leur abjuration, étaient païennes par leurs mœurs, goûts, préjugés et ignorance, passèrent sous les étendards chrétiens avec leur bagage de croyances insensées et de pratiques superstitieuses. Le christianisme à Rome adopta et intégra une grande partie du système de l'ancien culte impérial ainsi que ses fêtes qui prirent toutes des couleurs plus ou moins chrétiennes. »

 

Ainsi, lorsque l’Empire romain d’Orient est créé, la religion chrétienne est bien en place. De plus, ses sujets voient l’Empereur comme un « messager » du Christ. Alors que l’Empire romain d’Occident est aux prises avec les invasions barbares, se développe en Orient un christianisme, prenant en compte bon nombre de réalités locales. Constantinople devient le cœur de la chrétienté. Son patriarche nomme les évêques (métropolites) et archevêques pour l’Asie mineure, les Balkans, la partie orientale de l’Afrique du Nord, les territoires du Levant et même l’Ukraine et la Russie !

 

En 1054, l’Eglise romaine décide de quitter la Pentarchie, l’organisation de l’église chrétienne sous les Romains (d’Occident et d’Orient) avec les cinq patriarcats : Jérusalem, Antioche, Rome, Alexandrie et Constantinople. L’affaire restera dans l’Histoire comme celle du « Grand Schisme ». Bientôt, il conviendra de parler des Chrétiens d’Occident et des Chrétiens d’Orient, puis peu à peu d’Eglise catholique et d’Eglise orthodoxe, ou plutôt d’Eglises orthodoxes.

 

Née de la culture grecque, divisée en églises territoriales, les Eglises orthodoxes se réclament de la Théologie des sept premiers conciles du christianisme et qui professe descendre directement des premières communautés chrétiennes fondées par les apôtres de Jésus : Eglise orthodoxe grecque, Eglises orthodoxes des Balkans (Bulgare, Roumaine, Macédonienne, Serbe…), Eglise syriaque (Syrie), Eglise copte (Egypte – apôtre Marc), Eglise apostolique arménienne,…

 

Mais si elles sont indépendantes sur le plan de l'organisation et de la discipline, par contre elles sont intimement liées entre elles sur le plan dogmatique. Chacune d’elles est autocéphale, c’est-à-dire dirigée par son propre synode habilité à choisir son primat. Elles partagent toutes une foi commune, des principes communs de politique et d’organisation religieuse ainsi qu’une tradition liturgique commune. Outre les langues employées lors du culte, seules des traditions mineures diffèrent en fonction des pays. Les évêques, primats à la tête de ces Églises autonomes peuvent être appelés patriarches ou archevêques. Ces primats président les synodes épiscopaux qui, dans chaque Église, constituent l’autorité canonique, doctrinale et administrative la plus élevée.

 

 

Le partage de 395 entre l'Empire romain d'Occident et l'Empire romain d'Orient.

Le partage de 395 entre l'Empire romain d'Occident et l'Empire romain d'Orient.

Christ pantocrator.

Christ pantocrator.

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Publié le 6 Février 2015

Pastorale

 

 

La Pastorale d’Issy.

 

La Pastorale d'Issy est le tout premier opéra en langue française, créé en avril 1659 par Pierre Perrin (pour le livret) et Robert Cambert (pour la musique). Il fut donné dans la propriété de Monsieur de La Haye, maître d'hôtel de la régente Anne d'Autriche mère de Louis XIV, à Issy. Cette première représentation, que raconte Charles Perrault, l'auteur des Contes qui y était invité, eut un tel succès que le roi lui-même demanda à voir cet opéra.

 

Historim.

 Nous avons besoin de votre soutien pour compléter le financement du magnifique travail des artistes pour recréer musique, interprétation et mise en scène de ce trésor du patrimoine isséen !

 Historim, association loi 1901, s'est donné comme vocation de protéger et de faire connaître l'histoire de la ville d'Issy-les-Moulineaux. C'est donc logiquement que nous avons voulu ressusciter cet opéra, véritable patrimoine historique de notre pays et de notre ville.

 Si l'on a retrouvé le livret, dans une bibliothèque universitaire de New York, la partition a été perdue. D'où l'idée de l'association de demander à un compositeur de faire une nouvelle musique.

 Benjamin Attahir, jeune talent, a accepté le défi : ce sera une musique du XXIe siècle, mais avec les instruments baroques de l'époque (serpent, flûtes, théorbe), sur les paroles de Pierre Perrin. Il va s'entourer de 7 chanteurs et chanteuses, choisis et dirigés par Satoshi Kubo, pianiste et chef de chant, et de près de 10 musiciens, d'un metteur en scène, d'un décorateur et d'un responsable lumière.

 

Le financement participatif.

 Le financement participatif permet au grand public de soutenir collectivement sur Internet un projet qui le concerne et qui l’attire. Ce nouveau mode de financement populaire est en plein essor, et ouvre un monde de possibilités pour le mécénat et le secteur culturel : c’est le mécénat participatif.
Votre don vous offre l’accès à de nombreuses contreparties ainsi qu’à une déduction fiscale de 66% de votre don.

 La première représentation sera donnée à l'auditorium d'Issy-les-Moulineaux le 9 avril 2015 et c'est pourquoi nous avons besoin de votre soutien financier. En effet, les frais de location de la salle pour les répétitions, les costumes et les décors, les cachets des artistes s'élèvent à 18 000 euros et nous faisons appel à vous aujourd'hui pour réunir 6 000€ pour compléter notre budget.

 Ressuscitez un événement culturel qui participe au rayonnement de la ville et à sa vie culturelle de la ville. Retrouvez cet opéra tombé dans l’oubli !

 

 

Comment pouvez-vous participer ?

 La mobilisation au plus vite est très importante. Il faut que le départ soit très engageant pour que la magie du bouche à oreille opère.
 Vous pourrez participer très simplement (en trois clics), dès 10€ et jusqu’à 1 000€ et plus, en soutenant notre campagne sur le site Culture-Time. De nombreuses contreparties uniques sont proposées en fonction des différents montants de soutien.

 Pour donner à cette œuvre une nouvelle vie et lui permettre d'être jouée sur scène une nouvelle fois, participez et "Ressuscitez la Pastorale d'Issy"

 En espérant vous voir participer à cette aventure avec nous !

 

MERCI À TOUTES ET À TOUS !

 

https://www.culture-time.com

 

 

Historim et le Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux

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Publié le 4 Janvier 2015

 

Alexis Samain

 

Le débuts du Souvenir Français.

 En 1872, un professeur alsacien, Xavier Niessen a la volonté de manifester le refus du nouvel ordre prussien et de prouver l’attachement indéfectible des Alsaciens et des Lorrains à la Patrie française. Il s’agit de maintenir le souvenir des provinces perdues dans tous les départements français. Il sait que des femmes de l’Alsace-Lorraine occupée ont procédé à l’enterrement de soldats – parfois de leurs maris – dans des tombes décentes et qu’elles les entretiennent. Il croit, avec quelques amis, que le culte des morts pour la France et l’entretien de leurs tombes peuvent et doivent constituer le trait d’union capable de conserver dans les esprits le sentiment d’unité nationale.

 En 1887, à Neuilly-sur-Seine, Xavier Niessen créé le Souvenir Français. Sa pensée va d’abord aux 100.000 soldats de la République qui sont morts dans la Guerre franco-prussienne. En dépit de la défaite de l’empereur Napoléon III, il s’agit de ne jamais oublier ceux qui se sont sacrifiés pour que la France reste « une et indivisible ».

 Le développement de l’association est très rapide : moins de vingt ans après sa création, le Souvenir Français est présent dans 81 départements. En 1906, elle est « reconnue d’utilité publique ». L’année suivante, un premier comité local se créé en Moselle occupée, dans le petit village de Vallières. Dans un élan identique à celui des autres provinces, l’association se développe en Alsace-Lorraine. L’empressement des populations à se remémorer leur patrie d’origine est tel, que de nombreux comités sont organisés, des monuments à la mémoire des soldats français sont érigés. Devant cet engouement, les Autorités prussiennes finissent par interdire le Souvenir Français, en 1913.

 

Le journal Le Matin.

 Le journal Le Matin est créé en 1883 par des investisseurs américains qui veulent en faire un grand quotidien français, sur le modèle du britannique The Morning News. D’inspiration libérale, le journal penche plutôt pour des idées conservatrices, antisocialistes et contre le général Boulanger. Le succès ne tarde pas et bientôt le tirage est près de 700.000 exemplaires (1910) pour atteindre le chiffre ahurissant d’un million de copie en 1914. Albert Londres et Colette font partie des journalistes. Le Matin est alors l’un des grands journaux de France, avec Le Petit Journal, Le Petit Parisien et Le Journal.

 

Le 4 août 1914.

 Le 4 août 1914, le journal Le Matin annonce « Premiers actes d’hostilité : les Allemands ont fusillé M. Samain, l’ancien président du Souvenir Français, et emprisonné tous les membres du Souvenir Français ».

 L’article dit ceci : « Les Allemands ont bien débuté. Ils ont fusillé Alexis Samain, président du Souvenir Français en Alsace-Lorraine et emprisonné tous les membres du Souvenir Français.

 Comme leur premier acte donne tout de suite sa signification à la guerre ! Il faut que l’Alsace meure, n’est-ce pas ? Ou qu’elle vive française… Elle vivra.

 Petit-neveu de cette femme de chambre que Maurice Barrès dans Colette Baudoche, appelle Mlle Aubertin la France, Alexis Samain avait fondé à Metz en 1909 une société de gymnastique la « Lorraine sportive ».

 La création de cette société déplut vivement aux autorités. L’uniforme des gymnastes groupés par Alexis Samain avait un aspect trop français. La « Lorraine sportive » donna un grand concert à l’hôtel Terminus de Metz le 8 janvier 1911. Conformément à la loi allemande les invitations avaient été faites par écrit. Deux personnes se trouvaient réunies. A peine le concert avait-il commencé qu’un commissaire de police pénétrait dans la salle et ordonnait aux exécutants de cesser de jouer.

 Alexis Samain expliqua au commissaire que la réunion était privée et le pria de vider les lieux. La musique salua la sortie du trouble-fête par la marche de Sambre et Meuse.

 A la suite de ces incidents, Alexis Samain fut arrêté. On l’accusait d’avoir incité la foule à la rébellion contre la force armée. Cette mesure causa une vive indignation à Metz.

 Les autorités se résignèrent à mettre Samain en liberté. Bientôt Alexis Samain et la « Lorraine sportive » étaient mêlés à un autre incident. La « Lorraine sportive » et son président sont mis en accusation. On leur reproche d’entretenir une agitation subversive. Alexis Samain est condamné à six semaines de prison.

 Le 11 décembre 1911, Alexis Samain et son frère Paul se trouvaient de nouveau impliqués dans une grave affaire. Pris à partie par un sergent nommé Maasch, dans une rue de Metz, Paul Samain fut attaqué par lui. Alexis Samain, voulant intervenir, fut renversé par un coup de poing. Alors, l’un de ses amis, nommé Martin, fit feu sur le sergent et le tua.

 Les deux frères Samain furent arrêtés. Enfin, on reconnut qu’ils n’étaient pour rien dans la mort de Maasch. Le 22 mars suivant, ils étaient acquitté ».

 

Une fausse nouvelle.

 Oui, mais voilà. Même un journal peut publier de fausses nouvelles… En fait, Alexis Samain a bien été arrêté par les autorités allemandes. Il est emprisonné à la citadelle d’Ehrenbreistein pendant plusieurs mois. Il est ensuite envoyé sur le front de l’est, en Russie, où il passe une partie de la Première Guerre mondiale. Mais il n’a jamais été fusillé…

 Il est de retour à Metz le 18 novembre 1918, et participe à la « cérémonie de la délivrance », en compagnie du colonel Matter, du lieutenant-colonel de Vaulgrenant, du général de Mac-Mahon.

