Publié le 23 Novembre 2013

  Saigon 1941 - Entrée des troupes japonaises

 

Saigon : les Japonais entrent dans la ville.

 

Ascendance prestigieuse.

 

Personnages importants de la société française en Indochine, les frères Schneider occupent une place de premier plan dans le monde de l’édition à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème. François-Henri nait en 1852. Ce dernier arrive de France en 1883 alors qu’il vient d’être promu au grade d’Agent de 1ère classe, Chef d’atelier de l’Imprimerie coloniale du Protectorat à Saigon. Deux années plus tard, il développe une imprimerie indépendante, mais reprend à son compte les travaux de son premier employeur. Moins de dix ans après son arrivée, François-Henri Schneider compte près de 160 employés au sein de sa société : l’Imprimerie de l’Extrême-Orient.

 

En 1892, il fait venir son frère, Ernest-Hyppolite – né en 1843 – pour lui confier la gestion d’une fabrique de papier qu’il vient d’ouvrir à Hanoi. François-Henri s’est en effet aperçu que l’on peut tirer un excellent papier à partir de bambous et, de fait, avec son frère, organise une véritable filière : de la production, à l’impression, en passant par la vente d’articles de papeterie. Bientôt, les frères Schneider siègent à la Chambre de Commerce et au Conseil municipal d’Hanoi. A contrario d’un bon nombre d’entrepreneurs coloniaux, François-Henri Schneider semble particulièrement apprécié de ses collaborateurs et de son milieu professionnel. En 1923 – soit deux années après sa mort – des Vietnamiens lettrés édifient une statue commémorative à sa mémoire, à Daï-Ich, au Tonkin.

 

Outre les bulletins de l’Ecole française d’Extrême-Orient d’archéologie, François-Henri Schneider édite des auteurs français d’Indochine, connus en leur temps, comme Pierre-Gabriel Vallot, Gustave Dumoutier ou encore Alfred Raquez et il imprime le Journal Officiel de l’Indochine. Parallèlement, il lance la Revue indochinoise et créé L’Avenir du Tonkin, premier quotidien à paraître en vietnamien à Hanoi. Proche des milieux politiques pro-français, François-Henri Schneider aide le journaliste et écrivain Henry Chavigny de la Chevrotière à publier ses œuvres et son journal, La Dépêche, qui deviendra le quotidien le plus lu de Cochinchine et de sa capitale, Saigon.

 

Henry Chavigny de la Chevrotière est également connu pour ses prises de position contre André Malraux. Le futur ministre de la Culture du général de Gaulle est à l’époque un voyageur et écrivain remarqué, mais aussi condamné : au retour d’un premier voyage en Indochine, il s’est fait prendre à la frontière ayant dans ses bagages près de huit cent kilos de statues et des bas-reliefs arrachés à Angkor. De plus, ses amitiés communistes en font une cible privilégiée pour la Chevrotière, qui lui-même mourra pour ses idées et ses convictions en 1952, assassiné par le Vietminh.

 

Alors qu’il est déjà avancé en âge, François-Henri Schneider épouse la jeune sœur d’Henry Chavigny de la Chevrotière. De cette union naissent quatre enfants, dont la mère de Jean-Pierre Jaillon, Denise Schneider.

 

Jean-Pierre Jaillon : «Je n’ai malheureusement connu ni connu mon grand-père, Monsieur Schneider, ni ma grand-mère, Henrilia Chavigny, décédée en 1914, l’unique sœur du journaliste, qui repose à La Thieu. Ma mère épousa à la fin des années 1930 Monsieur Robert Jaillon – originaire de Nancy – qui s’occupait d’une plantation de café aux Collines Rouges des hautes terres du Tonkin. Son travail l’amena à voyager dans toute la péninsule indochinoise, et avec ma mère nous le suivîmes ! La vie en Indochine à cette époque – et avec le regard d’un enfant – me paraissait paradisiaque. N’allez pas croire que nous étions englués dans une quelconque société française colonialiste refermée sur elle-même. Je passai mes journées à jouer avec de petits Annamites. Et comme d’habitude, les choses sont bien plus complexes qu’on ne veut bien l’admettre, surtout si l’on considère les événements d’Indochine avec une réflexion a posteriori. Ainsi, même dans les familles françaises, « blanches » pour être très clair, les débats faisaient rage entre les tenants d’une colonisation jusqu’au-boutiste et les partisans d’une émancipation, voire d’une liberté totale du peuple vietnamien. Et c’était sans compter les familles au sein desquelles parfois des hommes avaient épousé de jeunes femmes vietnamiennes.

 

 

Le coup de force des Japonais.

 

Présents depuis 1940, les Japonais n’ont que de faibles garnisons dans la péninsule. Ils se sont organisés avec les représentants locaux du Gouvernement de Vichy pour tirer les ficelles du pouvoir en maintenant un semblant d’autorité française. Les données changent en février 1945 quand en France, la victoire acquise, il est question de recouvrer la pleine et entière souveraineté sur les territoires coloniaux encore entre les mains de l’ennemi. Au premier jour de la fête du Têt, le 15 février 1945, le général de Gaulle déclare : « La France fera du développement politique, économique social et culturel de l’Union indochinoise l’un des buts principaux de son activité dans sa puissance renaissante et dans sa grandeur retrouvée ».

 

Le 9 mars 1945, les Japonais, qui se sont considérablement renforcés depuis quelques mois, attaquent toutes les garnisons françaises en Indochine. A Hanoi, Lang Son, Hué ou encore à Saigon, des milliers de Français sont passés par les armes – souvent décapités – qu’ils soient soldats, officiers ou civils. Qu’ils soient des hommes, des femmes ou des enfants. Des récits horribles, par dizaines, racontent ces journées terribles. Il y eut aussi des miracles comme celle de l’infirmier Cron qui survivra au coup de sabre qui lui entamé le cou et les cervicales mais sans totalement détaché la tête…

 

Jean-Pierre Jaillon : « En mars 1945, nous vécûmes des journées atroces au moment de l’occupation japonaise. L’envahisseur était présent depuis plusieurs années déjà, mais s’en tenait aux casernes, les ports et les aéroports où les soldats étaient somme toute assez discrets. La Gendarmerie japonaise était en face de notre maison à Saigon. D’étranges « infirmiers » venaient en « griller une » juste devant ma porte, entre deux drôles de soins qu’ils réservaient essentiellement aux Chinois d’Indochine. Il convient cependant d’ajouter qu’ils se dérangèrent quand le « comité d’assassinat » Binh Xuyen vint essayer de fracasser nos solides volets, à travers lesquels je pus observer d’ailleurs la première manifestation anti-française, ordonnée par le Vietminh. Des hordes de Vietnamiens passèrent dans la rue, avec des camions, bourrés à craquer d’ex-prisonniers du bagne de Poulo Condor. Ils hurlaient, brandissaient des armes. D’autres hommes en armes tentaient de ramener un semblant d’ordre. J’appris plus tard qu’ils avaient une mission pour le moins terrible : l’assassinat du Père Tricoire, de la cathédrale de Saigon ; épisode qui devait marquer le début de la Guerre d’Indochine.

 

Du jour au lendemain, nous vîmes de plus en plus de Japonais dans les rues. Les arrestations se multiplièrent. Quiconque cherchait à résister était abattu sur place, sans sommation, sans explication. Et nous avons découvert ce qui était pour nous insoupçonnable : globalement – encore une fois avec mon regard de jeune enfant – les Vietnamiens se comportaient bien avec les Français. Mais ce que nous pensions être une amitié certaine n’était que crainte. Du moment où les Japonais démontrèrent que nos soldats étaient facilement battables, nous vîmes dans leur attitude que cette amitié – cette crainte – avait disparu. Le temps de la « courbure d’échine », si je puis dire, était terminé. Les Japonais nous firent prisonniers pendant quelques jours.

 

Enfin, les premiers soldats français arrivèrent en provenance de métropole. Nous allions être libérés. Je me souviens parfaitement avoir été sauvé par des parachutistes. Et ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que je retrouvai certains de ces paras quelques quinze ans plus tard, alors que j’étais appelé du contingent en Algérie.

 

En septembre 1946 ; j’ai vu Henry Chavigny de la Chevrotière. Il était venu signer des papiers à la maison, et furieux de notre départ, son regard a croisé en une fraction de seconde le mien, dans une sorte d’interrogation mutuelle. Il était en tenue de cavalier, et son accoutrement était bien différent de ce que j’avais l’habitude de voir à la maison : nos domestiques, mais aussi des rescapés et prisonniers hollandais (dont je trouvais le premier caché dans un arbre), des soldats anglais, puis des Français, fraîchement débarqués et en transit pour se rendre sur le front, contre les « terroristes ».

 

En 1946 donc, nous avons pris le bateau à Saigon et nous nous sommes installés à Paris – rue de Saigon, comme un pied de nez de ma mère à sa famille restée là-bas – et j’ai terminé ma scolarité. Par la suite, j’ai fait carrière dans l’industrie pétrolière, aux achats chez Exxon-Mobil, et j’ai fondé une famille. Et je me suis installé à Coutances, dans le département de la Manche. Le climat est relativement doux et humide. Ce qui permet d’avoir une végétation luxuriante avec des palmiers et des plantes exotiques ! Et les côtes du Cotentin me rappellent celles de mon Vietnam natal…

 

Quant à mon grand-oncle, nous avons su son destin. Nous apprîmes son assassinat le 12 janvier 1951. Les restes d’Henry Chavigny de la Chevrotière furent rapatriés par la suite en France. Un fait est avéré : la très grande partie des Français qui sont morts en Indochine, qu’ils soient civils ou militaires – quand on a retrouvé les corps pour ces derniers – ne sont pas restés en Indochine ».

