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Publié le 14 Mars 2020

Rue d’Isly, 26 mars 1962, 14 h 50 : devant la poste, les Algérois se jettent à terre pour échapper aux tirs.

Rue d’Isly, 26 mars 1962, 14 h 50 : devant la poste, les Algérois se jettent à terre pour échapper aux tirs.

Situation en Algérie en mars 1962.

 

Nous sommes le 18 mars 1962. Le général de Gaulle, Président de la République, vient d’annoncer les Accords d’Evian. Voilà des mois qu’il a tranché. Cette guerre ne peut être gagnée politiquement, même si l’armée française a réussi sur le terrain. Le lendemain, 19 mars, aura lieu le cessez-le-feu dans cette Algérie qui est encore française pour quelques semaines.

 

En face, il y a les Pieds-Noirs – Européens installés depuis, parfois, des générations sur le sol algérien – et ceux qui sont prêts à tout, y compris à régler cela dans le sang, pour que les départements français d’Algérie ne changent pas. C’est l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) dirigée par le général Salan, qui bénéficie d’un grand prestige dans les rangs de l’armée et de la population européenne. Ce dernier lance un appel aux combattants de son organisation : « harceler toutes les positions ennemies dans les grandes villes d’Algérie ». Il s’agit pour l’OAS, et ses partisans, de provoquer un soulèvement contre l’armée française et les Algériens du FLN (Front de Libération National).

 

A Alger, des partisans se barricadent dans le quartier de Bab El Oued. Des unités de l’armée française viennent au contact et décident d’interdire l’entrée du quartier aux Européens qui veulent soutenir l’OAS. Cette unité est le 45e régiment de tirailleurs, composé de militaires d’expérience mais aussi de jeunes recrues.

 

La manifestation.

 

Le 23 mars, six jeunes soldats – ils sont des appelés du contingent – sont pris pour cible par des partisans de l’OAS et abattus. Les soldats qui entourent Bab El Oued décident de passer à l’action. Les combats font une quinzaine de victimes. Mais pour contrecarrer le plan de l’armée, l’OAS lance un appel à la grève et demande aux Européens de venir les secourir. Une manifestation est montée le 26 mars, alors que tout rassemblement a été interdit par le préfet, Vitalis Cros.

 

Plusieurs milliers de personnes convergent donc pour aider les partisans de l’OAS. Parmi ces manifestants, il y a des familles entières, avec femmes et enfants.

 

Tout à coup, une rafale d’arme automatique est lâchée. Plusieurs hypothèses – excuses ou explications – sont données : l’OAS a tiré sur les soldats alors que les manifestants approchaient. D’autres versions contredisent cela. Un ordre d’ouverture du feu a-t-il été donné ? Trop tard… Les soldats du 4e RT, qui ont plus l’habitude de traquer les fellaghas dans le djebel que de faire face à des manifestants, n’écoutent pas les ordres de leurs supérieurs qui appellent à cesser le feu.

 

Le drame se noue en quelques minutes. Le bilan officiel est de 46 morts et de 150 blessés. Bilan jamais validé par d’autres sources qui, elles, parlent de 80 morts.

 

Au soir de cette tuerie, le général de Gaulle prend une nouvelle fois la parole. Il n’a pas un mot pour ce qui s’est passé dans la journée à Alger. Il parle au nom de la Nation et de ses intérêts supérieurs. Il appelle les Français à ratifier les Accords d’Alger. Cette guerre politiquement ne peut être gagnée. Mais tous les Français n’ont pas le droit de voter : un décret du 20 mars 1962 empêche ceux des départements d’Algérie de participer à ce référendum.

 

Que faire ? Lâchés par l’armée, voyant que l’OAS ne peut défendre l’Algérie française, malmenés par les Algériens, des dizaines de milliers de Pieds-Noirs décident de s’exiler en métropole. C’est « la valise ou le cercueil » !

 

Quant aux victimes ? Les familles n’ont jamais eu le droit de récupérer les corps, beaucoup ayant été clandestinement enterrés au cimetière Saint-Eugène, aujourd’hui cimetière Bologhine, dans le nord d’Alger.

 

Pour l’historien Benjamin Stora : « le silence fait sur ce massacre est un des exemples les plus marquants de la censure pratiquée pendant la guerre d’Algérie : comme pour beaucoup d’événements, le gouvernement français n’a jamais reconnu sa responsabilité ».

 

 

 

 

Sources :

 

  • Crédit photographique : Paris Match.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Jean Monneret, Une ténébreuse affaire : la fusillade du 26 mars 1962, Offset, 2007.
  • Benjamin Stora : Les guerres sans fin, un historien entre la France et l'Algérie, Paris, Stock, 2008 ; Les immigrés algériens en France : une histoire politique, 1912-1962, Hachette Littératures, 2009 ; Le mystère De Gaulle : son choix pour l'Algérie, Robert Laffont, 2009.

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Algérie

Publié le 12 Janvier 2020

Capitaine Petit - En Algérie - 2.

Dans les Aurès.

 

« Des rumeurs saugrenues circulent, laissent entrevoir un retour vers notre base d’Arzew. Les rumeurs se transforment vite en déplacement vers un autre grand massif du sud algérien : les Aurès.

 

Le 4 octobre 1960, une grande opération est lancée. Elle porte le nom « d’Ariège » et s’inscrit dans le cadre des opérations de démantèlement des zones refuges rebelles qui ont commencé en 1959 dans l’Ouarsenis puis se sont poursuivies dans le Hodna, en Kabylie et la presqu’île de Collo. Dernière phase du plan Challe, d’importantes opérations sont déclenchées dans les Aurès. La 11e DI, sous les ordres du colonel Langlois, groupe le 3e REI, le 5e REI, le 1er REP, le 1er REC et le 2e REP. Ensemble, ils vont opérer côte à côte durant cinq semaines de durs combats. Plus de 700 rebelles seront mis hors de combat et près de 700 armes saisies. Les opérations de ratissage se succèdent. Les résultats sont là.

 

Dix jours plus tard, nous accrochons une importante bande de rebelles. La compagnie fait face à un ennemi fortement retranché. Mais les légionnaires veulent en finir. Ils montent à l’assaut. De suite, 12 rebelles sont tués. Les 16 et 17 octobre, héliportés à 20 km au sud, nous réussissons avec quelques autres compagnies, à encercler des bandes éparses de fellaghas. Au soir de ces deux journées, 124 ennemis sont neutralisés. Ma compagnie est regroupée à proximité du 3e escadron du 1er REC. Je suis invité à partager le diner à la popote de cet escadron dans un véhicule 6x6 où se trouvent le capitaine Deheurles, le lieutenant Bao-Long, prince d’Annam et fils de Bao-Daï, le lieutenant Morillon (futur général d’armée et commandant des Forces françaises en Bosnie).

 

Après presqu’une année d’opérations sans discontinuer, nous voilà de retour à Arzew : remise en condition, prise d’armes, décorations, repas de corps. En permission du 17 décembre au 2 janvier 1961, je repars pour la métropole. Je passe les fêtes de fin d’année à Grasse et à Nice, en compagnie de ma fiancée, Françoise Desgeorges. Mais ça s’agite là-bas !

 

Le 20 décembre, dans une allocution radiotélévisée, le général de Gaulle a indiqué : « Le Peuple français est donc appelé à dire par référendum, s’il approuve, comme je le lui demande, que les populations algériennes, lorsque la paix règnera, choisissent elles-mêmes leur destin. Cela signifie : ou bien rompre avec la République française, ou bien en faire partie ou s’y associer ». On peut dire qu’à ce moment-là le sort de l’Algérie est clairement défini. Mon régiment est rameuté à Alger pour faire face, une seconde fois, aux événements qui s’y déroulent depuis le discours fameux. En date du 25 janvier, par décret paru au Journal Officiel, je suis promu au grade de capitaine ».

 

Dans le sud oranais – Le putsch.

 

« Le capitaine Roger Mougin, commandant la 1ère compagnie, est muté au Laos. Le colonel Pfirrmann me nomme pour prendre le commandement de cette compagnie.

 

Le 28 février, de graves incidents viennent de se produire à Oran place du docteur Roux où deux femmes européennes ont été brûlées. Appelé à la rescousse, c’est vers 16h00 que le régiment se dirige vers le centre ville. C’est sur les marches du perron du Grand Lycée que Mougin me passe le commandement en présence de l’adjudant de compagnie, puis s’éclipse dans la nuit naissante vers son destin. Le PC de l’EMT1 aux ordres du commandant Camelin, sous les ordres duquel je suis dorénavant placé, s’installe au stade Ben-Yamine Ville-Nouvelle. Habituellement, c’est au cours d’une prise d’armes que le colonel transmet le fanion de la compagnie de l’ancien au nouveau commandant de compagnie. Mais les circonstances ne s’y prêtent guère.

 

La 1ère compagnie patrouille à proximité immédiate de la Grande Mosquée, elle-même toute proche de la place du docteur Roux. C’est vendredi, jour de prière. La cour de la mosquée est pleine à craquer d’individus au coude à coude, aux visages barbus et hostiles. J’envoie dans cette foule la 1ère section forte d’une trentaine de légionnaires, qui se faufile et se trouve aussitôt noyée dans cette masse mouvante, avec le sentiment de ne pas pouvoir agir en cas de clash. Le chef de section, le sergent-chef Wasclulesky, me demande par radio du renfort ce que je fais en dirigeant une autre section vers les lieux. Je m’y rends également avec mon radio, l’infirmier et mon fidèle ordonnance. Il est vrai que dans de telles circonstances, c’est l’angoisse qui vous étreint. Une bavure et c’est le carnage. Aussitôt, je fais sortir mes deux sections de la cour que nous avons sous contrôle de l’extérieur. Des patrouilles et des bouchons sont assurés jour et nuit jusqu’au 3 mars 1961.

 

Nous retournons sur Arzew où nous recevons les félicitations du général Lhermitte, commandant le secteur urbain d’Oran. Début avril, nous faisons mouvement vers la petite palmeraie d’Aïn-el-Orak au sud de Géryville, elle-même au sud de l’Oranais. Notre mission se résume à la surveillance et l’assistance d’un regroupement de près de 6.000 nomades encerclés par un réseau de barbelés. Une entrée et une sortie contrôlée par mes légionnaires. La nuit, c’est patrouille sur la périphérie et embuscade. La plupart de la population masculine est pro-FLN, ce qui coupe court à tous renseignements. Mes hommes sont tous formés à la discipline légion. On ne transige pas sur une faute, aussi sommes-nous reconnaissants dans la rectitude du de voir accompli. Pour résumer : ça tourne rond. J’ai pu constater à plusieurs reprises, lors d’accrochages, l’allant de cette troupe d’élite, qui, sans coup férir, avance au charbon et prend aussitôt le dessus sur son adversaire au mépris de tous les dangers.