 L’annonce de sa mort émanait du ministère de la Guerre où tout était bon pour soulever la population française de l’Alsace-Lorraine occupée. La désinformation ne date pas d’aujourd’hui…

 Quant au journal Le Matin, il continuera ses activités pendant l’entre-deux guerres, mais s’orientant de plus en plus vers l’extrême droite, puis étant directement collaborationniste pendant la Seconde Guerre mondiale, il sera interdit de publication en 1945.

  

Sources :

 

 

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Publié le 2 Octobre 2014

 

 

L’adjudant-chef Dejvid Nikolic du 1er régiment étranger de génie (1er REG) de Laudun (Gard), est mort pour la France le 14 juillet 2014, suite à l’attaque de son véhicule blindé par un véhicule suicide, au Mali.

 

Né le 16 mai 1969, de nationalité yougoslave, il a servi la France durant plus de 25 ans. Il s’est engagé au titre de la Légion étrangère en 1988 à l’âge de 19 ans. A l’issue de son instruction, au 2e régiment étranger d’infanterie (2e REI), stationné à Nîmes, il suit, en 1991, la formation générale élémentaire (FGE) où il obtient d’excellents résultats et se révèle un jeune gradé d’encadrement de grande valeur. En 1994, il est affecté au 1er régiment étranger (1er RE) d’Aubagne où il est promu au grade de caporal-chef le 1er août 1996, puis sergent le 1er septembre 1996. En 1998, il rejoint le 1er régiment étranger de génie (1er REG) à Laudun-l’Ardoise, régiment qu’il ne quittera plus. Il se révèle être un chef de groupe et un sous-officier adjoint humble et efficace. Son exemplarité et ses qualités en font un modèle à suivre et son excellente manière de servir lui permet de gravir rapidement les échelons : il est promu sergent-chef en 2000 puis adjudant en 2004. A l’issue de son temps de chef de section, il est affecté au groupe d’intervention NEDEX (neutralisation – enlèvement – destruction – des explosifs) qu’il rejoint en 2005. Il est promu adjudant-chef en 2009.

 

Sous-officier expérimenté, il avait effectué plusieurs missions extérieures : au Tchad en 2000, à Djibouti en 2002 et 2008, en Nouvelle-Calédonie en 2009, en Afghanistan (2005-2006-2010) en ex-Yougoslavie (2007), au Liban (2012-2013). Il était projeté au Mali depuis le 23 avril en qualité de chef de groupe EOD. L’adjudant-chef Nikolic était titulaire de la médaille d’or de la défense nationale et de la médaille outre-mer agrafes Liban, Afghanistan et Tchad. Promu au grade de Major à titre posthume, le chef d’état-major de l’armée de terre, le général d’armée Bertrand Ract Madoux, lui a rendu les honneurs militaires lors d’une cérémonie intime aux Invalides. Ses frères d’arme et le ministre de la Défense lui ont rendu hommage au 1er REG avant de l’inhumer au carré de la Légion étrangère du cimetière du Coudoulet. Il était chargé de famille.

 

 

 

(Extrait de Terre Info Magazine – N° 257 Septembre 2014).

 

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Publié le 8 Juillet 2014

  Epaves

 

(Montage photos – Copyright : Jean de Saint-Victor de Saint-Blancard)

 

Un voyage cela peut commencer par la lecture d’un roman britannique « Le treizième conte » publié en 2006 de Diane Setterfield dont voici un extrait : « La surface de mon esprit était parfaitement calme. Mais sous la surface une houle montait des profondeurs, un courant sous-marin qui agitait les eaux. Pendant des années une épave avait reposé dans les grands fonds. Un vaisseau chargé d’une cargaison d’ossements. Mais maintenant, il bougeait. Je l’avais dérangé, j’avais provoqué une turbulence qui faisait monter des nuages de sable du fond de la mer. Les grains tourbillonnaient follement dans l’eau sombre et troublées. »

 Lectrices, lecteurs savez-vous qu’après une « fortune de mer », une nouvelle vie peut commencer pour une épave ? Plus ou moins rapidement selon les conditions du milieu marin, une faune, une flore vont apparaître, se densifier sur le site du naufrage. Crustacés qui prennent le dessus sur la pollution, abondance du zooplancton, lentement les coraux, la flore, sont observés. Les poissons peuvent croître à l’abri de prédateurs en trouvant des lieux propices au brassage de flux et de reflux pour des pontes.

 Un nouveau cycle, un nouveau spot de plongée dont la réputation reste dépendante de notre émotion par rapport à l’histoire parfois tragique du naufrage et au développement observé  de la nouvelle vie… Belle victoire sur la mort...

 Au-delà des charmes du berceau pharaonique de notre civilisation nos regards se fixeront sur les ocres du désert qui se mélangent près des côtes  aux bleus de la mer rouge. Que l’Egypte est belle avec des milliers de secrets, de trésors, magnifique cadeau offert aux regards de celles et ceux qui aiment photographier sur terre comme sous l’eau.

 Oui la mer rouge continue de nous  attirer comme un aimant.

 J’ai décidé de vous faire tremper vos palmes et votre imaginaire  avec un partage de mes images sur deux épaves célèbres en mer rouge dans le golfe de Gubal en Egypte à quelques heures de navigation d’Hurghada mais proches l’une de l’autre.

 Allez n’ayez pas peur de plonger sur une première épave : « Le Thistlegorm ». Un cargo anglais battant pavillon de sa très gracieuse Majesté de 128 mètres de long et de 17,5 mètres de large chargé de matériel militaire destiné aux troupes britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale qui remontait la mer rouge. Hélas dans la nuit du 6 octobre 1941 il se trouvait en position d’attente d’une autorisation d’emprunter le canal de Suez. Il fut bombardé au mouillage par des avions allemands Heinkel 111. Deux bombes atteignirent la quatrième cale causant son explosion et le navire anglais sombra en moins de trente minutes entraînant dans la mort neuf membres de l’équipage. En 1956, l’équipe Cousteau naviguant sur la Calypso parvint à retrouver l’épave et à remonter la cloche du « Thistlegorm» en laissant en l’état sa cargaison militaire. Caisses de munitions, obus, fusils, bottes, motos BSA, jeeps, camions, équipements radio, wagons, locomotive…

 Un inventaire à la Prévert de matériel militaire qui semble  impossible à dresser…

 Depuis 1993 l’épave redécouverte est devenue un spot de plongée incontournable réservé aux plongeurs(ses) confirmé(e)s « autonomes » dans l’espace lointain attentifs aux conditions de plongée qui peuvent être rendues délicates par de forts  courants… Il appartient aux nombreux visiteurs de cet étrange musée sous-marin de regarder sans toucher ( !) des objets engloutis à jamais en visitant prudemment les deux niveaux de cales et le pont sans se tromper de mouillage pour remonter et effectuer les paliers de décompression.

 « La Rosalie Moler »

 La même nuit les aviateurs allemands aperçurent un autre cargo anglais au mouillage. Les bombardiers Heinkel 111 revinrent dans le chenal au nord de l’île de Tawilla à l’ouest de la Grande Gubal et purent couler la « Rosalie Moler » cargo de 108 mètres de long, construit en 1910 à Glasgow chargé de 4680 tonnes du meilleur charbon visant à ravitailler la marine royale britannique. La « Rosalie Moler » devait rejoindre  Alexandrie mais le cargo a été bombardé  au mouillage exactement comme le « Thistlegorm ». La grande dame est accessible en plongée pours  être visitée entre 35 mètres (pont) et 50 mètres (quille).

 Les poissons sont abondants autour des  superstructures bien conservées.

 Compte tenu de la profondeur, de la visibilité qui peut être réduite, de courants violents…les plongeurs(ses) expérimenté(e)s doivent rester  très attentifs aux conditions météo. Les épaves nourrissent l’inspiration des photographes, elles alimentent plus d’un rêve d’un(e) plongeur(se) qui mène à la réalité. Merci à mon épouse Marie de m’avoir à nouveau accompagné sous l’eau en mai 2014 pour explorer ces deux très belles épaves en mer rouge.

 

Jean de Saint-Victor de Saint-Blancard

 

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Pour organiser votre voyage  « sur-mesure » : Atlantides Plongée

www.atlantides-plongee.com

Sur place : Centre de plongée Alyses Plongée à Hurghada en Egypte.

www.alysesplongee.com

 

A lire à bord au lever ou avant une plongée de nuit…

Sonnet de Charles Baudelaire – « Les Epaves » (1866) - « Le Coucher de soleil romantique » (Extrait) :

 

Que le soleil est beau quand tout frais il se livre.

Comme une explosion nous lançant  son bonjour !

Bienheureux celui-là qui peut avec amour

Saluer son coucher plus glorieux qu’un rêve !

 

 

 

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Publié le 11 Juillet 2013

 

F100D du Navarre

 

 

Automne 1963, à Lahr, petite ville allemande de la vallée du Rhin, en face des Vosges. Ce vendredi soir les cars de la base aérienne implantée sur l'aérodrome de Lahr-Hugsweier, le long de l'autoroute Baden-Baden/Fribourg, viennent de ramener le personnel dans les cités des familles françaises de la Glocken, de la Seminar ou de la Tremplarstrasse. Les militaires en uniforme bleu de l'armée de l'air se dispersent rapidement, rejoignant les leurs pour préparer un week-end qui s'annonce un peu pluvieux, un temps idéal pour la cueillette des champignons en Forêt-Noire ! Mais en rentrant à vide vers la base, les cars croisent trois jeeps qui dès leur entrée en ville, et sans souci des réactions de la population allemande, maintenant blasée, commencent à actionner leurs sirènes. Remettant rapidement son uniforme, chacun empile quelques affaires dans un sac, embrasse femme et enfants et remonte dans les cars qui ont fait demi-tour et attendent au pied des immeubles...

 

C'est la 3ème Escadre de chasse, dont les deux escadrons sont dotés chacun d'une vingtaine de chasseurs-bombardiers « Super Sabre » F-100, qui est stationnée sur le terrain de Lahr. Depuis le 16 mai 1963 un premier escadron, le 1/3 « Navarre », est qualifié « nucléaire » (« Strike » dans le vocabulaire OTAN). Il a été suivi peu de temps après par l'autre escadron, le 2/3 « Champagne ». L'arme, une bombe atomique tactique, est américaine et ses conditions d'emploi sont donc rigoureusement contrôlées en conformité avec les plans de défense de l’OTAN et les procédures tant françaises qu'américaines. A l'extrémité de la chaîne de commandement c'est un binôme composé du pilote français et d'un « officier de permanence alerte » américain (ADO) agissant ensemble qui doivent activer l'arme, avec chacun son code secret. L'escadron a deux avions en alerte, en QRA selon le jargon de l'OTAN (Quick Reaction Alert = réaction rapide sur alerte), armés et sévèrement gardés dans une zone strictement contrôlée. Les pilotes de ces deux avions, qui passent 24 heures d'affilée dans le bâtiment de la QRA avec une équipe de mécaniciens et l'ADO, doivent pouvoir décoller dans les cinq minutes suivant le déclenchement d'une alerte. Ils emportent avec eux le dépliant de l'une des deux premières missions attribuées à l'escadron. Et même si par malheur, au cours du vol, ce livret glissait sous leurs pieds, au fond du cockpit, la mission serait poursuivie jusqu'à l'objectif car ils en ont appris par cœur le déroulement dans tous ses détails. J'en suis sûr car, en jeune lieutenant, je suis l'officier Renseignement de l'escadron, l'O.R., et à ce titre je suis responsable de leur faire passer régulièrement des tests sur ce sujet.