 

 

Le drame des sépultures françaises en Indochine.

 

Le 28 décembre 1993, le journaliste et écrivain Michel Tauriac a publié un remarquable article dans le journal Le Figaro sur la disparition des restes des Françaises et des Français inhumés en Indochine pendant la colonisation. Il est vrai que la République française, via le ministère des Affaires étrangères en collaboration avec les services de l’armée, avait procédé en 1986 et 1987, autant que possible, au rapatriement de ces enfants de l’ancien empire colonial.

 

Pour autant, dans plusieurs endroits du Vietnam, comme à Laï Thieu, à 25 km au nord de Saigon, des restes de milliers de Français ont été placés dans de petites urnes et laissées à l’abandon. Michel Tauriac : « Sont posées là, de chaque côté de ce couloir sans fenêtre ni éclairage, ces pauvres urnes d’argile au couvercle souvent entrebâillé, les unes sur une tablette de béton fixée au mur, les autres par terre. Certaines sont cassées et leur contenu, composé de cendres, d’ossements et de terre craque sous les semelles au milieu des tessons… Jetés au hasard, quelques menus bouquets de fleurs desséchées dans leur papier transparent, rappellent une cérémonie lointaine. »

 

  

Sources :

 

Entretiens avec Jean-Pierre Jaillon, 2010-2011.

Jacques de la Chevrotière : Les Chavigny de la Chevrotière en Nouvelle-France, à la Martinique.

Georges Fleury, La Guerre en Indochine, Perrin, 2000.

Recherches dans les archives des Bulletins de l’Ecole français d’Extrême-Orient d’archéologie.

Recherches biographiques André Malraux.

Recherches sur l’histoire de la presse française en Indochine.

Extraits du journal Le Figaro du 28 décembre 1993.

 

www.wikipedia.org/fr

www.myheritage.com

http://alain.j.schneider.free.fr/schneider_vietnam.htm

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 15 Novembre 2013

 

2013-11-11, Issy - G

Christian Poujols.

 

Christian Poujols est président de l’Union Nationale des Combattants, 46e Section (Issy-les-Moulineaux). Voici son discours à l’occasion de la commémoration de l’anniversaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale.

 

 

« Monsieur le Maire,

Monsieur le Maire-Adjoint délégué aux Anciens Combattants et aux Affaires militaires,

Messieurs les présidents d’Associations d’Anciens Combattants et les Anciens Combattants,

Mesdames Messieurs les représentants des Autorités civiles et militaires,

Mesdames Messieurs les élus,

Mesdames Messieurs,

 

Nous voici rassemblés cette année encore devant le monument aux Morts de notre ville pour commémorer le 11 Novembre 1918 où, à la 11ème heure du 11ème jour du 11èmemois, le clairon a sonné la fin d’une longue guerre de 52 mois.

 Un peu plus de quatre années pendant lesquelles les soldats ont vécu dans les tranchées ; ils ont connu sans discontinuer le froid, la pluie, la neige et, aussi, la chaleur. Il nous arrive de nous plaindre de la chaleur ou du froid ; dans ces moments-là, pensons à nos Poilus et à ce qu’ils ont dû endurer. En plus de la mitraille, en plus des obus, en plus des assauts donnés et reçus.

 Il y avait des moments pendant lesquels Français et Allemands se retrouvaient entre les tranchées pour porter secours et ramener les blessés dans leurs tranchées respectives ; ils échangeaient un signe, un salut, se montraient les photos de leurs enfants puis rejoignaient leurs postes.

 Et la guerre reprenait. Que ressentaient-ils en voyant fixé sur eux le regard de l’homme dans le ventre duquel ils enfonçaient leur baïonnette et avec lequel ils avaient, peu de temps auparavant, échangé un signe, des photos ?

 La Marne, la Somme, l’Yser, Verdun où, le premier jour, nos soldats ont encaissé 936.000 obus ; ils ont riposté, tiré quelques 120.000 obus par jour. On estime que 37 millions de projectiles ont été tirés de part et d’autre à Verdun !

 L’année prochaine, nous commémorerons le 100ème anniversaire du début de cette guerre qui a changé la façon de vivre des français : les maris, les fils étaient au front et les femmes ont dû les remplacer. Elles ont travaillé la terre, elles ont travaillé en usine pour fabriquer les munitions dont leurs hommes avaient besoin ; elles ont appris à conduire les tramways. La guerre finie, beaucoup d’entre elles ont continué ce travail qu’elles avaient découvert parce que l’homme n’était pas revenu. Parce que cette guerre a fait 1.500.000 morts et trois fois plus de blessés dans les rangs de l’Armée française.

 La Der des Der pensaient  nos Poilus. Hélas ! L’esprit de revanche amena les Allemands à refaire la guerre en 1939 avec Hitler à leur tête. Cette deuxième guerre mondiale qui fut suivie de bien d’autres, Indochine, Corée, Afrique du Nord. Le monde ne s’est pas encore assagi et de nombreux conflits surgissent ; la menace nucléaire reparait.

 Que, tout au long de cette année 2014 où sera commémorée la Grande Guerre, les dirigeants du monde soient interpellés par ces batailles, ces nombreux lieux de mémoire, ces morts, ces blessés et qu’il leur soit donné un peu de raison ; de nombreuses raisons d’apaiser les tensions et que nos enfants et petits enfants ne connaissent jamais ce que nos aînés ont vécu, ce que vous les Anciens Combattants ici présents avez connu.

 Mon Père qui se levait lorsqu’il entendait  La Marseillaise jouée à la radio après le discours de tel ou tel Ministre ou Président, les badauds qui se découvraient lorsque passait devant eux le drapeau du régiment ou lorsqu’ils entendaient l’hymne national ou la sonnerie aux Morts sont un monde révolu paraît-il ; autres temps autres mœurs nous dit-on.

 Eh bien, malgré cela,

 

Vive la France. »

 

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Publié le 13 Novembre 2013

 

  2013-11-11, Issy - D

 Les Flammes de l’Espoir par le Comité du Souvenir Français d’Issy-les-Moulineaux.

 

 A Issy-les-Moulineaux, les commémorations se sont déroulées sur trois jours : le dimanche 10 novembre, l'Union nationale des Combattants a rapporté la flamme sous l'Arc de Triomphe pour la transmettre à Monsieur le maire adjoint en charge des anciens combattants.

Auparavant s'était déroulée la désormais connue manifestation des Flammes de l'Espoir. Organisée par le Comité isséen du Souvenir Français, celle-ci consiste à placer des bougies devant le monument aux morts de la ville, en présence des autorités, des unités militaires filleules d'Issy et des membres du Comité. Le lendemain, 11 novembre, a eu lieu la commémoration proprement dite de l'armistice.

Enfin, le mardi 12 novembre, la classe de CM2 de l'école élémentaire Anatole France, conduite par Madame Véronique Pacitto, a eu droit aux explications sur la Première Guerre mondiale, grâce au conservateur du cimetière, Monsieur Thierry Gandolfo. Au travers de nombreux exemples de soldats enterrés au carré militaire, Monsieur le conservateur a indiqué ce qu'avait été ce conflit majeur.

Retrouvez les photographies de ces journées dans l'album intitulé "2013-11-11, Issy" (merci à Alain Bétry, de l'association Historim, pour les clichés remarquables).

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Publié le 3 Novembre 2013

 

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Comme chaque année, le Comité du Souvenir Français participera aux cérémonies de commémoration de l’armistice mettant fin à la Première Guerre mondiale :

 

- Dimanche 10 novembre :

– 18h20 : opération des « Flammes de la Mémoire » devant le monument aux morts de la ville. Chaque participant est invité à déposer une bougie rappelant le sacrifice des femmes et des hommes afin que nous puissions vivre dans un monde libre.

 

- Lundi 11 novembre :

– 8h00 : départ en car pour les cérémonies, devant le CNET.

– 8h10 : dépôt de gerbes à l’église Sainte-Lucie.

– 8h30 : cérémonie de prières à l’auditorium du collège Saint-Nicolas.

– 9h30 : départ en car pour le cimetière et cérémonie au carré militaire.

– 10h25 : dépôts de gerbes place du 11 novembre et lecture du message du Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants, par Monsieur Fleury, Président de la FNACA et de l’UFAC.

– 10h50 : cérémonie au monument aux morts de la ville ; discours de Monsieur Poujols, Président de l’UNC et de Monsieur Santini, député-maire.

– 11h15 : vin d’honneur offert par la municipalité.

 

Comme d’habitude, le Souvenir Français se chargera de la quête au profit du Bleuet de France. Soyez généreux !

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Publié le 5 Octobre 2013

 

Reichshoffen

Charge de la cavalerie française à Reichshoffen.

 

C’est l’un des épisodes les plus célèbres de la Guerre franco-prussienne. Celui qui a bercé le coucher des enfants mais aussi entretenu les flammes de l’espoir entre 1871 et 1914 : la bataille de Reichshoffen !