 

Le 11 avril 1961, l’Algérie est déclarée Etat souverain. Aussi, le 22 avril, à Alger, c’est le putsch des généraux Challe, Jouhaud, Zeller et Salan. Le 1er REP, commandé par le commandant Elie Denoix de Saint-Marc, venu de Zéralda, se place sous le commandement des généraux. L’armée a pris le pouvoir dans l’ordre et la discipline. La population, en liesse, manifeste sa joie, aussi bien parmi les pieds noirs que parmi la population algérienne dont les femmes quittent le voile et défilent dans l’allégresse. Au 2e bureau, des ralliements à la cause française sont enregistrés dans les rangs du FLN.

 

J’écris à ma fiancée : « Ce matin, une grande nouvelle sur les ondes. L’armée a pris le pouvoir en Algérie. Tu t’imagines facilement la joie de cette armée française qui souffrait, qui attendait que quelque chose se passe. Enfin, c’est chose faite maintenant, dans l’ordre et la discipline comme je n’osais l’espérer. Le général Challe est un homme raisonnable, ayant les pieds sur terre. Tu peux être sûre que nous sommes tous derrière lui. Comment t’exprimer tous mes sentiments ? Tout le monde savait que le général de Gaulle traitait secrètement avec le FLN pour lui donner tous les pouvoirs. Tu penses bien que cela ne pouvait avoir lieu. Tu sais aussi quelle était ma position sur ce sujet. Dans les milieux musulmans, ce doit être un immense soulagement. Nous savons maintenant à quoi nous en tenir ; notre mission de soldat a repris tout son sens, toute sa valeur, c’est une très grande satisfaction morale. Tu peux croire aussi que tous les « plastiqueurs » ou « troublions » de tous acabits seront remis dans le bon chemin. Les grandes choses ne se réalisent pas dans le désordre. L’ordre règne en Algérie. J’ai écouté la radio, celle d’Alger et celle de la France. Le gouvernement raconte des histoires sur ce qui se passe ici. Crois-moi, c’est la dernière chance maintenant. Il faut s’unir, l’armée ne fait qu’un bloc. Comme je te le disais, nombre de musulmans respirent maintenant. Pour moi, la chose est nette, je suis derrière Challe. D’un instant à l’autre, nous sommes prêts à descendre sur Oran ».

 

J’ajoute, deux jours plus tard : « Deux jours déjà, c’est fou ce que le temps passe vite. En commençant cette lettre le 22, je n’ai pu la terminer. Sous les ordres du commandant Camelin, en une heure de temps ce jour-là, nous avons bouclé nos cantines et pris le chemin du nord. Destination inconnue. Nous étions dans la joie. Nous avons quitté notre poste et toute la nuit sur les routes nous avons roulé. A 4h30, le 23, nous sommes donc arrivés à Saïda. La prise de contact avec nos camarades légionnaires du 1er RE, tous du même avis, et tous avec des sourires immenses, l’espoir fait vivre ! Du coup, personne ne s’est couché tellement l’ambiance était bonne. Les discussions allaient bon. Tous derrière Challe ! ».

 

C’est la compagnie portée commandée par le lieutenant Lepivain qui est allée encercler le PC du général Ginestet, lui demandant de se placer sous les ordres de Challe. Mais cette requête n’a pas abouti. Le 25 avril, c’est la reddition de Challe et la fin de l’insurrection. Le 27 avril, le 1er REP est enfermé au camp de Zéralda avec les 14e et 18e RCP. Le 30 avril, les cérémonies pour l’anniversaire de Camerone ne seront pas célébrées à Sidi-Bel-Abbès.

 

Nous regagnons notre poste d’Aïn-el-Orak dans la tristesse. En fin d’après-midi, un incident éclate à la 2e section réunie sous la guitoune. Un légionnaire la menace avec son pistolet-mitrailleur. Mon sang ne fait qu’un tour. Je coiffe mon képi. J’entre. Je m’approche du légionnaire et je me plante devant lui, au garde-à-vous à le toucher. Son arme est sur ma poitrine. Il me vient à penser qu’un légionnaire bien instruit obéit toujours aux ordres de ses supérieurs. Par trois fois, je le somme de se mettre au garde-à-vous et de rendre son arme. Les quelques secondes qui suivent sont longues. Le silence est total. D’un seul coup, il s’effondre et me donne son PM. Un coup de bourdon, le mal du pays, une injustice ? Allez savoir ! Bref, la suite de cette histoire se solde par 15 jours de prison.

 

Le 5 mai, le commandant Camelin rejoint Oran aux arrêts de forteresse. Le lieutenant Lepivain quitte délibérément le régiment et rejoint Alger pour se placer clandestinement dans la mouvance de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète). Le colonel Pfirrmann, également aux arrêts de forteresse, garde son commandement. De retour d’Oran, le colonel nous déclare : « Je me suis rangé derrière le général Challe. Je n’aurai pas voulu que plus tard mon fils dise : « Et toi papa, qu’as-tu fait pour l’Algérie ? ». Je suis pied noir, c’est ma peau. J’ai beau me laver, rien n’y change. Je suis passé dans beaucoup de bureaux. J’ai vu beaucoup de colonels, qui lors du 23 avril me disaient : « Je suis avec vous. Nous sommes avec vous ». Maintenant, ils n’osent plus me regarder. Je préfère être à ma place qu’à la leur. On ne reconnaît plus ses amis ».

 

A Zéralda, le 1er REP est dissous. Tous ses officiers sont aux arrêts. Les compagnies sont dirigées sur Thiersville, encadrées par un officier de chaque compagnie. La route est jalonnée de CRS. La population européenne massée sur le parcours jette des fleurs en signe de reconnaissance. Les légionnaires déchargent leur mitraillette à chaque passage dans une ville. Le 16 juillet, au cours d’une prise d’armes, le lieutenant-colonel Bénézit prend le commandement du régiment en lieu et place du colonel Pfirrmann. Le commandant Colin remplace le commandant Camelin à la tête de l’EMT1.

 

Nous effectuons des reconnaissances. Nous sommes ensuite relevés par une compagnie du 2e REI, commandée par le fils du maréchal Juin. Le régiment n’est plus en odeur de sainteté. Nous sommes parqués le long de la frontière, dans des postes. Les véhicules de train qui d’habitude sont à notre disposition pour tous nos déplacements nous ont été retirés, de telle sorte que le commandement n’a plus à se méfier de nous. Il est vrai que des troubles risquent encore d’éclater. Des rumeurs circulent ici et là comme quoi nous serions sur le point de rejoindre Sidi-Bel-Abbès en vue de constituer une enclave française de fait, comprenant le siège de la Légion et toute la région au nord avec Oran et le port de Mers-El-Kebir. Et les mois passent. Pénibles.

 

Le 30 avril 1962, nous célébrons Camerone dans une ambiance emprunte d’une grande simplicité. Un repas amélioré est servi au mess. Je fais la tournée des sections et bois quelques bières avec les légionnaires. L’un d’eux me saisit mon képi et commence à faire le pitre avec. Arrive le commandant Colin, visiblement ivre. Il hurle « C’est inadmissible ! Un légionnaire ne porte pas le képi de son capitaine. Je vous mets aux arrêts ». Prévenu, le colonel nous reçoit dans son bureau. Ne sachant plus très bien ce qu’il fait, le commandant Colin donne un grand coup de sa canne sur le bureau du colonel et se met de nouveau à hurler. Le colonel n’est pas dupe et me demande de sortir de son bureau, afin d’avoir un entretien particulier avec le commandant. La décision est immédiate : le commandant Colin rejoindra la base arrière d’Arzew en attendant sa mutation hors légion.

 

Retour au quotidien. Nous tuons le temps en inspection de matériels d’équipement, de sports et quelques incursions au Maroc, au-delà du rideau du barrage. Figuig n’est pas très loin. Mon temps de commandement touchant à sa fin, je quitte le régiment fin juin. Le capitaine Savatier est désigné pour me remplacer. Le colonel Bénézit préside la cérémonie. De mes mains, il transmet le fanion de la compagnie dans celles du capitaine Savatier. Musette en bandoulière et car de rouge, adieux la Légion.

 

En permission à Cagnes-sur-Mer chez mes parents, je me marie le 10 juillet 1962 en l’église Notre Dame de Nice avec Mademoiselle Françoise Desgeorges. Ma nouvelle affectation prendra la direction de l’Allemagne à l’état-major du Secteur français de Berlin. Une semaine plus tôt, le général de Gaulle a reconnu l’indépendance de l’Algérie ».

 

 

 

 

Photographies :

 

Ces textes sont issus des mémoires du capitaine Petit, qui nous a fait l’amitié de nous les faire parvenir. Ses mémoires sont d’un seul bloc. Nous les avons sectionnées en plusieurs parties pour des facilités de transposition sur internet. Nous remercions le capitaine Petit pour ce témoignage remarquable et sa confiance.

 

Les photographies des deux articles du capitaine Petit sur sa période algérienne présentent des défilés du 5e REI à Arzew ; des opérations dans les Aurès ; le capitaine Petit ; le cimetière de Tlmecen ; opérations sur la presqu’île de Collo ; la visite du général de Gaulle et de Pierre Messmer ; opérations en Kabylie ; passation de commandement au capitaine Savatier ; les adieux à la Légion.

 

Capitaine Petit - En Algérie - 2.
Capitaine Petit - En Algérie - 2.
Capitaine Petit - En Algérie - 2.
Capitaine Petit - En Algérie - 2.
Capitaine Petit - En Algérie - 2.
Capitaine Petit - En Algérie - 2.
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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 11 Janvier 2020

Capitaine Petit – En Algérie – 1.

Sidi Bel-Abbes.

 

« Le 8 décembre 1958, j’arrive à la « Maison Mère » de la Légion étrangère, sise à Sidi Bel-Abbes. C’est le « Quartier Viénot ». Lorsqu’on y pénètre, on a devant soi la « Voie Sacrée » que nul ne peut fouler, à l’exception de la prise d’armes qui commémore chaque année la bataille de Camerone au Mexique le 30 avril 1863.

 

Au fond est érigé le Monument aux morts, couronné d’une mappemonde flanquée aux quatre coins cardinaux d’une statue rappelant les différents théâtres d’opérations où s’est illustrée la Légion. Arrivant d’une unité régulière, il me faut revêtir les attributs distinctifs. Je vais chez le maître-tailleur pour m’équiper : képi noir, fond rouge, galons d’or, grenade évidée à sept branches, pattes d’épaules, écussons, insigne du régiment…

 

Ainsi paré, je vais me présenter au colonel commandant le 1er RE (régiment étranger), le colonel Thomas qui a qualifié cette visite de courtoisie bienveillante.

 

Le 1er RE représente le lieu commun, le centre administratif par où toutes les nouvelles recrues doivent transiter durant l’instruction de base avant de rejoindre les unités combattantes. De même lorsqu’il s’agit de mutations, fins de contrat. C’est la plaque tournante, la « Portion centrale ».