 

Aujourd’hui, quand la sirène d'alerte s'est déclenchée, ils ont comme prévu appliqué rigoureusement les procédures mais, une fois arrivés en bout de piste dans les délais, ils ont fait demi-tour et sont revenus en zone QRA pour reprendre leur posture d'alerte réelle. Car ce n'est qu'une alerte fictive qui vient d'être déclarée en cette veille de week-end, un de ces nombreux exercices qui permettent de tester l'aptitude des unités aériennes françaises et alliées à remplir les missions assignées comme « Rebecca », purement français, ou ceux déclenchés par l'OTAN et qui ont pour but d'évaluer chacun l'un des aspects de la mission pour culminer avec « Tac Eval » (l'Évaluation tactique) dont seule la réussite totale permet à l'unité de continuer à conserver sa mission nucléaire.

 

Ce soir-là, quand j'entre dans la salle d'opérations du 1/3 « Navarre », il y règne une atmosphère de ruche. « Captain Troy », le premier commandant d'escadrille arrivé sur les lieux, prépare les ordres en liaison permanente par interphone, le « tannoy », avec le chef de piste mécanicien qui lui passe la disponibilité des avions déclarés opérationnels en les désignant par le code de la lettre qui figure sur le fuselage :

 

-       Le Bravo est prêt, mon capitaine, comme déjà le Tango et le Golf. Il ne faut plus compter sur le Romeo, on vient de détecter une fuite grave de liquide hydraulique, on essayera de le réparer après le décollage de la première vague. Mais je dois pouvoir vous sortir le Novembre d'ici quelques minutes, le Papa et l'Echo devraient suivre rapidement...

 

Et en fonction de ces annonces, Troy les affecte aux pilotes au fur et à mesure de leur arrivée :

 

-       Le Gros sac », tu prends le Tango, avec la mission n°E/XXX, et toi, « Le P'tit boudin », le Bravo pour la E/YYY. Vous signez le cahier d'ordres et passez prendre vos dépliants de mission en salle « Rens ».

 

Dans le même temps le marqueur opérations, un caporal-chef du contingent, met à jour le tableau d'ordres, accrochant à la suite des numéros de mission à exécuter les plaquettes vertes des pilotes qualifiés chef de patrouille ou jaunes des sous-chefs de patrouille, puis celles portant le numéro de l'avion qu'il connaît par cœur – le Bravo par exemple c'est le Super Sabre F-100D n° 149 – et enfin, au crayon gras sur le rhodoïd, l'heure impérative de décollage.

 

De mon côté j'ai déverrouillé la porte blindée de mon domaine, la salle forte « Renseignement », ouvert les rideaux qui masquent les panneaux couverts de photos des chasseurs Mig ou bombardiers Yakovlev de ceux d'en face et les cartes de l'ordre de bataille des forces aériennes du Pacte de Varsovie, mais pas celui de la fenêtre barreaudée car nous sommes en procédure « black-out », aucune lumière ne doit filtrer à l'extérieur. Dans mon coffre à combinaisons se trouvent les « Déplinav » des missions de guerre, sauf ceux des deux missions d'alerte qui sont en QRA. Ce sont des petits dépliants faits de cartes découpées et collées où l'itinéraire est figuré par un gros trait central, les points « tournants » par des cercles avec à droite et à gauche les indications nécessaires à l'exécution de la mission, avec en particulier le minutage à partir de l'heure H de décollage, les altitudes minimum en fonction du relief, les vitesses, les points prévus de largage des réservoirs supplémentaires quand ils sont vides, le nouveau cap à prendre après chaque virage et enfin, au bout de la dernière ligne droite, le triangle qui marque l'objectif, là-bas, quelque part à l'Est, de l'autre côté du Rideau de fer. C'est dans cette salle que j'ai aidé les pilotes à préparer leur navigation, en leur indiquant la ligne de détection des radars de l'adversaire, la position des sites connus de missiles sol-air, les caractéristiques des avions de chasse qui risquent de les intercepter et tous les renseignements sur leur cible, localisation précise bien sûr, défenses antiaériennes rapprochées, description la plus exacte possible et, dans quelques cas malheureusement trop rares, photos. Car à cette époque, de l'autre côté du rideau de fer, les photographes ne sont pas bien vus autour des installations militaires !

 

Mais aujourd'hui, pour un exercice, ce sont des missions « équivalentes » que vont exécuter les pilotes, avec des objectifs en France. L'un après l'autre ils passent prendre le déplinav correspondant à leur mission. Ils vont le fixer sur la poche droite de leur pantalon anti-G qui permet en vol de mieux supporter les évolutions brutales. C'est maintenant au tour du « Clou » d'entrer pour récupérer sa mission et, malgré le sérieux de la situation, il  me propose en souriant :

 

-       Je pars avec le X-ray, je t'emmène ?

 

Le X-ray, c'est l'un des trois biplaces F-100F de l'escadron, le n° 009. C'est un peu mon avion fétiche car j'ai eu la chance d’effectuer avec lui mais en place arrière, en « sac de sable », plusieurs vols d'entraînement. Mais aujourd'hui chacun son job, et je le laisse partir en lui souhaitant bonne chance ! Il sort pour aller prendre au vestiaire pilote son casque avec masque à oxygène et enfiler son pantalon anti-G, puis rejoindre son avion au pied duquel l'attend son mécanicien, son « pistard ». Ils feront ensemble le tour du F-100, vérifiant au passage le libre jeu des becs de bord d'attaque, l'absence de fuites, le verrouillage de la trappe du parachute-frein... avant que, satisfait, le pilote ne s'installe dans le cockpit pour procéder à la mise en route. Ensuite il roulera jusqu'au bout de piste tout proche et, après accord de la tour de contrôle, poussera la manette des gaz, lâchera les freins, allumera la post-combustion et le F-100, libéré, roulant de plus en plus vite, décollera face au sud. Si l'alerte était réelle il prendrait peu à peu de l'altitude pour pouvoir, en virant par la gauche, survoler les croupes boisées de la Forêt-Noire et commencer à suivre l'itinéraire qui l'amènerait à larguer, à l'heure prévue et sur l'objectif assigné, son armement, cette bombe atomique tactique américaine. Mais aujourd'hui, avec un armement « fictif », il garde le cap au sud, coupe le Rhin à la hauteur de Colmar et vire à droite vers la trouée de Belfort, avant d'entamer une navigation à basse altitude qui l'amènera jusqu'en Vendée ou en Périgord !

 

Pendant ce temps l'escadron continue sa montée en puissance. Il doit pouvoir faire décoller, outre bien sûr les deux avions de QRA dans les cinq minutes, les quatre avions suivants en vingt minutes et enfin dix autres dans les trois heures, soit seize avions sur la vingtaine en dotation ! Alors les mécaniciens sont sur les dents afin de « sortir » le maximum d'appareils bons pour le service, dans un minimum de temps.

 

Une mission dure un peu plus de deux heures. Déjà les premiers avions rentrent au parking et reprennent leur place dans les alvéoles qui entourent le hangar de l'escadron. Après avoir signalé au bureau de piste les pannes éventuelles, les pilotes remontent aux opérations. C'est là que l'un après l'autre je leur demande de passer en salle Renseignement pour le « débriefing ». Au cours de cet entretien je leur demande les résultats de leur mission et tous les renseignements qu'ils auraient pu recueillir, à vue, sur le potentiel de l'adversaire, les défenses rencontrées, la situation des lignes... et avec tous ces éléments je rédige le « Misrep », le compte-rendu de mission, que les transmissions vont ensuite adresser à l'état-major. Car, le rôle de l'officier Renseignement est d'être une boite aux lettres à double sens. Si je dois d'un côté rassembler, venant des échelons supérieurs, le maximum d'informations dont le pilote va avoir besoin pour réussir sa mission, c'est le renseignement descendant, le « renseignement d'exécution », je dois aussi, de l'autre, faire parvenir à l'état-major, donc au Décideur, tout ce qui peut aider à une évaluation claire de la situation, c'est ce qui constitue le renseignement montant, le « renseignement de décision ».

 

C'est pour remplir cette double mission, qui implique un contact permanent avec les équipages, que j'ai été à l'automne 1962 le premier officier renseignement affecté à l'escadron, responsable en particulier de la conservation et de la mise à jour du gros bouquin qui récapitule tous les objectifs planifiés, de la constitution des dossiers sur les objectifs attribués à l'unité, de l'instruction des pilotes dans les domaines des performances et de l'identification des avions, des radars et des missiles sol-air adverses, des consignes de survie et d'évasion en cas d'éjection en territoire hostile et de la connaissance parfaite par les pilotes des conditions d'exécution de la mission d'alerte.

 

Mais l'escadron conserve, à côté de sa vocation nucléaire, une mission secondaire d'attaque au sol avec un armement « conventionnel » : canons de bord, roquettes ou bombes non guidées. Les pilotes continuent également à s'entraîner au combat aérien, c'est-à-dire à l'interception d'appareils « hostiles », chasseur contre chasseur, pour pouvoir ramener sur le film de la camera de tir le cliché du « plastron », bien centré dans les six diamants du collimateur ! Dans ces domaines aussi des exercices nombreux testent aussi bien les qualifications individuelles des pilotes que la capacité globale de l'escadron à remplir toutes ces missions. Je me souviens par exemple d'avoir participé, en mars 1965, à un exercice « Left foot » (Pied gauche). C'était un exercice non pas OTAN mais tripartite anglo-americano-français, dont le but était de simuler le dégagement de l'autoroute qui mène à Berlin, si d'aventure les forces soviétiques stationnées en Allemagne de l'Est essayaient de la bloquer en contradiction avec les accords de Postdam signés entre les quatre puissances à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les avions des trois détachements alliés s’entraînaient à l'appui et à la protection des véhicules d'un convoi, lui aussi tripartite, progressant sur une portion d'autoroute neutralisée, en Allemagne de l'ouest. J'avais pu avec beaucoup d'intérêt, à cette occasion, comparer nos méthodes de travail avec celles de nos homologues anglais et américains. Un autre exercice, national celui-là et d'ampleur plus réduite, baptisé « Kim », était destiné à tester la réactivité de la chaîne de transmission des photos aériennes. Le déroulement en était le suivant : dans une première phase un avion de notre escadre de reconnaissance décollait de Strasbourg pour aller photographier un objectif, par exemple une station radar quelque part en République fédérale d’Allemagne. Dès son retour, après l’atterrissage, les film étaient développés et les meilleurs clichés renseignés par les interprétateurs-photo avec la localisation exacte du site et l'identification des matériels. Ces photos étaient ensuite envoyées par « Belino » aux Transmissions de notre base, et de là convoyées, en voiture, jusqu'à l'escadron. Après étude des clichés et un briefing rapide, une patrouille de F-100 décollait pour aller attaquer cet objectif. Et puis il y avait les passes de bombardement simulées, avec des « bombinettes » d'exercice sur les champs de tir de Suippes ou d'Epagny, les campagnes de tirs réels au canon et à la roquette à partir des bases de Cazaux ou de Solenzara, les compétitions nationales entre escadrons français, comme la coupe « Comète », ou alliées, comme cette coupe « Aircent », brillamment remportée par le « Navarre » en juin 1963...