 

Août 1870 : après avoir perdu la bataille de Wissembourg, le maréchal français Patrice de Mac-Mahon décide de stopper l’avance ennemie à Frœschwiller, non loin de Woerth, dans le nord du département. Pour se faire, il dispose de plusieurs corps d’armée : les 1er, 5ème et 7ème ; mais à la veille de la bataille seul le 5ème est opérationnel qui, heureusement est bientôt rejoint par la 1ère division du 7ème corps d’armée de Dumesnil. La fine fleur de la cavalerie française est présente : régiments de hussards, de lanciers, de chasseurs à cheval, mais aussi et surtout les 1er, 2ème, 3ème, 4ème 8ème et 9ème régiments de cuirassiers. Pour autant, face aux 90.000 prussiens, les Français n’alignent que 50.000 hommes.

 

Le blog www.hdebougareyt.blogspot.fr présente le récit d’un survivant du 9ème ; il s’agit de Jean Pons, qui raconte à sa belle-fille la charge fameuse : « Ce samedi 6 août 1870, en Alsace, dans un vallon entre Niederwald et Eberbach près de Woerth, la journée se lève maussade, nuageuse ; déjà vers les 7 heures des tirs d’armes légères et d’artilleries sont perçus. Le maréchal des logis transmet les ordres : le temps presse, seuls les cavaliers se préparent, les hommes à pied, chevaux de trait, cantines, bagages restent sur place sous la protection d’éléments du 4ème peloton.

 

Les chevaux sont nerveux, rapidement abreuvés et nourris, ils sont harnachés ; puis chacun d’entre nous s’affaire pour ne rien oublier et malgré l’estomac noué, tacher de manger un morceau de pain et de boire un peu d’eau. Pendant un long moment les chevaux sont tenus à la bride en attendant la transmission des ordres.

 

Vers les 13 heures, le trompette, malgré sa blessure aux lèvres et deux dents cassées, causée suite à un écart de son cheval en plein galop alors qu’il jouait pour transmettre les instructions, sonne le rassemblement du 9ème, suivi en cela par celles du 8ème puis des lanciers. Notre chef, le colonel Waternaud présente le 9ème au général Michel lequel se dirige ensuite vers le 8ème, commandé par le colonel Guiot de la Rochére et enfin vers les deux escadrons du 6ème lanciers aux ordres des capitaines Lefèvre et Pouet. Il reçoit les honneurs puis s’adresse à nous tous ; trop loin, je ne saisi que quelques bribes : « Mes enfants …sans vous l’armée est perdue...nous allons bousculer ces prussiens….la bataille sera rude….le salut de la France …. vos familles…. sont entre vos mains…. Régiment …garde vous…sabre à la main …en avant... ».

 

Ce fut pour moi un moment terrible : dans un piétinement formidable les 1.100 cavaliers en ordre de bataille s’ébranlent, le 8ème en tête, nous derrière, puis enfin les deux escadrons du 6ème, au pas d’abord, puis rapidement au trot et très vite au galop ; nous sommes presque botte contre botte comme pour mieux nous unir, nous soutenir, nous protéger devant l’inconnu. Nous crions ou plutôt nous hurlons, pour faire fuir l’adversaire ? Je ne le crois pas, peut-être chasser notre peur car lorsque l’on hurle l’on ne pense à plus rien ; j’entends même des : « vive l’empereur ! » et« vive la France ». Plus nous avançons, plus nous nous rapprochons de l’ennemi moins nous réfléchissons : oubliés balles, obus percutants, lances acérées, sabres, un seul but bousculer, renverser, anéantir le prussien !

 

Devant nous le flanc de la colline est couvert de houblonnières, de champs de lin, de blé qui n’a pu encore être fauché, de vergers avec leurs pommiers bas,  un peu comme chez nous, de quelques vignes mais également de prés avec des souches recouvertes d’herbe qui représentent autant de pièges dangereux pour notre charge.

 

Tout est rapidement dévalé mais à quel prix ! Dans les vignes des fantassins en embuscade nous tirent, sur la terre lourde et grasse nos lourds chevaux glissent entrainant dans leurs chûtes cavaliers et d’autres chevaux ; dans les vergers biens des nôtres sont jetés à terre, désarçonnés par les branches des pommiers, le pire : le premier escadron de mon régiment est mis hors de combat en se précipitant au galop du haut d’un champ dans un petit chemin profond en contrebas ! Malgré les tirs nourris des fantassins et des obus percutants ou à balles qui causent des pertes dans nos rangs, très vite la charge se rapproche de Morsbrönn.

 

La grosse partie de notre régiment derrière le lieutenant-colonel Archambault de Beaune appuie sur la droite et brusquement se trouve face à plusieurs bataillons de l’infanterie prussienne dont une compagnie de pionniers ; devant notre masse déferlante ils n’ont pas le temps de se former en colonnes d’attaques mais rapidement se regroupent et forment le carré. Il parait solide, impénétrable, le premier rang, arc-bouté, avec ses longues baïonnettes, dresse un mur hérissé, le second rang nous pointe de ses fusils, le troisième prêt à son tour à tirer dès la salve du second. Soudain un nuage gris s’élève du carré, aussitôt un crépitement assourdissant suivit de chocs, d’impacts, de ricochés sur nos cuirasses, mais aussi de sang et de cris. La fumée s’élèvent, je distingue un grand nombre de chevaux qui passent comme des ombres sans cavalier, d’autres, leurs malheureux maîtres un pied pris dans un étrier sont trainés et tels des corps désarticulés rebondissent sur tous les obstacles; le pire, c’est cette douloureuse rumeur faite de cris, de râles, de gémissements, d’hennissements qui s’élève du sol ou jonchent hommes et chevaux … Nous nous reformons poursuivi par la mitraille et aussitôt, plein de hargne, nous repartons à la charge.

 

Des camarades, enfonçant les éperons, font sauter leurs chevaux par-dessus ce mur de baïonnettes pour retomber dans les lignes prussiennes ; puis par de larges moulinets de leurs longues lattes creusent des vides chez l’ennemi, créant une certaine désorganisation dans ses rangs avant que ne s’écroulent leurs montures ensanglantées ou éventrées. Profitant de ce relâchement, avec d’autres camarades, couchés sur nos chevaux, sabrant de droite, de gauche nous arrivons à pousser nos chevaux entre les colonnes ennemis et leur causer grand dommage. Par trois fois nous avons enfoncé le carré, par trois fois nous nous sommes retirés, chaque fois hélas moins nombreux. Deux fois j’ai eu un cheval tué sous moi. Comme nous l’avions appris à l’exercice, l’important pour sa survie est de ne pas rester démonté. Grace à une énergie inconnue, insoupçonnée devant le pire mais aussi par chance, j’ai toujours pu, malgré mes bottes et ma lourde cuirasse qui limite les mouvements, vivement me dégager, courir sous les balles, sauter par-dessus des corps, sans perdre mon sabre grâce à sa dragonne, éviter les autres cavaliers, chercher, saisir par la crinière un cheval affolé, et réussir à me hisser sur son dos puis repartir vers l’enfer.

 

Je me souviens de nos grands sabres rouges de sang jusqu’à la garde, je revois des camarades avec des balafres, les yeux pleins de sang s’essuyer en riant d’un air féroce ; d’autres rient bruyamment comme s’ils avaient fait une bonne farce ; de mon côté je cherche des visages amis de mon peloton mais hélas, personne, tous sont couchés là-bas, pour eux tout est fini, pour nous tout est à recommencer.

 

Mais vois-tu, le plus impressionnant c’est le regard des hommes que nous combattons, regard si rapproché lors des contacts que nous y voyons le reflet du nôtre et pouvons y lire nos propres sentiments de peur, de colère, de haine, de méchanceté, d’imploration mais aussi curieusement parfois de compassion (c’est si facile d’appuyer un peu plus ou un peu moins avec le sabre !).

 

Ces furieux coups de boutoirs ont anéanti les pionniers qui cèdent et battent en retraite pour se réfugier dans les vignes et houblonnières. Le trompette sonne le ralliement, rapidement, mais sous les obus nous reprenons notre chevauchée. Déjà nous voici aux abords de Morsbrönn et y accédons par un chemin encaissé ou la mitraille des fantassins cachés au-dessus se fait plus violente. Plusieurs des nôtres sont arrêtés net dans leur élan, d’autres glissent lentement sur le dos de leurs montures puis soudain roulent et tombent.

 

Couchés sur l’encolure de nos chevaux, le regard fixe, le sabre en avant nous nous engouffrons dans la grande rue ; de chaque ouvertures, fenêtres, portes, un fusil est pointé et fait feu, la rue se rétrécie, l’on n’y voit plus rien cependant des cris, des hurlements, des crépitements incessants font penser qu’un drame se déroule un peu plus haut mais une courbe nous bloque la vue. Sans ralentir nous la dépassons, puis de suite une seconde et là nous nous écrasons sur nos camarades bloqués par un obstacle, en effet des charrettes et quelques autres objets placés en travers de la rue obstruent la sortie du village.

 

Le crépitement continu des fusils nous assourdit et nous affole, ils nous fusillent à bout portant, si près que parfois la tunique brûle autour de la plaie. Les hommes hurlent, les chevaux hennissent, ruent, piétinent les malheureux au sol, d’autres sautent sur le dos d’autres chevaux comme voulant s’échapper de cet enfer mais blessent les cavaliers. Je vois des hommes à terre levant la main comme voulant se protéger des sabots des chevaux, d’autres malgré leurs blessures tentent de se lever. Bloqués par d’autres chevaux dans cette rue et tournant en rond sur place sous la mitraille, l’horreur est d’entendre des craquements et des cris de suppliciés lorsque nous piétinons nos camarades, hélas dans ces instants chacun ne pense qu’à sauver sa peau. Une nouvelle fois mon cheval est tué. Par grande chance je réussi une fois de plus à me dégager et dans la bousculade me saisir d’un autre.