 

C’est à Arzew que je rejoins le régiment le 8 décembre 1958. Le 5e régiment étranger d’infanterie, qui était jusque là installé sur le secteur de Turenne, vient d’être placé en réserve générale d’opération ici même avec sa base arrière. En effet, dans le cadre du Plan Challe, ont été constituées plusieurs divisions d’intervention, capables d’agir aux quatre coins du territoire. Ce sont la 11e Division d’Infanterie (DI) et la 10e Division Parachutiste (DP) à laquelle le régiment est rattaché. Nous sommes sans fausse modestie la fine fleur de l’armée sur laquelle le commandement va compter pour atteindre ses objectifs : la pacification.

 

A mon arrivée à Arzew, le capitaine Valent, officier étranger d’origine slave, grand seigneur, me reçoit en l’absence du régiment partit le matin même en opération dans la région de la Gada d’Aflou, région d’Aïn-Sefra, dans le sud oranais. Il est chargé de réquisitionner un certain nombre de villas et locaux pour y installer les cadres et les services au retour du régiment. La troupe trouvant son salut sous la tente. »

 

Dans l’Ouarsenis.

 

« Nous sommes fin décembre 1958 et le temps ne nous épargne pas. Ciel bas sur la mer. Vent et pluie traversent l’espace sans discontinuer. Les Oranais convoqués pour la réquisition de leur propriété ne sont pas contents de leur sort.

 

Le régiment remonte bredouille de son opération. Il est commandé par le colonel Gabriel Favreau. Il était auparavant chef de cabinet du maréchal Juin. Il porte un bandeau noir ou blanc sur l’œil droit qu’il a perdu, d’où son surnom « neunoeil ». Dynamique, il en veut et ne nous laissera pas chômer. Présenté, je suis affecté à l’ETM2 (Etat-Major Tactique), commandé par le commandant Edouard Repellin, et à la 9e compagnie, dont le chef est le capitaine Debrouker. Je serai son second. J’ai maintenant mon ordonnance, un légionnaire d’origine italienne.

 

Le 4 janvier 1959, nous défilons sur le front de mer à Oran. Un journaliste a relaté dans L’Echo d’Oran, la prestation du 5e REI : « Clôturant le défilé à pied, le 5e régiment étranger d’infanterie, drapeau en tête, s’avance aux accents de la célèbre marche légionnaire. La foule s’apprêtait à applaudir ces magnifiques soldats lorsque soudain, elle se figea, emplie d’une indéfinissable émotion. Les notes des cuivres et des tambours s’estompaient au loin, et c’est dans un silence étonnamment profond que les hommes au képi blanc, bottés de caoutchouc, passèrent devant les tribunes du front de mer ».

 

Le 16 janvier, nous faisons mouvement pour nous porter dans la région de Frenda. Cela ne donne rien. Les jours suivants non plus. Lever à 5h30, départ dans la foulée et bivouac à 22h. A ce rythme, les « canards boiteux » ne tiendront pas longtemps. Pour ma part, cela me va. Quelques jours plus tard, alors que j’avais envoyé mon Italien chercher un réchaud au camp, il n’est pas revenu. Déserteur ! Il a pris mes vêtements civils. Je l’imagine, allant prendre le bateau pour l’Italie, avec des vêtements civils trois fois trop grands pour lui… Il ne donnera pas de nouvelles. Certains déserteurs ont la gentillesse de nous écrire pour nous dire qu’ils sont bien arrivés et que tout va bien !

 

Les opérations se suivent. Chaque jour nous allons dans les bas-fonds traquer les fellaghas qui se replient. Nous trouvons des infrastructures de repos et de ravitaillement que nous détruisons en attendant mieux. Notre action vise à vider la zone de tous les éléments rebelles, en vue d’installer plus tard des postes permanents de contrôle. Le 25 mars, au cours d’un ratissage, un voltigeur de ma section repère sur le terrain devant nous un fellagha en fuite. Voilà le bougre rattrapé. Il s’avère que cet homme est l’opérateur radio du poste avec lequel il communique avec Oujda au Maroc. Le 14 avril, mon beau-frère, Edouard Bonhoure, affecté au 2e Bureau de l’état-major à Alger me dit par lettre : « Bravo pour ton boulot dans l’Ouarsenis, le zèbre que tu as piqué était extrêmement intéressant et c’est moi qui m’occupais de cette affaire, sans savoir que tu étais à l’origine du coup. Le seul ennui c’est qu’il se passe beaucoup trop de temps entre la capture et le moment où les services techniques peuvent l’utiliser ».

 

Notre dispositif se resserre autour de la zone suspecte. Nous avons repéré une bande de 50 fellaghas. De son côté, la 11e compagnie en a tué 4 et fait un prisonnier. Regroupés à 16h00 aux environs de la Côte 1055, nous nous préparons pour la nuit. Auparavant, nous grenouillons dans les thalwegs situés au nord. Bien nous en prend, car la 1ère section découvre deux abris avec quelques vivres. A son tour la 2e section trouve deux autres niches. Je pénètre dans l’une d’elles et découvre un musulman mozabit (originaire du Mzab et généralement commerçant), les jambes et les bras attachés dans le dos, suspendu par une corde au dessus d’un feu dont il ne reste que quelques braises. Le ventre est plus ou moins carbonisé. Une boîte de médicaments enveloppée d’un papier blanc porte l’inscription « Au frère Si Mohamed, Commandant la Wilaya 4 ». Nous sommes là au cœur du dispositif ennemi. Plus bas, dans le thalweg, de nombreux abris attestent de la présence d’un katiba (compagnie) qui s’est évanouie dans la nature. Notre mozabit, encore vivant, est détaché. Plus tard, il est transporté par un hélicoptère Alouette qui le conduit à Molière, au PC (Poste de Commandement) de la 10e DP pour identification et suite à donner.

 

30 avril : nous fêtons Camerone. 147 rebelles ont été capturés, mais des camarades, des amis, ont offert leur vie au cours de ces combats récents. Notre pensée fervente monte vers eux. Quelques jours plus tard, des hélicoptères nous déposent sur DZ indiquée par le commandement. Mais lors de la deuxième rotation, l’appareil heurte le sol suite à une chute du régime moteur. Nous déplorons 6 morts et deux blessés. Je l’ai échappé belle : à une rotation près…

 

Le 17 et 18 mai, nouvelle action de 48h dans le fief du Commando 54, troupe d’élite rebelle. Le 1er REP (régiment étranger parachutiste) et le 3e REI (régiment étranger d’infanterie) engagés dans la même opération ont accroché les rebelles en fin de matinée. Ils se replient vers notre zone d’action. C’est au tour du lieutenant Alain Ivanoff du 1er bataillon de manœuvrer et donner l’assaut. En pleine action, il tombe frappé d’une balle en pleine tête. Malgré les pertes sévères, les éléments décimés du Commando 54 s’évanouissent dans le maquis inextricable des fonds d’oueds.

 

Le 2 juin, je fais mouvement sur Arzew avec la 4e section de la compagnie et des détachements des autres compagnies pour assister aux cérémonies religieuses et militaires qui vont rendre hommage et adieux aux tués des derniers combats. Le lieutenant-colonel Dubos indique : « Le régiment, une fois de plus hélas, est en deuil. J’ai le douloureux privilège à vous lieutenant Ivanoff, à vous sergent Swanda, à vous les légionnaires Eibl, Palomino et Maier de vous saluer une dernière fois et de vous adresser au nom du colonel Favreau et de tout le 5e Etranger, un ultime adieu. A nous se sont joints des délégations de vos camarades, représentants tous ceux qui, par suite des nécessités opérationnelles impératives, n’ont pas pu venir partager notre peine et vous accompagner dans cette dernière partie de votre chemin sur cette terre. Votre destin est accompli et si votre vie fut brève, elle reste pour nous un exemple et l’idéal d’une vie de soldat ».

 

Les jours suivants nous entraînent dans la région située à l’est de Champlain et au sud de la Petite Kabylie. Durant toutes ces opérations, tous nos déplacements se font avant le lever du jour, pour une mise en place dès l’aurore sur notre base de départ. Dans ces conditions, nous dormons peu, mais nous sommes entraînés au physique comme au moral à faire de tels efforts prolongés. Le 27 juin 1959, le colonel Favreau est élevé à la dignité de Grand Officier de la Légion d’honneur par le général Gilles, représentant le général Challe. Le surlendemain, le capitaine de Broucker quitte le régiment. La compagnie, sous mes ordres, défile devant le commandant Repellin. Quant au capitaine, il boit, devant la compagnie rassemblée, le traditionnel car de vin rouge et reçoit la musette contenant quelques vivres de route. »

 

Le Hodna et la Kabylie.

 

« Le 6 juillet 1959, nous faisons mouvement dans un premier temps sur Blida, puis dans un deuxième temps sur Tizi-Ouzou. En réalité, nous avons été détournés vers les Monts du Hodna au sud de Bordj-Bou-Arredidj, cette destination ayant été tenue secrète jusqu’au dernier moment pour ne pas alerter nos adversaires. Les opérations « Jumelles » et « Etincelle » viennent de débuter. Elles consistent en de grandes opérations visant à encercler l’ennemi et l’anéantir. Avec d’autres unités de la 10e DP, durant onze jours, sur les pentes pré-sahariennes, nues, ravinées, inhospitalières, surchauffées par un soleil de plomb, nous avons découvert une importante base arrière, stocks de matériels divers : machines à coudre, tissus, vivres, chaussures, appareils de soudure…

 

Après quelques jours de terrain, nous voilà au repos au Bordj-R’dir. Souffrant d’une douleur intense a la mâchoire depuis plus jours, je me rends à l’infirmerie pour me faire soigner. Je demande le dentiste. Un certain bipède mal coiffé me dit qu’il se trouve au mess. Je lui demande d’aller le chercher. Ce dernier revient après un moment et me répond qu’il ne peut être dérangé, étant attablé ! Mon sang ne fait qu’un tour et j’indique au pauvre garçon que désobéir à un officier de la Légion est une faute extrêmement grave. L’aspirant dentiste arrive enfin. Je lui demande de m’arracher cette molaire qui me fait souffrir. Il se saisit d’un instrument et d’un geste bref et convaincant il s’exécute. Soulagé, mais endolori, je le quitte avec mes remerciements.