 

Et c'est ainsi que pendant près de quatre ans j'ai participé, aux côtés de nos pilotes, à la préparation d'une guerre que leur tenue de l'alerte nucléaire a contribué à prévenir. Et le contrat fut rempli puisque les forces armées de l'U.R.S.S. et de ses alliés satellites du Pacte de Varsovie, dont le général De Gaulle disait qu'elles n'étaient qu'à 500 kilomètres de nos frontières, « soit à peine la longueur de deux étapes du tour de France cycliste  », sont restées l'arme au pied derrière le Rideau de fer jusqu'à sa disparition après la chute du mur de Berlin en 1989.

 

Je terminerai cette évocation par un souvenir plus personnel. Dès mon affectation à l'escadron, en octobre 1962, j'avais eu le droit de porter l'insigne du 1/3 « Navarre », qui reprenait ceux de deux escadrilles de la Grande Guerre. Seuls les pilotes, répartis entre la « Une » et la « Deux », ne portaient que l'insigne de leur escadrille de tradition. Et pourtant, par ordre particulier conjoint du 07/11/1963, les deux commandants d'escadrille m'élevaient, moi le non-navigant, « à la dignité de membre d'honneur » des deux escadrilles, avec obligation de porter l'insigne de la « Une » du 1er au 15 du mois et celui de la « Deux » du 16 au 31 ! Ce jour là, j'ai compris que j'avais su gagner leur confiance et que j'avais été adopté.

 

 

NOTA :

 

Il n'est peut être pas inutile de rappeler quel était l'environnement technologique au début de ces années soixante. Le Super Sabre F-100 était un avion sans radar, ce qui ne lui permettait ni de voler très près du relief de nuit ou par mauvais temps, ni, en altitude, d'intercepter un appareil hostile autrement que guidé du sol par une station radar, seule la phase finale étant effectuée à vue. Il ne disposait non plus ni d'un calculateur de navigation ou de G.P.S, ni d'ordinateur de bord, ni de commandes électriques, ni d'armement guidé par laser et s'il était équipé d'une perche de ravitaillement en vol, cette technique n'était pas encore opérationnelle dans nos forces aériennes tactiques. Au sol les dossiers d'objectifs ne comportaient pas de photos prises de satellites, il n'existait pas d'ordinateurs, ni de téléphones mobiles et la transmission des photos par « Bélino », ancêtre du fac-similé, nécessitait près d'un quart d'heure par cliché ! La charge de travail de tous n'en était pas facilitée…

 

 

 

 En F100F avec masque

 

 

 

 

GBA (2s) Jean-Claude ICHAC,

Président honoraire du Comité du Souvenir Français d'Issy-les-Moulineaux.

 

 

Après l’Ecole de l’Air (base non naviguant) et un séjour de 1959 à 1961 en Algérie, l’officier « Renseignement » Jean-Claude Ichac est affecté en unités puis aux Etats-majors (interarmées et armée de l’Air). Commandant de la Cité de l’Air et de la base aérienne117 de Paris, général de brigade, Jean-Claude Ichac a aussi été officier de liaison instructeur à Colorado Springs (Etats-Unis) et Attaché de l’air à l’ambassade de France à Washington.

 

 

 

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Publié le 8 Juin 2013

 

  Europe-1948-1989

 

Carte de l’Europe : 1948 – 1989 – Pays de l’OTAN (bleu) face à ceux – en rouge – du Pacte de Varsovie (en blanc, les pays non-alignés et en noir le « Rideau de Fer »).

 

 

 

NDLR : le général Michel Forget a fait une carrière d’officier pilote de chasse. Il a été à la tête de nos forces aériennes tactiques pendant quatre années (1979-1983) et a commandé la première opération extérieure où ont été conduits des raids aériens à très longue distance et de longue durée par des appareils aptes au ravitaillement en vol, inaugurant ainsi un style d’intervention aérienne qui deviendra par la suite la règle. Depuis qu’il a quitté le service actif (1983), il se consacre à des études sur la Défense et a écrit plusieurs ouvrages sur ce thème.

 

* * * *

 

Parler de « guerre », c’est évoquer les grands conflits qui ont marqué notre histoire – guerre de 70, la Grande Guerre, le Deuxième Conflit Mondial, l’Indochine, l’Algérie, pour nous limiter aux conflits dont les traces sont encore visibles sur notre sol ou dont beaucoup de ceux qui y ont participé sont encore de ce monde. Depuis l’Algérie on peut même ajouter les multiples interventions conduites par nos armées au Moyen-Orient (guerre du Golfe) dans les Balkans, en Afghanistan et plus récemment encore en Libye et au Mali.

 

De toutes ces guerres, il en est une qui n’est plus mentionnée, une guerre qui a pourtant duré quarante années, mobilisant des centaines de milliers d’hommes, des masses de chars, de pièces d’artillerie, d’avions et de navires, une guerre dont l’Europe occidentale, France comprise, était l’enjeu, à savoir la « guerre froide »… Et cette guerre, en plus, nous l’avons gagnée !

 

Pour le public, cette guerre, il est vrai, n’en était pas une. Pas de batailles sanglantes, pas de vastes offensives, pas de destructions d’infrastructures, pas de pertes – apparemment – pas plus de militaires que de civils. L’image de la guerre dite « froide » est restée celle d’un face à face de deux immenses armées apparemment figées dans leur position d’attente par crainte, si l’une d’elles bougeait, de déclencher la catastrophe. Bref, le souvenir que l’on en garde reste le plus souvent celui d’une période où, militairement, il ne se passait rien. C’était là une pure illusion. Pendant ces quarante années en effet, les stratégies appliquées n’ont pas cessé d’être modifiées en fonction de l’évolution du rapport des forces en présence, des performances des armements et équipements et surtout de la nature des armes déployées, conventionnelles d’abord puis nucléaires. Les risques de frappes dévastatrices de ces dernières ont rapidement imposé des capacités de riposte violente et immédiate afin que l’adversaire prenne conscience de la réalité de la catastrophe qu’il provoquerait s’il se lançait dans l’aventure – et de la nécessité pour lui qu’il renonce. Cela impliquait un degré de mise en alerte et de préparation des forces exceptionnellement élevé et jamais connu jusqu’ici dans l’histoire militaire, donc aussi un niveau d’entraînement ne souffrant aucune lacune et une disponibilité des moyens maintenue elle aussi, en permanence, à un niveau très élevé. Un tel degré de préparation était contrôlé aux différents niveaux de commandement depuis le sommet de l’Otan jusqu’aux unités opérationnelles en passant par les commandements régionaux Otan et les commandements nationaux, stratégiques et tactiques. Cela se traduisait non seulement par des manœuvres de cadres ou sur le terrain, manœuvres prévues à l’avance, mais aussi et surtout par de multiples exercices dits de réaction d’un réalisme très poussé et déclenchés sans aucun préavis.

 

Un tel schéma s’appliquait certes aux trois armées et tout particulièrement aux forces aériennes, celles auxquelles je limiterai mon propos en m’appuyant sur ma propre expérience et sur certains épisodes vécus au sein de ces forces. Le degré de préparation et les capacités de réaction des forces aériennes ont été en effet les éléments majeurs sur lesquels ont reposé les différentes stratégies pendant toute la durée de la guerre froide. Cela est normal dans la mesure où ce sont les vecteurs les plus rapides qui sont les premiers engagés, en défensive comme en offensive. Ces quarante années de guerre froide ont été marquées, pour ces forces, par un entraînement journalier intense au sein de chaque unité afin que les équipages maîtrisent leurs appareils et les techniques de vol adaptées à leurs missions (combat aérien pour les uns, attaque d’objectifs au sol et navigation à très basse altitude et grande vitesse pour les autres). Le tout était couronné par une cascade d’exercices destinés à tester les capacités de réaction des unités ainsi que leur degré de préparation opérationnel et technique. Dans les unités aériennes, hier comme aujourd’hui, les missions d’entraînement, quelle qu’en soit la nature, sont toujours des missions réelles où les risques rencontrés par les équipages sont, en bien des points, les mêmes que ceux rencontrés dans des opérations de guerre : risques de défaillance humaine (mauvaise appréciation de la situation, erreur de pilotage), risques techniques (pannes en vol), et surtout risques météo. Dans l’ambiance de « veillée d’armes » caractéristique de la guerre froide, l’intensité de l’entraînement aérien et le réalisme poussé des exercices se sont traduits par des accidents, donc des pertes importantes d’équipages, notamment dans l’aviation de chasse où le nombre de pilotes perdus devrait se situer entre cent cinquante et deux cents… ! Il faudra bien un jour en dresser la liste afin de pouvoir inscrire leurs noms sur une stèle ou un monument rappelant qu’ils sont « morts en service aérien commandé » certes mais morts aussi pour assurer la défense de notre continent.

 

* * * *

 

Dans les toutes premières années de la guerre froide, entre 1950 et 1955, l’organisation militaire de l’Alliance Atlantique – l’Otan – dans laquelle nos forces furent d’emblée intégrées a défini une stratégie de défense basée exclusivement sur l’engagement de forces classiques. Il s’agissait, en cas d’attaque des forces soviétiques, de mener des combats retardateurs jusqu’au Rhin en attendant le retour des forces américaines. C’était en quelque sorte une résurgence des opérations de la Deuxième Guerre Mondiale. Une telle stratégie nécessitait des moyens énormes, près de cent divisions au total et de l’ordre de 10.000 avions de combat, soit, pour la seule armée de l’air, 900 avions de combat et un effectif de 150.000 hommes. Un tel développement se révéla rapidement insupportable sur le plan financier et dut  être fortement réduit. Néanmoins, ces cinq années furent marquées en France par une expansion spectaculaire de notre aviation de combat qui passera de l’ordre de 220 appareils en 1950, parmi lesquels encore quelques appareils à hélice datant de la fin de la guerre à près de 700 appareils à réaction, tous modernes, en 1957. Cette expansion fut accompagnée d’un plan de recrutement massif – lequel se révélera rapidement excessif – de pilotes destinés à être formés tant dans nos propres écoles que dans celles des Etats-Unis et du Canada. A l’absorption de la masse des jeunes pilotes sortant d’école et au réentraînement sur avions à réaction des pilotes de retour d’Indochine s’ajoutèrent les contraintes dues aux changements répétés de matériels compte-tenu de l’évolution rapide de la technique. Ainsi certaines escadres ont changé trois fois de types d’avions entre 1950 et 1955, c’est à dire en cinq ans (Vampire, F 84G, F84F pour les unes, Vampire, Ouragan, Mystère IVA pour les autres). On comprend que dans ces conditions, la priorité absolue ait été donnée à la prise en mains par les pilotes et le personnel de soutien technique de ces nouveaux types d’avions. Ce fut une période d’activité aérienne intense, où l’entraînement de base dominait largement, avec un accent mis sur l’entraînement au combat aérien. Les exercices d’ensemble, à dominante offensive ou de défense aérienne  étaient peu nombreux à cette époque où les plans d’opérations de l’Otan n’avaient pas encore cette rigueur qui les caractérisera par la suite. Cette période a été surtout celle du « défrichage » d’un nouveau domaine aérien, celui de l’aviation de combat à réaction, ce qui s’est traduit par un taux d‘accident très élevé, vingt fois supérieur à ce qu’il est aujourd’hui et par la perte d’un nombre important de pilotes. La guerre, décidément, n’était pas déjà aussi froide qu’on ne le croit communément aujourd’hui encore.