 

Chacun d’entre nous fait ce qu’il peut, sabre çà et là dans les fenêtres lorsqu’un coup de feu part ou au hasard dans chaque recoin. Dans la bousculade arrivent maintenant les lanciers ajoutant à la confusion. Nous tournons comme au carrousel cherchant une issue pour échapper à cette pluie mortelle mais tout est bloqué. Dans cette bousculade les lanciers sont gênés par leurs lances et en les manœuvrant blessent au visage bon nombre des nôtres par les extrémités des hampes. Cependant ils sont d’une grande efficacité pour débusquer les tireurs à l’étage et peu à peu l’intensité des tirs s’apaise. Enfin des hommes démontés ont réussi courageusement à dégager le passage, aussitôt nous pouvons nous libérer de ce piège.

 

Alors que les coups de feu ont pratiquement cessés à la sortie du village nous faisons halte à l’abri d’un petit bosquet. Nous pouvons nous retrouver, nous reconnaitre, nous compter. L’horreur ! Un tout petit nombre de cavaliers, quelques petites dizaines, inférieures aux doigts d’une main tout corps confondus, du 9ème il me semble n’en apercevoir que 8.

 

Les chevaux sont harassés, de leurs gueules une bave mélangée de sang s’écoule, leurs flancs tremblent, nos bras sont lourds, les poignets et les cuisses nous font mal, chacun a des blessures plus ou moins impressionnantes, du sang macule nos tuniques mais curieusement personne n’en souffre vraiment encore. A la vue de ma cuirasse bosselée et percée légèrement à un endroit, bêtement je me dis : « Jean tu vas faire de la salle de police pour avoir abimé ta cuirasse et ils vont te faire payer la réparation ». Je sursaute car je me rends compte à l’instant que je monte un cheval du 6ème lancier.

 

Progressivement nous reprenons nos esprits, commençons à parler, à prendre conscience de la situation, que nous sommes vivants, le reste… Quelques camarades se sont retirés de quelques pas et debout sur les étriers soulagent leur vessie. Soudain deux s’écrient « ils sont là ! Ils arrivent ! » Ces mots nous figent mais aussitôt nous reconditionnent, pas de temps à perdre l’endroit n’est pas propice pour combattre. Un gros capitaine avec de grandes moustaches étant le plus vieux et le plus haut gradé s’octroie le commandement. Il nous fait prendre le galop pour essayer de nous soustraire à l’ennemi, mais nos pauvres chevaux harassés ne peuvent soutenir le train. Le capitaine nous fait arrêter ; de nous-mêmes nous faisons demi-tour et nous plaçons en ligne de bataille, prêt pour l’assaut, le capitaine brièvement nous harangue : « Camarades montrons aux prussiens qui nous sommes … pistolet en main … pointez … feu ! ».

 

Ceux d’en face, des hussards du 13ème, ralentissent et s’arrêtent surpris devant un tel sursaut et du danger encouru. Le tir n’a pas un grand résultat ; le capitaine se retourne vers nous, lève son sabre et d’une voie forte s’écrie : « Vive la France … Sabre en main … Chargeons … ». Voyant cela, les prussiens éperonnent et s’élancent vers nous pour engager le combat.

 

Les sabres crissent sur les cuirasses, les chevaux soufflent, les lances montent ou descendent, nos grands sabres s’allongent, des cris s’élèvent, les hommes se courbent pour piquer en dessous, les chevaux furieux se dressent et se mordent en hennissant d’un ton terrifiant, des hommes tombent, des chevaux s’écroulent ».

 

 

« C’était un soir la bataille de Reichshoffen

Il fallait voir les cavaliers charger.

Ils étaient là alignés dans la plaine

Le sabre au clair, le pied à l’étrier

Attention cavaliers, chargez ! »

 

 

 Reischoffen 2

 

Rescapés de Reichshoffen – Eglise de la Madeleine, Paris, 1917 (copyright BNF).

 

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #1870-1871

Publié le 16 Septembre 2013

 

 Bauds-Le reve Alphone de Neuville

 

Le rêve, d’Edouard Detaille (Musée d’Orsay).

 

Arthur Baudot fut un soldat de 1870. Dans ses lettres – plutôt son journal de bord, certainement écrit, du moins remanié, a posteriori – retrouvées par son arrière-petit-fils (Monsieur Alain Baudot), il témoigne de sa captivité.

 

Le 1er septembre 1870.

 

« Chers parents,

 

Jusqu’à présent, je n’ai pu vous donner que des détails bien incomplets sur notre position, mais aujourd’hui, je vais essayer de vous en donner une idée. Fais prisonnier sur le champ de bataille aux environs de Sedan, vers trois heures de l’après-midi, on nous a rassemblés et dirigés sur Douzy où nous sommes arrivés à la nuit. On nous a fait coucher dans l’église, sans manger et nous n’avions pris pour toute nourriture qu’un peu de café vers quatre heures du matin ».

 

 

Le 2 septembre – Douzy : « Le lendemain matin, avant le départ, nous avons assisté à la messe dans la même église, ensuite, on nous a conduit à quelques kilomètres de là, où nous avons passés une grande partie de la journée sur trois rangs afin de nous compter. Là, une espèce de cantine prussienne qui vendait du pain et du lait, en très petite quantité, et pour beaucoup d’argent, mais malgré le prix exorbitant, tout le monde voulait en acheter. Mais les officiers prussiens voyant le désordre dans nos rangs, et un rassemblement considérable auprès de la voiture, nous ordonnèrent de reprendre nos places ; nous étions à leur pouvoir. Il fallait obéir… ».

 

Dans les jours qui suivent, les milliers de soldats, dûment escortés, prennent la route de la Prusse. Ils passent par les villages de Ligny-devant-Dun, Ecurey, Etain (au-dessus de Verdun), Gorze. Le 8 septembre 1870 : « Bien qu’on nous ait dit que nous n’avions plus que quelques lieues à faire pour prendre le chemin de fer, nous avions raison de n’y pas croire, car ce fut bien la journée où nous avons le plus marché. Vers midi, à chaque pas, il en restait en route ; on était forcé de les conduire en voiture, car ils ne pouvaient pas continuer le chemin à pied, les rangs s’éclaircissaient de plus en plus car tous, nous étions à bout de forces ».

 

Ensuite, les prisonniers sont parqués dans des champs, à nouveau comptés et recomptés, puis ils sont dirigés vers la gare de Rémilly (Moselle) et sont entassés dans le train : « Voilà comme on nous a placés : quarante-cinq et même cinquante dans chaque wagon à bestiaux ». Le convoi traverse la Grand-duché du Luxembourg, passe par les villes de Mayence, Francfort, Erfurt, pour terminer son périple à Magdebourg.

 

11 septembre – Magdebourg : « Il était une heure du matin : aussitôt notre arrivée, après nous avoir fait placer sur les rangs, on nous a conduits dans un vaste camp dressé pour nous loger. Les premières compagnies seulement eurent de la paille et une couverture par homme ; à nous, on nous a donné à chacun une couverture, c’était assez pour nous contenter, et nous avons passé une bonne nuit ».

 

12 septembre : « Il en fût ainsi pendant quelques jours, puis ils nous donnèrent à chacun un plat en terre et une cuiller que nous devions conserver. La nourriture du matin, dont je parlais tout à l’heure, consistait en un peu de farine délayée dans l’eau, et un peu de beurre ; mais ce beurre passait le plus souvent auprès des marmites de sorte que cette colle, comme nous l’appelions, n’était pas quelque chose de bon. A midi, on nous donnait une petite portion de viande, puis le rata aux pommes de terre avec du riz, des haricots ou de l’orge.

 

Puis, on nous conduisit au travail tous les jours depuis une heure après midi jusqu'au soir. Nous étions occupés aux fortifications, à servir les maçons. Pour y aller, on nous faisait traverser la ville, nous avons remarqué qu’elle était jolie, et qu’elle renfermait d’aussi beaux magasins que ceux de France. Pendant quelques temps, nous avons touché trois sous par jour pour notre travail, mais l’habitude de payer s’est passée, de sorte qu’on travaillait pour le roi de Prusse… ».

 

Fin septembre : « Vers cette époque, je fus malade à mon tour, mais pas sérieusement, la fatigue en devait être la seule cause. Je suis allé à la visite pendant une quinzaine de jours (car il y avait au camp une infirmerie, et chaque jour venait un docteur pour passer la visite). Au bout de ce temps, je me suis rétabli assez bien, et jusqu’au moment où j’écris, je n’ai eu pas trop à me plaindre du côté de la santé ».

 

Fin octobre : « Vers la fin d’octobre, il nous fallut quitter le camp, nous sommes venus dans une baraque. Un magasin d’artillerie, où nous étions assez bien logés : nous avions chacun une paillasse et une couverture. C’est là qu’ils commencèrent à nous retirer un repas, de sorte que nous n’avions plus que deux fois à manger par jour. Le matin, un jour le café, un jour la colle ; le soir, le rata et un pain de quatre livres pour quatre jours ; on faisait aussi quelquefois une distribution, soit de lard, de beurre, ou des harengs, mais le plus souvent des harengs. Voilà notre ordinaire, heureusement, les jours étaient courts, sans quoi on aurait eu beaucoup plus à souffrir de la faim.