 

Le terrain est difficile à pénétrer. Nous devons prendre position, voir sans être vu. Enfin, le 19 août, nous repérons 11 fellaghas. Je fais mon compte-rendu et demande l’appui d’autres compagnies. Une heure plus tard, une compagnie est héliportée. Nous progressons. Les fellaghas refluent. Dans leur retraite, ils passent dans la zone de ratissage de la compagnie voisine. Dix d’entre eux sont tués ou faits prisonniers. Le n°150 de Képi Blanc (octobre 1959) relate l’affrontement : « La 12e compagnie du capitaine Frigard qui déjà depuis six jours grenouille dans la zone de refuge de Bounaaman, est en déplacement. Il est 12h30. Dans un terrain boisé, au relief accidenté, la 1ère section commandée par le lieutenant Lambert, aborde un village abandonné. Tout à coup, le tir des armes automatiques retentit. Parmi les maisons en ruines, un rebelle tente de s’enfuir. Blessé, il tombe mais se relève et se laisse glisser dans un ravin. La section s’élance aussitôt. Mais que se passe-t-il ? Derrière une murette deux mains agitent un mouchoir blanc. Puis, le silence régnant, deux têtes émergent, une femme et un homme, Monsieur et Madame Dubois de Dunilac, ressortissants suisses, installés en AFN depuis des années, prisonniers des rebelles depuis deux mois. Ils étaient gardés par deux rebelles armés de fusils de chasse. Le gardien blessé est retrouvé, ainsi que son fusil, le second reste introuvable ».

 

Je pars en permission pendant le mois de septembre 1959. La joie de se retrouver chez soi. De voir ses parents.

 

De retour en Algérie, je passe le commandement de la compagnie au capitaine Derréal, non sans regret. Je suis affecté auprès du commandant Repellin à l’EMT 2 en qualité d’officier de renseignement. Le commandant donne une soirée au cercle à Sidi-Bel-Abbès. J’y rencontre Olivier, lieutenant au 1er REC (régiment étranger de cavalerie) et Françoise. La soirée s’éternise jusqu’au lever du jour. Un ingénieur américain, venu étudier l’emploi des hélicoptères, qui ne jure que par la Légion, finit par rouler sous la table. Ah « The Foreign Legion » il s’en souviendra toute sa vie ! Il y a là aussi le général Gardy, inspecteur de la Légion, qui danse sans arrêt. Sa spécialité est de mettre sa main droite sous le sein gauche de sa partenaire, d’où le surnom qui lui est donné de « masse au sein ». Ceci pour la petite histoire… »

 

 

Dans la presqu’ile de Collo.

 

« Nous quittons Arzew le 1er novembre 1959. La presqu’île de Collo, 1.525 km², est un massif épais dont la tête est le Ghoufi qui culmine à 1.183 mètres. Les trois-quarts de ces djebels abrupts sont couverts de chênes liège. Cette zone incontrôlée depuis fort longtemps, est le siège d’une implantation du FLN, servant à la fois de transit et de repos pour les unités infiltrées depuis la Tunisie. La forêt de chênes cache sous ses frondaisons un maquis touffu, impénétrable, quelques rares pistes.

 

Le chêne liège n’est plus exploité depuis des années. Ce sont deux sociétés qui, en temps ordinaire, récoltent près d’un million de quintaux transformés en 22 millions de bouchons, vendus à l’URSS. Aujourd’hui, c’est l’armée qui assure la sécurité des chantiers. Plusieurs opérations ne donnent aucun résultat. Les fellaghas ne souhaitent pas nous rencontrer. Il va falloir agir par petits groupes pour ne pas attirer l’attention.

 

Le 24 novembre 1959, une équipe d’officiers du régiment part en reconnaissance sur la frontière tunisienne. Je rate mon frère Stéphane de peu. Il se présente à la popote des sous-officiers de Bône, où nous étions la veille. Nous passons de poste en poste. Le colonel nous a expliqué l’organisation de son secteur et le ratissage en cours. Le 27, par la piste qui longe le barrage électrifié, nous rejoignons Ouenza. La nuit précédente, une bande de fellaghas a forcé le barrage. Le bouclage est en cours. Rendus au PC opérationnel, nous apprenons que ladite bande est encerclée. Le premier bilan fait ressortir 45 tués et 69 prisonniers ! Finalement le nombre de tués se monte à 145. Armement pris en conséquence. C’est un échec total pour le FLN qui voulait, en franchissant le barrage, faire bonne impression avant la session de l’ONU. En fait, il existe deux réseaux électrifiés. Le premier longe grosso-modo la frontière. L’alerte est donnée en cas de franchissement. C’est alors que le second réseau en retrait de quelques kilomètres est mis sous tension. C’est dans cet espace que les rebelles sont pris et ne peuvent en sortir.

 

Retour sur nos cimes à Collo. Noël approche. Les opérations de nettoyage se multiplient, refoulant nos adversaires dans leurs derniers retranchements possibles. Comme le veut la tradition, chaque section prépare sa crèche qui sera ensuite évaluée. Les trois sections ayant obtenu le meilleur classement seront récompensées. La neige tombe abondamment.

 

Le 26 janvier 1960, n’ayant pas de commandement particulier, j’ai obtenu une permission de 15 jours pour me rendre à Alger. Cependant, la situation est très tendue sur le plan politique. Des troubles ont éclaté à Alger et Constantine. Très occupés par nos activités opérationnelles, nous ne sommes pas toujours au courant de ce qui se passe dans les hautes sphères. En réalité, le général Massu a été limogé de son commandement après la création des comités de salut public. Cette nouvelle n’a pas été acceptée des partisans de l’Algérie française qui ont réagi comme on va le voir.

 

Arrivé à Constantine où je dois prendre mon train, une grève immobilise tous les moyens de transport. Le 1er REC a été dépêché la veille en vue du maintien de l’ordre. Mon ami Olivier est aux portes de la ville avec son escadron. Nous suivons à la radio le déroulement des événements. Les manifestants crient « A bas de Gaulle » et réclament l’intégration de l’Algérie à la France. Le lendemain je fais le trajet vers Alger en jeep. Je me rends chez des amis. Inutile de dire combien notre cœur souffre.

 

A Alger, c’est l’insurrection. En effet, dès le 23 janvier, le député Pierre Lagaillarde a occupé avec 30 hommes la faculté boulevard Laférrière, suivi par un grand nombre de pieds-noirs des unités territoriales (5.000) groupés autour de la Grande Poste. Le 1er REP et le 1er RCP (régiment de chasseurs parachutistes) ont été rameutés en ville pour maintenir l’ordre. Des tirs sur les forces de l’ordre ont fait 14 morts dans les rangs de la gendarmerie mobile et 9 morts parmi les civils musulmans. Lagaillarde, sur les barricades, indique : « Nous résisterons jusqu’au bout, dussions-nous mourir. Nous ne voulons que l’intégration de l’Algérie à la France. Luttons tous ensemble pour l’Algérie française ». D’autres régiments arrivent en renfort, à commencer par le mien, 5e REI. La situation se détend peu à peu quand il apparaît que la troupe ne tirera pas sur la foule et que la fraternité se soit établie avec les unités territoriales. Le 1er février 1960, le siège des facultés est levé.

 

Mes amis pleurent de rage. Pour ma part, je veux m’en tenir au discours du général de Gaulle : « L’autodétermination, une fois la pacification terminée ». Il n’empêche, son discours a bien évolué : du « je vous ai compris » le 4 juin 1958, il est devenu le 16 septembre 1959 : « trois solutions : la sécession, la francisation, l’association ».

 

Le 3 mars 1960, le général de Gaulle fait une nouvelle « tournée des popotes ». Outre la présence des tous les officiers du régiment, ont fait le déplacement tous les officiers de la 13e demi-brigade la Légion étrangère. L’arrivée du chef de l’Etat est précédée de celles du général Hubert, commandant la 11e DI, du général Gandoet, commandant le corps d’armée, du général Challe, commandant en chef, du ministre des Armées, Pierre Messmer, et enfin de Monsieur Delouvrier. Sept autres hélicoptères, de type « banane », transportent des « mouches du coche »…

 

De Gaulle arrive enfin. Tout le monde au garde-à-vous. Nous sommes là, autour de lui. Il écoute l’exposé de la situation militaire et les résultats obtenus par le général Challe, puis nous indique : « Nous n’abandonnerons pas l’Algérie. Il n’y aura pas de Dien-Bien-Phu en Algérie. C’est de la fumisterie que de penser à l’indépendance de l’Algérie. Le FLN ne veut pas d’un cessez-le-feu. Votre mission reste de combattre et de lui prendre ses armes, puisqu’il ne veut pas les déposer. Il est absolument impossible de dire aujourd’hui ce que sera l’Algérie de demain. L’Algérie française, ce sont des mots et l’avenir d’un pays ne repose pas sur des mots. Le problème de l’Algérie sera définitivement tranché après la victoire de nos armes et par les Algériens eux-mêmes ».

 

Dans les semaines qui suivent, nous recommençons nos ratissages. Mais ils ne donnent rien. Seules des traces prouvent le passage de fellaghas. Au régiment, le colonel Favreau passe la main au colonel Pfirrmann. C’est un dur à cuire, un « marche ou crève ». Vieux grognard, il a commencé comme simple légionnaire et a gravé tous les échelons. Ce qui par ailleurs est remarquable. Malheureusement, son langage est émaillé de grossièretés sans nom. La cérémonie passée, nous continuons nos opérations. Eté 1960, nous remplaçons les harkis – ils ne sont plus du tout en sécurité – pour rassurer les récolteurs de liège.

 

Le commandant Repellin nous quitte. Il est remplacé par le commandant Buzy-Debat. Il a comme adjoint le capitaine Maestrali, qui vient de nous arriver de Madagascar. Je suis attaché à ce dernier en tant qu’officier de renseignement ».

 

Capitaine Petit – En Algérie – 1.
Capitaine Petit – En Algérie – 1.
Capitaine Petit – En Algérie – 1.
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Capitaine Petit – En Algérie – 1.
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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 29 Mai 2019

Cinq des chefs historiques du FLN (Front de Libération Nationale) : Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf, Ahmed Ben Bella.

Cinq des chefs historiques du FLN (Front de Libération Nationale) : Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf, Ahmed Ben Bella.

1956 en Algérie.

 

Roger Langlois nait le 13 avril 1934 à Issy-les-Moulineaux. Il meurt en Algérie le 17 août 1956.

 

1956 en Algérie est l’année de l’escalade dans les événements (on parle bien d’événements car l’Algérie c’est alors la France. Donc il s’agit bien d’événements policiers, ou pire de guerre civile, mais pas d’une guerre entre deux nations).

 

Donc, en cette année 1956, les élections anticipées en France donnent une majorité relative au Front républicain, situé à gauche de l’échiquier politique. Le nouveau président du Conseil, M. Guy Mollet, est initialement partisan de l’indépendance, et même de l’indépendance rapide. Mais devant l’impossibilité d’obtenir une majorité parlementaire sur l’Algérie l’amène à modifier sa position pour aller vers des négociations après l’arrêt des événements et des élections.

 

Le 7 janvier, les oulémas algériens publient un manifeste en faveur de l’indépendance. Le 22 du même mois, l’écrivain Albert Camus, Pied-noir, appelle en vain à la trêve civile. Le 6 février, lors de l’installation du nouveau gouverneur, le général Catroux, une manifestation monstre se déroule à Alger. Ce dernier est conspué par la population, de même que le président du Conseil. Catroux est rapidement remplacé par Robert Lacoste, plus proche des Pieds noirs.