 

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Dès le milieu des années 50, les choses allaient changer. Les alliés furent rapidement conduits, pour des raisons tant financières que politiques et stratégiques, à renoncer à leur stratégie initiale coûteuse et d’une efficacité nulle dès lors que les Soviétiques commencèrent à doter leurs forces d’armes nucléaires dites « tactiques », c’est à dire capables de frapper les forces alliées, dont les nôtres. C’est ainsi qu’à peine achevée la réalisation en Europe occidentale d’une centaine de plates-formes aéronautiques – dont 45 sur notre propre territoire – dotées d’une piste de 2.400 mètres et de trois « marguerites » capables de recevoir une escadre de 75 appareils, la menace nucléaire nous contraignait à définir des plans de desserrement nouveaux. Un tel regroupement de moyens sur une même plate-forme adapté à une stratégie de guerre conventionnelle constituait en effet un objectif de choix pour l’adversaire, une seule frappe nucléaire étant capable d’anéantir d’un coup une escadre entière. Diverses solutions, dont certaines originales, furent envisagées. C’est ainsi que le commandement de notre aviation tactique ordonnait en 1954 le desserrement, en cas d’alerte, de tous les moyens et de toutes les unités – avions compris – stationnés sur une même plate-forme sur des sites à plus de 7 kilomètres du centre de cette dernière. Et d’établir en conséquence, dans chaque unité des plans ambitieux dont la réalisation posait des problèmes considérables de transmissions, de transport, de commandement… et de délais. Quant aux avions d’armes, il n’était pas possible qu’ils se desserrent par leurs propres moyens, compte-tenu de l’absence de routes et de chemins de roulement utilisables par des « jets ». D’où l’idée de réaliser des « chariots porte-avions » tractés et équipés d’un système de levage hydraulique et de pneus basse pression capables ainsi d’emprunter routes et chemins pour disperser les appareils. L’idée était intéressante. Sa réalisation se révéla périlleuse sinon impossible, compte-tenu des délais qu’impliquait un tel système. Quelques chariots furent néanmoins réalisés. Ils eurent leur heure de gloire. Tout visiteur de marque sur la base où ils furent expérimentés avait droit en effet à une démonstration de hissage d’un avion sur son chariot. Une équipe bien rodée de mécaniciens était mise en place. Un chariot était avancé. Un appareil était amené au moteur au pied du chariot puis hissé dessus par un treuil. Un tracteur emmenait majestueusement le total en empruntant l’une des routes d’accès à la base. Dès qu’il n’était plus en vue du visiteur, il ramenait discrètement l’ensemble dans une des alvéoles du terrain… Face au risque nucléaire, la solution finalement adoptée fut de ne laisser sur chaque terrain qu’une seule unité élémentaire de combat – un escadron – l’autre ou les deux autres étant déployés par leurs propres moyens, avec leurs soutiens, chacun sur une plate-forme, le nombre considérable de ces dernières permettant une telle manœuvre. Ce système fut complété beaucoup plus tard – vers les années 70 – par la réalisation sur chaque terrain d’abris-avions bétonnés, appelés « hangarettes » capables de résister à une attaque nucléaire.

 

L’apparition des premières armes nucléaires tactiques chez les Soviétiques eut surtout pour conséquence d’amener l’Otan à définir une nouvelle stratégie, celle dite de la « riposte massive », riposte, sous-entendu, nucléaire. Si les Soviétiques commençaient à disposer effectivement d’armes nucléaires capables d’atteindre les forces alliées déployées en Europe occidentale, ils ne disposaient pas encore de vecteurs à longue portée capables d’atteindre le territoire des Etats-Unis alors que l’inverse était depuis longtemps une réalité. Les bombardiers du Strategic Air Command étaient en effet  déployés dans le monde tout autour de l’URSS (Angleterre, Turquie, Iran, Japon, Maroc, Portugal). Les Américains étaient ainsi en mesure de menacer les Soviétiques d’une frappe nucléaire dévastatrice si ces derniers se lançaient dans l’aventure en Europe, sans risque de frappe en retour pour eux mêmes. Cette menace devait de fait s’exercer en deux temps, d’abord celle d’une vaste frappe nucléaire tactique dirigée contre les forces soviétiques déployées en Europe et conduite, pour une majeure partie, par les chasseurs-bombardiers de l’Otan, ensuite celle d’une frappe au cœur de l’URSS conduite par l’aviation US, si les Soviétiques poursuivaient leur offensive. Cette stratégie dite de « riposte massive » présentait un double avantage. D’une part, elle exigeait un volume de forces aussi bien terrestres qu’aériennes beaucoup plus modeste que dans le cas précédent ; d’autre part et surtout elle conduisait non plus à une défense en profondeur jusqu’au Rhin mais à une défense « de l’avant » sanctuarisant le territoire de la République Fédérale d’Allemagne au même titre que les territoires des autres pays de l’Otan, dont la France. Ceci permettait de faire concourir cette même RFA à la défense collective en la réarmant et en l’admettant dans l’Otan (mai 1955).

 

Sur le plan aérien, la stratégie de riposte massive eut pour conséquence une transformation profonde et de la posture, dès le temps de paix, des forces aériennes, et des conditions d’exécution des missions, donc également des conditions d’entraînement. L’ensemble  des bases aériennes et de leurs unités devaient être prêtes à tout moment à réagir dans les délais les plus brefs, chiffrés en heures, sinon en minutes, en cas de préavis d’attaque adverse. Les escadrons et centres de contrôle de la défense aérienne devaient assurer une alerte 24 heures sur 24 dès le temps de paix avec un nombre réduit d’appareils, nombre qui, en cas de préavis d’attaque, s’étendait à l’ensemble des moyens de chaque unité de défense. Quant aux escadrons tactiques à vocation offensive, dont le rôle était déterminant dans le cadre de la nouvelle stratégie, ils devaient être capables de participer  au plan de frappe initial, nucléaire et classique, prévu en riposte immédiate à toute attaque soviétique. Pour cela, était alloué dès le temps de paix à chacun de ces escadrons un certain nombre d’objectifs à attaquer par avion isolé pour les unités nucléaires (les plus importantes) et par patrouilles pour les unités dotées d’armements classiques. Les missions devaient être effectuées à très basse altitude et à très grande vitesse, selon des itinéraires précis fixés dans les plans d’opérations.

 

Un réalisme poussé devait être la marque de l’entraînement des forces aériennes. Il se traduisait par le déclenchement d’exercices dits de « réaction » caractérisés le plus souvent par la mise en posture opérationnelle de l’ensemble des bases aériennes concernées et par un contrôle serré de l’exécution des missions défensives et surtout offensives prévues dans les plans. Ces exercices pouvaient être déclenchés à différents niveaux, celui de l’Otan ou celui du commandement national intégré dans l’Otan, à savoir le 1er commandement aérien tactique français (1er Catac). En France, l’exercice de réaction qui a laissé le plus fort souvenir dans l’histoire de l’aviation de combat est celui qui fut conçu en 1957 précisément par le 1er Catac, à savoir l’exercice baptisé du doux nom de « Rebecca ». Cet exercice est resté très en vogue jusque dans les premières années 1960, époque où les forces françaises étaient encore intégrées dans l’Otan et où elles le furent à un point tel à partir de 1962 que les deux escadres de chasse du 1er Catac stationnées en RFA furent dotées de l’arme nucléaire tactique américaine et  incluses dans le plan de frappe « nucléaire » de l’Otan… et cela à peine quatre ans avant que la France ne quitte cette Organisation!

 

Déclenché sans aucun préavis, de préférence au beau milieu de la nuit, week-end et jours fériés non exclus, un « Rebecca » entraînait systématiquement le plan de ramassage général de chaque base relevant du 1er Catac. Dans les cités occupées en majorité par des militaires, le signal de branle-bas de combat était donné par des voitures sillonnant les quartiers sirènes hurlantes, ce que les populations locales environnantes appréciaient modérément. En quelques heures, le personnel avait ainsi rejoint sa Base. Les avions, dont la disponibilité était poussée au maximum, étaient mis immédiatement en alerte dans la configuration prévue par les plans d’opérations. L’exercice pouvait comporter l’ordre de déploiement de certains escadrons sur des terrains extérieurs. La montée en puissance était chronométrée et les données transmises sans délais à l’état-major du Catac… pour débriefing ultérieur ! Rebecca se prolongeait par divers exercices donnant lieu à des décollages réels, de jour ou de nuit. Pouvait être ainsi déclenché le décollage massif « en survie » de tous les appareils, dans l’hypothèse d’une attaque nucléaire adverse imminente. Tous les avions prenaient alors l’air, quelles que soient leurs missions du temps de guerre et se plaçaient en attente à la verticale de points désignés dans les plans et ce, en attendant la suite des évènements. Rebecca se terminait presque toujours par un ordre général d’engagement dans le cadre des plans de frappe prévus. Les escadres de défense aérienne se partageaient la couverture de l’ensemble de la zone du 1er Catac. Quant aux escadres offensives – reconnaissance comprise – chacune de leurs patrouilles – ou chaque avion isolé pour ceux dotés de l’arme nucléaire tactique – connaissait parfaitement non seulement son objectif réel mais aussi l’itinéraire retenu par le commandement pour l’atteindre, le timing et les consommations de carburant aux différentes étapes de la navigation. Pendant Rebecca, les missions offensives réellement exécutées étaient dites « équivalentes ». Elles étaient elles aussi planifiées à l’avance et chaque chef de patrouille devait être capable de réciter par cœur, comme pour les missions réelles, toutes les données de sa mission. Le commandement du 1er Catac, lors des évaluations des unités, voire pendant Rebecca même, n’hésitait pas à faire plancher des pilotes pour vérifier ce point. La durée et le profil de chaque mission « équivalente » correspondaient très exactement à ceux de la mission du plan réel d’opération. La seule différence était que les objectifs étaient fort heureusement situés à cent quatre vingt de grés des objectifs réels ! Cela signifiait qu’un Rebecca, dans sa phase finale, se traduisait le plus souvent par l’envoi dans les airs de plus de deux cents appareils soumis aux contraintes météo, techniques, voire humaines réelles que l’on devine. Il n’est pas étonnant qu’un tel réalisme dans l’entraînement se soit traduit par des pertes – réelles malheureusement elles-aussi – lors de Rebecca déclenchés par des conditions météo médiocres tandis que les aléas techniques étaient parfois sévères. Le bilan pouvait alors se traduire par la perte de plusieurs appareils… et celle de plusieurs pilotes. Ce fut le prix à payer de cette « guerre froide ».

 

Pendant cette période, si la guerre était encore froide, l’ambiance, elle, était fort chaude, une ambiance entretenue par tous ces exercices de réaction où chacun était prêt et déterminé à en découdre. La période ne manqua pas non plus d’être marquée par quelques épisodes plus ou moins savoureux restés dans les mémoires.

 

Ainsi, lors du déclenchement en pleine nuit d’une alerte (fictive) correspondant à une menace imminente d’attaque contre l’Otan, le code transmis au personnel avait été, par suite d’une erreur, celui d’une alerte « réelle ». L’un des pilotes réveillé ainsi en sursaut bondissait sur sa moto, sans prendre le temps de revêtir son battle-dress, c’est à dire  encore en pyjama, pour rallier sa Base aérienne à une vitesse dépassant très largement les limites autorisées (histoire vraie).

 

L’ambiance était chaude et l’on jouait même parfois avec le feu. Ce fut le cas un beau jour de 1957 où, devant le doute émis par le commandement aérien tactique français sur l’efficacité de la défense aérienne au dessus de sa zone, une patrouille de chasseurs-bombardiers F84F, envoyée en mission à très basse altitude à l’est de Munich, prenait le cap retour, donc le cap ouest en montant à haute altitude, son système d’identification « ami/ennemi » (IFF) étant coupé, histoire de voir la réaction. L’apparition de quatre plots non identifiés fonçant cap à l’ouest à haute altitude et grande vitesse provoqua de fait le branle-bas de combat dans le secteur concerné de la défense aérienne. La patrouille en alerte dans le secteur – deux « F86 Sabre » canadiens – recevait l’ordre  de « hot scramble » c’est à dire de décollage immédiat pour une interception réelle, armement branché (doigt sur la gâchette). Les F84F étaient rapidement interceptés, reconnus mais accompagnés en patrouille serrée par les « Sabre » canadiens jusqu’au toucher des roues des F84F sur leur terrain situé au sud de Fribourg. Le test était satisfaisant. On jugea prudent de ne pas recommencer l’expérience.