 

15 décembre 1870 – Janvier 1871 – Magdebourg : « Vers le quinze décembre, ils commencèrent à monter une machine pour nous chauffer au moyen de la vapeur. Mais cette opération était si lente que nous n’avions pas l’espoir d’en connaître l’effet cet hiver. En attendant, vers le 1er janvier, ils donnèrent deux poêles dans chaque chambre, mais qu’est-ce que c’était, pour une chambre de 60 mètres de long, par un froid de -25°, et surtout que le charbon nous manquait la moitié du temps. Mais nous regrettons de ne pas avoir passé tout l’hiver dans ce nouveau domicile. Car sur une trentaine de mille que nous étions à Magdebourg, le nombre de morts est tout près d’atteindre le chiffre énorme de 4.000. Voilà en abrégé à peu près tout ce qui me concerne. Car pour détailler tout, il faudrait faire un gros livre… ».

 

« Les hommes de la compagnie étaient bien plus malheureux, car ils étaient forcés d’aller travailler dehors, même par le plus grand froid, et lorsque l’un d’eux cherchait à s’en échapper, ou qu’on avait quelque chose à lui reprocher, sa punition était celle d’un peuple sauvage : on l’attachait dehors à un poteau, par les pieds et les épaules, pendant des heures entières, exposé aux rigueurs du temps. Je me trouvais heureux auprès d’eux. Jugez donc de ce qu’on avait à souffrir avec un peuple aussi barbare. C’est seulement un aperçu pour vous faire connaître notre position. Je ne vous donne pas plus de détails sur les coups de plat de sabre qu’on recevait, lorsqu’on n’obéissait pas assez promptement, lorsqu’on n’était pas levé assez matin ou pour tout autre motif. Le code pénal auquel nous étions assujettis contenait les peines les plus sévères pour les moindres bagatelles. Beaucoup contenaient la peine de mort et d’autres la citadelle pendant plusieurs années et même perpétuité. Des prisonniers de guerre n’auraient cependant pas dû être traités si rudement ».

 

 

Depuis le 28 janvier 1871, la convention d’armistice est signée entre la République française et l’Empire d’Allemagne. A titre de gage sur les sommes colossales que la France doit régler à son ennemi, le tiers nord-est du pays sera occupé jusqu’au 16 septembre 1873.

 

A cette date, les survivants des camps de prisonniers en Allemagne sont rentrés dans leurs foyers ; bien souvent à pieds…

 

Sources : Ces lettres ont été publiées par MR Alain BAUDOT, sur son blog – www.bauds.fr

 

Arthur Baudot (photographie de 1920).

Bauds Arthur

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #1870-1871

Publié le 30 Août 2013

 

Issy libérée par les siens - 3

Issy-les-Moulineaux libérée par les siens.

 

 

A Issy-les-Moulineaux, la commémoration célébrant le 69ème anniversaire de la Libération de Paris s’est déroulée le dimanche 25 août 2013. Voici un extrait du discours de Monsieur André Santini, ancien ministre, député-maire de la ville. Retrouvez par ailleurs, dans l’album intitulé « 2013-08-25, Libération de Paris – Commémoration » des photographies de cet événement historique, et des portraits de celles et ceux qui ont été acteurs de ces événements, qu’ils aient été des libérateurs, des ennemis ou des collaborateurs.

 

 

« Au lendemain de la libération de Paris, le cortège des libérateurs mené par le Général de Gaulle défile le 26 août 1944 à travers la ville, des Champs-Élysées jusqu’à Notre-Dame. Les femmes pleurent de joie et saluent les soldats, les pères prennent leurs enfants sur les épaules, et tous regardent défiler les visages fiers et souriants des héros de la France libre.

 

Mais, tout au long de cette parade surgissent parfois des cris et des affolements : des tireurs embusqués visent encore la foule. Arrivés sur le parvis de la cathédrale et même dans Notre-Dame, les tirs résonnent et perturbent le Te Deum. Paris est libéré mais la guerre n’est pas encore finie… Reclus sur les toits et dans les immeubles, il reste des soldats Allemands, des miliciens, des collaborateurs, prêts à tout car n’ayant plus rien à perdre. Le régime abject qu’ils servaient est en train de s’écrouler, ils sont aux abois.

 

A cette heure, l’Histoire bascule de nouveau en faveur de la liberté des peuples et de la démocratie, cinq années après que le voile noir du nazisme a recouvert l’Europe. Cinq années durant lesquelles Paris et sa banlieue – conquises sans peine par l’envahisseur – ont survécu au gré des privations, des rafles, des couvre-feux, des exécutions et des sommations. Au gré aussi de la peur lancinante qui hante le quotidien de la population et qui glace le sang à chaque hurlement, chaque alarme, chaque détonation.

 

Soumise à l’occupation, la Patrie est avilie, mais l’honneur de la France subsiste tout de même en dehors du territoire national, de l’autre côté de la Manche grâce au Général de Gaulle, ou dans nos colonies avec le Gouverneur Félix Eboué. Et puis, en France, le nazisme n’a pas réussi à conquérir tous les esprits. Alors que l’État pétainiste collabore, d’autres citoyens entrent dans la Résistance. Durant cinq années, chaque train dynamité, chaque officier SS abattu, chaque information transmise aux Alliés, sont autant de coups portés au renoncement et à la fatalité. Pendant ces longs mois d’occupation, les actions courageuses menées par les forces de l’ombre, par tous les hommes et les femmes de la Résistance, ont permis de déstabiliser l’ennemi, de maintenir la flamme de l’espoir.

 

En ce jour de commémoration, ayons une pensée pour tous ces héros qui ont agis avec courage et dignité. Je pense en particulier aux membres du « groupe Manouchian» ou aux résistants d’Issy-les-Moulineaux. Dans notre ville, deux groupes se sont organisés à partir de 1942 : le Mouvement de Libération Nationale, dont le quartier général clandestin se trouvait au cœur même de la Mairie ; et le groupe Francs-Tireurs et Partisans Boisredon, qui siégeait à l’Hôpital Corentin-Celton. Ces résistants, comme tous les autres, ont risqué leur vie au nom d’un idéal de justice et de liberté, au nom de la République, au nom de l’humanité. Leurs cinq longues années d’actions, de sabotages, de harcèlement, d’espionnage contre la soldatesque du Reich et de l’État vichyste, ont préparé la libération de la France.

 

Cette libération a débuté, rappelons-le, en septembre-octobre 1943 lorsque la Corse a été reprise par les forces Alliées. Ce fut le premier territoire métropolitain libéré et nous en commémorons cette année le 70ème anniversaire. Il a fallut reprendre la France, notre France, ville par ville, quartier par quartier, parfois même maison par maison, mais la ténacité de nos soldats était la plus forte et leur cause était juste.

 

En août 1944, à Paris, on murmure que la déroute de l’Allemagne nazie est proche, que l’avancée des Alliées est inexorable ! Un fol espoir saisit la population, la fin du cauchemar serait proche. Alors Paris renaît, Paris retrouve sa fièvre révolutionnaire, hisse ses barricades. Gendarmes, fonctionnaires, ouvriers s’insurgent, la grève générale est déclarée le 18 août ! Dans toute la région, les Forces Françaises de l’Intérieur s’activent pour faciliter l’avancée du Général Leclerc et de ses chars.

 

A Issy-les-Moulineaux, le groupe mené par Emile Bienvenu réussit à faire capituler l’unité de 550 soldats allemands basée sur l’Ile-Saint Germain.

 

Enfin, le 25 août, Paris et sa banlieue sont libérés, la République est restaurée, la France se redresse. Ce jour-là, le pays tout entier palpitait d’une force nouvelle, prêt à affronter l’avenir et mettre fin à la guerre.

 

Recueillons-nous aujourd’hui en souvenir des 3500 hommes et femmes, soldats, résistants ou civils – dont beaucoup Isséens – qui périrent pour libérer la Capitale. Nous restons redevables de leur courage et de leur sacrifice ».

 

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Publié le 28 Août 2013

 

Denoix de St Marc - 2eme CIPLE

Indochine 1952 : le capitaine Elie Denoix de Saint-Marc à la tête de la Compagnie Indochinoise de Parachutistes de la Légion Etrangère du 2ème BEP.

 

 

Hélie de Saint Marc, qui vient de mourir, connut un destin exceptionnel. Ne serait-ce que parce qu'au cours de sa longue vie il fut successivement l'homme de l'humiliation, de l'engagement, de la proscription avant d'être finalement réhabilité.

 

Humiliation: au printemps 1940, un adolescent assiste à Bordeaux à l'arrivée de l'armée française en déroute. Peu après, il entre dans la Résistance, décide de gagner l'Espagne, avant d'être arrêté dans les Pyrénées et déporté en Allemagne, au redoutable camp de travail de Langenstein.

 

Engagement: en 1945, un rescapé mal à l'aise dans la France de la Libération délaisse le statut que peut lui conférer son passé incontestable de résistant déporté, pour endosser la défroque mal taillée d'officier de la Légion étrangère. Avec l'armée française, il plonge dans une guerre incertaine en Indochine.

 

Proscription: en avril 1961, le commandant en second du 1er REP choisit la sédition pour protester contre la politique algérienne du général de Gaulle. Après l'échec du putsch, il connaît la prison.

Réhabilitation: longtemps, Hélie de Saint Marc reste silencieux, muré dans ses souffrances, acceptant son manteau de paria. Jusqu'à ce que l'amitié quasi paternelle qu'il porte à son neveu, l'éditeur Laurent Beccaria, le pousse à accepter de témoigner.

 

En 1989, Hélie Denoix de Saint Marc témoigne dans l'émission Apostrophes en 1989, après la sortie de sa biographie.