 

Le 12 mars, face à des attentats et des embuscades militaires qui ne faiblissent pas, Guy Mollet fait voter la loi sur les « pouvoirs spéciaux » de l’armée. Cette dernière prend de plus en plus de pouvoirs jusque-là tenus par des civils, comme la police et la justice. Dans la foulée, le nombre de militaires (du contingent) présents sur le sol algérien passe de 200.000 à 400.000 !

 

Le 20 août 1956 se déroule le Congrès de La Soummam. C’est là que les fondements de l’Etat algérien sont posés dans la plate-forme politique de la Soummam adoptée par le Front de Libération Nationale.

 

Le 22 octobre, l’avion d’Air Maroc, conduisant de Rabat à Tunis cinq des chefs historiques du FLN est détourné dans l’espace international sur Alger : Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf, Ahmed Ben Bella sont arrêtés et demeurent prisonniers jusqu’en 1962. Moins d’un mois plus tard, le général Salan, qui s’est illustré en Indochine, est nommé commandant en chef de l’armée en Algérie.

 

L’année 1956 se termine tragiquement. Le 28 décembre, Amédée Froger, président de la Fédération des maires d’Algérie, est assassiné. Son enterrement, deux jours plus tard, veille de la Saint- Sylvestre, donne lieu à des émeutes qui dégénèrent dans ce qui sera alors appelé des « ratonnades ».

 

 

 

 

Sources :

 

  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Encyclopédie Larousse.
  • Archives du Souvenir Français d’Issy-Vanves.
  • Archives départementales du Souvenir Français.
  • Caserne Bernadotte de Pau – Archives militaires.

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 11 Février 2018

Officiers de spahis marocains.

Officiers de spahis marocains.

Le 1er régiment de spahis marocains.

Le 1er régiment de spahis marocains (1er RSM) était une unité appartenant à l’Armée d’Afrique, qui dépendait de l’armée française. Ce régiment s’illustre particulièrement au cours de la Première Guerre mondiale, au sein de l’Armée française d’Orient, en Macédoine, en Albanie et en Serbie, où il obtient cinq citations à l’ordre de l’Armée, deux ordres serbes, un ordre roumain et un ordre marocain ainsi que la fourragère aux couleurs de la Médaille militaire. Il participe à l’une des dernières charges de la cavalerie française pour la prise de la capitale de Macédoine, Uskub en 1918.

Le 1er RSM intervient également pendant la campagne du Levant (1920-1927), au Liban et Syrie, où il reçoit la fourragère aux couleurs du ruban de Croix de guerre des Théâtres d’Opérations Extérieurs.

Le 1er RSM est le régiment le plus décoré de l’armée française. Son étendard est le seul des emblèmes des unités de cavalerie à être décoré de la fourragère aux couleurs de la Médaille militaire.

 

De la conférence d’Algésiras à l’indépendance.

En 1906, la Conférence d’Algésiras place le Maroc sous contrôle international et accorde à la France des droits spéciaux. Ces droits sont néanmoins contestés par l’Allemagne de Guillaume II, qui convoite l’Empire chérifien et se heurte aux appétits français : ce sont les affaires marocaines de la crise de Tanger et du coup d’Agadir en 1905 puis en 1911 : à Tanger le Kaiser vient prononcer un discours orienté contre la France, tandis qu’à Agadir la marine impériale allemande est sur le point de débarquer des troupes, ce qui provoque l’émoi dans toute l’Europe.

A la suite du traité conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l’organisation du Protectorat française dans l’Empire chérifien, le Nord et le Rio de Oro sont attribués à l’Espagne, tandis que les régions centrales avec leurs villes principales et la côte atlantique où se situent les grands ports reviennent à la France.

Dans le système de protectorat, le sultan et le makhzen traditionnel sont maintenus, mais le pouvoir appartient en réalité au résident général et au haut-commissaire, qui représentent respectivement la puissance de tutelle française à Rabat et espagnole à Tétouan. La ville de Tanger constitue une zone internationale gouvernée par une commission où siègent les Etats-Unis et les pays européens possédant des intérêts dans l’Empire chérifien. Ce système est contesté par le mouvement national marocain à partir des années 1930, et surtout à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale. Par ailleurs, l’ensemble du territoire marocain n’est soumis aux puissances coloniales qu’à l’issue d’une longue guerre de conquête, dite « pacification du Maroc », qui s’échelonne de 1907 à 1934. De 1921 à 1926 ; la guerre du Rif, menée par Abdelkrim El Khattabi contre l’Espagne et la France connaît un retentissement international.

En 1943, après le débarquement des forces américaines en Afrique du Nord, Casablanca abrite une grande conférence alliée qui décide d’obtenir la reddition inconditionnelle de l’Axe Rome-Berlin-Tokyo et d’ouvrir de nouveaux fronts en Europe occidentale pour soulager l’Union soviétique de la pression militaire nazie.

Mais dans la même temps, les nationalistes marocains reprennent de l’audace et fondent le parti de l'Istiqlal (indépendance en arabe) ; l’affaiblissement de la France avec l’occupation allemande donne des espoirs de liberté. En 1943, le président américain Franklin D. Roosevelt fait même la promesse d’une complète indépendance au sultan Mohammed V, une fois le conflit terminé. La France s’entête encore après la Seconde Guerre Mondiale : les révoltes à Tanger, Fès ou Rabat contre le protectorat ne sont pas comprises.

En 1950, Paris pousse le pacha de Marrakech, Thami El Glaoui à se révolter contre le sultan pour le renverser et mettre à sa place le chérif Mohammed ben Arafa, un vieillard. Mohammed V résiste à la transformation du Maroc en simple colonie, fait« la grève des sceaux » en 1951, et demande en novembre 1952, lors de son discours du Trône, l’émancipation immédiate de son pays. El Glaoui, toujours soutenu par la France et avec l’aide d’une vingtaine de caïds, signe une pétition de dénonciation agitant la possibilité d’une guerre civile.

Prenant prétexte des révoltes, le gouvernement français dépose le sultan en août 1953 et l'exile en Corse avec sa famille. Paris met sur le trône Mohammed ben Arafa, mais en agissant ainsi ne fait que laisser grandir dans les esprits marocains le prestige du sultan déchu.

Les attentats contre la présence française se multiplient : attentats contre ben Arafa, déraillement d'un train, bombe au Marché Central de Casablanca... Les répressions et les arrestations menées par l’armée française sont de plus en plus nombreuses.

Le Maroc accède officiellement à l’indépendance le 2 mars 1956, après les sursauts d’une lutte de plus en plus rude entre les autorités coloniales et le mouvement national. Pour autant, les régiments de l’armée française ne quitte pas immédiatement le sol marocain. Cela se fera, unité par unité, et en accord avec le roi Mohamed V.

 

André Lemoine.

André Lemoine est né dans le département du Nord, à Aulnoy, en 1933. Il fait son service militaire. Isséen au moment de son incorporation, il est versé au 1er régiment de spahis marocains. 2e classe puis spahis de 1ère classe, il passe ensuite brigadier puis brigadier-chef. Quinze jours après l’annonce de l’indépendance du Maroc, André Lemoine meurt, accidentellement, à l’occasion d’une opération du maintien de l’ordre. Il est déclaré « Mort pour la France ». Il fait partie de ces Français morts dans le cadre des « combats du Maroc ».

 

 

 

Sources :

  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Encyclopédie Larousse.
  • Archives du Souvenir Français des Hauts-de-Seine.
  • Photographie issue du site www.spahis.fr

 

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Publié le 15 Octobre 2017

Soldats surveillant la ligne Morice.

Soldats surveillant la ligne Morice.

Une décision d’André Morice.

 

La guerre d’Algérie permit l’approfondissement et le perfectionnement des savoir-faire de contre-guérilla développés par l’armée française au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les leçons payées au prix du sang en Indochine sont appliquées en Afrique du Nord pour détruire les maquis du Front de Libération Nationale (FLN). En 1956, les maquis intérieurs des Aurès et du Nord-Constantinois commencent à être soutenus par l’Armée de Libération Nationale (ALN) en cours de constitution en Tunisie. Les passages à la frontière se multiplient. Le 26 juin 1957, le ministre de la Défense, André Morice, lance la construction d’un barrage fortifié qui prend son nom. Il s’agit d’identifier en temps réel les tentatives de franchissement et d’intercepter ceux ayant réussi à se frayer un chemin. A partir de 1959, la défense s’adapte à l’évolution de l’armement de l’ALN et veut empêcher toute pénétration du territoire algérien grâce à des actions dans la profondeur où des mines sont utilisées.

 

Une construction en deux temps.

 

Dès 1957, d’importants moyens du génie venus de métropole débutent l’édification de la Ligne Morice. Cet obstacle disposant d’une herse intérieure et de deux haies électrifiées est un dispositif d’alerte permettant la manœuvre par une concentration des forces. Six régiments de secteur gardent les postes de surveillance, cinq régiments parachutistes sont placés en arrière du barrage en « chasse libre », quatre autres régiments sont en couverture dans le no man’s land. La préservation de cet espace de manœuvre ne permet pas la mise en place de champ de mines. Il s’agit avant tout de détruire les unités de l’ALN voulant forcer le passage.

 

En 1959, le général Challe, nouveau commandant en chef, souhaite protéger la zone côtière et double le barrage électrifié. L’ALN disposant d’armes antichars et de mortiers lourds, rendant vulnérables les unités patrouillant sur la herse, un dispositif de protection dans la profondeur est créé. La Ligne Morice est alors minée et son dédoublement au Nord prend le nom de ligne « Challe ». Elle est constituée de haies électrifiées complexes, utilisant tris niveaux de tension différents, auxquelles sont combinées de nombreuses mines.

 

Un déminage achevé en janvier 2017.

 

Le renforcement de la Ligne Morice est un succès tactique. A partir de 1960, elle est pratiquement infranchissable. En mars, sur 8.300 fellaghas engagés, 60 passent et 40 sont tués sur le terrain. Au final, l’ALN perd 3.000 hommes sur le barrage Est (Tunisie) et 600 sur celui de l’Ouest (Maroc). Les forces françaises y déplorent respectivement 146 et 109 tués. A la fin de la guerre se pose la question du déminage.

 

En 1958 et 1962, plus de trois millions de mines ont été posées le long du barrage oriental, sur 1.200 kilomètres. Ces « sentinelles éternelles » tuent et mutilent bien après la guerre. En 1997, la France adhère à la convention d’Ottawa bannissant l’usage des mines antipersonnel. Dix ans plus tard, la France offre à l’Algérie le plan des zones minées. A la fin du mois de janvier 2017, après des années de chantiers importants, le déminage est terminé achevant ainsi l’histoire de la Ligne Morice.