 

Provoquer l’adversaire faisait également partie du « jeu ». En 1962, un exercice original au nom imagé - « Piegeac » – consistait à montrer aux aviateurs d’en face que nous disposions d’un matériel à hautes performances… supérieures aux leurs. C’était l’époque où les premiers Mirage IIIC, intercepteurs supersonique de la classe Mach 2, venaient d’être mis en service. L’exercice consistait à envoyer un Mirage IIIC en navigation à très haute altitude (50.000 pieds soit 15.000 mètres) et à vitesse hautement supersonique (Mach 1,5) sur un itinéraire qui longeait la frontière tchèque, depuis Passau, sur le Danube, au sud, jusqu’à la hauteur du saillant de Thuringe, un peu à l’est de Bayreuth, au nord. La mission s’effectuait évidemment sous contrôle radar (très) serré des stations de détection alliées. Au moindre écart, ne serait-ce que de quelques demi-degrés, vers l’est, le contrôleur de service intimait fermement la correction de cap qui s’imposait afin d’éviter tout incident. On sentait chez ces contrôleurs une certaine nervosité tandis que le pilote du Mirage pouvait contempler les trainées laissées par les chasseurs adverses en montée vers la zone du rideau de fer… Piegeac eut la vie courte, les alliés jugeant plus prudent d’interdire tout survol, même sous contrôle radar, dans une large zone longeant le rideau de fer, zone dite « d’identification » ou « ADIZ » (Air Defense Identification Zone).

 

Au milieu des années 60, nouveau bouleversement avec l’adoption par l’Otan d’une nouvelle stratégie – la troisième depuis la création de l’Organisation – à savoir celle de la « riposte graduée », laquelle ne devait pas changer fondamentalement jusqu’à la fin de la guerre froide. A partir des années 60 en effet, il devenait évident pour les USA que devant les efforts entrepris par les Soviétiques dans le domaine des missiles et des sous-marins, ces derniers ne tarderaient pas à être capables de frapper directement les Etats-Unis depuis leur territoire. L’équilibre de la terreur basé sur  une « destruction mutuelle assurée » était ainsi en voie de s’instaurer. Plus question dans ces conditions pour  les Américains – donc pour l’Otan – de riposte nucléaire massive en réponse aux premières actions offensives de l’adversaire en Europe. La riposte serait graduée, c’est à dire adaptée à chaque fois à la nature de l’attaque. Officiellement adoptée en 1967, cette stratégie ouvrait largement le champ des modes d’action et des types d’armement envisageables, nucléaires… et classiques. Vers la fin des années 70, les alliés en venaient même à concevoir une phase de combats « classiques » d’une certaine durée. Et d’envisager notamment, avant un recours au nucléaire, une riposte  marquée par une offensive aérienne visant à couper le gros des forces assaillantes de leurs arrières et à livrer ces dernières ainsi affaiblies  à la contre-offensive des forces terrestres alliées. Pour les forces aériennes de l’Otan, une telle  stratégie impliquait un volume de moyens plus important qu’auparavant ainsi qu’un éventail beaucoup plus large de missions et  d’armements. Les dispositifs aériens devenaient beaucoup plus étoffés et devaient être capables d’agir aussi bien en appui des forces terrestres que dans la profondeur du théâtre. La nouvelle  stratégie était sans doute hasardeuse dans la mesure où elle supposait que l’adversaire n’utiliserait pas d’emblée ses armes nucléaires. Elle traduisait en tout cas le souci de nos alliés  de disposer d’une plus grande marge de manoeuvre avant d’en arriver à l’affrontement nucléaire, un souci partagé sans aucun doute par l’adversaire, même s’il s’est toujours refusé de l’admettre.

 

Cette stratégie de la riposte graduée, la France la récusa parce que jugée non dissuasive et risquant de transformer l’Europe en champ de bataille. Notre pays venait d’ailleurs de définir sa propre stratégie de dissuasion nucléaire et réalisait progressivement les systèmes d’armes adaptés : développement à partir de 1964 de la première composante de ses forces nucléaires stratégiques, la force Mirage IVA, en attendant les missiles sol-sol et les sous-marins; développement, à partir de 1973, des systèmes d’armes nucléaires tactiques, aériens et sol-sol, dirigés contre les forces adverses. Une telle stratégie se traduisait par un resserrement du dispositif de nos forces, terrestres et aériennes, sur nos frontières, donc par un déploiement en arrière du dispositif de l’Otan. Le rôle de nos forces de manœuvre terrestres était essentiellement de faire barrage à l’adversaire, si ce dernier avait forcé le barrage de l’Otan, et de le forcer à hausser la mise de telle sorte qu’il dévoile la gravité de son but stratégique, augmentant par là même, pour lui, le risque d’une riposte nucléaire de notre part. Cela signifie que notre dissuasion était basée sur un couplage très serré entre l’engagement de notre corps de bataille, la menace d’une frappe nucléaire tactique contre les forces assaillantes – frappe unique – rapprochant elle même la menace de la frappe stratégique au cœur de l’union Soviétique. La stratégie de la France en s’apparentant ainsi à celle d’une riposte massive tournait le dos à la riposte graduée. Dans ces conditions, le maintien de l’intégration de nos forces dans l’Otan devenait impossible, d’où – autre bouleversement – notre départ de l’Organisation en 1966 ! Mais si la France quittait l’Otan, elle n’en restait pas moins dans l’Alliance. C’est dire que dans l’hypothèse où elle déciderait de s’engager à côté de ses alliés lors d’une crise en Europe – hypothèse la plus probable – ses forces lutteraient à côté de celles des alliés… mais en respectant les contraintes propres à sa stratégie de dissuasion. Pour nos forces terrestres, celles-ci seraient ainsi amenées à jouer un rôle de réserve – on dit de « deuxième échelon » – derrière le dispositif terrestre allié. Leur engagement ne serait possible qu’au cas où il y aurait rupture de la défense terrestre otanienne.

 

Pour nos forces aériennes, les choses se sont présentées d’une façon quelque peu différente. Plus d’Otan, donc plus d’armes nucléaires tactiques américaines, plus de plan de frappe immédiate, donc plus de Rebecca ! Notre dispositif aérien  était certes recentré, lui aussi, sur le territoire national, le PC du commandement aérien tactique et les deux escadres dotées jusqu’ici d’ANT américaines quittant le territoire de la RFA pour être repliées en France. Cela ne modifiait en rien, dans le cadre de notre stratégie de dissuasion, le haut degré de réaction et de préparation exigé jusqu’ici de l’ensemble de nos forces.

 

La planification des raids restait une donnée fondamentale mais limitée aux frappes prévues pour nos unités aériennes à capacité nucléaire, qu’il s’agisse des unités stratégiques de Mirage IVA, en alerte permanente 24heures/24 depuis le milieu des années 1960 ou qu’il s’agisse des cinq escadrons tactiques dotés, vers le milieu des années 70, de l’ANT nationale. Toutes ces unités étaient soumises périodiquement à des exercices de réaction déclenchés sans préavis et se terminant le plus souvent par l’exécution réelle de leurs missions « équivalentes »  comme au bon vieux temps de la riposte massive.

 

Quant à nos forces aériennes « non nucléaires », défensives et offensives, elles se devaient d’être engagées immédiatement, quelle que soit la nature de la crise, dès lors que la France aurait décidé de se joindre aux alliés. Pour les unités de défense aérienne, c’était là une évidence, l’adversaire n’ayant aucune raison de se priver de toute action au dessus de notre territoire. Pour les unités aériennes tactiques non nucléaires à vocation offensive, elles n’allaient pas rester sagement dans leurs « hangarettes » au risque de s’y faire détruire, en attendant que nos forces terrestres soient « au contact », dans l’hypothèse (éventuelle) d’une rupture du dispositif allié en face d’elles. Elles auraient au contraire à s’engager tout de suite à côté de leurs homologues alliés pour des frappes avec des armements conventionnels. C’était dans la logique de notre solidarité avec nos alliés, dans la logique de notre dissuasion en montrant ainsi notre volonté de résister à l’agression et dans la logique enfin de toute stratégie aérienne. Pour ces unités là, il n’était pas question de planifier à l’avance, dès le temps de paix, leurs missions puisque celles-ci  ne pouvaient être déclenchées qu’en fonction de la situation réelle sur le terrain. Afin de répondre à l’hypothèse alliée d’engagements en classique d’une certaine durée, nos unités aériennes non nucléaires furent ainsi amenées à adopter un entraînement calqué sur celui des forces aériennes alliées : entraînement intensif au combat aérien pour les unités de défense aérienne ; pour les unités tactiques, entraînement aux missions de pénétration avec des dispositifs lourds composés d’avions d’attaque, d’escorte, de guerre électronique, de reconnaissance. Les armements, pour les missions offensives, allaient évoluer comme ceux des appareils alliés, avec un souci accru de sûreté et d’efficacité unitaire, compte-tenu de la modernisation des moyens de défense adverses. D’où la diversification des armements air-sol afin de leur assurer une meilleure adaptation à la nature de leurs objectifs ; d’où également le développement des armes air-sol guidées, très précises et tirées « de loin » (en stand-off), armes dont on entendra beaucoup parler pendant la Guerre du Golfe. Vers la fin des années 70, on allait même jusqu’à faire participer nos unités aériennes aux exercices « Red Flag », exercices interalliés d’une durée de plusieurs semaines, d’un réalisme poussé, se déroulant aux USA sur les immenses champs de manœuvres de l’USAF au Nevada. En métropole, à la même période, ces mêmes unités participaient également à de grandes manoeuvres aéroterrestres nationales en terrain libre comportant le déploiement dans la nature de plusieurs divisions de notre armée de terre.

 

Que ce soit aux USA, en métropole ou en Europe avec les alliés, l’activité aérienne de notre aviation de combat augmenta encore d’intensité, une activité conduite dans un environnement opérationnel de plus en plus complexe incluant le durcissement, le camouflage et le desserrement des installations ainsi que la protection NBC et la défense anti-aérienne des bases. La contrepartie a été, au cours des années 70 et 80, des pertes importantes surtout en matériel. Les pertes en équipages, grâce aux améliorations apportées aux équipements de sécurité, furent heureusement plus limitées, même s’il y eut, ici et là, de sérieux coups durs. C’est ainsi qu’en 1982, un escadron de chasse perdit dans la même semaine trois pilotes et trois appareils dont deux par suite d’une collision à très haute altitude et très grande vitesse… sans parler des accidents survenus lors de vols à très basse altitude exécutés dans des conditions météo parfois très médiocres. Paradoxalement, au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la fin de la guerre froide, une fin que personne ne voyait venir, le climat opérationnel devenait de plus en plus sévère et le degré de préparation des forces en général et des forces aériennes en particulier de plus en plus élevé et ce, jusqu’à la chute du mur.