 

L'ancien officier, sorti de prison en 1966, qui vit paisiblement à Lyon, en pratiquant avec bonheur l'art d'être grand-père, devient en quelques livres l'icône d'un pays en mal de références.

 

Un mélange de tradition et de liberté

 

Hélie Denoix de Saint Marc incarnait la grandeur et la servitude de la vie militaire. De tout, il tirait des leçons de vie. Il relatait des faits d'armes oubliés, décrivait des héros inconnus. Il avait fait du Letton qui lui avait sauvé la vie à Langenstein, de son frère d'armes l'adjudant Bonnin mort en Indochine, du lieutenant Yves Schoen, son beau-frère, de Jacques Morin, son camarade de la Légion, des seigneurs et des héros à l'égal d'un Lyautey, d'un Bournazel, d'un Brazza. Au fil de souvenirs élégamment ciselés, il dessinait une autre histoire de France, plus humaine, plus compréhensible que celle des manuels scolaires.

 

Écouter ou lire Saint Marc, c'était voir passer, par la grâce de sa voix étonnamment expressive et de sa plume sensible et claire, une existence riche et intense.

 

Né en 1922, Hélie Denoix de Saint Marc était un fruit de la société bordelaise de l'avant-guerre, et de l'éducation jésuite. Il avait été élevé dans un mélange de tradition et de liberté (n'est-ce pas le directeur de son collège qui l'avait poussé à entrer dans le réseau Jade-Amicol?). De sa vie dans les camps, de son expérience de l'inhumanité, de ses séjours en Indochine, puis en Algérie, il faisait le récit sobre et émouvant, jusqu'aux larmes. Et de son geste de rébellion, il parlait toujours avec retenue, mezza voce, comme s'il était encore hanté par les conséquences de celui-ci.

Ses milliers de lecteurs, ses admirateurs, tous ceux qui se pressaient à ses conférences, aimaient en lui ceci: par son histoire se retrouvaient et se réconciliaient plusieurs France: celle de la Résistance, celle de la démocratie chrétienne et celle de l'Algérie française. Aux diverses phases de son existence, Saint Marc avait su donner une unité, en martelant: «Il n'y a pas d'actes isolés. Tout se tient.» C'était un être profond qui cherchait davantage à comprendre qu'à condamner. D'une conversation avec lui, on tirait toujours quelque chose sur soi-même, sur ses passions, ses tentations ou ses errements.

 

Cortège d'horreur, d'héroïsme et de dilemmes

 

La grande leçon qu'administrait Saint Marc, c'était que le destin d'un homme - et plus largement celui d'un pays - ne se limite pas à une joute entre un Bien et un Mal, un vainqueur et un vaincu. Il avait comme personne connu et subi la guerre, avec son cortège d'horreur, d'héroïsme et de dilemmes: en Indochine, que faire des partisans auxquels l'armée française avait promis assistance, maintenant qu'elle pliait bagage? En Algérie, que dire à ses hommes en opération, alors que le gouvernement avait choisi de négocier avec le FLN?

 

Son parcours chaotique, abîmé, toujours en quête de sens, n'avait en rien altéré sa personnalité complexe et attachante qui faisait de lui un homme de bonne compagnie et lui valait des fidélités en provenance des horizons les plus divers.

 

L'une d'elles, parmi les plus inattendues (et, au fond, des plus bouleversantes), s'était nouée il y a une dizaine d'années avec l'écrivain et journaliste allemand August von Kageneck. Cet ancien officier de la Wehrmacht avait demandé à s'entretenir avec son homologue français. Leur conversation, parsemée d'aveux et de miséricorde, devint un livre, Notre histoire (2002). Kageneck était mort peu de temps après, comme si avoir reçu le salut (et pour ainsi dire l'absolution) d'un fraternel adversaire l'avait apaisé pour l'éternité. Sa photo en uniforme de lieutenant de panzers était dans le bureau de Saint Marc, à côté de celle de sa mère, qu'il vénérait.

 

Rien d'un ancien combattant

 

D'autres admirations pouvaient s'exprimer dans le secret. Ce fut le cas dès son procès, où le commandant de Saint Marc suscita la curiosité des observateurs en se démarquant du profil convenu du «réprouvé». Des intellectuels comme Jean Daniel, Jean d’Ormesson, Régine Deforges, Gilles Perrault, un écrivain comme François Nourissier lui témoignèrent leur estime. Se souvient-on que ses Mémoires, Les Champs de braises, furent couronnés en 1996 par le Femina essai, prix décerné par un jury de romancières a priori peu sensibles au charme noir des traîneurs de sabre?

 

En novembre 2011, Hélie de Saint Marc fut fait grand-croix de la Légion d'honneur par le président de la République. Dans la cour des Invalides, par une matinée glaciale, le vieil homme recru d'épreuves et cerné par la maladie reçut cette récompense debout, des mains de Nicolas Sarkozy. Justice lui était faite. Commentant cette cérémonie, il disait d'une voix où perçait une modestie un brin persifleuse: «La Légion d'honneur, on me l'a donnée, on me l'a reprise, on me l'a rendue…»

 

À ces hommages s'ajoutèrent au fil des ans les nombreux signes de bienveillance de l'institution militaire (notamment grâce à une nouvelle génération d'officiers libérée des cas de conscience qui entravaient leurs aînés), qui furent comme un baume au cœur de cet homme qui prenait tout avec une apparente distance, dissimulant sa sensibilité derrière l'humour et la politesse.

 

Histoire authentique ou apocryphe, il se raconte qu'un jour l'ex-commandant de Saint Marc avait été accosté par une admiratrice qui lui avait glissé: «Je suis fière d'habiter la France, ce pays qui permet à un ancien putschiste de présider le Conseil d'État.» La bonne dame confondait Hélie avec son neveu Renaud (aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel). Cette anecdote recèle quelque vérité. La France contemporaine l'avait pleinement adopté, ayant compris que cet homme lui ressemblait, avec ses engagements heureux ou tragiques, ses zones d'ombre, ses chagrins et ses silences.

 

Hélie de Saint Marc n'avait rien d'un «ancien combattant». S'il avait insolemment placardé à la porte de son bureau le mandat d'arrêt délivré contre lui en mai 1961, il parlait de ceux qui avaient été ses adversaires avec mansuétude. Quand un article lui était consacré dans Le Figaro, il ne manquait jamais de demander à son auteur, avec ironie: «Avez-vous eu une réaction des gaullistes?» Son épouse, Manette, et leurs quatre filles s'attachaient à lui faire mener une vie tournée vers l'avenir. Il n'était pas du genre à raconter ses guerres, s'enquérant plutôt de la vie de ses amis, les pressant de questions sur le monde moderne, ses problèmes, ses défis. Ce vieux soldat bardé d'expériences comme d'autres le sont de diplômes n'avait jamais renoncé à scruter son époque pour la rendre un tant soit peu plus intelligible.

 

Énigme insondable

 

L'existence humaine restait pour lui une énigme insondable. À Buchenwald, Saint Marc avait laissé la foi de son enfance. L'éclatement de tout ce qui avait été le socle de son éducation l'avait laissé groggy. Une vie de plus de quatre-vingt-dix ans n'avait pas suffi pour reconstituer entièrement un capital de joie et d'espérance. C'était un être profondément inquiet, qui confessait que sa foi se résumait à une minute de certitude pour cinquante-neuf de doute. Le mal, la souffrance, le handicap d'un enfant, ces mystères douloureux le laissaient sans voix.

Attendant la fin, il confiait récemment avec un détachement de vieux sage: «La semaine dernière, la mort est encore passée tout près de moi. Je l'ai tout de suite reconnue: nous nous sommes si souvent rencontrés.»

 

 

 

Etienne de Montety – Le Figaro – Le 26 août 2013.

 

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Rédigé par Souvenir Français Issy

Publié dans #Indochine

Publié le 11 Juillet 2013

 

F100D du Navarre

 

 

Automne 1963, à Lahr, petite ville allemande de la vallée du Rhin, en face des Vosges. Ce vendredi soir les cars de la base aérienne implantée sur l'aérodrome de Lahr-Hugsweier, le long de l'autoroute Baden-Baden/Fribourg, viennent de ramener le personnel dans les cités des familles françaises de la Glocken, de la Seminar ou de la Tremplarstrasse. Les militaires en uniforme bleu de l'armée de l'air se dispersent rapidement, rejoignant les leurs pour préparer un week-end qui s'annonce un peu pluvieux, un temps idéal pour la cueillette des champignons en Forêt-Noire ! Mais en rentrant à vide vers la base, les cars croisent trois jeeps qui dès leur entrée en ville, et sans souci des réactions de la population allemande, maintenant blasée, commencent à actionner leurs sirènes. Remettant rapidement son uniforme, chacun empile quelques affaires dans un sac, embrasse femme et enfants et remonte dans les cars qui ont fait demi-tour et attendent au pied des immeubles...