 

 

 

 

 

Sources :

 

  • Terre Info Magazine – N°287 – Texte du lieutenant Christophe Lafaye.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Encyclopédie Larousse.
  • Blog histoire de Carl Pépin, historien, Docteur PhD.
  • Georges-Marc Benamou, Un mensonge français : retours sur la guerre d’Algérie, Robert Laffont, 2003.
  • Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), La Découverte & Syros, 2004.
  • Pierre Montagnon, Histoire de l’Algérie : des origines à nos jours, Pygmalion, 1998.
  • Georges Fleury, Comment l’Algérie devint française, Perrin, 2004.
La Ligne Morice.
La Ligne Morice.

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Publié le 7 Mai 2017

Ratissage près de Bou Saada par le 117e RI en 1956.

Ratissage près de Bou Saada par le 117e RI en 1956.

Histoire du 117e RI.

Il est toujours important de rappeler ce que fut l’histoire d’un régiment. C’est d’ailleurs l’une des premières choses que l’on apprend quand on intègre une unité : histoire et traditions !

 

Vieux régiment, son histoire remonte au 17e siècle quand il est de ces compagnies appelées « Vieux corps ». En 1656, cette unité forme un régiment du roi et l’un de ses bataillons passe au régiment de Bourgogne créé en 1668. Participant aux guerres de la Révolution française et au Premier empire, le 117e est dissous en 1814.

 

Récréé en 1872, le régiment a son casernement au Mans dans la Sarthe. Affecté au 4e corps d’armée, à la 8e division d’infanterie et à la 16e brigade, le 117 participe à la bataille de la Marne en 1914, est en Champagne l’année suivante, à Verdun puis à nouveau en Champagne en 1916. En 1918, il s’illustre à l’occasion de la seconde bataille de la Marne. Le 12 novembre 1918 à Charleville, le général Guillaumat, commandant la Ve armée, remet la Croix de guerre 1914-1918 au drapeau du 117e RI. Par décision du 30 novembre 1918 du maréchal Pétain, commandant en chef des armées de l’Est, le régiment est cité à l’ordre de l’armée. Le droit au port de la fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de guerre 1914-1918 lui est en outre accordé.

 

Au 1er septembre 1939 intervient la mobilisation générale. Après l’envahissement de la Pologne par l’Allemagne nazie, la France se déclare en état de guerre. Le 4 septembre, le 117e RI se trouve dans les Ardennes. Il est l’un des régiments qui pénètrent dans la Sarre. Mais cette occupation en Allemagne est de courte durée. En effet, en réaction à cette offensive, des divisions allemandes sont rapidement mobilisées et les Français décident de se replier derrière la Ligne Maginot. A la veille de la ruée massive des divisions de Panzer, fin mai 1940, le régiment occupe des positions au sud-ouest de Péronne.

 

Dans la nuit du 4 et 5 juin 1940, l’artillerie allemande pilonne les positions françaises. L’attaque des blindés allemands débute à l’aube du 5 juin. Le 117e, qui ne bénéficie de la protection d’aucun obstacle antichar naturel, supporte presque tout le poids de l’attaque blindée. Dès 3h30, après un redoublement des tirs de l’artillerie, le régiment voit arriver sur lui les vagues d’assaut de trois divisions blindées. Les chars bombardent, mitraillent puis dépassent les fantassins français qui voient apparaître les motocyclistes, puis les éléments portés débarquant au plus près. Entre deux vagues de chars, les stukas lancent leurs bombes en piqué. Les points d’appui et les centres de résistance sont neutralisés un à un après la destruction des lisières des villages par des obus incendiaires. Obligés d’abandonner leurs positions, les hommes du 117e se replient, bien souvent aux prix de sacrifices de dizaines d’hommes. D’ailleurs, l’âpreté de la résistance opposée par l’unité aux Allemands lui vaut des éloges : « Vos hommes ont combattu magnifiquement » dira plus tard un général de la Wehrmacht.

 

Le 1er août 1940, ce qui reste de la 13e compagnie de pionniers et le 21e bataillon sont dissous à Saint-Yriex dans la Creuse.

 

En Algérie.

Reconstitué le 17 avril 1956, à l’occasion du rappel de la classe 1953, le 117e régiment d’infanterie fait partie de la première vague des unités en vue du rétablissement de l’ordre en Algérie. Il appartient alors au 23e corps d’armée et à la 20e division d’infanterie.

 

Georges Albert Raymond Segard nait le 23 octobre 1924 à Mazingarbe dans le département du Pas-de-Calais. Habitant Issy-les-Moulineaux au moment de son service militaire, il est incorporé au 117e régiment d’infanterie et débarque en Algérie en mai 1956. Son séjour est malheureusement extrêmement bref. Il meurt des suites de blessures accidentelles reçues le 22 juin 1956 à Alger. Il est déclaré Mort pour la France. Trois jours plus tôt, les premiers membres du Front de Libération National condamnés à mort ont été exécutés.

 

Au cessez-le-feu du 19 mars 1962, le 117e RI constitue, comme quatre-vingt onze autres régiments, les 114 unités de la Force locale, en l’occurrence la 462e UFL-UFO, composée de 10% de militaires métropolitains et de 90% de militaires musulmans. Elle œuvre pendant la période transitoire entre les Accords d’Evian et l’indépendance de l’Algérie (5 juillet 1962) au profit de l’exécutif provisoire algérien.

 

Entre 1956 et 1962, le 117e régiment d’infanterie aura perdu 113 officiers, sous-officiers et hommes du rang.

 

 

Témoignage d’un ancien d’Algérie.

Un site Internet reprend l’histoire du 117e RI en Algérie et comporte des témoignages d’appelés (ou rappelés) du contingent. Voici celui de Gilbert T., publié sans modifications:

 

« Nous avons débarqué à Alger le 4 mai 1956 pour un séjour de 4 jours à Hussein-Dey et rejoindre ensuite Bou Saada pour une quinzaine de jours. C’est à la périphérie de cette cité que nous installons un camp de toiles et organisons notre bataillon. Les débuts ont été difficiles car il manquait de tout et nous ne comprenions pas la raison de notre rappel sous les drapeaux alors que nous étions tous bien engagés dans la vie civile, le service militaire était bien loin derrière nous. J'avais un camarade pharmacien qui venait d'ouvrir son officine et se tracassait à l'idée de pouvoir rembourser ses crédits.

 

Après avoir effectué les services d’usage en cantonnement, un événement majeur a failli tourner à l’émeute. La nourriture, à l’accoutumé bien chiche et peu appétissante, manqua brusquement et sans raison. Pas un cadre pour répondre à notre revendication, l’excitation était à son comble quand enfin le chef du bataillon paru sous une clameur d’hostilités et un concert de gamelles avec ce leitmotiv unanime : « à bouffer ! à bouffer… ». Il calma la foule en promettant de voir à cette anomalie et invita l’officier d’ordinaire à faire le nécessaire illico, malgré les plaintes d’impuissance de ce dernier qui avait tout fait selon ses moyens. J’immortalisai la scène avec mon appareil photos et je pris soin d’envoyer par la poste la pellicule à faire développer. Jamais je ne reçus les épreuves ?!!! Décidément les débuts du régiment furent pittoresques et bien mal engagés pour être crédible au regard des missions à venir.

 

Le 4° Bataillon quitte Bou Saada pour Alger et se scinde en deux groupements pour occuper les djebels entre L’arba et Aumale. Nous avions coutume de dire alors « Que nous étions les derniers de la dernière compagnie du dernier bataillon du 117». Cette fois ce n’est plus le cas, car nous passions de la 16e compagnie à la 4e.

 

Installation sur le Piton et l’occupation des fermes et caves vinicoles par la 4e Compagnie : Cette fois on s’installe enfin, on le devine car rien ne filtre de la part du commandement de la 4e Compagnie. Nous sommes au nord de L’arba, direction la moyenne montagne, transbahutés sur une mauvaise piste. Au lieu dit « Tazarine » nous recevons l’ordre de débarquer et de dresser nos tentes individuelles par deux. On nous fait comprendre que c’est notre cantonnement et qu’il va falloir l’organiser. Le lieu est idyllique dans une forêt de chênes-lièges, pas d’âmes qui vivent aux alentours. Peu à peu le cantonnement prend forme, on y a érigé une tour en dur, de celle-ci on voit la grande et belle plaine de L’arba, au loin Alger et la mer scintillante au soleil. Pas le temps de se lamenter, nous sommes sollicités pour des opérations de contrôle de la population dans les douars environnants. On y recueille des renseignements utiles pour découvrir des caches qui prouvent de l’activité nocturne des rebelles. Des suspects sont arrêtés et interrogés par la gendarmerie qui nous accompagne partout. Le séjour se passe sans heurts avec l’ALN qui n’a pas encore pris possession du territoire pour nous nuire véritablement.

 

Dans le cadre des missions tactiques du quadrillage destinées à assurer la sécurité des personnes et des biens, nous sommes affectés dans la ferme-coopérative vinicole « Torrez » du nom de son propriétaire, non loin de Fondouck. Nous sommes mieux lotis, le quotidien se révèle plus agréable. On se fait même des amis avec les Européens du cru. Je passe mes dimanches de liberté à Hussein-Dey chez un nouvel ami pied-noir. Un camarade ayant une marraine de guerre à Alger nous introduit dans le cercle du docteur Bonnafous, respecté par les autochtones soignés par lui. Mon camarade et moi avons été invités au mariage de sa fille sur les hauteurs d’Alger. J’avais honte de ma tenue militaire de drap affreusement fripée et mal taillée. Arrivés en retard nous n’avions pas le temps de nous excuser que le docteur invita les 300 convives à faire silence afin de nous présenter. Geste élégant d’un homme courtois et philanthrope qui nous a mis tout de suite à l’aise. La jeunesse nous a pris en charge pour rendre l’invitation mémorable. Nous étions en 1956, la symbiose était totale, notre présence nécessaire afin de poursuivre l’exploitation des vignobles. Dans des fermes moins protégées, les propriétaires avaient armés les employés musulmans pour sécuriser la propriété. Le séjour des réservistes arrive à son terme, je regagne la Métropole sur un bananier, je me bats pour obtenir une cabine alors que mes camarades sont en fond de cale ».

 

 

 

 

Sources :

 

  • Bachaga Boualam " Les Harkis au service de la France" ; Editions France Empire, 1962.
  • Nicolas d'Andoque "Guerre et Paix en Algérie. L'épopée silencieuse des SAS" ; Edité par SPL Société de Production Littéraire 10 rue du Regard 75006 Paris.
  • Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), La Découverte & Syros, 2004.
  • Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Fayard, 1994.
  • Pierre Montagnon, Histoire de l’Algérie : des origines à nos jours, Pygmalion, 1998.
  • Georges Fleury, Comment l’Algérie devint française, Perrin, 2004.
  • Encyclopédies en ligne : Larousse, Britannica, Wikipedia.
  • Site Internet d’anciens du 117e RI en Algérie.

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 9 Octobre 2016

Bône – La porte du Fort Cigogne et l’Hôpital militaire.
Bône – La porte du Fort Cigogne et l’Hôpital militaire.

Historique du 153e RI.