 

* * * *

 

Ce court rappel de ce que fut la guerre froide, vu en tout cas du côté des forces aériennes montre que, contrairement aux idées les plus communément admises, ces quarante années de veillée d’armes ont été particulièrement agitées, exigeant de la part aussi bien des états-majors que des exécutants une adaptation permanente à des situations en constante évolution. Stratégies, organisations, déploiements et conditions d’emploi des forces, équipements et armements n’ont pas cessé d’être modifiés. Encore faudrait-il ajouter à ce tableau les actions de nos forces aériennes dans le cadre de notre stratégie d’action extérieure, devenue dès le milieu des années 70 un sous-produit de la guerre froide dans la mesure où il s’agissait de contrer les avancées inquiétantes de la stratégie indirecte soviétique sur la planète. Pendant ces quarante années de guerre froide, par delà les bouleversements des stratégies et des moyens mis en œuvre, nous sommes restés les yeux fixés surtout sur la ligne sombre des Monts de Bohème, prêts à en découdre immédiatement si l’adversaire faisait mine de se lancer dans l’aventure. Cette ligne, nous avons pu finalement la franchir en touristes à partir des années 90, ce qui nous a fait mesurer l’ampleur du succès de nos armes puisque nous  et nos alliés avons su épargner à l’Europe, des deux côtés du rideau de fer, une catastrophe sans précédent en retenant le bras armé de notre redoutable adversaire par nos capacités dissuasives. Ce résultat, au sein des forces aériennes, a été certes chèrement acquis mais il montre que le sacrifice de nos camarades qui ne sont pas rentrés de mission n’a pas été vain.

 

 

 

Général Michel FORGET – mai 2013

 

 

1987 : le président russe Gorbatchev et le président américain Ronald Reagan signent en Islande des accords de diminution des armes stratégiques. L’heure n’est plus à la militarisation de l’Europe.

     Reagan and Gorbachev signing[1]

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Publié le 19 Janvier 2013

 800px-Attaque d Alger par la mer 29 Juin 1830 par Theodore

La prise d’Alger en 1830 (par Théodore Duguin).

 

 

Au carré militaire d’Issy-les-Moulineaux sont enterrés plusieurs tirailleurs, un spahi, des zouaves... Et en cherchant bien, on pourrait y trouver aussi un goumier ! Il ne s’agit pas d’un inventaire à la Prévert, mais de soldats, morts pour la France, qui combattaient au sein de l’Armée d’Afrique.

 

Une armée composée de trois groupes distincts.

 

 511px-GeneralYusuf

Le général Youssouf.

 

Au 19ème siècle, alors que la France connait l’apogée de son empire colonial, nos forces armées sont composées de trois grands ensembles : les régiments et les armes de la France métropolitaine, les troupes coloniales et l’Armée d’Afrique.

Les troupes coloniales sont formées d’unités militaires stationnées dans les colonies, basées sur des soldats locaux (et un encadrement bien souvent de Métropole) chargées d’assurer la défense des territoires d’outre-mer, autres que l’Afrique du Nord.

L’Armée d’Afrique regroupe donc justement ces mêmes troupes mais sur les territoires du Maghreb. Elle dépend d’un seul état-major général. Une autre distinction est d’importance : les régiments de l’Armée d’Afrique sont très majoritairement composés d’Européens (du moins les régiments de zouaves et de chasseurs d’Afrique). Son origine remonte aux sources même de la colonisation en Afrique du Nord : le général de Bourmont débarque en Algérie en 1830 à la tête d’un corps expéditionnaire qui bientôt prendra ce nom d’Armée d’Afrique. Après l’Algérie, viendront les territoires (puis protectorats) de la Tunisie et du Maroc.

 

Unités.

 

·         La Légion étrangère : la Légion Etrangère, fondée en 1831 pour rassembler dans un même corps tous les étrangers des différents régiments de l’Armée française, établit son quartier-général à Sidi-Bel-Abbès, en Algérie. Jusqu’en 1962, date de l’indépendance du pays, les régiments de la Légion, stationnés en Afrique du Nord, font partie de l’Armée d’Afrique.

 

·         Les zouaves : la dénomination de zouave vient du berbère zwava, qui est le nom d’une tribu kabyle. Entièrement composés de métropolitains, les régiments de zouaves se couvrent de gloire partout où ils combattent. Leur réputation commence avec l’arrivée des Français en Algérie en 1830 : les Kabyles fournissaient des soldats aux Turcs sous la régence d’Alger ; avec la domination de la France, ils fourniront le Royaume puis la République. Ces unités étaient également remarquables par l’exigence ultime de leur discipline ; d’où l’expression « faire le zouave » : un zouave est capable de tout faire, sur un simple commandement.

 

·         Les tirailleurs algériens : aussi appelés Turcos, les régiments de tirailleurs avaient un recrutement principalement local (à l’époque on dit indigène). Présents sur tous les fronts entre 1842 et 1964, ils se distinguent par leur bravoure : pendant le premier conflit mondial, les 14 régiments de tirailleurs obtiennent 55 citations à l’ordre de l’armée !

 

·         Les chasseurs d’Afrique : après la conquête de l’Algérie, en 1830, le chef d’escadron Marey-Monge et le cavalier Youssouf créent des régiments de chasseurs à cheval, qui prendront rapidement la dénomination de chasseurs d’Afrique.

 

·         Les compagnies méharistes sahariennes : il s’agissait d’unités de l’Armée française, dont le rôle consistait à contrôler et gérer le Sahara français. Equipées en dromadaires, elles sont les sentinelles du désert. Pendant des années, ces compagnies vont protéger les habitants et les commerçants – caravanes – des pillages de tribus insoumises. Elles se chargent également de répertorier, de cartographier et de pacifier ces territoires.

 

·         Les goums : les goumiers marocains étaient des soldats relevant de tabors (bataillons), et de goums (compagnies), alors unités d’infanterie légère de l’Armée d’Afrique. Formés de marocains, encadrés de métropolitains, les goumiers s’illustrent entre 1910 et 1955, date de l’indépendance du pays. Sous le commandement du général Guillaume, les goumiers sont invincibles, obtenant, entre 1942 et 1945, 17 citations à l’ordre de l’armée.

 

·         Les bataillons d’infanterie légère d’Afrique (BILA) : généralement connus sous le nom de Bat’ d’Af, ces unités font aussi partie de l’Armée d’Afrique (qui elle-même dépendit jusqu’en 1962 de l’Armée de Terre). En 1840, ils se rendent célèbres à la bataille de Mazagran.

 

·         Les spahis : ce terme, d’origine turque (sibahis), veut dire : soldat. A l’origine, ce sont des cavaliers fournis par des tribus plus ou moins inféodées à l’Empire ottoman. Lors des batailles, ils se payent sur le terrain, en pillant allègrement. Le grand Youssouf en fait des cavaliers d’élite.

 

 

Au cœur de tous les conflits.

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Le chef d’escadron Marey-Monge.

 

Les régiments de l’Armée d’Afrique sont parmi les plus décorés de l’Armée française. Ils sont au cœur de la colonisation d’Afrique du Nord et de l’Afrique noire : Afrique Occidentale Française et Afrique Equatoriale Française. Compte tenu de leur tenue au feu, elles sont également envoyées dans les expéditions lointaines : en Crimée en 1856, en Italie trois années plus tard, au Mexique (ou la Légion étrangère connaîtra le combat fameux de Camerone) en 1861. Bien entendu, l’Armée d’Afrique participera au conflit franco-prussien de 1870-1871.

 

Pendant la Première Guerre mondiale, elle enverra plus de 300.000 hommes. Ses unités sont de toutes les batailles. Le général, puis ministre de la Guerre, Adolphe Messimy, dira : « Je laisse à ceux qui me liront le soin de réfléchir à ce qu’auraient été les événements, si Gallieni sur l’Ourcq et Foch aux marais de Saint-Gond, n’avaient pas eu à leur disposition ces troupes d’élite, plein d’élan et fraîches, s’ils auraient pu remporter de justesse les deux succès qui décideront du sort de la bataille décisive et de la France ». A la fin du conflit, plus de 60.000 « Africains » ne reviendront pas…

 

Vingt-deux ans plus tard, les troupes de l’Armée d’Afrique prennent part au second conflit mondial. Présent pendant la Campagne de France, les régiments sont surtout sollicités dans le cadre du Corps expéditionnaire Français en Italie (bataille de Monte-Cassino). En août 1944, sous le commandement du général de Lattre de Tassigny, l’Armée d’Afrique débarque en Provence et n’arrête sa progression victorieuse qu’en Allemagne, une fois le Reich allemand définitivement à terre.

 

Collectionnant prestige, citations et décorations, voici l’exemple du 8ème régiment de zouaves, recevant la Légion d’honneur :

«Régiment superbe d'héroïsme et de vaillance qui, pendant quatre ans de guerre, sans jamais faiblir, a dressé devant l'envahisseur la foi sacrée d'une troupe qui sait mourir pour la défense de son sol. Entré le 28 août 1914 en contact de l'ennemi, ils manœuvrent en retraite sans faiblir jusqu'au 8 septembre ou les zouaves s'arrêtent et font face. Au château de Mondement et dans les marais de Saint-Gond, ils battent la garde prussienne. Beaux de dévouement, de courage et de sacrifice, ils dressent, dans la boue de Belgique, à Boesinghe et à Nieuport, le mur inébranlable de leurs poitrines. Le 9 mai, le 16 juin et le 25 septembre 1915, sous les ordres du lieutenant-colonel Modelon, ils se lancent à l'attaque de la crête de Vimy et de la butte de Souain. Le 9 juillet 1916, ils se sacrifient et meurent sur les fils de fer de Barleux. Puis, sous les ordres de lieutenant-colonel Lagarde, ils s'emparent, le 17 avril 1917, du Mont-Sans-Nom, réputé imprenable. Le 20 août, ils éloignent à jamais le Boche de Verdun, la citadelle inviolée. L'année 1918 les trouve prêt encore à toutes les audaces et à tous les sacrifices; le 26 avril, ils attaquent Villers-Bretonneux et barrent la route d'Amiens. Les 29 et 30 mai, alors que menaçant et terrible monte le flot ennemi, ils accourent, se sacrifient héroïquement pour défendre la route de Soissons à Paris. Ils sont encore debout, le 18 juillet, pour pousser de l'avant et chasser l'ennemi de Chaudun et de Charantigny. Et c'est en vain que, du 28 août au 15 septembre, l'ennemi essayera de s'accrocher aux falaises de l'Aisne, de tenir Neuville-sur-Margival et le ravin de Vauxaillon, la fougue impétueuse de ceux qui, par sept fois déjà, les ont vaincus, commencera leur défaite. »

 

Décret du 5 juillet 1919 portant attribution de la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur au Drapeau du 8e RMZ - Le Président de la République

 

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Drapeau du 7ème RTA en 1917.

 

 

Sources :

 

- Encyclopédie Universalis, dictionnaire Larousse, encyclopédie Wikipédia.

- André Castelot et Alain Decaux : Histoire de la France et des Français, Larousse.

- Service historique de la Défense – Site « Mémoire des hommes » du ministère de la Défense.

- Pierre Miquel : Les poilus d’Orient, Fayard, 1998 ; La poudrière d’Orient, Fayard 2004 ; Le gâchis des généraux, Plon 2001 ; Les Poilus, Plon, 2000 ; Je fais la guerre, Clemenceau, Taillandier, 2002 ; Les Enfants de la Patrie, Fayard, 2002.

- Les troupes coloniales dans la Grande Guerre – L’Armée d’Afrique, par Léon Rodier.

- L’Armée d’Afrique, Historama, n° 10, 1970.

- Histoire de l’Armée française en Afrique, par Anthony Clayton, Ed. Albin Michel, 1994.

- L’Armée d’Afrique, 1830-1962, par Robert Huré, 1830-1962, ED. Lavauzelle, 1977.