 

C'est la 3ème Escadre de chasse, dont les deux escadrons sont dotés chacun d'une vingtaine de chasseurs-bombardiers « Super Sabre » F-100, qui est stationnée sur le terrain de Lahr. Depuis le 16 mai 1963 un premier escadron, le 1/3 « Navarre », est qualifié « nucléaire » (« Strike » dans le vocabulaire OTAN). Il a été suivi peu de temps après par l'autre escadron, le 2/3 « Champagne ». L'arme, une bombe atomique tactique, est américaine et ses conditions d'emploi sont donc rigoureusement contrôlées en conformité avec les plans de défense de l’OTAN et les procédures tant françaises qu'américaines. A l'extrémité de la chaîne de commandement c'est un binôme composé du pilote français et d'un « officier de permanence alerte » américain (ADO) agissant ensemble qui doivent activer l'arme, avec chacun son code secret. L'escadron a deux avions en alerte, en QRA selon le jargon de l'OTAN (Quick Reaction Alert = réaction rapide sur alerte), armés et sévèrement gardés dans une zone strictement contrôlée. Les pilotes de ces deux avions, qui passent 24 heures d'affilée dans le bâtiment de la QRA avec une équipe de mécaniciens et l'ADO, doivent pouvoir décoller dans les cinq minutes suivant le déclenchement d'une alerte. Ils emportent avec eux le dépliant de l'une des deux premières missions attribuées à l'escadron. Et même si par malheur, au cours du vol, ce livret glissait sous leurs pieds, au fond du cockpit, la mission serait poursuivie jusqu'à l'objectif car ils en ont appris par cœur le déroulement dans tous ses détails. J'en suis sûr car, en jeune lieutenant, je suis l'officier Renseignement de l'escadron, l'O.R., et à ce titre je suis responsable de leur faire passer régulièrement des tests sur ce sujet.

 

Aujourd’hui, quand la sirène d'alerte s'est déclenchée, ils ont comme prévu appliqué rigoureusement les procédures mais, une fois arrivés en bout de piste dans les délais, ils ont fait demi-tour et sont revenus en zone QRA pour reprendre leur posture d'alerte réelle. Car ce n'est qu'une alerte fictive qui vient d'être déclarée en cette veille de week-end, un de ces nombreux exercices qui permettent de tester l'aptitude des unités aériennes françaises et alliées à remplir les missions assignées comme « Rebecca », purement français, ou ceux déclenchés par l'OTAN et qui ont pour but d'évaluer chacun l'un des aspects de la mission pour culminer avec « Tac Eval » (l'Évaluation tactique) dont seule la réussite totale permet à l'unité de continuer à conserver sa mission nucléaire.

 

Ce soir-là, quand j'entre dans la salle d'opérations du 1/3 « Navarre », il y règne une atmosphère de ruche. « Captain Troy », le premier commandant d'escadrille arrivé sur les lieux, prépare les ordres en liaison permanente par interphone, le « tannoy », avec le chef de piste mécanicien qui lui passe la disponibilité des avions déclarés opérationnels en les désignant par le code de la lettre qui figure sur le fuselage :

 

-       Le Bravo est prêt, mon capitaine, comme déjà le Tango et le Golf. Il ne faut plus compter sur le Romeo, on vient de détecter une fuite grave de liquide hydraulique, on essayera de le réparer après le décollage de la première vague. Mais je dois pouvoir vous sortir le Novembre d'ici quelques minutes, le Papa et l'Echo devraient suivre rapidement...

 

Et en fonction de ces annonces, Troy les affecte aux pilotes au fur et à mesure de leur arrivée :

 

-       Le Gros sac », tu prends le Tango, avec la mission n°E/XXX, et toi, « Le P'tit boudin », le Bravo pour la E/YYY. Vous signez le cahier d'ordres et passez prendre vos dépliants de mission en salle « Rens ».

 

Dans le même temps le marqueur opérations, un caporal-chef du contingent, met à jour le tableau d'ordres, accrochant à la suite des numéros de mission à exécuter les plaquettes vertes des pilotes qualifiés chef de patrouille ou jaunes des sous-chefs de patrouille, puis celles portant le numéro de l'avion qu'il connaît par cœur – le Bravo par exemple c'est le Super Sabre F-100D n° 149 – et enfin, au crayon gras sur le rhodoïd, l'heure impérative de décollage.

 

De mon côté j'ai déverrouillé la porte blindée de mon domaine, la salle forte « Renseignement », ouvert les rideaux qui masquent les panneaux couverts de photos des chasseurs Mig ou bombardiers Yakovlev de ceux d'en face et les cartes de l'ordre de bataille des forces aériennes du Pacte de Varsovie, mais pas celui de la fenêtre barreaudée car nous sommes en procédure « black-out », aucune lumière ne doit filtrer à l'extérieur. Dans mon coffre à combinaisons se trouvent les « Déplinav » des missions de guerre, sauf ceux des deux missions d'alerte qui sont en QRA. Ce sont des petits dépliants faits de cartes découpées et collées où l'itinéraire est figuré par un gros trait central, les points « tournants » par des cercles avec à droite et à gauche les indications nécessaires à l'exécution de la mission, avec en particulier le minutage à partir de l'heure H de décollage, les altitudes minimum en fonction du relief, les vitesses, les points prévus de largage des réservoirs supplémentaires quand ils sont vides, le nouveau cap à prendre après chaque virage et enfin, au bout de la dernière ligne droite, le triangle qui marque l'objectif, là-bas, quelque part à l'Est, de l'autre côté du Rideau de fer. C'est dans cette salle que j'ai aidé les pilotes à préparer leur navigation, en leur indiquant la ligne de détection des radars de l'adversaire, la position des sites connus de missiles sol-air, les caractéristiques des avions de chasse qui risquent de les intercepter et tous les renseignements sur leur cible, localisation précise bien sûr, défenses antiaériennes rapprochées, description la plus exacte possible et, dans quelques cas malheureusement trop rares, photos. Car à cette époque, de l'autre côté du rideau de fer, les photographes ne sont pas bien vus autour des installations militaires !

 

Mais aujourd'hui, pour un exercice, ce sont des missions « équivalentes » que vont exécuter les pilotes, avec des objectifs en France. L'un après l'autre ils passent prendre le déplinav correspondant à leur mission. Ils vont le fixer sur la poche droite de leur pantalon anti-G qui permet en vol de mieux supporter les évolutions brutales. C'est maintenant au tour du « Clou » d'entrer pour récupérer sa mission et, malgré le sérieux de la situation, il  me propose en souriant :

 

-       Je pars avec le X-ray, je t'emmène ?

 

Le X-ray, c'est l'un des trois biplaces F-100F de l'escadron, le n° 009. C'est un peu mon avion fétiche car j'ai eu la chance d’effectuer avec lui mais en place arrière, en « sac de sable », plusieurs vols d'entraînement. Mais aujourd'hui chacun son job, et je le laisse partir en lui souhaitant bonne chance ! Il sort pour aller prendre au vestiaire pilote son casque avec masque à oxygène et enfiler son pantalon anti-G, puis rejoindre son avion au pied duquel l'attend son mécanicien, son « pistard ». Ils feront ensemble le tour du F-100, vérifiant au passage le libre jeu des becs de bord d'attaque, l'absence de fuites, le verrouillage de la trappe du parachute-frein... avant que, satisfait, le pilote ne s'installe dans le cockpit pour procéder à la mise en route. Ensuite il roulera jusqu'au bout de piste tout proche et, après accord de la tour de contrôle, poussera la manette des gaz, lâchera les freins, allumera la post-combustion et le F-100, libéré, roulant de plus en plus vite, décollera face au sud. Si l'alerte était réelle il prendrait peu à peu de l'altitude pour pouvoir, en virant par la gauche, survoler les croupes boisées de la Forêt-Noire et commencer à suivre l'itinéraire qui l'amènerait à larguer, à l'heure prévue et sur l'objectif assigné, son armement, cette bombe atomique tactique américaine. Mais aujourd'hui, avec un armement « fictif », il garde le cap au sud, coupe le Rhin à la hauteur de Colmar et vire à droite vers la trouée de Belfort, avant d'entamer une navigation à basse altitude qui l'amènera jusqu'en Vendée ou en Périgord !

 

Pendant ce temps l'escadron continue sa montée en puissance. Il doit pouvoir faire décoller, outre bien sûr les deux avions de QRA dans les cinq minutes, les quatre avions suivants en vingt minutes et enfin dix autres dans les trois heures, soit seize avions sur la vingtaine en dotation ! Alors les mécaniciens sont sur les dents afin de « sortir » le maximum d'appareils bons pour le service, dans un minimum de temps.

 

Une mission dure un peu plus de deux heures. Déjà les premiers avions rentrent au parking et reprennent leur place dans les alvéoles qui entourent le hangar de l'escadron. Après avoir signalé au bureau de piste les pannes éventuelles, les pilotes remontent aux opérations. C'est là que l'un après l'autre je leur demande de passer en salle Renseignement pour le « débriefing ». Au cours de cet entretien je leur demande les résultats de leur mission et tous les renseignements qu'ils auraient pu recueillir, à vue, sur le potentiel de l'adversaire, les défenses rencontrées, la situation des lignes... et avec tous ces éléments je rédige le « Misrep », le compte-rendu de mission, que les transmissions vont ensuite adresser à l'état-major. Car, le rôle de l'officier Renseignement est d'être une boite aux lettres à double sens. Si je dois d'un côté rassembler, venant des échelons supérieurs, le maximum d'informations dont le pilote va avoir besoin pour réussir sa mission, c'est le renseignement descendant, le « renseignement d'exécution », je dois aussi, de l'autre, faire parvenir à l'état-major, donc au Décideur, tout ce qui peut aider à une évaluation claire de la situation, c'est ce qui constitue le renseignement montant, le « renseignement de décision ».

 

C'est pour remplir cette double mission, qui implique un contact permanent avec les équipages, que j'ai été à l'automne 1962 le premier officier renseignement affecté à l'escadron, responsable en particulier de la conservation et de la mise à jour du gros bouquin qui récapitule tous les objectifs planifiés, de la constitution des dossiers sur les objectifs attribués à l'unité, de l'instruction des pilotes dans les domaines des performances et de l'identification des avions, des radars et des missiles sol-air adverses, des consignes de survie et d'évasion en cas d'éjection en territoire hostile et de la connaissance parfaite par les pilotes des conditions d'exécution de la mission d'alerte.