Comme un bon nombre de régiments, le 153e RI est issu des unités de l’Ancien régime. Repris sous le Premier empire, il s’illustre notamment pendant la bataille de Leipzig, lors de la campagne d’Allemagne de 1813, malheureusement perdue. Durant le Second empire, le régiment tient garnison au Fort de Nogent, en Région parisienne.

Un siècle plus tard, le régiment, alors installé à Toul, dans le département de la Meurthe-et-Moselle, est une composante de la 77e brigade d’infanterie, la 39e division et du 20e corps d’armée.

Entre 1914 et 1918, le 153e RI est de pratiquement toutes les batailles : bataille des Frontières puis la Grande Retraite en août 1914, bataille du Grand Couronné sous le commandement du général de Castelnau. Dans la foulée, s’engage ce que l’Histoire retiendra sous le nom de la Course à la Mer, avec les combats de Fouquescourt, d’Albert dans la Somme, d’Arvillers, de Souastre, d’Hébertune et enfin de Gommercourt.

L’année suivante, le régiment perd près de 2.000 hommes dans les combats des Flandres, à Boezinge, à Langemark puis à Bikschote. En 1916, c’est Verdun avec des engagements au bois Albin devant Douaumont puis à la Côte 304. Là encore, alors que le 153 avait dû être reconstitué quelques mois plus tôt, ce sont à nouveau près de 2.000 hommes qui disparaissent. Cela n’empêche pas le régiment d’être de l’offensive de la Somme dans le courant de l’été 1916 et de subir encore de nombreuses pertes à Maurepas.

En 1917, le 153e RI participe à la tragique offensive du Chemin des Dames. L’unité occupe quelques temps les secteurs de Chivy, de la Ferme des Grelines puis de Braye-en-Laonnois. Elle y reste 25 jours, mais doit finalement se replier.

En 1918, retour sur Verdun. Le 153e RI est en première ligne jusqu’au 15 mars dans les secteurs de la Côte-de-Poivre puis près de Vacherauville-sur-Meuse, au nord de Verdun. Les Allemands attaquent baïonnette au canon et au lance-flammes, mais sont sans cesse repoussés. En avril, le régiment quitte le secteur pour rejoindre via Reims, Saint-Quentin et Arras les Flandres afin de participer à la bataille des Monts de Flandres. Les Allemands y lancent une offensive en utilisant, entre autres, des obus à ypérite et 150 avions. L’attaque est contenue. Mais il faut décrocher, comme quatre années plus tôt. Le 153 cantonne dans le nord de la Région parisienne, à Gonesse, et participe à la Deuxième bataille de la Marne. La ville de Château-Thierry est reprise. L’ennemi est poursuivi jusqu’à la forêt de Fère en Tardenois. Les soldats français étant appuyés des « boys » américains.

En août, le 153e est déployé le long de la Meuse. En septembre il est de la bataille de Saint-Mihiel puis se replie sur Nancy. En novembre 1918, à l’annonce de l’armistice, le régiment se met en marche et fait une entrée triomphale dans la ville de Metz.

Le 153e régiment d’infanterie est dissous à Sarreguemines en 1922… pour être reconstitué dès l’année suivante en Sarre (le 15 mai 1923). En 1929, déménagement de quelques kilomètres pour prendre garnison à Bitche. Quatre années plus tard, le 153e forme, avec le 23e, l’infanterie de la région fortifiée de la Lauter, puis devient régiment d’infanterie de forteresse, unité spécialisée dans la défense des fortifications de la Ligne Maginot. Le 37e RIF est né.

A la mobilisation de 1939, le régiment se détriple pour former l’infanterie du secteur fortifié de Rohrbach. Il est alors composé de trois bataillons de mitrailleurs, une compagnie d’équipages d’ouvrages, une compagnie d’équipages de casemates.

Face à l’offensive éclair (la fameuse « Blitzkrieg ») de la Wehrmacht, les unités quittent leur forteresse le 13 juin 1940 pour se replier sur les Vosges. Après l’armistice proposé par le maréchal Pétain le 17 juin, le 153e RI dépose les armes quatre jours plus tard. Les équipages d’ouvrages, restés sur place, doivent se rendre sur ordre le 30 juin 1940.

En Algérie.

En Algérie, le 153e RI devient motorisé (donc le RI devient RIM) et est une unité de la 2e division d’infanterie mécanisée. L’état-major se trouve à Bône (aujourd’hui Annaba sur la côte nord-est de l’Algérie, proche de la frontière tunisienne) et comprend les régiments d’infanterie suivants :

  • 4e régiment étranger d’infanterie (installé à Dar-el-Baraka).
  • 12e, 14e et 25e bataillons de chasseurs alpins (Blanda, Combes et La Calle).
  • 62e régiment d’infanterie (La Verdure).
  • 63e régiment d’infanterie de marine (Bône).
  • 151e, 152e et 153e régiments d’infanterie mécanisée (Guelma, Lamy et Munier).

Les unités blindées sont :

  • 1er régiment de spahis (Lamy).
  • Le 4e hussards (Gambetta).
  • Le 8e spahis (Hamman-zaïd).
  • Le 29e dragons (Le Tarf).

Munier est alors une petite ville (elle a reçut ce nom français par décret du 11 juillet 1891), située non loin de la frontière tunisienne, dans la région des Aurès. Après l’indépendance, elle prendra le nom d’Aïn-Kerma.

Le 153e RIM est chargé d’assurer le contrôle de la frontière dans cette région. Il convient de rappeler que pendant la guerre d’Algérie, à de nombreuses reprises les guerriers algériens du FLN (Front de Libération National) se réfugièrent en Tunisie, où théoriquement l’armée française n’avait pas le droit de les poursuivre.

Le point commun.

Parmi les 14 isséens tués au cours de la guerre d’Algérie, deux ont un point commun. Il s’agit de Gérard Flament et de Jean Brulin : ils faisaient tous les deux parties du 153e RI.

Gérard Flament nait le 23 juin 1937 à Paris, dans le 15e arrondissement. Envoyé en Algérie, soldat au sein du 153e RIM, il décède des suites de ses blessures le 4 mai 1958 (5 jours avant le putsch d’Alger organisé, entre autres, par le général Massu), au cours « d’une opération de maintien de l’ordre en Algérie », selon l’expression idoine de l’époque. Il convient une nouvelle fois de rappeler que l’Algérie était alors un département français et qu’on ne peut considérer qu’il s’agisse d’une guerre puisqu’elle était « intérieure » et en aucun cas il ne s’agissait d’une guerre civile (du moins d’un point de vue des textes législatifs de l’époque). Gérard Flament est déclaré Mort pour la France deux mois plus tard.

Jean Brulin lui nait le 22 juillet 1938 à Etretat dans le département de la Seine Maritime. Sergent au 153e RIM, il décède le 17 décembre 1960 des suites d’un accident, alors qu’il est en service commandé. Vu l’ordonnance du 2 novembre 1945, l’article L-488 du Code des Pensions militaires d’invalidité et la loi n°55-1074, le sergent Brulin est déclaré Mort pour la France le 9 février 1961.

Au cessez-le-feu en mars 1962, le 153e RIM reste quelques mois en Algérie afin de constituer comme beaucoup d’autres régiments français des unités de la Force locale. Ces forces de l’ordre algériennes sont des unités militaires chargées de maintenir autant que possible la paix et de faire appliquer les termes du cessez-le-feu. Placées sous autorité algérienne, elles sont composées de 10% de militaires métropolitains et de 90% de militaires musulmans.

En janvier 1963, le 153e RIM est de retour en France, à Mutzig, au quartier Moussy. Le régiment sera définitivement dissous trente ans plus tard, le 31 juillet 1993, le drapeau étant remis au gouverneur militaire de la région de Lille.

Sources :

  • Encyclopédie Larousse.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Archives de l’armée de terre – Caserne Bernadotte, Pau.
  • Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), La Découverte & Syros, 2004.
  • Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Fayard, 1994.
  • Pierre Montagnon, Histoire de l’Algérie : des origines à nos jours, Pygmalion, 1998.
  • Georges Fleury, Comment l’Algérie devint française, Perrin, 2004.

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 4 Décembre 2015

Salut au harki inconnu.

L’histoire qui suit a été publiée dans Le Piège, qui est la revue des anciens élèves de l’Ecole de l’Air. Elle s’inspire très largement d’un article écrit par le général d’aviation Christian Gueguen. L’affaire qui suit se déroule en avril 1962, soit moins d’un mois après les Accords d’Evian, dans la région de Geryville à 370 km au sud d’Oran. A l’époque capitaine, Christian Guegen raconte l’honneur d’un soldat harki.

Cette histoire a été également publiée dans le bulletin de l’association Secours de France.

Dans la région de Geryville.

Quelques jours auparavant, un commando de marine avait été envoyé à la rencontre d’une katiba qui, contrairement aux ordres reçus en application des Accords d’Evian, sortait de la zone qui lui était assignée pour infiltrer les nombreux campements de nomades existants dans la région. Dès son arrivée et avant toute entrée en pourparlers, les hommes de la katiba ouvraient le feu, tuant deux fusiliers-marins. Au terme du combat, appuyé par un hélicoptère « canon », « on dénombrait 26 cadavres en uniforme de l’ALN sur le terrain ».

En représailles, le FLN s’en prend à une harka attachée au régiment de spahis implanté dans le secteur. Dès le 19 mars, sur ordres supérieurs, les harkis avaient été désarmés et renvoyés dans leur village. Le 26 avril, deux harkis, qui ont réussi à s’échapper reviennent au PC du régiment : selon eux « plus de la moitié des membres de la harka avaient été sauvagement assassinés ».

Rupture du cessez-le-feu ?

Le lieutenant-colonel commandant le régiment de spahis indique qu’il va lancer une opération pour retrouver et détruire l’unité de l’ALN responsable du massacre ; il demande à Christian Gueguen « si l’armée de l’air accepterait de fournir un appui feu à l’opération ». Gueguen interroge sa hiérarchie, s’attendant à un refus caractérisé : « Gueguen, en plein cessez-le-feu ! Vous avez perdu l’esprit ! »

Au lieu de cela, un silence, puis une phrase laconique : « Soyez au terrain de Geryville à 8h demain ; je viendrai en Broussard et vous m’expliquerez ce que vous voulez faire ».

Le lendemain, à l’heure dite, le capitaine Gueguen expose à son supérieur – le commandant L. – ce qui a été envisagé avec le colonel de spahis. Le commandant l’écoute et tranche : « OK. Vous aurez un DIH (Détachement d’intervention hélicoptères) et quatre T-28 à partir de 7h demain matin. Renouvelable jusqu’à 18h… A 18h, on arrête tout, sauf cas exceptionnel… ».

« J’éprouve le plus grand respect, précise le général Gueguen, pour cet homme. Rupture de cessez-le-feu. Il sait qu’il engage la suite de sa carrière si l’affaire tourne mal… ».

Une dizaine de corps.