 

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Publié le 28 Septembre 2012

 

North Korea 1948

Char nord-coréen en 1948.

 

Yalta et ses conséquences.

La Conférence de Yalta, en février 1945, rassemble Josef Staline, chef de l’Union Soviétique, Franklin Roosevelt, président des Etats-Unis et Winston Churchill, Premier ministre de Grande-Bretagne. Il s’agit pour ces puissances, qui sont en train de vaincre l’Allemagne nazie et ses alliés, de se donner les moyens d’établir partout où sont installées des troupes ennemies, les bases du rétablissement de la paix. Ceci en langage diplomatique. Traduit en termes d’intérêts, cette conférence consiste aussi et surtout à affirmer un partage de « zones d’influence ».

A Yalta, l’Union soviétique donne également son accord pour se retourner vers l’ennemi japonais, trois mois après l’anéantissement de l’Allemagne. Aussi, le 9 août 1945, au lendemain de sa déclaration de guerre à « l’Empire du soleil levant », les troupes russes pénètrent dans le nord de la Corée pour y chasser les derniers bataillons japonais. Au sud, les Américains font de même dans le courant du mois de septembre 1945 : il a en effet été décidé que le 38ème parallèle servirait de « frontière » entre la zone d’influence soviétique et celle d’influence américaine.

Deux idéologies s’affrontent : au nord, sous influence soviétique, hégémonie est donnée aux idées révolutionnaires communistes. Au sud, en juillet 1948, se déroulent les premières élections : Syngman Rhee (1875-1965) devient président de la République coréenne, lui qui fut déjà par la passé, président du Gouvernement provisoire de la République de Corée, pendant l'occupation japonaise, de 1919 à 1925.

En réponse à ce qui est considéré comme une provocation, en septembre de la même année, la République Populaire de la Corée du Nord est proclamée, et Kim Il-sung (1912-1994) en est le Premier ministre, poste qu'il occupera jusqu'en 1972 avant de devenir président de «sa» Corée, et cela jusqu'à sa mort en 1994.

Inutile de préciser que ces deux partis revendiquent chacun l'intégralité de la Corée...

 

Invasion du sud.

Après avoir reçu les assurances de soutien de Staline et du dirigeant chinois Mao Zedong, Kim Il-sung lancent 135.000 hommes à l’assaut de la frontière du 38ème parallèle. Auparavant, il a pris soin de procéder à un gigantesque tir d’artillerie. Avec l’ouverture des archives soviétiques, il apparait aujourd’hui clairement qu’il s’agit d’une initiative de Kim Il-sung, et non d’une réponse à des tentatives de déstabilisation, comme cela fut souvent indiqué à l’époque, entre autres par une certaine intelligentsia communiste des pays occidentaux. En fait, le Premier ministre nord-coréen couve ce projet depuis sa nomination en 1948.

La Corée du Sud et son allié américain sont totalement pris de cours. Aux Nations unies, l’Union soviétique joue la politique de la « chaise vide » arguant du fait qu’une majorité des membres se réfère davantage des Etats-Unis, et que l’entrée de la Chine communiste est bloquée. Profitant de ce fait, les Américains font voter dans l’urgence deux résolutions – la 83 puis la 84 – établissant un contingent militaire fort de seize pays, dont la Grande-Bretagne, l’Australie, le Canada, la Turquie, la France, la Belgique, la Grèce (…). En pratique, les Américains sont très largement majoritaire. Le commandement de la force onusienne est confié au général Douglas Mac Arthur, alors commandant des forces US dans le Pacifique. C’est un militaire reconnu, qui a participé aux deux conflits mondiaux et qui vient de se couvrir de gloire dans la guerre contre le Japon.

Il n’est que temps !

En quelques jours, par des attaques surprises sur les villes de Kaesong, Chunchon, Uijongbu et Ongjin, les troupes du nord détruisent en grande partie la petite armée de Corée du Sud, bien faible avec ses 38.000 hommes. C’est même la débandade. Le 28 juin, Séoul tombe à son tour. Les communistes parviennent jusqu'à Pusan – au sud-est de la péninsule – en septembre 1950. Seule une poche autour de cette ville a pu résister au déferlement communiste. Avec cette incroyable avancée, les troupes Nord-coréennes ne parviennent pourtant pas à atteindre ses buts, à savoir la reddition de Sygman Rhee et l'anéantissement total de son armée. Kim Il-sung a pourtant promis à ses alliés une guerre éclair.

 

La reconquête.

 La joie communiste n’est que de courte durée. Les troupes onusiennes de Mac Arthur organisent la contre-attaque, par l’arrivée de soldats majoritairement occidentaux (près de 200.000 hommes) et un appui aérien et logistique d’importance. Les troupes du nord sont alors repoussées jusqu'à la frontière Chinoise à peine deux mois plus tard, en novembre 1950, ce qui donne lieu à l'intervention non officielle de la Chine, qui envoie sur le champ de bataille des «volontaires» – près de 300.000 soldats – commandés par les généraux Lin Biao et Peng Dehuai. Avec ce renfort de taille, les forces de l'ONU sont stoppées nettes. Mieux, Séoul est reprise, ce qui entraîne un exode de près d’un million de Coréens.

Maintenant, au gré des batailles, la guerre de mouvement fait place à une guerre de position. Au moyen du sacrifice de nombreuses troupes, le général américain Ridgway parvient à reprendre Séoul, en mars 1951, et repousse les troupes de Corée du Nord au-delà du 38ème parallèle. Mais le général Mac Arthur ne peut se contenter du statu quo : il propose à son président, Truman, de lancer la bombe atomique sur la Mandchourie afin d’infléchir définitivement la position chinoise. Le président, refusant l’éventualité d’un conflit avec la Chine communiste, démet le général de ses fonctions et nomme Ridgway à sa place, en avril de la même année.

Le conflit s'enlise : les deux parties connaissant leurs lots de victoires et de défaites, bien que les deux camps entrent en négociation parallèle dès cette année-là. Elles se poursuivent d’ailleurs, et ce jusqu'en 1953, année de la disparition de Joseph Staline, le Petit père des peuples. Le 27 juillet 1953, est proclamé l'armistice de Panmunjeom. Il met fin à une guerre qui aura duré pratiquement 3 ans, et fait au minimum un million de morts (différentes sources mentionnent même des chiffres de 2-3 millions de morts).

 

Monclar et le Bataillon français de l’ONU.

 

 

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Le lieutenant-colonel Monclar et le général Mac Arthur.

 

En novembre 1950, le Bataillon français de l’ONU est incorporé au sein du 23ème régiment de la deuxième division de l’infanterie US, sous le célèbre insigne Indian Red. Il est composé de plus de mille volontaires, commandés par un chef de premier ordre : le général Ralph Monclar.

Saint-cyrien, il termine la Première Guerre mondiale au 60ème régiment d’Infanterie avec le grade de capitaine, la Légion d’honneur, 11 citations et une invalidité de 90 % ! Par la suite, il est envoyé en Syrie afin d’y organiser le mandat de la France sur le pays dans les années 1920. Son invalidité ne l’empêche pas d’être l’un des premiers à répondre à l’appel du général de Gaulle, qui lui confie la 13ème Demi-brigade de la Légion étrangère à Narvik (Norvège) en 1940. Peu après, en Syrie, il se refuse à entamer des combats contre les troupes françaises restées fidèles au Gouvernement de Vichy. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, il effectue des missions d’inspection pour la Légion en Algérie, au Maroc, à Madagascar, en Indochine. Au moment de la constitution du bataillon de l’ONU pour la Corée, il se porte volontaire, et échange, pour la durée de sa mission, ses étoiles de général de corps d’armée contre un grade de lieutenant-colonel.

Dès noël 1950, le Bataillon français de l’ONU (BF/ONU) s’installe dans la vallée de Mokkey-Dong, par un froid des plus glaciaux, allant jusqu’à -30°, rendant les armes complètement inutilisables. Dans ces conditions extrêmes, le bataillon perd accidentellement son premier soldat.

En janvier 1951, le Bataillon français participe à une série de combats victorieux, pendant près d’un mois. Après une difficile progression, il s’installe au sud de Chipyong-Ni et d’une voie ferrée, appelé Twin Tunnel, dans le centre de la péninsule, défendue par les 10.000 volontaires Chinois de la 125ème division. Le rapport est donc de 1 à 10 ! Le combat dure près de 14 heures, mais les Français tiennent bon, perdant seulement 30 hommes et une centaine de blessés. Les volontaires Chinois quant à eux déplorent la mort de plus de 1.300 hommes. Ce combat vaut sa première citation à l’ordre de l’Armée française et sa première Citation présidentielle américaine.

Monclar se dirige sur Chipyong-Ni, carrefour stratégique important, isolé face à l’ennemi. Le 23ème régiment US et le BF/ONU sont alors encerclés par 4 divisions chinoises, soit près de 45.000 hommes. Après trois jours de combats, et avec l’aide de l’aviation, les troupes chinoises sont repoussées. Le Bataillon français obtient deux nouvelles citations, à l’ordre de l’Armée et une nouvelle Citation présidentielle américaine. Mais le général Monclar, frappé par la limite d’âge, rentre en France.

 

 Camp Kapyong - 1952 - Cliche - Stanilas Salisz

 Camp Payong – 1952

(Photographie de Stanislas Salisz).

 

Par la suite, le BF/ONU participe encore à de nombreux combats. En mars 1951, la prise de la cote 1037 ouvre la route de Chuchon et d’Honchon, au nord de Séoul. Le 6 avril, il franchit le 38ème parallèle, et arrive deux jours plus tard aux réservoirs de Hwachon. Repoussé par une contre-offensive, il refranchit le 38ème pour s’établir dans la ville d’Inje. En octobre de la même année, après trois semaines de combats, le BF/ONU s’empare de la cote 851 puis du piton Crève-Cœur. S’ensuit une guerre de position. Dans le courant de l’été 1952, le Bataillon français participe au barrage d’une nouvelle offensive chinoise sur Séoul. Placée en avant, la Section des Pionniers, à court de munitions, prend l’initiative d’un corps à corps à coup de pelles ! La Section d’armes lourdes se porte à son secours, désobéissant aux ordres. Mais pour ce fait d’armes, elle recevra sur ordre du Président de la République de Corée du Sud, la haute décoration de l’Ordre du mérite militaire Hwarang, avec étoile d’argent. Puis, le bataillon prend part aux combats du triangle de fer, nom d’un important gisement de minerai de fer entre Kumwa, Chorwon et Pyongyang, dans l’ouest de la péninsule.

C’est à la suite de ses blessures reçu lors d’une de ces batailles, que Jacques Landry, un Isséen de 25 ans, décède le 30 mai 1952. Il était brancardier au sein de la compagnie de commandement du bataillon.

L’année suivante, le BF/ONU est à Songkok et tient pendant plusieurs mois le secteur de Chumgasan, à l’ouest de Gumhwa, dans le centre du pays.

 

 Jacques Landry

 Jacques Landry et le médecin-capitaine Brottin en Corée.

(Photographie de Rémond Shappacher).

 

 

 

 

Giovanni Gandolfo

Comité du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux.

 

Sources :

·         La guerre de Corée, Robert Leckie, Ed. Robert Laffont, 1962.

·         Histoire de la Corée, André Fabre, Ed. L’Asiathèque, 2000.

·         La guerre de Corée (1950-1953),Patrick Souty, Presses universitaires de Lyon, 2002.

·         Sites internet :

o    http://commandos-marine.winnerbb.net/

o    http://france-coree.pagesperso-orange.fr/

o    http://bataillon-coree.org/

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