 

Mais l'escadron conserve, à côté de sa vocation nucléaire, une mission secondaire d'attaque au sol avec un armement « conventionnel » : canons de bord, roquettes ou bombes non guidées. Les pilotes continuent également à s'entraîner au combat aérien, c'est-à-dire à l'interception d'appareils « hostiles », chasseur contre chasseur, pour pouvoir ramener sur le film de la camera de tir le cliché du « plastron », bien centré dans les six diamants du collimateur ! Dans ces domaines aussi des exercices nombreux testent aussi bien les qualifications individuelles des pilotes que la capacité globale de l'escadron à remplir toutes ces missions. Je me souviens par exemple d'avoir participé, en mars 1965, à un exercice « Left foot » (Pied gauche). C'était un exercice non pas OTAN mais tripartite anglo-americano-français, dont le but était de simuler le dégagement de l'autoroute qui mène à Berlin, si d'aventure les forces soviétiques stationnées en Allemagne de l'Est essayaient de la bloquer en contradiction avec les accords de Postdam signés entre les quatre puissances à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les avions des trois détachements alliés s’entraînaient à l'appui et à la protection des véhicules d'un convoi, lui aussi tripartite, progressant sur une portion d'autoroute neutralisée, en Allemagne de l'ouest. J'avais pu avec beaucoup d'intérêt, à cette occasion, comparer nos méthodes de travail avec celles de nos homologues anglais et américains. Un autre exercice, national celui-là et d'ampleur plus réduite, baptisé « Kim », était destiné à tester la réactivité de la chaîne de transmission des photos aériennes. Le déroulement en était le suivant : dans une première phase un avion de notre escadre de reconnaissance décollait de Strasbourg pour aller photographier un objectif, par exemple une station radar quelque part en République fédérale d’Allemagne. Dès son retour, après l’atterrissage, les film étaient développés et les meilleurs clichés renseignés par les interprétateurs-photo avec la localisation exacte du site et l'identification des matériels. Ces photos étaient ensuite envoyées par « Belino » aux Transmissions de notre base, et de là convoyées, en voiture, jusqu'à l'escadron. Après étude des clichés et un briefing rapide, une patrouille de F-100 décollait pour aller attaquer cet objectif. Et puis il y avait les passes de bombardement simulées, avec des « bombinettes » d'exercice sur les champs de tir de Suippes ou d'Epagny, les campagnes de tirs réels au canon et à la roquette à partir des bases de Cazaux ou de Solenzara, les compétitions nationales entre escadrons français, comme la coupe « Comète », ou alliées, comme cette coupe « Aircent », brillamment remportée par le « Navarre » en juin 1963...

 

Et c'est ainsi que pendant près de quatre ans j'ai participé, aux côtés de nos pilotes, à la préparation d'une guerre que leur tenue de l'alerte nucléaire a contribué à prévenir. Et le contrat fut rempli puisque les forces armées de l'U.R.S.S. et de ses alliés satellites du Pacte de Varsovie, dont le général De Gaulle disait qu'elles n'étaient qu'à 500 kilomètres de nos frontières, « soit à peine la longueur de deux étapes du tour de France cycliste  », sont restées l'arme au pied derrière le Rideau de fer jusqu'à sa disparition après la chute du mur de Berlin en 1989.

 

Je terminerai cette évocation par un souvenir plus personnel. Dès mon affectation à l'escadron, en octobre 1962, j'avais eu le droit de porter l'insigne du 1/3 « Navarre », qui reprenait ceux de deux escadrilles de la Grande Guerre. Seuls les pilotes, répartis entre la « Une » et la « Deux », ne portaient que l'insigne de leur escadrille de tradition. Et pourtant, par ordre particulier conjoint du 07/11/1963, les deux commandants d'escadrille m'élevaient, moi le non-navigant, « à la dignité de membre d'honneur » des deux escadrilles, avec obligation de porter l'insigne de la « Une » du 1er au 15 du mois et celui de la « Deux » du 16 au 31 ! Ce jour là, j'ai compris que j'avais su gagner leur confiance et que j'avais été adopté.

 

 

NOTA :

 

Il n'est peut être pas inutile de rappeler quel était l'environnement technologique au début de ces années soixante. Le Super Sabre F-100 était un avion sans radar, ce qui ne lui permettait ni de voler très près du relief de nuit ou par mauvais temps, ni, en altitude, d'intercepter un appareil hostile autrement que guidé du sol par une station radar, seule la phase finale étant effectuée à vue. Il ne disposait non plus ni d'un calculateur de navigation ou de G.P.S, ni d'ordinateur de bord, ni de commandes électriques, ni d'armement guidé par laser et s'il était équipé d'une perche de ravitaillement en vol, cette technique n'était pas encore opérationnelle dans nos forces aériennes tactiques. Au sol les dossiers d'objectifs ne comportaient pas de photos prises de satellites, il n'existait pas d'ordinateurs, ni de téléphones mobiles et la transmission des photos par « Bélino », ancêtre du fac-similé, nécessitait près d'un quart d'heure par cliché ! La charge de travail de tous n'en était pas facilitée…

 

 

 

 En F100F avec masque

 

 

 

 

GBA (2s) Jean-Claude ICHAC,

Président honoraire du Comité du Souvenir Français d'Issy-les-Moulineaux.

 

 

Après l’Ecole de l’Air (base non naviguant) et un séjour de 1959 à 1961 en Algérie, l’officier « Renseignement » Jean-Claude Ichac est affecté en unités puis aux Etats-majors (interarmées et armée de l’Air). Commandant de la Cité de l’Air et de la base aérienne117 de Paris, général de brigade, Jean-Claude Ichac a aussi été officier de liaison instructeur à Colorado Springs (Etats-Unis) et Attaché de l’air à l’ambassade de France à Washington.

 

 

 

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Publié le 16 Juin 2013

 

Départ pour la Grande Guerre

Août 1914 : des soldats du 5ème de ligne partent pour la guerre (Copyright www.centenaire.org ).

 

 

Jacques Vignaud, isséen, retraité, est ancien administrateur du collège Henri Matisse et du conservatoire de musique d’Issy-les-Moulineaux. Professionnellement, il a occupé de nombreuses fonctions dans l’industrie chimique puis dans des sociétés d’apprentissage des langues étrangères. Par ailleurs, il a été représentant de la France dans les institutions internationales des Auberges de Jeunesse.

 

L’un de ses amis lui a confié le carnet de route d’un aïeul, Poilu de la Grande Guerre, Louis Vincent. Voici le début de ce récit :

 

« C’est le samedi 1er août 1914 que sonnât la mobilisation générale, et je le sus qu’à 10 heures du soir, en sortant de travailler de la Société des mines d’or et de charbonnages de Chavaignac. Je fus saisi d’une profonde émotion, en apprenant que la mobilisation générale avait éclaté.

 

Mais je finis par me rendre fort, et me dire en moi-même que j’accomplirai mon devoir de vaillant Français. Etant de la classe 14, et qu’on avait passé le conseil de révision depuis quatre mois, je m’attendais à être appelé de suite. J’attendais ma feuille de route avec impatience. Tellement que tous les soirs à 4 heures, j’allais à la gare avec deux intimes camarades de ma classe, attendre le courrier pour savoir si notre feuille de route n’était pas arrivée. Mais elle n’arrivait jamais, et on s’en retournait en se disant que peut-être elle arriverait le lendemain. Et le 4 septembre, je reçus ma feuille si attendue. Je devais rejoindre le 75ème RI à Romans, immédiatement et sans délai : aussi dès le lendemain je partis pour Romans.

 

J’arrivai à la caserne à 11 heures du soir, mais en rentrant on poste on me dit qu’ils n’ont pas de place pour me faire coucher. Je ressortis pour aller coucher en ville et je revins le lendemain matin. Ils me trouvèrent de la place et je ne tardai pas à être habillé en militaire. Je restai en en caserne jusqu’au 18 septembre et le lendemain, à 4 heures du matin, nous partîmes sac au dos au camp de Chambaran, dans le département de l’Isère, à 50 kilomètres de là. Nous y fîmes nos classes qui ne furent pas trop longues. Je commençais à trouver que je n’étais pas si bien qu’en caserne. A Romans, je couchais dans un lit, tandis qu’au camp de Chambaran nous couchions sous des marabouts et sur la terre que je trouvais bien dure. Mais encore, ce n’était à proportion de ce que j’ai souffert plus tard sur le front.

 

Le 4 novembre 1914, nous quittâmes le camp en chemin de fer pour rentrer à notre dépôt puis nous fûmes dirigés vers le front. Le 7 novembre, à 4 heures de l’après-midi, le commandant passa dans les rangs et demanda tous ceux qui étaient volontaires pour partir sur le front. Moi, je fus du nombre pour aller aider à chasser ces vulgaires Prussiens. Et le lendemain, à 8 heures, nous partîmes en détachement de 300 à la frontière, pour la direction des Boches. Le 11 novembre, on débarqua à Guillaucourt, dans le département de la Somme. De là, on partit sac au dos pour aller cantonner à Vauvillers, qui se trouvait à 15 kilomètres du front.

 

Je dis qu’on avait cantonné au village, mais ce n’était plus vraiment un village : il ne restait presque plus une maison debout… ».

 

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