Les spahis sont transportés sur zone par des hélicoptères H34 de la marine. La katiba responsable s’est évidemment évaporée. Les deux harkis qui se sont échappés s’offrent à guider les spahis vers le lieu où se tient le chef FLN local responsable de l’exécution de leurs camarades, et précisent que plusieurs harkis sont retenus captifs dans un village à quelque distance. Le responsable FLN est capturé. Il indique l’emplacement d’un charnier. Une dizaine de corps dénudés, démembrés et terriblement mutilés sont ainsi découverts.

Les harkis survivants sont libérés par une partie du détachement de spahis et l’officier chargé de cette opération, invite, par radio, son colonel sur le chemin du retour, à bord de l’hélicoptère, à le rejoindre sur place.

Au garde-à-vous.

Ecoutons le général Gueguen : « un harki est là, avec le capitaine de spahis. Celui-ci explique à son chef que le harki n’accepte d’embarquer en hélicoptère que si l’on évacue en même temps sa femme et ses enfants ; en tout, huit personnes.

Le colonel explique à l’homme qu’il n’y a pas assez de place dans les hélicoptères pour évacuer toute la famille. Et essaie de la convaincre de partir seul : on récupérera sa famille plus tard en camion. Refus du harki : s’il part, toute sa famille sera assassinée le soir même, à sa place, sauvagement, à titre d’exemple. Il doit rester. Malgré les efforts du colonel pour le faire changer d’avis, il reste intraitable. Notre armada redécolle, direction Geryville. Le harki nous regarde, impassible et digne. Il se met au garde-à-vous et agite la main pour nous dire au revoir. Dans l’Alouette, le silence est écrasant… ».

Sources :

  • Revue Le Piège.
  • Amicale des Anciens élèves de l’Ecole de l’Air.
  • Bulletin Secours de France, automne 2015.

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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Publié le 7 Octobre 2015

Exode de Pieds-Noirs en 1962 (Copyright : site Histoire en Questions).
Exode de Pieds-Noirs en 1962 (Copyright : site Histoire en Questions).

Il n’est pas rare dans les carrés militaires de voir des tombes de soldats, ou des civils, morts en Algérie, mais après les Accords d’Evian du 19 mars 1962. Une date est d’ailleurs marquée à jamais du sceau noir de la mort. Il s’agit du 5 juillet 1962…Comment en est-on arrivé là ?

De la révolte de Sétif aux guerres civiles.

A la suite du 8 mai 1945, date de la capitulation de l’Allemagne nazie, plusieurs émeutes éclatent parmi la population algérienne musulmane. A Sétif et dans le Constantinois, près d’une centaine d’Européens sont assassinés. Les causes sont complexes et multiples : revendications cultuelles, culturelles, reconnaissance d’une égalité de traitement entre la population musulmane algérienne et la population d’origine européenne. Un formidable vent de liberté vient de souffler sur le monde entier : les peuples n’ont entendu que cela dans les mois qui précèdent le printemps 1945. « Retrouver la liberté ». Le contexte de l’époque tient également en deux termes : anti-impérialisme et anti-colonialisme. « Quand un peuple veut sa liberté, rien ne peut l’arrêter » a écrit le général Bigeard dans ses mémoires posthumes (« Ma vie pour la France », Ed. du Rocher).

Les émeutes algériennes sont très durement réprimées par l’Armée française. Le général Duval, qui commande les unités de notre pays indique: « Je vous ai donné la paix pour dix ans, si la France ne fait rien, tout recommencera en pire de façon irrémédiable ». Et c’est la période où notre nation perd l’Indochine, vaincue par une armée faite, au départ, de paysans équipés d’armes d’un autre âge : la puissance colonisatrice n’est pas invincible. C’est l’une des raisons qui poussent, en novembre 1954, des hommes du FLN (Front de libération nationale) à œuvrer au même moment un peu partout en Algérie des attaques contre des représentations françaises : postes de gendarmerie, bâtiments publics, entrepôts… De nombreux Français sont pris pour cibles. Dans les Aurès, un couple d’instituteurs, les Monnerot, est abattu.

En métropole, la réaction ne se fait pas attendre. A la tribune de l’Assemblée nationale, Pierre Mendès-France, président du Conseil déclare : « A la volonté criminelle de quelques hommes doit répondre une répression sans faiblesse ». Des militaires supplémentaires arrivent de nombreuses casernes. Il s’agit de mater ce que l’on appelle les « événements ». On ne peut alors parler de guerre. D’abord, l’Algérie est alors un pays français, composé trois départements (l’Oranais, l’Algérois, le Constantinois) et de territoires du Sahara. Et on ne peut, selon les traités internationaux de l’époque ne faire une guerre que contre un pays souverain. De plus, en 1954, ce n’est qu’un début d’hostilités.

Quelques mois plus tard, le FLN, qui s’est renforcé, créé l’ALN (Armée de libération nationale) et organise toute une série de massacres dans le Constantinois… auxquels répondent les Français par autant de ripostes. Pour rassurer les habitants de souche européenne, le gouvernement fait appel aux militaires du contingent. Des supplétifs « indigènes » – selon la terminologie de l’époque – comme les harkis et les moghaznis viennent compléter les unités françaises. La situation s’envenime… Bientôt, le conflit se transforme en une guerre civile au sein des deux communautés : aux prix de nombreuses exécutions et éliminations, le FLN prend le dessus sur le Mouvement national algérien (MNA) ; en métropole comme en Algérie, des Français se tirent dessus : le Parti communiste français appelle à l’arrêt des combats et favorise l’action des pacifistes. Certains vont plus loin et deviennent des « porteurs de valises » (armes, argent) pour le FLN. De l’autre côté de l’échiquier politique, un groupuscule passe aux armes et créé l’OAS en 1961 (Organisation de l’armée secrète) dont les victimes sont tout aussi bien algériennes que des Français qui soutiennent la demande d’indépendance de l’Algérie.

« Une victoire française sur le terrain ».

Pourtant en 1959, grâce au plan du général Challe, la victoire est proche. L’idée maîtresse consistant à traiter de manière successive des surfaces importantes avec des moyens considérables, dans le but de réduire à néant les bandes de fellaghas. Le plan comporte de nombreuses opérations : les zones refuges d’Oranie, la couronne d’Alger, le passage du Hodna, le Grande et la Petite Kabylie, le nord Constantinois. Enfin, de septembre 1960 à avril 1961, se déroule l’importante tâche dans les Aurès. Et à toutes ces opérations s’ajoutent des missions dans l’Atlas saharien. En encerclant les zones, en bloquant toutes les issues possibles, l’Armée française provoque des dégâts majeurs – jusqu’à 50 % dans l’Oranie – au sein de l’ALN.

Comme l’indique le général Glavany dans une interview accordée au Souvenir Français : « Nous n’avions plus alors en face de nous de grande « katibas » organisées et pouvions, à juste titre, considérer que nous étions vainqueurs sur le terrain. Mais le terrorisme urbain persistait et, sur le terrain même, des petites bandes fluides nous condamnaient à attaquer, à attaquer sans cesse et à tuer. Totalement intégré à cette division parachutiste dont j’étais solidaire, je restais néanmoins un aviateur et gardais ma liberté d’esprit et de jugement. Si je n’étais pas lassé des combats – car l’allégresse des combats, cela existe – je voyais avec consternation ce beau pays peu à peu crucifié tandis que l’amertume des officiers montait tout autour de moi devant une politique qu’ils ne comprenaient point. »

De fait, en avril 1961, quatre généraux (Challe, Jouhaud, Salan et Zeller) fomentent un putsch et s’emparent du pouvoir à Alger dans le but de préserver l’Algérie à la France, donc d’aller contre la politique voulue par le général de Gaulle, alors président de la République. Plusieurs régiments de la Légion et de parachutistes suivent, mais l’aventure ne dure que quelques jours… Moins d’un an plus tard, le 19 mars 1962, les accords d’Evian sont conclus : ils donnent naissance à la République algérienne démocratique et populaire, dont l’avènement doit être proclamé le 5 juillet 1962.

Commencent alors l’exode massif des Pieds-Noirs (familles françaises installées, parfois depuis 1830, en Algérie), les massacres d’Européens et encore plus des musulmans qui ont aidé les Français, tels les Harkis.

Oran – 5 juillet 1962.

Le 1er juillet 1962, la population algérienne, par référendum, vote à une écrasante majorité l’indépendance de son pays. La France reconnait l’Algérie comme Etat indépendant deux jours plus tard. Et la déclaration d’investiture du GPRA (Gouvernement provisoire de la république algérienne) est officielle le 5 juillet.

En apprenant cette nouvelle, les populations descendent dans les rues. C’est une explosion de joie. A Oran, la population européenne est encore importante. Même sous la contrainte (« la valise ou le cercueil »), des dizaines de milliers de Français ne peuvent boucler leurs affaires en quelques semaines. Dans un article paru le 28 février 2002 dans le Nouvel Observateur, l’historien Benjamin Stora indique : « Vers 11h du matin, des milliers de manifestants venant des quartiers musulmans envahissent la ville européenne. Les premiers coups de feu éclatent et jettent une population prise de panique dans toutes les directions. (…) Dans les rues soudain vides commence une chasse aux Européens ».

Normalement, les accords d’Evain prévoient la protection des Européens et des Harkis. Mais à Oran, le responsable des troupes françaises, le général Katz, n’intervient pas. Bien sûr, les avis divergent : est-il au courant de ce qui se déroule à quelques mètres de lui ? Exécute-t-il strictement les ordres qui lui ont été donnés (le Journal des Opérations du secteur d’Oran indique que les troupes sont consignées dans les casernes) ? Et Alain Peyrefitte, dans « C’était de Gaulle » (Ed. Fayard), rappellent les mots du général : « La France ne doit plus avoir aucune responsabilité dans le maintien de l’ordre après l’autodétermination. Elle aura le devoir d’assister les autorités algériennes ; mais ce sera de l’assistance technique. Si les gens s’entre-massacrent, ce sera l’affaire des nouvelles autorités ».

Les troupes françaises finissent par sortir en début d’après-midi. Trop tardivement. Au cours de cette journée, à Oran, comme dans toute l’Algérie, des milliers d’Européens sont passés par les armes et ils sont encore plus nombreux ceux que les familles ne reverront jamais.

Sources :

  • Ville de Meudon : www.ville-meudon.fr
  • Entretiens avec le général Roland Glavany, 2008-2010.
  • Joseph Katz, L’honneur d’un général : Oran, 1962, L’Harmattan, 1993.
  • Georges-Marc Benamou, Un mensonge français : retours sur la guerre d’Algérie, Robert Laffont, 2003.
  • Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), La Découverte & Syros, 2004.
  • Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Fayard, 1994.
  • Pierre Montagnon, Histoire de l’Algérie : des origines à nos jours, Pygmalion, 1998.
  • Georges Fleury, Comment l’Algérie devint française, Perrin, 2004.

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Rédigé par Souvenir Français Issy

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